Vulnérabilité énergétique et développement durable comme moteurs de la maîtrise de l’énergie

 Situation de vulnérabilité énergétique

La demande énergétique en Tunisie est en croissance constante, et le niveau de consommation en 2010 était d’environ 8200 Ktep (kilotonnes équivalent pétrole). Une urbanisation croissante, l’accélération de la croissance économique, ainsi que la croissance démographique (faible, mais positive : taux d’accroissement naturel de 1,15 depuis 2000) constituent les principaux facteurs explicatifs de cette demande croissante (DHIEBI, 2011). Le niveau de cette demande énergétique a d’abord augmenté suite au développement de l’exploitation des énergies fossiles ; puis cette demande est devenue un véritable moteur de l’activité industrielle et économique du pays. Mais les ressources tunisiennes en énergies fossiles sont limitées ; les réserves de pétrole brut diminuent depuis les années 1980, et la part des produits pétroliers dans la consommation totale d’énergie primaire est en diminution constante depuis 20 ans, comme nous pouvons l’observer dans l’illustration ci dessous. La part du gaz naturel a quant à elle doublé, et est aujourd’hui plus importante que celle des produits pétroliers.

Quantitativement, les ressources énergétiques tunisiennes ont été suffisantes jusqu’en 2000 pour répondre à cette demande. Depuis 2000, le pays est dans une situation de déficit énergétique, ce qui implique une dépendance vis à vis des pays exportateurs de ressources énergétiques (desquels faisait partie la Tunisie avant 2000). Nous pouvons observer l’évolution de la balance énergétique tunisienne dans l’illustration ci-dessous.

Cette nouvelle dépendance énergétique envers certains pays exportateurs rend la Tunisie fragile, et oblige l’Etat à accorder une part importante de son budget à l’importation de produits énergétiques (pétrole brut, fioul lourd, et GPL). Le montant de ces dépenses dépend notamment de l’évolution du cours du baril de pétrole, qui a connu une hausse importante depuis 2005. En 2011, les ressources ont diminué de 10% par rapport à 2010, et l’écart entre demande et ressources a encore augmenté. L’Agence Nationale de Maîtrise de l’Energie (ANME) prévoit une multiplication par trois du niveau de la consommation d’énergie primaire à l’horizon 2030, si l’évolution de cette consommation se fait selon les tendances actuelles (ANME, 2011) ; à ce sujet, les objectifs sont d’arriver à une consommation de 40% inférieure à la tendance actuelle (environ 15 Mtep, au lieu des 25 Mtep modélisés). Les objectifs de la politique énergétique sont ambitieux, et ont pour finalité de pallier à un déficit énergétique croissant, qui fragilise l’équilibre économique du pays depuis dix ans.

Réponse politique : la maîtrise de l’énergie

L’Etat tunisien a donc pour volonté de maîtriser la consommation énergétique nationale. Cet objectif politique a officiellement deux finalités : diminuer les dépenses publiques relatives à l’énergie (à court et long terme), et favoriser une politique énergétique durable, c’est à dire respectueuse de l’environnement et non dépendante des importations de produits énergétiques.

-Cadre législatif, réglementaire et incitatif
Une loi relative à la maîtrise de l’énergie a été promulguée en 2004 pour soutenir les objectifs annoncés ; elle a ensuite été amendée en 2009 . Cette loi relative à la maîtrise de l’énergie met en place une série de mesures en faveur des secteurs industriel, tertiaire et résidentiel à propos de la réduction de la consommation énergétique. Les principales mesures sont la mise en place d’audits énergétiques pour les bâtiments collectifs – ayant pour objectif de faire diminuer les besoins de chauffage et de climatisation en incitant à une rénovation de l’enveloppe extérieure des bâtiments -, d’une réglementation thermique pour les nouvelles constructions avec une série de nouvelles normes architecturales, de la rationalisation de l’utilisation de l’énergie par la communication et l’information, de la possibilité d’auto production d’électricité à partir des énergies renouvelables – avec un droit de revente du surplus produit -, de la promotion des énergies renouvelables comme nouvelles formes de fourniture énergétique, et de la substitution de certaines formes d’énergies par le gaz naturel. Une panoplie de primes et d’incitations financières ou fiscales accompagne ces mesures, dont les applications dépendent de conditions précises, qui seraient trop longues à détailler ici.

De nouvelles manières de consommer l’énergie et donc de nouvelles techniques de fourniture sont ainsi proposées aux consommateurs : la promotion des énergies renouvelables se fait par le développement des chauffe-eaux solaires et des panneaux photovoltaïques ainsi que le développement d’un parc éolien, et la substitution par le gaz naturel est rendue possible grâce à l’installation d’une infrastructure de réseau, qui se déploie jusque dans les foyers. Nous reviendrons ultérieurement sur la combinaison de ces diverses formes de fourniture d’énergie. Un programme national de maîtrise de l’Energie (PNME) a été élaboré; il a été décliné en quatre programmes : le programme triennal de maîtrise de l’énergie (2005-2008), le programme quadriennal de maîtrise de l’énergie (2008-2011), le programme présidentiel (2009-2014) et le plan solaire Tunisien (2010-2016) (BAHRI, 2010). Ces composantes du PNME ont été élaborées pour reprendre les dispositions législatives et réaliser leur mise en œuvre ; ainsi, depuis 2005, un ensemble de mesures en faveur de la maîtrise de l’énergie a été déployé, mobilisant de nombreux acteurs.

-Premiers résultats
D’après les communications de l’ANME, ces mesures ont été efficaces dans le sens où elles auraient déjà permis de réduire la croissance de la demande d’énergie de 12% entre 2004 et 2009 (voir le graphique ci-dessous), rendre indépendants croissance économique et consommation énergétique, ainsi qu’améliorer l’intensité énergétique, de 0,41 en 1990 à 0,31 en 2010 (l’intensité énergétique correspond au rapport entre consommation d’énergie et produit intérieur brut ; plus elle est faible, moins le pays en question serait consommateur d’énergie) ; et donc atténuer les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dues à la consommation énergétique (ANME, 2011). Sur la période 2005-2009, l’économie en termes de consommation énergétique serait de 3 325 000 Tep, ce qui correspondrait à une économie budgétaire de 2700 millions de DT (BAHRI, 2010).

A l’examen des données disponibles, on s’aperçoit notamment que la consommation d’énergie primaire par habitant continue d’augmenter (de 0,55 tep/habitant en 1990, elle est aujourd’hui à 0,78 tep/habitant), mais cette hausse est logique, puisqu’elle est la conséquence de l’augmentation du niveau de vie. En ce qui concerne la croissance économique et la consommation énergétique, l’ANME avance que depuis 2000 les deux ne sont plus dépendantes l’une de l’autre. Or, si la croissance de la consommation d’énergie est moins élevée qu’avant et que le PIB continue d’augmenter de 5% par an, cela n’induit pas forcément une indépendance des deux phénomènes. Cependant, la croissance de la consommation énergétique est bien freinée. La promotion des énergies renouvelables, autre composante de la politique de maîtrise de l’énergie, reste pour l’instant très marginale. Si l’équipement en chauffe-eaux solaires a touché une part non négligeable de ménages tunisiens (490000m² de chauffe eau solaire étaient installés en 2010, contre 73 500m² en 2000), le solaire photovoltaïque a du mal à décoller, et la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables n’est pas significative par rapport à la production totale (1% de la production provient du parc éolien, et 2% de l’hydraulique (STEG, 2011b)). L’objectif affiché était d’arriver à 740 000m² de chauffe-eaux solaires installés à la fin 2011 (AFD, 2007), et atteindre 4% de la demande électrique nationale pour ce qui est de la production électrique par les énergies renouvelables (BAHRI, 2010). Force est de constater que ces objectifs concernant les énergies renouvelables n’ont pas été atteints.

L’émission de GES, si elle a doublé en 20 ans (28000 Kté CO2 (kilotonnes équivalent CO2) en 2009 contre 15 415 Kté CO2 en 1990 (ANME, op.cit.)), connaît un taux de croissance annuelle d’environ 2% depuis 2000, contre 4% avant 2000. L’engagement de l’Etat sur ce point, notamment via la substitution du pétrole par le gaz naturel, semble porteur de résultats. D’après les chiffres officiels, les mesures en faveur de la maîtrise de l’énergie auraient permis d’éviter l’émission de l’équivalent de 6 485 Kté CO2 sur l’ensemble de la période 2005-2010.

Les mesures en faveur de la maîtrise de l’énergie seraient donc efficaces, au regard des chiffres fournis par l’ANME, qui sont toutefois impossibles à vérifier (les chiffres communiqués avant 2011 sont à appréhender avec distance). Cependant, nous avons vu que l’écart entre ressources et demande énergétique s’est encore amplifié en 2011. La structure de la consommation énergétique n’est pas radicalement modifiée, et le poids des énergies renouvelables reste marginal. Si des avancées en termes de maîtrise de l’énergie nous semblent effectives, nous nous garderons de parler de transition énergétique.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE / LA TUNISIE VERS LA MAITRISE DE SA CONSOMMATION ENERGETIQUE
I-A/ Vulnérabilité énergétique et développement durable comme moteurs de la maîtrise de l’énergie
I-B/ La substitution par le gaz naturel : véritable enjeu environnemental, ou simple objectif économique ?
I-C/ Gestion du réseau de gaz naturel : une lecture par le champ des services urbains en réseau
PARTIE II/ TERRITORIALISATION DU RESEAU DE GAZ A SFAX : LES DISPARITES SOCIO-SPATIALES SFAXIENNES REVELEES PAR CE NOUVEAU SERVICE
II-A/ Développement de l’infrastructure de transport et de distribution de gaz naturel : une discrimination spatiale ?
II-B/ Accès contractuel au réseau : une situation inéquitable qui révèle les disparités, sans pour autant fragmenter le territoire
PARTIE III/ LA MAITRISE DE L’ENERGIE, UNE POLITIQUE APPLIQUEE SANS VISION INTEGREE NI GLOBALISANTE
III-A/ Echec de la substitution du GPL : un conflit d’intérêts mobilisant de nombreux acteurs, l’Etat au centre du tiraillement
III-B/ Concurrence énergétique et exclusion sociale : la maîtrise de l’énergie au révélateur des usages urbains
III-C/ L’échelon métropolitain quasi absent de la politique énergétique
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
ANNEXES

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