La médecine, surtout la médecine par les plantes, a beaucoup évolué au cours des siècles, pour devenir une médecine plus rationnelle. La maîtrise des principes actifs des plantes, de leurs propriétés, de leur mode d’action, de leurs effets bénéfiques et néfastes est un tournant assez récent dans l’histoire de la médecine par les plantes. En effet, la première étude scientfiquement valable d’une plante médicinale, remonte au XIXe sciècle avec l’isolement de la morphine de l’opium du pavot (Duraffourd et al., 1997). Depuis lors, plusieurs travaux se sont consacrés aux vertus des plantes, notamment à la recherche de molécules bio actives à même de combattre certaines maladies qui constituent encore des fléaux pour l’humanité. Ces travaux ont permis la mise sur le marché de médicaments à base de plantes. Environ 25% des produits pharmaceutiques disponibles dans les officines, dans les pays développés, sont à base de plantes (Farnsworth, 1985). La richesse de la biodiversité végétale implique une diversité de métabolites secondaires synthétisés par les plantes, ce qui augmente la chance de découvrir de nouveaux produits chimiques, donc des propriétés pharmacologiques nouvelles. Cependant sur environ 300 000 à 500 000 espèces végétales décrites, seul un faible pourcentage a été étudié (Principe, 1989). Ceci montre tout l’intérêt qui doit être accordé au Tiers Monde, puisqu’il héberge à lui seul l’essentiel de la flore mondiale.
Cette générosité de la nature couplée à une situation sanitaire peu reluisante, avec des indicateurs de santé pour l’essentiel très en deçà des normes établies par l’OMS, viennent accentuer la pression exercée sur les ressources végétales. En Afrique, les plantes constituent l’essentiel de l’arsenal thérapeutique à disposition des tradithérapeutes qui soignent près de 80% de la population. Parmi ces plantes figure Zanthoxylum zanthoxyloides Lam (Rutaceae), plante qui pousse spontanément en Afrique tropicale, et de préférence sur les sols frais et humides. Cette plante bien connue des tradithérapeutes, est utilisée traditionnellement pour soigner les crises drépanocytaires, en empêchant l’hémolyse des hématies (Sofowora, 1971). Elle est bien utilisée au Sénégal pour calmer les douleurs dentaires et comme cure-dents. Certaines populations lui reconnaissent un pouvoir parasiticide interne et externe (Kerharo et Adam, 1974).
La littérature scientifique relative à ses propriétés pharmacologiques est très riche et variée et certains des travaux ont abouti à la fabrication de médicaments à base de la plante, utilisables dans les soins de santé primaire, conformément aux recommandations de l’organisation mondiale de la santé (Guissou, 1990). Les propriétés remarquables sont les activités antidrépanocytaire, antibactérienne, anti-inflammatoire, analgésique. On reconnait également à cette plante bien d’autres vertus dont les activités antioxydante (Chaaib et al., 2003), antileucémique (Messmer et al., 1972), etc.
SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE SUR ZANTHOXYLUM ZANTHOXYLOIDES (LAM.) ZEPERNICK ET TIMLER
REPARTITION GEOGRAPHIQUE ET HABITAT
Zanthoxylum zanthoxyloïdes (Lam.) Zepernick et Timler appartient à la famille des Rutacées. Elle est mieux connue sous le nom de Fagara. Elle est assez commune aux régions soudano-guinéennes de l’Afrique de l’Ouest (Kerharo et Bouquet, 1950). C’est une espèce caractéristique des savanes africaines, cependant elle est retrouvée dans les régions côtières et bushs littoraux côtiers (Elu-Natey et Balet, 2012). Son aire de distribution va jusqu’à la limite septentrionale de la forêt, en passant de la forme arbustive sur terrain sec et découvert à la forme liane épineuse dans les bosquets et galeries forestières, sur les sols drainés et les termitières (Pharmacopée africaine,1985 ; Kerharo et Bouquet, 1950). En Afrique, cette essence pousse spontanément et préférentiellement sur les sols frais et humides. On la rencontre au Sénégal dans les taillis de la Casamance maritime et suit les parties côtières jusqu’aux environs de la presqu’île du Cap vert, près des niayes (Kerharo et Adam, 1974). Au niveau continental, l’espèce est connue un peu partout en Afrique occidentale, notamment au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali, au Togo, etc. (Eklu-Natey et Balet, 2012).
SYSTEMATIQUE DE L’ESPECE
Considérations sur la classification des Rutaceae
La famille des Rutaceae doit son nom à un arbuste très aromatique, la rue qui est depuis des siècles, cultivée comme plante médicinale. C’est une famille d’environ 1 500 espèces réparties dans 150 genres (Cronquist, 1988) fréquemment rencontrées dans les régions tropicales et tempérées chaudes du globe terrestre (Heywood, 1996). Cette famille regroupe des espèces d’une grande importance sur les plans alimentaire et thérapeutique. En raison de cet intérêt, plusieurs sont cultivées (agrumes). En parcourant la littérature, l’on se rend compte que la classification des Rutaceae a été un sujet à polémique entre systématiciens. Engler (1931) considérait que les Rutaceae appartenaient au sous-ordre des Rutineae qu’il scinda en sept sous-familles et treize tribus, d’après la nature du fruit et la genèse de l’appareil sécréteur . Moore (1939) souligna des variations morphologiques de l’appareil floral au sein des sous-familles et tribus des Rutaceae. Il suggère sur la base de ces observations, que la classification d’Engler n’était pas satisfaisante. Les idées de Moore (1939) furent confirmées par Das Graças et al (1988) qui travaillèrent sur les caractères botaniques, la caractérisation des métabolites secondaires et la distribution géographique des Rutaceae. Ces auteurs arrivèrent à la conclusion selon laquelle le genre Zanthoxylum présente des caractères floraux et des métabolites secondaires primitifs par rapport aux autres genres de la tribu des Zanthoxyleae. Le passage du périanthe double à un périanthe simple par avortement de sépales ainsi que le passage des alcaloïdes à noyau benzylisoquinoline présents chez Zanthoxylum aux alcaloïdes dérivant de l’acide anthranilique et la présence des limonoïdes et des coumarines dans les autres sous-familles et tribus des Rutaceae, ont milité pour une révision du système englerien.
Cronquist (1988) quant à lui, plaça la famille dans l’ordre des Sapindales dont les Sapindaceae et les Rutaceae à elles seules, regroupent plus de la moitié des espèces .
Heywood ayant subdivisé cette famille en quatre sous-familles , considérait les genres Zanthoxylum et Fagara comme deux genres différents, contrairement à Hartley qui les regroupa sous le nom de Zanthoxylum (Fish et Waterman, 1973).
Considérations sur la classification du genre Zanthoxylum
Zanthoxylum vient du grec xanthon xylon qui signifie « bois jaune » par allusion à la couleur jaune constatée au niveau de la section des tiges de la plante. C’est Linné qui, en 1757, a créé ce genre qui a été confondu avec le genre Fagara. Par la suite, Engler en 1896, sépara ces deux genres à partir des caractères suivants : les espèces du genre Zanthoxylum présentent un périanthe simple alors que celui des espèces du genre Fagara est double. Plus tard, Brizicky (1962), à partir de la découverte d’espèces à périanthe intermédiaire entre celui de Zanthoxylum et celui de Fagara, démontra que le périanthe simple de Zanthoxylum dérivait de celui de Fagara par avortement plus ou moins complet des sépales. Il conclut alors que Fagara est un sousgenre de Zanthoxylum.
Il a fallu attendre 1966 pour voir Hatley regrouper ces deux genres sous le genre de Zanthoxylum (Fish et Waterman, 1973), travail d’ailleurs confirmé par Zepernick et Timler en 1981. C’est sous cette dernière appellation que ce genre a été répertorié dans « International Index of Plant Names ». Le nom Fagara continue encore d’être utilisé. Le genre Zanthoxylum est riche d’environ 250 espèces dont environ 80 espèces sont africaines (Schatz, 2001) et une trentaine répertoriée en Afrique tropicale (Lebrun et Stork, 1992).
DESCRIPTION BOTANIQUE DE LA PLANTE
– Port :
C’est un arbuste sarmenteux ou petit arbre glabre de 6 à 7 m de haut, ramifié près de la base. Les branches portent de nombreuses épines robustes et crochues. Tous les organes de la plante dégagent quand on les froisse une odeur très aromatique, poivrée citronnée (Aubréville, 1959 ; Eklu –Natey et Balet, 2012) .
– La tige :
L’écorce de la tige est grise à beige, rugueuse et finement fissurée verticalement, portant souvent des protubérances coniques correspondant à la base des épines. La tranche de la tige est jaune et odorante. Les rameaux sont gris, parfois plus ou moins lenticellés et épineux. Les épines sont solitaires, disposés irrégulièrement le long de la tige, sur les branches, les rameaux, sous les pétioles, sur les rachis et parfois sur les nervures principales des folioles (Arbonnier 2002).
– La racine :
Les racines mesurent 2 à 4 cm de diamètre avec un bois jaune de texture compacte. L’écorce de la racine est peu épaisse et sa surface externe est brun clair, striée longitudinalement (Pousset, 1989) .
– Les feuilles :
Les feuilles sont alternes, imparipennées, glabres avec 3 à 5 paires de folioles opposées ou alternes, obovales ou elliptiques de 5 à 10 cm de long sur 2 à 4 cm de large. Ces folioles sont arrondies ou parfois émarginées au sommet, non acuminées, cunéiformes à la base et coriaces. On note la présence de nombreux points translucides au niveau du limbe (Aubréville, 1959 ; Arbonnier, 2002 ; Fortin et al, 1990). Le pétiole est long de 10 à 15 cm, épineux dessous et les pétiolules de 2 à 5 mm. La nervation des folioles est pennée et la nervure principale porte parfois des épines (Arbonnier, 2002) .
– Les inflorescences :
Ce sont des panicules lâches terminales ou disposées à la base des feuilles, de 5 à 25 cm de long, composées de petites fleurs parfumées (Arbonnier, 2002) .
– Les fleurs :
Elles sont de couleur blanche ou verdâtre, avec une corolle à 5 pétales qui s’ouvrent peu et d’où dépassent un peu les étamines (Arbonnier, 2002).
– Le fruit :
C’est une capsule déhiscente globuleuse, de 5 à 6 mm de diamètre, de couleur brune à maturité. Cette capsule s’ouvre en deux valves qui laissent apparaître une graine brillante noire ou bleutée. (Fortin et al, 1990 ; Arbonnier, 2002) .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
OBJECTIFS DE L’ETUDE
1-Objectif général
2- Objectifs spécifiques
CHAPITRE 2 : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
A-SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE SUR ZANTHOXYLUM ZANTHOXYLOIDES (LAM.) ZEPERNICK ET TIMLER
I-REPARTITION GEOGRAPHIQUE ET HABITAT
II-SYSTEMATIQUE DE L’ESPECE
1-Considérations sur la classification des Rutaceae
2- Considérations sur la classification du genre Zanthoxylum
III-DESCRIPTION BOTANIQUE DE LA PLANTE
IV-SYNTHESE DES TRAVAUX SUR LA CHIMIE DE LA PLANTE
1- Constituants chimiques des feuilles
2- Constituants chimiques des tiges
3- Constituants chimiques des fruits
4- Constituants chimiques des racines
V- USAGES EN MÉDECINE TRADITIONNELLE
1- L’emploi des feuilles
2- L’emploi des racines
3- L’emploi des tiges
VI- SYNTHÈSE DES TRAVAUX SUR LES ACTIVITÉS BIOLOGIQUES
1- Activité antidrépanocytaire
2- Activité antimicrobienne
3- Activité antifongique
4- Activité antioxydante
5- Activité antiparasitaire
6- Activité antitumorale
7- Activité molluscicidale
8- Activités anti-inflammatoire, analgésique et fébrifuge
9- Autres activités
10-Données toxicologiques
B- SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LES PATHOLOGIES CIBLEES PAR L’ETUDE D’ACTIVITE BIOLOGIQUE
I-LA DREPANOCYTOSE
1- Définition
2- Physiopathologie de la drépanocytose
3- Manifestations cliniques
4- Diagnostic biologique de la drépanocytose
4-1-Numération de la formule sanguine (NFS)
4-2-Le test de Emmel ou test de falciformation
4-3-Le test d’Itano ou test de solubilité
4-4-L’électrophorèse de l’hémoglobine
4-5-Isofocalisation électrique
5-Principes de la prise en charge de la drépanocytose
II-L’INFLAMMATION
1- Définition
2- Physiopathologie de la réaction inflammatoire
2-1-Les phases de la réaction inflammatoire
2-2- Les médiateurs de la réaction inflammatoire
2-2-1-Les systèmes d’activation plasmatiques
2-2-2- Les médiateurs cellulaires
3-Principes du traitement de l’inflammation
3-1- Les corticoïdes
3-2-Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
3-3-Les anti-leucotriènes
3-4-Les inhibiteurs des cytokines pro-inflammatoires
4-Modèles d’étude des anti-inflammatoires
III-LA DOULEUR
1- Définition
2- Bases physiopathologiques de la douleur
3- Les types de douleur
3-1-Douleur aiguë / douleur chronique
3-2-Excès de nociception / douleur neuropathique
4- Principes de la prise en charge de la douleur
4-1- Les antalgiques de niveau 1
4-2- Les antalgiques de niveau 2
4-3- Les antalgiques de niveau 3
5-Modèles d’études des antalgiques
CHAPITRE 3 : ETUDE EXPERIMENTALE
I-CADRE DE L’ETUDE DE CARACTERISATION DE L’ESPECE : LA COMMUNAUTE RURALE D’ENAMPORE (CRE)
1- Cadre physique
1-1- Situation géographique
1-2- Climat, végétation et hydrographie
1-3- Relief et sols
2- Cadre humain
2-1-Population
2-2-Mouvement de la population
2-3-Localités
3- Activités économiques
3-1-L’agriculture
3-2-L’élevage
3-3- La pêche
3-4-Le commerce
4- Situation sanitaire
II-MATERIEL ET METHODES
A-CARACTERISTIQUES DE ZANTHOXYLUM ZANTHOXYLOIDES DANS LE LE BOIS SACRE D’EBAŋULEN
1- Inventaire des individus de Z. zanthoxyloides sur le site
2- Inventaire des jeunes individus
3- Etude de la floraison et de la fructification de l’espèce
B-SCREENING PHYTOCHIMIQUE
1- Récolte des échantillons
2- Obtention des extraits
3- Méthodes de caractérisation des alcaloïdes dans les extraits hydroalcooliques
4- Méthodes de caractérisation des tanins dans les extraits hydroalcooliques
5- Méthodes de caractérisation des flavonoïdes dans les extraits
6- Méthodes de mise en évidence des saponosides dans les extraits
7- Méthodes de caractérisation des hétérosides anthracéniques
8- Méthodes de caractérisation des hétérosides cardiotoniques
C-SCREENING PHYTOPHARMACOLOGIQUE
1- Méthode d’étude de l’activité antidrépanocytaire
1-1- Le matériel biologique
1-2- Prélèvement et traitement du sang
1-3-Numération sanguine
1-4-Electrophorèse de l’hémoglobine
1-5-Essais sur la falciformation des globules rouges
2- Méthode d’étude de l’activité anti-inflammatoire
2-1-Matériel animal
2-2-Instruments et appareils
2-3- Solutions utilisées
2-4-Protocole expérimental
2-4-1- Mode opératoire
2-4-2-Mise en œuvre
3- Méthode d’étude de l’activité analgésique
3-1- Matériel animal
3-2- Instruments et appareils
3-3-Solutions utilisées
3-4- Protocole expérimental
II-RESULTATS
A-RESULTATS DE L’ETUDE DE LA REGENERATION NATURELLE
1- Résultats de l’inventaire des individus adultes de Z. zanthoxyloïdes
2- Résultats de l’inventaire des jeunes individus
3- Résultats de l’étude de la floraison et de la fructification
3-1- Données sur la floraison
3-2- Données sur la fructification
B-RESULTATS DU SCREENING PHYTOCHMIQUE
1- Expression du rendement de l’extraction
2- Résultats des essais de caractérisation des groupes chimiques
C-RESULTATS DU SCREENING PHYTOPHARMACOLOGIQUE
1- Résultats de la recherche de l’activité antidrépanocytaire
1-1-Résultats de l’hémogramme
1-2-Résultats de l’électrophorèse de l’hémoglobine
1-3-Résultats des tests de falciformation des hématies
2- Résultats de l’étude de l’activité anti-inflammatoire
2-1- Induction de l’œdème aigu chez des rats Wistar après administration de l’eau physiologique 9 ‰
2-2- Prévention de l’œdème inflammatoire à la carraghénine par l’acide acétylsalicylique à la dose de 100 mg/kg
2-3- Effet anti-inflammatoire de l’extrait hydroalcoolique sur l’œdème aigu à la carraghénine
3- Résultats de l’étude de l’activité analgésique
3-1- Induction de la douleur chez des souris « SWISS » après administration de l’eau physiologique
3-2- Prévention de la douleur induite par l’acide acétique par administration d’acide acétyl salicylique à la dose de 100 mg/kg
3-3- Effet analgésique de l’ extrait hydroalcoolique sur la douleur à l’acide acétique
III-DISCUSSION
1- Etude de la régénération naturelle
2- Screening phytochimique
3- Action antidrépanocytaire
4- Action anti-inflammatoire
5- Action antalgique
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES