Vision culturelle du lait jusqu’au XIXème siècle

Vision culturelle du lait jusqu’au XIXème siècle

Symbole de la création du monde source de récits mythologiques

Le terme « lait » vient du grec « galaktos » qui signifie lait et « galaxias » qui signifie laiteux. Il provient également du latin lac, lactis (2).

En ce qui concerne la sémantique, deux groupes sont à distinguer :
– Les langues latines utilisent le terme de « lait » qui dérive de « lactem » et le terme « traire » qui dérive de « trahere »
– L’anglais ne différencie pas « lait » et « traire » avec « milk » et « to milk » (3).

Le lait est présent dans de nombreux récits cosmogoniques. Il semble être un élément nécessaire à la création du monde et il est possible de retrouver son récit dans différentes cultures ou mythologies. À l’image du premier élément nutritif de l’être humain lorsqu’il vient au monde, et qui lui permet de se développer et de grandir afin de devenir un adulte, le lait vient nourrir les éléments primordiaux de la création afin qu’il se développent et se transforment en un monde abouti. Parmi les récits expliquant la création du monde, l’Ancien Testament (4) dépeint l’existence de quatre fleuves dont l’un est constitué de lait, apportant l’abondance et le bonheur caractéristiques du jardin d’Eden, éléments repris dans le Coran (5). Chez les Égyptiens, le lait d’Isis est transporté dans un vase par un prêtre à la tête d’une procession qui permet à pharaon d’acquérir sa légitimité royale et d’accéder à une existence divine. Dans la mythologie hindoue, le lait est le premier élément issu de l’univers. Le Râmâyana raconte la naissance de l’amrita, source de vie issue du barattage de la mer de lait et permettant aux dieux, à l’aide de Vishnou, de retrouver leur immortalité (6). Dans la mythologie grecque, le mythe créateur de la voie lactée met en scène Zeus, Héraclès et Héra. Le roi des dieux met son fils illégitime Héraclès au sein de sa femme, la déesse Héra. Lorsque celle-ci s’en aperçoit, une rivière de lait jaillit de son sein au moment où elle réussit enfin à extraire le nourrisson (7). D’autres divinités ou demidieux boivent du lait animal dont Zeus nourri par la chèvre Amalthée. Ces exemples restent cependant limités au cas où la mère n’a pas la capacité d’allaiter son enfant, l’animal intervenant comme un moyen de substitution. Outre la présence du berger dans la littérature antique, les études archéologiques ont démontré que le recueil du lait pour le consommer était répandu dans l’Antiquité grâce aux traces d’élevage des animaux. Des libations, qui sont des sacrifices de nature liquide, étaient pratiquées le plus souvent à partir de vin, mais des libations de lait pouvaient être adressées aux divinités protectrices des troupeaux ou bien aux morts comme l’a montré la découverte d’un sanctuaire ibérique pré romain dédié au culte de la déesse de la fertilité locale, ensuite assimilée à Demeter, situé à Encarnacion à Murcia et datant du IIIème et IIème siècle avant Jésus-Christ. Le lait a donc une tradition d’élément nourricier qui transcende les frontières des espèces, notamment dans les exemples d’enfants abandonnés recueillis par une mère animale comme la louve qui nourrit Romulus et Remus. Dans ces mythes, le lait est sacralisé dans une fonction cosmogonique. Il vient nourrir les divinités et est un élément qui va contribuer à leur transmettre leur pouvoir, à l’inverse des usages sociaux de consommation (8).

Source de controverse depuis des millénaires

Opposition produit de la nature / produit de la culture 

Tout d’abord, le lait est un élément brut fourni par la nature. Cette « naturalité » est un problème car elle s’oppose à la notion de civilisation. D’après Philippe Gillet et Marie-Christine Caunègre, le lait était bu par les barbares, qui étaient par définition des populations vivant en dehors du monde civilisé, contrairement aux Grecs dont la boisson de référence était le vin (1). En effet, pour les Grecs, le lait est un aliment brut qui n’a pas subi de transformation. Or, ils valorisent les produits issus de la culture, c’est-à-dire ayant été transformés par l’Homme, tel que le vin ou le pain. C’est pourquoi les dérivés du lait, comme le fromage, étaient plus appréciés que le lait lui-même (9). La mythologie grecque apporte beaucoup de récits de personnages galactophages qui ne sont rien d’autre que des monstres effrayants « buveurs de lait », comme le cyclope Polyphème, qui mit à rude épreuve Ulysse dans l’Odyssée d’Homère. Des populations réputées pour être sanguinaires et très peu civilisées étaient connues pour être des buveurs de lait comme les Ethiopiens ou les Indiens. Certains peuples nomades, dont les Scythes, ne pouvaient pas pratiquer l’agriculture et étaient ainsi contraints de se nourrir du lait de leurs bêtes (10). Cependant, selon Aristote, le lait n’est rien d’autre que du sang ayant subi une coction parfaite. De ce point de vue émane la notion de transformation, avec le sang cuit. Cette idée permet la valorisation du lait qui n’est plus exactement vu comme un produit brut (9). Dans L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, le lait est encore opposé au vin, produit de la culture, et la consommation du lait n’est recommandée que lorsque celui-ci est transformé donc civilisé .

Le lait, entre boisson des faibles et cure de jouvence 

Le lait est la nourriture exclusive des nouveau-nés et des nourrissons, considérés comme des êtres humains non encore terminés selon les Grecs. En effet, ils marchent à quatre pattes et ne maîtrisent pas le logos. En somme il s’agit d’êtres qui ne sont pas encore civilisés. C’est pourquoi le lait est associé à l’élément inachevé, l’élément non encore civilisé et donc au primitivisme voire à l’imperfection. Au Moyen-Âge, le lait était la boisson des pauvres et des montagnards, perçus eux aussi comme des personnes non civilisées. Au XVIIème et au XVIIIème siècle, le lait est la boisson des enfants, des paysans et des domestiques. Cela fait du lait l’aliment de ceux qui ne peuvent pas se gouverner seul, la « boisson des faibles ». Le consommateur de lait est socialement dévalorisé car l’alimentation active la pensée magique que l’on est ce que l’on mange (12). Historiquement, le lait n’étant pas soumis à taxes, il est difficile de tracer les échanges commerciaux le concernant. Il est probable qu’il relevait majoritairement d’une autoconsommation paysanne. Seuls le beurre et le fromage étaient taxés. Une ordonnance royale de Louis XIV, datant de 1667, demandait aux sergents qui étaient amenés à saisir les biens meubles des plus pauvres de laisser une vache et trois brebis par famille, afin de leur garantir une subsistance minimale. Cet exemple reflète l’importance de cet aliment pour la survie des plus démunis (13). Pour conclure sur ce rapide panorama historique, il convient de préciser qu’au fil des siècles le lait n’a pas toujours mauvaise réputation. Les Romains se retrouvent au contact des peuples celtes qui valorisent fortement le lait. Le christianisme débutant fait également du lait la nourriture spirituelle des Parfaits, rejetant la nourriture issue des sacrifices. Au Moyen Âge dans le monde occidental, le lait est associé à la jeunesse retrouvée et certaines femmes, pour lutter contre les effets de l’âge, consomment du lait à l’occasion de cures de jouvence reprenant un usage déjà présent chez les égyptiens .

Développement de la consommation du lait au XIXème siècle sous l’effet de l’industrialisation et des progrès de la science

Développement de la nutrition comme science

La diététique fut inventée durant l’Antiquité suivant la théorie de l’équilibre des quatre humeurs propagée par Hippocrate (460-377 avant notre ère), qui vise à restaurer l’état de santé. Chaque aliment est dominé par une humeur, mais Hippocrate tient compte du changement d’état des aliments qui subissent une coction dans l’estomac et deviennent liquides (15). Galien (II-IIIème siècles) apporta des explications supplémentaires à cette théorie admise et enseignée par les médecins jusqu’au XIXème siècle. Le médecin considère alors les aliments comme le remède contre les maladies induites par le déséquilibre des humeurs du corps. Au XVIIIème siècle, les progrès en chimie et en physiologie vinrent alimenter l’idée de « pouvoirs » guérisseurs conférés aux aliments. Au siècle suivant, les médecins hygiénistes, héritiers des idées de Lavoisier, firent de l’alimentation la lutte contre les fléaux sociaux (16). Le terme d’hygiène alimentaire fait  alors son apparition avec une volonté de s’opposer au terme antique « diététique », qui était une discipline absente de l’enseignement médical facultaire. La nutrition se présente comme une science nouvelle du XIXème siècle. Les découvertes de Claude Bernard (1813-1878) et Louis Pasteur (1822-1895) liées en particulier à la méthode anatomo-clinique sont à l’origine de la rationalisation de l’hygiène alimentaire. À la suite de la révolution pastorienne et hygiéniste, la mission du médecin inclut la prévention. Il devient curateur et éducateur. Les consignes d’alimentation adaptée à la théorie des humeurs font place au concept de nature, chacun doit choisir son alimentation en fonction de sa nature. Le médecin s’engage donc dans le social et le politique afin de réformer sa société, qui se médicalise via la prise d’importance des services, mais le marché médical lui-même prend de l’ampleur, et le médecin prend de plus en plus de pouvoir au sein de la société.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
I.1 Vision culturelle du lait jusqu’au XIXème siècle
I.1.1 Symbole de la création du monde source de récits mythologiques
I.1.2. Source de controverse depuis des millénaires
I. 2. Développement de la consommation du lait au XIXème siècle sous l’effet de l’industrialisation et des progrès de la science
I. 2. 1. Développement de la nutrition comme science
I. 2. 2. L’amélioration des conditions de conservation permet le développement de la consommation de lait
I. 2. 3. Des nourrices à l’allaitement artificiel, le lait responsable de la mortalité infantile
I. 2. 4. Le développement de l’industrie laitière grâce aux bienfaits associés au lait
I .2. 5 Un exemple de politique publique en faveur de la consommation du lait : le gouvernement Mendès-France et la distribution gratuite de lait à l’école
I.3. Controverse autour du lait au XXIème siècle, entre maladie supposée et discours anti-lait
I. 3. 1. Lait et cancers
I. 3. 2. Lait et ostéoporose
I. 3. 3. Lait et rhumatismes
I. 3. 4. Maladies digestives en lien avec l’ingestion du lait animal
I. 3. 5. Le difficile positionnement des médecins face aux interrogations
I. 3. 6. Développement de l’agro-industrie en France, individualisme et discours anti-lait
Conclusion de la première partie
II. MATERIEL ET METHODE
III. RESULTATS
III.1. Méthodologie des études incluses
III. 2. Comparaison des protocoles d’étude
III. 2. 1. Répartition homme / femme
III. 2. 2. Age
III. 2. 3. Mode de recrutement
III. 2. 4. Les tests respiratoires
III. 2. 5. Autres critères d’évaluation
III. 2. 6. Scores d’anxiété
IV. DISCUSSION
IV. 1. Méthodologie
IV. 1. 1. Niveau de preuve scientifique
IV.1 .2. Classification
IV. 1. 3. Objectifs
IV. 1. 4. Caractéristiques de la population
IV. 1. 5. Méthode diagnostique
IV. 2. Définitions
IV. 2. 1. Définition de l’intolérance au lactose
IV. 2. 2. Questionnaires évaluant l’anxiété
IV. 3. Forces et limites de l’étude
IV. 3. 1. Forces de l’étude
IV. 3. 2. Limites de l’étude
V. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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