Vivre et incarner les idées du siècle des Lumières à travers la plume

Étudier l’histoire de Grenoble ou l’écrire s’inscrit dans une longue tradition. En effet, depuis plus de trois siècles la capitale du Dauphiné, puis de nos de jours des Alpes, fit l’objet de nombreuses études d’érudits, de savants « patriotes » et d’historiens contemporains. Cependant, c’est bien au cours de la période contemporaine que les publications sur le Dauphiné en général ou Grenoble en particulier firent florès. Nous nous proposons ici d’étudier la période moderne qui bénéficie déjà de riches travaux spécifiques à certaines thématiques. En effet, L’histoire des personnalités célèbres du Dauphiné est conduite à travers les publications de Stéphane Gal tandis que les travaux d’Alain Belmont nous permettent de mieux comprendre le rapport à la terre et aux montagnes qu’avaient les Dauphinois de l’ancien régime. Clarisse Coulomb étudia la troisième cour souveraine du royaume de France que fut le parlement de Grenoble . Ces recherches participent au renouvellement de l’Histoire locale, enrichie de l’apport des grandes écoles historiques du XXe siècle. Quant à notre sujet, celui-ci ne concerne pas une célèbre bataille, un philosophe des lumières ou un grand général, pas plus qu’une institution régalienne ou l’étude d’un important mouvement politique ou socio-économique. Nous allons plutôt, à travers les pages qui suivent, étudier un oublié de l’Histoire, l’avocat Pierre François Letourneau et son œuvre intitulée Miscellanea.

Bien curieux sont ces manuscrits conservés à la Bibliothèque municipale de Grenoble . Leur auteur l’est tout autant, natif de Paris en 1713 il devient le secrétaire de l’intendant Pierre Jean François De la Porte lorsque celui-ci s’installe à Grenoble en 1745. La cité du XVIIIe est alors une ville de taille moyenne, où la population oscille entre 22000 et 25000 habitants , qui ne devait sa renommée à travers le royaume qu’en raison de ses fonctions administratives, militaires et commerciales à travers la proto-industrie du gant. C’est au sein de la capitale dauphinoise que sont composées les Miscellanea, de la fin des années 1750 à 1775 pour les six tomes connus . Vingt-cinq années relatées à la fois sous la forme d’anecdotes, de mémoire individuelle, d’articles savants, de faits divers et d’avis personnels . Le lecteur aura compris qu’il s’agit ici d’une histoire singulière, celle d’un écrit privé témoignant de la vision de son auteur sur son époque qui diffère parfois de l’image que nous pouvons nous faire sur le regard que portaient les individus du XVIIIe siècle sur les événements contemporains du temps des Lumières.

D’autres manuscrits de notables Grenoblois ainsi que leurs auteurs ont déjà fait l’objet d’études détaillées. Nous pouvons citer les recherches de Catherine Cœuré et Jean Sgard sur le Journal de l’avocat Bouvier lors de la visite de Rousseau à Grenoble ou encore celles de René Favier sur le notaire libertin Pierre-Philippe Candy . Ces travaux de même que le présent Mémoire s’inscrivent dans l’Histoire des écrits du for privé. L’historiographie du genre peut se diviser en trois courants successifs. Avant tout, l’expression « écrit du for privé » consacrée par Madeleine Foisil provient du néologisme « égo-document » forgé par l’historien néerlandais Jacob Presser au milieu des années soixante. Le terme englobe une large variété de textes (livres de raisons, mémoires, journaux intimes, lettres…) conservés en archives, en bibliothèques ou auprès de particuliers. Ensuite, l’auteur agit en son nom, le texte n’a pas de vocation littéraire ou fictive. Ces écrits ne sont pas, à l’origine, dédiés à la publication et traitent le plus souvent de sujets rattachées à la sphère privée. Ces dernières années voient se développer l’étude, sans cesse enrichie, d’écrits privés à travers le Groupe de Recherche n°2649 fondé par le Centre National de la Recherche Scientifique en 2003 sous la direction de Jean Pierre Bardet et Jean-François Ruggiu.

Si les années 2000 correspondent à la multiplication des colloques dédiés au genre , des études furent menées dès le XIXe siècle par des sociologues tandis qu’au XXe siècle, l’Ecole des Annales devait renouveler l’approche historique à travers une dimension pluridisciplinaire. En 1975, Philippe Lejeune faisait publier son Pacte autobiographique, une étude des Confessions de Jean-Jacques Rousseau démontrant l’utilité et l’importance des écrits privés longtemps négligés par les scientifiques. Par la suite devait paraître quelques grands ouvrages d’historiens des Annales avant la création du Groupe de recherche n°2649 au début du XXIe siècle. Quant à nous, nous ne proposons pas ici de mise en série de textes privés à l’instar du groupe de Recherche. En raison d’obstacles matériels et de la densité originelle de nos sources manuscrites nous nous contenterons d’étudier les six volumes des Miscellanea de Letourneau ainsi que la personnalité singulière de ce notaire grenoblois.

Ainsi, nous tenterons de comprendre quelle est la véritable nature des Miscellanea ? Ce témoignage sur les événements et la société de la deuxième moitié du XVIIIe siècle constituait-il uniquement une occupation bourgeoise privée ou était-il, dans un désir intime et caché de son auteur, destiné à être légué à la postérité ? La richesse de ces écrits ne manifeste-t-elle pas la volonté d’incarné l’idéal d’honnête-homme encensé par la philosophie des Lumières? Dans une première partie nous étudierons la personnalité de Pierre-François Letourneau, sa fonction de secrétaire de l’intendance et la place des anecdotes et nouvelles du Royaume de France dans ses manuscrits. Puis, nous nous pencherons sur le rapport à la culture et aux sciences vécu par l’auteur, qui occupe une partie essentielle des Miscellanea.

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Table des matières

PARTIE I – HOMME DE LOI, HOMME MONDAIN : LES ANECDOTES DE LETOURNEAU
CHAPITRE 1 – LETOURNEAU, UN OUBLIÉ DE L’HISTOIRE DU DAUPHINÉ ?
Un homme connu par son œuvre, un texte singulier à la plume atypique
Un parisien en Dauphiné
Bourgois de naissance, Noble de mœurs : le réseau mondain de Letourneau
L’Ordre du moment ou la cinquième loge de Grenoble
Au-delà des ordres et des salons, les véritables amis de Letourneau
Le Bourgois gentilhomme
CHAPITRE 2 – LA MORALE DANS LES MISCELLANEA
Une vertu pré-républicaine ?
Penser l’autre sexe, l’idéal féminin selon Letourneau
La maquerelle de Grenoble
CHAPITRE 3 – UN CHRÉTIEN IMPARTIAL ? DE LA QUERELLE JÉSUITE ET AUTRES NOUVELLES DU ROYAUME.
Un Ordre au cœur des débats depuis le Grand siècle
Etienne François de Choiseul et la crise
À Grenoble, le secrétaire en la Chancellerie du Parlement commente les déboires de la Compagnie
Du service au Prince à l’opposition : le Parlement de Dauphiné en exil
PARTIE II – UNE LUEUR À L’OMBRE DES LUMIÈRES : CULTURE ET SCIENCES DANS LES MISCELLANEA
CHAPITRE 4 – UN AMOUR DE VOLTAIRE, LETOURNEAU PHILOSOPHE ET CRITIQUE LITTÉRAIRE
Letourneau, philosophe chrétien
CHAPITRE 5 – LES REMÈDES DE LETOURNEAU, ENTRE ANCIENNE ALCHIMIE ET MÉDECINE MODERNE
Médecine et écriture du for privé, un chantier en perspective ?
Soigner quoi, soigner comment ?
Les remèdes « laïques »
Les enterrés vifs de Grenoble, illustration d’une fascination pour les faits divers sanitaires
CHAPITRE 6 – SE RÉAPPROPRIER LES SAVOIRS, RECETTES ET AVIS SUR LES NOUVEAUTÉS DU XVIIIE SIÈCLE
L’académie mort-née de Moulins
L’Académie Idéale remplaça l’académie matérielle
Un juriste au service des arts et des sciences : le cabinet Letourneau
Letourneau et la question du vivant

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