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ENJEUX ET PROBLEMATIQUE, ETAT DE L’ART
Dans les régions méditerranéennes, une intensification des contrastes saisonniers (sécheresses, précipitations extrêmes) est observée au cours du dernier siècle. Comme partout dans le monde, la température est en hausse [IPCC, 2007] et ce sur les valeurs moyennes comme sur les valeurs extrêmes [Kuglitsch et al, 2010], [Hertig et al, 2010]. Des tendances variables à la baisse des précipitations ont été détectées à l’échelle saisonnière et annuelle sur la bordure méditerranéenne espagnole [De Luis et al, 2009], [Gonzales et al, 2009], [Lespinas et al, 2010]. La situation future prévue par les modèles couplés de circulation générale atmosphère océan (MCGAO), indique une intensification du réchauffement observé. Pour les précipitations, les prévisions ont évolué au cours des 10 dernières années. Alors que le 3ème rapport du GIEC [IPCC, 2001] prévoyait des hivers plus humides malgré une saison des pluies plus courte [Gibelin and Déqué, 2003], [Rowell, 2005],[Wang, 2005], [Planton et al, 2005], le 4ème rapport [IPCC, 2007] prévoit une diminution généralisée sur l’année des précipitations [Giorgi and Lionello, 2008], [Mariotti et al, 2008] et définit la région méditerranéen comme un « hot spot » du changement climatique [IPCC, 2007]. Cette évolution peut se traduire par un déficit d’écoulement dans les rivières, assorti de périodes d’étiage plus longues et d’une réduction de la recharge des aquifères [Etchevers et al, 2002], [Leblois, 2002], [Ducharne et al, 2003], [Alcamo et al, 2007], [Caballero et al, 2007], [Ducharne et al, 2007], [Elshamy et al, 2008], [Ardoin-Bardin et al, 2009], [Boé et al, 2009], [Candela et al, 2009], [Carter and Parker, 2009], [Gerbaux et al, 2009], [Giannakopoulos et al, 2009], [Kundzewicz and Döll, 2009], [MacDonald et al, 2009], [Lespinas et al, 2010]. Les aquifères peuvent contribuer à limiter les impacts du changement climatique sur la ressource en eau en période d’étiage, du fait de leur inertie et de leur soutien aux écoulements [Arnell, 1999], [Loaiciga et al, 2000], [Roy et al, 2001], [Morin and Slivitzky, 2002], [Miller et al, 2003], [Drogue et al, 2004], [Scibek and Allen, 2006], [Ducharne et al, 2007], [Goderniaux et al, 2009].
Parallèlement à l’évolution du climat, la pression des activités anthropiques sur le milieu naturel méditerranéen augmente rapidement. L’accroissement démographique, qui se traduit par une intensification de l’urbanisation dans les zones littorales, aggrave le déficit structurel de la région méditerranéenne en termes de ressource en eau [Döll, 2009]. Les prélèvements résultants concernent essentiellement l’alimentation en eau potable (AEP) et l’agriculture, dans un contexte où les ressources en eau exploitables sont souvent moins abondantes que les ressources en eau potentielles [Iglesias et al, 2007]. Dans les décennies à venir, le niveau de rareté de l’eau et l’intensité des conflits liés à son partage dépendront donc à la fois de l’évolution des prélèvements et du climat. L’évolution des prélèvements dans le futur est associée à de nombreuses incertitudes, notamment dans le secteur agricole. En effet, si la croissance démographique peut être considérée comme une tendance lourde, l’évolution de l’agriculture irriguée est beaucoup plus incertaine (risques économiques, contraintes réglementaires de plus en plus fortes, politique agricole européenne à l’avenir incertain,…). Les organismes en charge de la gestion de la ressource en eau (du type des « SAGE » existants en France) commencent à étudier les stratégies d’adaptation qui leur permettraient d’anticiper les situations futures [Iglesias et al, 2007]. Or, il est possible que les impacts de la situation socio-économique future sur la ressource en eau soient aussi importants que ceux liés aux climat, même si leurs caractéristiques risquent d’être différentes [Alcamo et al, 2003], [Arnell et al, 2004]. Il est donc nécessaire de les étudier et de les comparer et de caractériser les incertitudes qui leur sont associés, pour proposer une expertise robuste de l’état futur de la ressource en eau sur un territoire donné [Holman, 2006]. Dans cette optique, des méthodes commencent à être proposées pour hiérarchiser les stratégies d’adaptation ou pour construire des scénarios prospectifs, mais cela est fait à des échelles trop grandes pour être directement utiles à des gestionnaires [Alcamo et al, 2007], [de Fraiture and Wichelns, 2010], ou sur des contextes différents de ceux observés en région méditerranéenne [Henriques et al, 2008], [Holman and Harman, 2008], [Hall and Murphy, 2010].
Le projet VULCAIN s’est donc attaché à développer une réflexion méthodologique sur l’étude et la comparaison des impacts du changement climatique et socio-économique sur les ressources en eau (de surface et souterraines) en contexte méditerranéen. Le département des Pyrénées Orientales a été choisi comme zone d’étude (Figure 1) car il présente un ensemble d’hydrosystèmes et une situation en termes de gestion de la ressource en eau qui peuvent être considérés comme représentatifs du contexte méditerranéen. Il s’agit de trois bassins versants (Agly, Têt et Tech) de taille moyenne (de l’ordre de 1 000 km²), qui alimentent un bassin littoral constitué d’aquifères de type alluvial et multicouche captif (aquifères plioquaternaires de la Plaine du Roussillon – 1 000 km²), fortement exploités. Sur ces hydrosystèmes, les relations entre eau de surface et eau souterraine sont mal connues et les processus hydrologiques naturels sont perturbés par les aménagements hydrauliques (barrages, canaux) utilisés pour la gestion de la ressource et les prélèvements. La gestion de la ressource est caractérisée par une demande en eau potable en forte hausse (en lien avec l’accroissement démographique), qui impacte sévèrement des ressources en eau souterraine soumises au risque d’intrusion saline. La demande en eau d’irrigation semble aussi augmenter, mais son évolution reste très incertaine et fortement dépendante de l’évolution de l’environnement économique et réglementaire du secteur. Enfin, l’organisation spatiale des hydrosystèmes et des structures de gestion de l’eau en présence font que cette zone d’étude est pratiquement indépendante du point de vue de ces ressources en eau, ce qui permet une comparaison des impacts des changements climatiques et socio-économiques à des échelles spatiales et temporelles communes.
APPROCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
La Figure 1 présente de manière synthétique la méthode de travail adoptée. Le cadre climatique actuel a d’abord été décrit sur la zone d’étude au travers d’un travail de détection de non-stationnarités (test de Mann-Kendall) appliqué sur les chroniques de températures moyennes, d’évapotranspiration potentielle (ETP) et de précipitation observées (données des stations météorologiques et données SAFRAN [Quintana Seguí et al, 2009] des 35 dernières années [Chaouche et al, 2010] – Annexe 1.
En parallèle, le générateur stochastique Tempo [Pinault et al, 2001] a été calé sur les chroniques de température et de précipitation annuelles et mensuelles pour générer des scénarios climatiques à très court terme, alternatifs à ceux issus des modèles de climat et intégrant les non-stationnarités détectées au cours du temps présent.
Ensuite, les prélèvements pour l’AEP et l’agriculture ont été déterminés sur chaque hydrosystème, pour la période comprise entre 1999 et 2007 [Terrasson et al. (2010] – Annexe 3, sur tous les sous-bassins définis sur la zone d’étude et l’ensemble de la plaine du Roussillon (Figure 1). Des modèles d’estimation de la demande en eau pour l’AEP et pour l’agriculture ont été construits [Terrasson et al. 2010] et [Terrasson et al. 2011] – Annexe 4) pour 1) estimer la part du prélèvement qui retourne dans les cours d’eau ou les aquifères et 2) calculer la demande en eau future à partir des scénarios socio-économiques prospectifs construits au travers d’ateliers associant les acteurs du territoire [Terrasson et al. 2011], [Maton et al. 2011] – Annexe 5 et [Rinaudo et al. 2011] – Annexe 6.
Une fois les débits « naturalisés » (débit observé + demande en eau pour l’AEP et l’agriculture), ils ont été reproduits à l’aide de l’outil Tempo sur la période 1980-2000. La modélisation sur le bassin versant de l’Agly est décrite dans [Ladouche et al. 2011] – Annexe 7, celle sur le bassin versant du Tech est décrite dans [Caballero et al. 2011] – Annexe 9. La modélisation sur le bassin versant de la Têt n’a pas pu être menée à son terme, faute de moyens et de temps.
Les connaissances sur la structure géométrique et les caractéristiques hydrodynamiques des aquifères plioquaternaires étant insuffisantes pour permettre la construction d’un modèle hydrodynamique, des modélisations ponctuelles de la piézométrie ont été réalisées en intégrant les prélèvements à l’aide de Tempo [Ladouche et Caballero, 2011] – Annexe 8.
Les modèles hydrologiques et hydrogéologiques calés et validés au temps présent ont ensuite été soumis à 5 scénarios de changement climatique [Martin et Salas, 2009] – Annexe 2. Ces scénarios ont été construits en utilisant la méthode des perturbations [Xue et al, 1991], [Déqué, 2007] pour les périodes 2020-40 (court terme) et 2040-60 (moyen terme), à partir des MCGAO les plus performants sur la zone d’étude (CNRM-CM3, HadGEM1, IPSL-CM4, MPI-ECHAM5, NCAR-CCSM3.0) et pour le scénario d’émission A1B. Les anomalies moyennes mensuelles obtenues entre présent et futur ont été appliquées sur la grille de 8×8 km de SAFRAN (Martin et Salas, 2009). L’impact des scénarios climatiques sur les débits des cours d’eau Agly [Ladouche et Caballero, 2011] et Tech [Caballero et al., 2011] et sur les niveaux piézométriques dans l’aquifère plioquaternaire [Ladouche et Caballero, 2011] a ainsi pu être déterminé.
Pour finir, la vulnérabilité de la zone d’étude au changement global a été caractérisée au travers d’un bilan global comparant aux différents horizons temporels, la ressource disponible et la demande en eau. Cette caractérisation a été détaillée sur le bassin versant du Tech [Caballero et al. 2011], en considérant la ressource en eau effectivement disponible, c’est-à-dire, en prenant en compte la nécessité de maintenir dans les cours d’eau un débit minimal permettant d’assurer la survie de l’écosystème aquatique [Acreman and Dunbar, 2004].
RESULTATS OBTENUS
NON-STATIONNARITES DU CLIMAT PRESENT
Des augmentations significatives ont été détectées sur les températures moyennes annuelles (de l’ordre de +1,1°C à +1,8°C) entre 1970 et 2006, plus marquées près du littoral qu’en montagne. Une évolution similaire est observée pour l’ETP moyenne annuelle (entre +34 mm et +150 mm entre 1970 et 2006, sur le nord et le nord-ouest). Aucune évolution n’a été observée sur les précipitations annuelles, ni sur la longueur des périodes sèches.
Les résultats à l’échelle mensuelle sont plus hétérogènes. Seules les températures des mois de mars à aout présentent des hausses statistiquement significatives. Les augmentations de l’ETP mensuelle, ne sont pas totalement corrélées à celles des températures, probablement parce que la relation de Penman-Monteith utilisée se base aussi sur l’humidité relative, le rayonnement solaire et la vitesse du vent. Pour les précipitations, des tendances à la diminution en Juin et à l’augmentation en Novembre ont été détectées. Ces résultats sont cohérents avec d’autres études [Moisselin et al, 2002], [Gonzales et al, 2009], [De Luis et al, 2009], [Lespinas et al, 2010], [Vidal et al, 2010]. Cependant, la variabilité saisonnière [Ludwig et al, 2004] sur le bassin de la Têt n’a pas été retrouvée. Tous ces résultats sont détaillés dans [Chaouche et al, 2010].
LES SCENARIOS CLIMATIQUES FUTURS
Le générateur calé sur les chroniques des 35 dernières années n’a pas été capable de reproduire les non-stationnarités à l’échelle mensuelle. Ses fonctions caractéristiques sont en effet conçues pour reproduire des comportements saisonniers et annuels. L’idée de l’utiliser pour reproduire des scénarios futurs intégrant des non-stationnarités détectées sur certains mois seulement a donc dû être abandonnée. Les scenarios climatiques issus des MCGAO choisis prévoient une augmentation de température (entre +1.0°C et +1.8 °C en moyenne multi-modèle) à court terme, qui s’intensifie à moyen terme en valeur moyenne (entre +1.7°C and +3.3°C en moyenne multi-modèle) et en variabilité inter-saisonnière [Caballero et al., 2011]. Aucune évolution de la précipitation n’apparaît à court terme (entre -10.9% to +10.5% par rapport au présent, en moyenne multi-modèle) alors qu’une décroissance modérée (de -2.1% à -21.9% en moyenne multi-modèle) est prévue à moyen terme. Ces résultats sont relativement cohérents avec d’autres résultats obtenues sur le pourtour méditerranéen [Giorgi and Lionello, 2008], [Mariotti et al, 2008], [Giannakopoulos et al, 2009], [Lopez-Moreno et al, 2009]. Ces projections sont associées à des incertitudes qui sont plus importantes pour les précipitations que pour les températures, pour l’été que pour l’hiver et pour le moyen terme que pour le court terme. Ces résultats sont présentés dans [Martin et Salas, 2009].
DEMANDE EN EAU POTABLE ET AGRICOLE PRESENTE ET FUTURE
L’évolution future de la demande en eau potable a été estimée pour trois scénarios de développement démographique et économique contrastés. Le cadrage démographique de chaque scénario est complété par des hypothèses relatives à l’urbanisme, à l’activité touristique, aux pratiques de consommation des usagers et au rendement des réseaux d’eau potable. Une description narrative a permis leur appropriation par les acteurs. Une relative sensibilité de la demande en eau potable aux différentes hypothèses apparaît, la demande annuelle à court terme variant entre 51 et 68 millions de m3 par an, contre 55 actuellement. Ces résultats sont présentés dans Terrasson et al (2010, 2011). Les ateliers de prospective organisés avec des experts et des agriculteurs font émerger deux scénarios contrastés pour l’agriculture future, correspondant respectivement à un déclin (scenario 1) et à une restructuration dynamique autour d’un projet régional reposant sur le développement d’une agriculture « haute-performance environnementale » (scenario 3+4). Le scénario 1 conduit à une stabilisation de la demande en eau, la baisse des surfaces en fruits et légumes étant compensée par une hausse des surfaces de vigne irriguées. Le scénario 3+4 conduit à une augmentation très significative des besoins en eau d’irrigation (+44% en volume annuel), avec une très forte hausse des besoins en étiage (+50% de juillet à septembre), susceptible de générer des conflits (Figure 2). Ces résultats sont présentés dans [Rinaudo et al. 2011].
IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LES RESSOURCES EN EAU DE SURFACE
Des réductions des débits moyens de l’ordre de 0.5 à 1 m3/s (-10 à -20 % par rapport au présent, au printemps et en automne) et une diminution du signal de fonte des neiges au printemps, sont observées à court terme sur le Tech et l’Agly. A moyen terme, la réduction est de l’ordre de 1 à 2 m 3/s (-20 à -40% toute l’année). Le soutien des aquifères alluviaux permet de limiter la diminution des écoulements en fin d’étiage. L’incertitude associée à ces résultats est forte en hiver. Seules les diminutions des débits entre le printemps et l’été sont statistiquement significatives (test de Student-Fischer). La présence de la retenue sur l’Agly permet de limiter l’impact des scénarios climatiques pendant l’étiage. Les débits d’infiltration au niveau des pertes diminuent (de l’ordre de 10% à court-terme et de 20 % à moyen-terme) dans une proportion moindre que celle des débits. L’impact sur la recharge de l’aquifère karstique des Corbières est donc moindre que celui sur les débits des cours d’eau (Figure 3). Ces résultats sont présentés dans [Ladouche et al. 2011] et [Caballero et al. 2001]
IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’AQUIFERE PLIO-QUATERNAIRE
L’évolution piézométrique est contrôlée à parts égales par la recharge et par les prélèvements. L’impact des prélèvements se traduit par une influence interannuelle qui contrôle la tendance à la baisse de la piézométrie à long terme et par une influence saisonnière, qui contrôle le comportement estival. L’influence de la recharge ne s’observe donc qu’en hiver et la tendance à la hausse des températures observée par [Chaouche et al, 2010] (susceptible de provoquer une réduction des pluies efficaces) n’est pas visible à cause de l’effet prépondérant des prélèvements à long terme. Une baisse de la piézométrie de l’ordre de quelques centimètres à court terme et de quelques dizaines de centimètres à moyen terme est prévue (Figure 3). L’impact est plus marqué en période de recharge qu’en période estivale (contrôle prépondérant des prélèvements).
Figure 3: Impact des scénarios de changement climatique sur les débits naturels simulés (moyennes mensuelles multi-modèle) à l’exutoire de tous les sous- bassins étudiés et sur les évolutions piézométriques des aquifères du pliocène (extrait de la chronique journalière moyenne multi-modèle).
VULNERABILITE DU TERRITOIRE ETUDIE AU CHANGEMENT GLOBAL
A l’échelle annuelle (en extrapolant les résultats obtenus sur le Tech et l’Agly à la Têt), il apparaît que l’impact du climat provoque des diminutions de la ressource en eau superficielle bien supérieures aux évolutions de la demande en eau potable et agricole (et donc aux stratégies d’économie de la ressource actuellement envisageables) et ce, même à court terme.
A l’échelle saisonnière (en étiage, période de pointe en termes de demande en eau), la comparaison de la ressource disponible avec les besoins (demande en eau des usages + débit « seuil1 ») réalisée sur le Tech, a confirmé que le déficit lié au climat futur serait supérieur à celui lié à la demande en eau future. Cette prépondérance se renforce au cours du temps, puisque la part du déficit liée aux prélèvements diminue en comparaison de celle liée au changement climatique (Figure 4).
1 Le débit seuil correspond ici à la quantité d’eau que le gestionnaire de la ressource décide de laisser dans le cours d’eau pour assurer le bon fonctionnement de la vie aquatique – débit biologique – [Acreman and Dunbar, 2004]
Figure 4: Exemple de comparaison des ressources et des besoins à l’échelle saisonnière pour le sous-bassin n°2 du Tech. La fréquence de dépassement du débit seuil et le déficit volumique moyen annuel correspondants sont calculés pour le présent, le court et le moyen terme, en considérant les prélèvements constants par rapport au présent. Ensuite, les différents scénarios d’usage de l’eau sont combinés et le déficit résultant est calculé et comparé à celui obtenu à court terme.
Ainsi, la vulnérabilité du territoire étudié au changement global dépend de manière prépondérante de l’évolution du climat et ce, même à court terme. Cette situation remettra probablement en question les valeurs seuil actuellement définies et nécessitera de mobiliser fortement le potentiel d’adaptation du territoire (combinaison d’optimisation de la gestion de la ressource, du maillage des ressources et de création de nouvelles ressources). Ces résultats sont présentés dans [Caballero et al. 2011].
EXPLOITATION DES RESULTATS
Les résultats présentés ont été pris en main par les gestionnaires du territoire (SAGE Plaine du Roussillon, Chambre d’Agriculture, organisations de producteurs, Syndicat du Tech, Conseil Général des PO, Agglomération Perpignan, Agence de l’Eau RM&C, DREAL et DDEA), qui se sont en outre approprié les scénarios mis en débat au cours des ateliers de prospective pour l’élaboration de leurs propres stratégies. La problématique et les bases de données développées dans Vulcain ont été intégrées dans le cahier des charges des études « Volumes Prélevables » actuellement menées par l’Agence de l’Eau sur tout le bassin RM&C.
L’analyse du climat passée, les scénarios de climat futur et élaborés dans Vulcain ont été utilisés dans le projet AQUIMED (Era Net CIRCLE), comme support de discussion avec des groupes d’agriculteurs avec qui la réflexion prospective a été répliquée en France et au Portugal (Algarve avec le partenaire portugais Socius). Des publications communes aux deux projets sont en cours de préparation.
Les résultats du projet servent actuellement au montage de plusieurs projets (Aleyin et un projet traitant de changement climatique et terroirs viticoles) et ont permis de constituer un réseau de partenaires intéressés pour travailler ensemble sur la problématique du changement global et de la ressource en eau.
NON-STATIONNARITES DU CLIMAT PRESENT
Des augmentations significatives ont été détectées sur les températures moyennes annuelles (de l’ordre de +1,1°C à +1,8°C) entre 1970 et 2006, plus marquées près du littoral qu’en montagne. Une évolution similaire est observée pour l’ETP moyenne annuelle (entre +34 mm et +150 mm entre 1970 et 2006, sur le nord et le nord-ouest). Aucune évolution n’a été observée sur les précipitations annuelles, ni sur la longueur des périodes sèches.
Les résultats à l’échelle mensuelle sont plus hétérogènes. Seules les températures des mois de mars à aout présentent des hausses statistiquement significatives. Les augmentations de l’ETP mensuelle, ne sont pas totalement corrélées à celles des températures, probablement parce que la relation de Penman-Monteith utilisée se base aussi sur l’humidité relative, le rayonnement solaire et la vitesse du vent. Pour les précipitations, des tendances à la diminution en Juin et à l’augmentation en Novembre ont été détectées. Ces résultats sont cohérents avec d’autres études [Moisselin et al, 2002], [Gonzales et al, 2009], [De Luis et al, 2009], [Lespinas et al, 2010], [Vidal et al, 2010]. Cependant, la variabilité saisonnière [Ludwig et al, 2004] sur le bassin de la Têt n’a pas été retrouvée. Tous ces résultats sont détaillés dans [Chaouche et al, 2010].
LES SCENARIOS CLIMATIQUES FUTURS
Le générateur calé sur les chroniques des 35 dernières années n’a pas été capable de reproduire les non-stationnarités à l’échelle mensuelle. Ses fonctions caractéristiques sont en effet conçues pour reproduire des comportements saisonniers et annuels. L’idée de l’utiliser pour reproduire des scénarios futurs intégrant des non-stationnarités détectées sur certains mois seulement a donc dû être abandonnée. Les scenarios climatiques issus des MCGAO choisis prévoient une augmentation de température (entre +1.0°C et +1.8 °C en moyenne multi-modèle) à court terme, qui s’intensifie à moyen terme en valeur moyenne (entre +1.7°C and +3.3°C en moyenne multi-modèle) et en variabilité inter-saisonnière [Caballero et al., 2011]. Aucune évolution de la précipitation n’apparaît à court terme (entre -10.9% to +10.5% par rapport au présent, en moyenne multi-modèle) alors qu’une décroissance modérée (de -2.1% à -21.9% en moyenne multi-modèle) est prévue à moyen terme. Ces résultats sont relativement cohérents avec d’autres résultats obtenues sur le pourtour méditerranéen [Giorgi and Lionello, 2008], [Mariotti et al, 2008], [Giannakopoulos et al, 2009], [Lopez-Moreno et al, 2009].
Ces projections sont associées à des incertitudes qui sont plus importantes pour les précipitations que pour les températures, pour l’été que pour l’hiver et pour le moyen terme que pour le court terme. Ces résultats sont présentés dans [Martin et Salas, 2009].
DEMANDE EN EAU POTABLE ET AGRICOLE PRESENTE ET FUTURE
L’évolution future de la demande en eau potable a été estimée pour trois scénarios de développement démographique et économique contrastés. Le cadrage démographique de chaque scénario est complété par des hypothèses relatives à l’urbanisme, à l’activité touristique, aux pratiques de consommation des usagers et au rendement des réseaux d’eau potable. Une description narrative a permis leur appropriation par les acteurs. Une relative sensibilité de la demande en eau potable aux différentes hypothèses apparaît, la demande annuelle à court terme variant entre 51 et 68 millions de m3 par an, contre 55 actuellement. Ces résultats sont présentés dans Terrasson et al (2010, 2011).
Les ateliers de prospective organisés avec des experts et des agriculteurs font émerger deux scénarios contrastés pour l’agriculture future, correspondant respectivement à un déclin (scenario 1) et à une restructuration dynamique autour d’un projet régional reposant sur le développement d’une agriculture « haute-performance environnementale » (scenario 3+4). Le scénario 1 conduit à une stabilisation de la demande en eau, la baisse des surfaces en fruits et légumes étant compensée par une hausse des surfaces de vigne irriguées. Le scénario 3+4 conduit à une augmentation très significative des besoins en eau d’irrigation (+44% en volume annuel), avec une très forte hausse des besoins en étiage (+50% de juillet à septembre), susceptible de générer des conflits (Figure 2). Ces résultats sont présentés dans [Rinaudo et al. 2011].
IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LES RESSOURCES EN EAU DE SURFACE
Des réductions des débits moyens de l’ordre de 0.5 à 1 m3/s (-10 à -20 % par rapport au présent, au printemps et en automne) et une diminution du signal de fonte des neiges au printemps, sont observées à court terme sur le Tech et l’Agly. A moyen terme, la réduction est de l’ordre de 1 à 2 m3/s (-20 à -40% toute l’année). Le soutien des aquifères alluviaux permet de limiter la diminution des écoulements en fin d’étiage. L’incertitude associée à ces résultats est forte en hiver. Seules les
diminutions des débits entre le printemps et l’été sont statistiquement significatives (test de Student- Fischer). La présence de la retenue sur l’Agly permet de limiter l’impact des scénarios climatiques pendant l’étiage. Les débits d’infiltration au niveau des pertes diminuent (de l’ordre de 10% à courtterme et de 20 % à moyen-terme) dans une proportion moindre que celle des débits. L’impact sur la recharge de l’aquifère karstique des Corbières est donc moindre que celui sur les débits des cours d’eau (Figure 3). Ces résultats sont présentés dans [Ladouche et al. 2011] et [Caballero et al. 2001]
IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’AQUIFERE PLIO-QUATERNAIRE
L’évolution piézométrique est contrôlée à parts égales par la recharge et par les prélèvements. L’impact des prélèvements se traduit par une influence interannuelle qui contrôle la tendance à la baisse de la piézométrie à long terme et par une influence saisonnière, qui contrôle le comportement estival. L’influence de la recharge ne s’observe donc qu’en hiver et la tendance à la hausse des températures observée par [Chaouche et al, 2010] (susceptible de provoquer une réduction des pluies efficaces) n’est pas visible à cause de l’effet prépondérant des prélèvements à long terme. Une baisse de la piézométrie de l’ordre de quelques centimètres à court terme et de quelques dizaines de centimètres à moyen terme est prévue (Figure 3). L’impact est plus marqué en période de recharge qu’en période estivale (contrôle prépondérant des prélèvements).
VULNERABILITE DU TERRITOIRE ETUDIE AU CHANGEMENT GLOBAL
A l’échelle annuelle (en extrapolant les résultats obtenus sur le Tech et l’Agly à la Têt), il apparaît que l’impact du climat provoque des diminutions de la ressource en eau superficielle bien supérieures aux évolutions de la demande en eau potable et agricole (et donc aux stratégies d’économie de la ressource actuellement envisageables) et ce, même à court terme.
A l’échelle saisonnière (en étiage, période de pointe en termes de demande en eau), la comparaison de la ressource disponible avec les besoins (demande en eau des usages + débit « seuil1 ») réalisée sur le Tech, a confirmé que le déficit lié au climat futur serait supérieur à celui lié à la demande en eau future. Cette prépondérance se renforce au cours du temps, puisque la part du déficit liée aux prélèvements diminue en comparaison de celle liée au changement climatique (Figure 4).
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Table des matières
A IDENTIFICATION
B RESUME CONSOLIDE PUBLIC
B.1 Résumé consolidé public en français
B.1.1 Vulnérabilité des ressources en eau au changement global en zone méditerranéenne (Le projet VULCAIN)
B.2 Résumé consolidé public en anglais
B.2.1 Vulnerability of water resources to global change in Mediterranean region (the VULCAIN project)
C MEMOIRE SCIENTIFIQUE
C.1 Résumé du mémoire
C.2 Enjeux et problématique, état de l’art
C.3 Approche scientifique et technique
C.4 Résultats obtenus
C.4.1 Non-stationnarités du climat présent
C.4.2 Les scénarios climatiques futurs
C.4.3 Demande en eau potable et agricole présente et future
C.4.4 Impact du changement climatique sur les ressources en eau de surface
C.4.5 Impact du changement climatique sur l’aquifère plio-quaternaire
C.4.6 Vulnérabilité du territoire étudié au changement global
C.5 Exploitation des résultats
C.6 Discussion
C.7 Conclusions
C.8 Références
D LISTE DES LIVRABLES
E IMPACT DU PROJET
E.1 Indicateurs d’impact
E.2 Liste des publications et communications
E.2.1 Revues à comité de lecture multipartenaires – International
E.2.2 Communications à conférence à l’international
E.2.3 Revues à comité de lecture Monopartenaires – International
E.2.4 Revues à comité de lecture – France
E.2.5 Communications à conférence en France
E.2.6 Conférences de vulgarisation
E.2.7 Autres actions de vulgarisation
E.3 Liste des éléments de valorisation
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