Voie de modélisation Chapman-Jouguet (CJ)

 Voie de modélisation Chapman-Jouguet (CJ)

Modèle CJ initial 

Dans cette approche proposée indépendamment par D.L. Chapman [Chapman, 1899] et E. Jouguet [Jouguet, 1904], l’onde de détonation est décrite comme une discontinuité plane et totalement réactive se propageant à la vitesse constante D dans un milieu initialement au repos. Cette discontinuité est autonome et ne dépend que de l’état thermodynamique amont et de l’énergie libérée au passage du front. La mise en équations se base sur les relations de saut, dites de Rankine-Hugoniot [Rankine, 1870], [Hugoniot, 1889], compilées dans la forme que l’on connaît aujourd’hui par J. Hadamard [Hadamard, 1903] décrivant la conservation de la masse et de la quantité de mouvement à travers une discontinuité. L’hypothèse supplémentaire de l’équilibre thermodynamique du milieu aval permet également de définir l’énergie interne comme une fonction d’état et d’en tirer une équation de conservation de l’énergie totale .

Modèle Jouguet relaxé (JR)

En 1989, L. Brun [Brun, 1989] propose un nouveau modèle sur les bases du modèle CJ. Les hypothèses de ce modèle sont les suivantes :

➤  la détonation est sonique par rapport au milieu aval (hypothèse de Jouguet),
➤  le choc est partiellement réactif et les réactions se poursuivent en aval,
➤  un seul degré d’avancement positif suffit à définir la composition chimique juste en aval de la détonation,
➤  les phénomènes de transport sont négligeables à l’aval (hypothèse reprise de l’approche CJ initiale),
➤  les gradients des grandeurs physiques sont finis du côté sonique.

Voie de modélisation Zeldovitch, Von Neumann, Döring (ZND)

Modèle ZND initial 

Dès 1900, P. Vieille [Vieille, 1900] émet l’hypothèse que, par opposition à l’approche dans laquelle le choc est considéré comme totalement réactif, le phénomène de détonation pourrait être constitué d’une onde de choc inerte qui élèverait la pression et la température du milieu, initiant ainsi les réactions chimiques. En 1906, E. Jouguet [Jouguet, 1906] reprend cette idée mais la mise en équation qu’il en fait le mène à des incohérences avec les résultats expérimentaux de l’époque, ce qui le pousse à poursuivre dans la voie CJ.

Cette voie de modélisation est remise en lumière par quatre scientifiques de façon indépendante : A. Grib [Grib, 1940], J.B. Zeldovitch [Zeldovich, 1940], J. Von Neumann [Von Neumann, 1942] et W. Döring [Döring, 1943]. Dans sa version initiale, le modèle décrit la propagation plane et stationnaire d’un choc inerte suivie de l’écoulement réactif d’un fluide parfait. Il est constitué des relations de Rankine Hugoniot pour représenter le choc inerte appelé « pic de Von Neumann » et des équations d’Euler complétées par une équation de production massique des produits de réaction pour représenter la zone de réaction. Le développement de cette approche conduit à une onde de détonation présentant les caractéristiques suivantes:

• l’écoulement est subsonique dans la zone de réaction,
• toute l’énergie chimique est libérée dans la zone de réaction,
• l’écoulement est sonique sur la surface représentant la fin des réactions,
• l’onde de détonation se propage à célérité constante, égale à la vitesse de translation de la zone de réaction plane stationnaire.

Quelques années plus tard, G. Taylor [Taylor, 1950] propose une représentation de l’écoulement en aval de la zone de réaction par une détente isentropique des produits de détonation. Cette approche est toujours nommée aujourd’hui « détente de Taylor ». Le pic de Von Neumann a initialement été observé pour les détonations de mélanges gazeux. Par la suite, certaines observations expérimentales, par exemple des mesures de vitesses de déplacement en face arrière [Sheffield, 1984], ont confirmé cette vision pour les explosifs solides. La réelle mesure de ce pic dans les explosifs condensés est cependant limitée par la résolution temporelle des équipements de mesure actuels . Selon cette approche, l’état atteint à la fin de la zone de réaction est le même que l’état de détonation du modèle CJ, ce qui permet notamment d’utiliser les codes thermochimiques calculant cet état pour alimenter une approche ZND. A partir de la deuxième moitié du XXème siècle, l’approche ZND a été développée par de nombreux auteurs afin de passer outre le principal inconvénient du modèle ZND initial : il ne décrit que la propagation de l’onde plane stationnaire.

Premiers modèles de détonation courbe

Le premier développement du modèle ZND tentant de retranscrire la courbure du front de détonation observée expérimentalement apparaît en 1949 [Eyring, 1949]. Dans ce modèle, H. Eyring suppose que le front de la détonation établie est courbe et cherche à obtenir une relation reliant directement la vitesse du front de détonation courbe, qui est inférieure à celle du front plan prévue par le modèle ZND, à l’épaisseur de la zone de réaction et au diamètre de la cartouche. L’approche et les hypothèses de base sont les mêmes que celles réalisées quelques années plus tôt par H. Jones [Jones, 1947], mais la forme du front est différente. Dans son modèle « nozzle », Jones considère le front plan et une déviation des lignes de courant provoquant une légère expansion radiale de la matière dans la zone de réaction, alors qu’Eyring considère le front courbe (Figure 6). L’hypothèse essentielle commune aux deux modèles est qu’il n’y a pas de perte radiale de quantité de mouvement ou d’énergie dans la zone de réaction. La seule perturbation des équations de l’hydrodynamique provient donc de l’équation de conservation de la masse.

Eyring aboutit à trois relations reliant la vitesse de détonation établie au diamètre de la cartouche et à l’épaisseur de la zone de réaction dans les configurations suivantes: sans confinement, confinement faible et confinement infini. Quelques années plus tard, W. Wood et J.G. Kirkwood reprennent l’approche de Jones [Wood, 1954] en tentant de relier la vitesse de détonation établie au rayon de courbure sur l’axe de la cartouche plutôt qu’à son diamètre. Dans ce modèle, les auteurs reprennent la représentation ZND du front de détonation et écrivent les équations de conservation dans un repère lié au pic ZND en les spécialisant sur l’axe d’une cartouche cylindrique. Ils font les hypothèses suivantes :
• le rayon de courbure est très grand devant l’épaisseur de la zone de réaction,
• la dimension latérale de la charge est grande devant l’épaisseur de la zone de réaction.

On peut enfin noter que parallèlement à ces approches théoriques, des relations céléritédiamètre de cartouche ou célérité-courbure ont été établies expérimentalement. C’est notamment le cas de A. Campbell [Campbell, 1976] qui reprochait notamment aux modèles de Jones ou Eyring de ne pas être applicables aux explosifs très hétérogènes ou à l’approche de Wood et Kirkwood de faire intervenir des paramètres difficilement mesurables expérimentalement. Ces travaux s’appuient sur un grand nombre d’expériences, parfois dans des configurations très proches du diamètre critique. L’auteur obtient une relation empirique entre la vitesse de détonation, le diamètre de la charge, et la vitesse de détonation plane (équivalente à celle qui serait mesurée en cartouche de diamètre infini). De nombreux autres explosifs ont ensuite été étudiés selon la même approche, notamment par T.R. Gibbs et A. Popolato [Gibbs, 1980] .

Modèle Detonation Shock Dynamics (DSD)

En 1981, J. Bdzil poursuit les travaux menés par Jones, Eyring ainsi que Wood et Kirkwood [Bdzil, 1981]. Il généralise le modèle de Wood et Kirkwood à une détonation courbe instationnaire en faisant l’hypothèse que l’écoulement dans la zone de réaction est localement stationnaire dans un repère lié à l’onde de détonation. Bdzil écrit les équations d’Euler dans ce repère et fait les mêmes hypothèses que Wood et Kirkwood en ce qui concerne la courbure du front de détonation, en supposant de plus que la déviation des lignes de courant dans la zone de réaction est faible. Il choisit une écriture pour la vitesse de réaction R différente de Wood et Kirkwood, mais pratique pour le développement des calculs. Bdzil spécifie l’équation de W. Hayes [Hayes, 1957] exprimant le saut de vorticité provoqué par le passage d’une onde de choc en la couplant avec une équation d’état polytropique pour l’explosif non réagi et les produits de détonation. En développant cette approche, il obtient une relation reliant la vitesse de détonation et la courbure du front sur l’axe de la cartouche, puis entre la vitesse de détonation et le diamètre de la cartouche cylindrique. Les comparaisons avec des résultats expérimentaux sont bonnes.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Etude bibliographique
I.1 Pour commencer
I.2 Modélisation de la détonation
I.2.1 Voie de modélisation Chapman-Jouguet (CJ)
I.2.1.1 Modèle CJ initial
I.2.1.2 Modèle Jouguet relaxé (JR)
I.2.2 Voie de modélisation Zeldovitch, Von Neumann, Döring (ZND)
I.2.2.1 Modèle ZND initial
I.2.2.2 Premiers modèles de détonation courbe
I.2.2.3 Modèle Detonation Shock Dynamics (DSD)
I.2.2.4 Approche russe Non-Equilibrium Molecular Dynamic Method (NEMD)
I.2.2.5 Modèle Non-Equilibrium ZND (NE-ZND)
I.2.3 L’Approche multiphasique
I.2.4 Synthèse
I.3 Modélisation de l’amorçage par choc, la transition choc-détonation
I.3.1 Critères
I.3.2 Cinétiques
I.3.2.1 Les modèles de première génération
I.3.2.1.1 Les essais Pop-Plot et la courbe unique d’amorçage
I.3.2.1.2 Modèle Forest-Fire
I.3.2.2 Modèles de deuxième génération
I.3.2.2.1 Lignée des modèles Ignition and Growth
I.3.2.2.2 Modèle CREST
I.3.2.2.3 Modèle « Empirical Hot Spot Model » et ses dérivés
I.3.2.2.4 Modèle KRAKATOA et ses développements
I.3.2.2.5 Modèle WSD de B. Wescott, D. Stewart et W. Davis [Wescott, 2005]
I.3.2.2.6 Modèle Scale Unified Reactive Front (SURF)
I.3.2.2.7 Modèle WSD(T)
I.3.2.3 Modèles de troisième génération
I.3.2.4 Les Multiprocessus de détonation et les mécanismes homogènes
I.3.3 Synthèse
I.4 Modélisation thermodynamique des explosifs
I.4.1 Lois de mélange
I.4.1.1 Formalismes historiques dérivés de Hubbard et Johnson
I.4.1.2 Approche utilisant la thermodynamique étendue
I.4.1.3 Approche multiphasique
I.4.2 Les Equations d’état
I.4.2.1 Généralités
I.4.2.2 Modèle de Mie-Gruneisen
I.4.3 Synthèse
II. Caractérisation des explosifs étudiés
II.1 Introduction
II.1.1 Explosifs purs
II.1.1.1 TNT
II.1.1.2 RDX
II.1.1.3 L’ONTA
II.1.1.4 Le HMX
II.1.2 Compositions d’étude coulées-fondues
II.2 Mesures de la capacité calorifique à pression constante
II.3 Comportement des explosifs en compression
II.3.1 Généralités, comportement sous choc
II.3.2 La compression isotherme
II.3.3 La compression isentropique
II.3.4 Données disponibles sur les explosifs purs
II.3.4.1 TNT
II.3.4.2 RDX
II.3.4.3 ONTA
II.3.4.4 HMX
II.3.4.5 Détermination de la compressibilité isotherme
II.4 Coefficient de dilatation volumique
II.5 Modélisation de la capacité calorifique à volume constant
II.5.1 Généralités
II.5.2 Les calculs avec Gaussian
II.5.2.1 Les méthodes ab initio : généralités sur la chimie quantique
II.5.2.2 Théorie des fonctionnelles de densité électronique (DFT)
II.5.3 Calcul complet de la capacité calorifique
II.5.4 Comparaison avec les données disponibles et influence du choix des fréquences de vibration
II.5.5 Validation par comparaison avec les données expérimentales
II.6 Détermination des autres coefficients thermodynamiques à l’état ambiant
II.7 Vers une équation d’état complète pour les explosifs purs
II.7.1 Equation d’état de Menikoff, formulation générale
II.7.2 Application aux explosifs purs
II.7.3 Construction de polaires de choc « universelles » et validation
II.7.3.1 Définition des polaires de choc universelles
II.7.3.2 Validation
II.7.3.3 Cas particulier du TNT
II.7.3.4 Synthèse
II.8 Vitesse de déflagration en fonction de la pression
II.9 Microstructure des compositions d’étude
II.9.1 Mesures de granulométrie
II.9.1.1 Hexolites
II.9.1.2 Ontalites
II.9.2 Observations microtomographiques
II.9.2.1 Hexolites
II.9.2.2 Ontalites
II.9.2.3 Reconstruction 3D
II.10 Synthèse sur les caractérisations
III. Partie expérimentale : impacts plans et tests de cartouches cylindriques
III.1 Introduction
III.2 Choix des métrologies pour l’étude de la TCD
III.2.1 Visualisation du phénomène
III.2.1.1 Caméra à balayage de fente mécano-optique
III.2.1.2 Radiographie
III.2.2 Chronométrie
III.2.2.1 Chronométrie discrète
III.2.2.1.1 Fibres Optiques à Capuchons (FOAC)
III.2.2.1.2 Aiguilles à micro-contact ou aiguilles à chapeau
III.2.2.1.3 Aiguilles piézoélectriques
III.2.2.1.4 « Trackers » de choc
III.2.2.2 Chronométrie continue
III.2.2.2.1 Mesure par fibre optique à réseau de Bragg
III.2.2.2.2 Mesure par radio-interférométrie
III.2.3 Mesures de surface libre
III.2.4 Mesures à cœur
III.2.4.1 Mesure de pression
III.2.4.1.1 Jauges piézoélectriques
III.2.4.1.2 Jauges piézorésistives
III.2.4.2 Mesure de vitesse matérielle
III.2.5 Synthèse
III.3 Essais d’impact plan soutenu : les essais pop-plot
III.3.1 Configurations expérimentales
III.3.1.1 Configuration initiale
III.3.1.2 Configuration améliorée
III.3.1.3 Intégration de la jauge 50 Ω
III.3.1.4 Synthèse sur les configurations expérimentales
III.3.2 Résultats expérimentaux
III.3.2.1 Mesures de pression d’interface
III.3.2.1.1 Coefficients de piézorésistivité
III.3.2.1.2 Acquisitions
III.3.2.2 Shock polar matching
III.3.2.3 Chronométrie, détermination du diagramme de marche
III.3.2.4 Détermination de la profondeur de transition à la détonation par la méthode de la fonction d’accélération
III.3.2.5 Synthèse sur les résultats expérimentaux
III.3.3 Exploitation et discussions
CONCLUSION

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