VIRUS SCHMALLENBERG
Classification
Les recherches menées sur le SBV par comparaison avec les séquences disponibles d’Orthobunyavirus, ont indiqué des homologies avec des souches virales japonaises du sérogroupe Simbu. Le séquençage des trois segments génomiques du SBV a permis d’établir des identités nucléotidiques de 97 % avec le virus Shamonda, 71 % avec le virus Aino et 69 % avec le virus Akabane, respectivement pour les segments S, M et L (Hoffmann et al., 2012). Ces trois virus sont connus pour leur tératogénicité chez les ruminants. L’origine du SBV reste controversée. L’hypothèse qu’il soit un réassortant du segment M du virus Sathuperi et des segments L et S du virus Shamonda a été suggérée (Yanase et al., 2012). Cependant, d’autres études montrent que le SBV pourrait être considéré comme « Sathuperi-like ». Il ne serait pas un réassortant mais un ancêtre du virus Shamonda (Goller et al., 2012). Ainsi, le virus Shamonda serait un réassortant des segments S et L du SBV et du segment M d’un virus encore non identifié et qui serait à classer également en tant que « Sathuperi-like ». Des données de l’Institut Friedrich Loeffler (FLI) indiquent elles aussi qu’il serait un « Sathuperi-like » et non un réassortant (EFSA, 2012a).
Composition
Les virus de la famille des Bunyaviridae sont enveloppés et de petite taille. La particule virale mesure entre 100 et 120 nm. La structure du virus de Schmallenberg est illustrée dans la figure 1. Le génome de ces virus est composé d’un acide ribonucléique (ARN) segmenté monocaténaire, de polarité négative. Cet ARN est constitué de 3 segments génomiques, S, M et L, respectivement de 830, 4415 et 6865 nucléotides. Les trois segments d’ARN adoptent une configuration circulaire en association avec la protéine N de la nucléocapside. Le génome des Bunyaviridae code quatre protéines structurales et deux protéines non structurales. Comme représenté dans la figure 2, le segment S code la protéine de nucléoprotéine N et pour les Orthobunyavirus, il code également la protéine NSs non structurale, qui intervient dans la modulation de la réponse antivirale des cellules infectées. Le segment M code un précurseur protéique membranaire, clivé en deux glycoprotéines de surface Gn et Gc. Elles jouent un rôle essentiel dans la maturation des nouvelles particules virales et l’attachement aux cellules sensibles. Le segment M code aussi une protéine non structurale NSm, issue du même précurseur protéique et impliquée dans la morphogénèse virale. Enfin, le segment L code une seule protéine, grande et complexe. Elle constitue l’ARN polymérase virale dépendant de l’ARN (Martinelle et al., 2012)
Pathogénie
Lors de l’infection du foetus par voie transplacentaire, le tropisme du SBV pour les neurones a été démontré. En effet, dans leurs essais sur souris expérimentales, Varela et al. (2013) ont observé la réplication abondante du SBV dans les neurones, provoquant une malacie cérébrale et une vacuolisation du cortex cérébral, pouvant évoluer en porencéphalie ou causer des destructions tissulaires plus massives. La détection en quantité importante d’antigènes dans les neurones de la matière grise du cerveau et de la moelle épinière, les a conduit à suggérer une hypoplasie musculaire secondaire à l’atteinte cérébrale. Les mêmes travaux ont mis en évidence le rôle de la protéine NSs dans la virulence du SBV. Une mutation par délétion du gène codant cette protéine, a entraîné une diminution de la virulence. Cette dernière dépendait de l’incapacité de la protéine NSs à bloquer la synthèse d’interféron (IFN) par les cellules infectées (Varela et al., 2013 ; Elliott et al., 2013). Les études suivantes sur la protéine NSs ont évoqué son implication dans la pathogénie du SBV de différentes façons.
En effet, elle induisait d’une part, la dégradation d’une sous unité de l’ARN polymérase II entraînant l’inhibition de la transcription et par conséquent celle de la synthèse protéique. Cette inhibition de transcription empêche la réponse antivirale et favorise ainsi la réplication et la dissémination du SBV. D’autre part, son action dans l’amélioration de l’apoptose a également été observée (Barry et al., 2014). Les conséquences de l’infection d’un animal gravide par le SBV, sur le foetus varient au cours de la gestation. En comparaison avec les connaissances sur le virus Akabane, une pathogénie comparable a été envisagée pour le SBV. Chez les bovins, l’infection par le virus Akabane du 76ème au 104ème jour de gestation donne généralement lieu à des lésions de type hydranencéphalie – porencéphalie alors que du 103ème au 174ème jour de gestation, l’arthrogrypose prédomine. Les foetus de moins de deux mois paraissent protégés. Chez les bovins, le deuxième tiers de gestation semble donc critique (Kirkland et al., 1988). Chez les petits ruminants, cette période se situe entre le 30ème et le 50ème jour de gestation. Ainsi, Martinelle et al. (2012) ont proposé les conséquences hypothétiques d’une infection in utero par le SBV. Elles sont présentées dans la figure 7.
Les premiers essais d’infection expérimentale de 24 vaches gestantes, à des stades de gestation différents (deux, trois, quatre et cinq mois de gestation), ont conduit à l’apparition d’arthrogrypose et de torticolis sur un seul foetus issu d’une vache inoculée à 90 jours de gestation (EFSA, 2014). Ces observations sont en corrélation avec celles de Wernike et al. (2014c). En effet, ils ont suivi deux exploitations naturellement infectées en automne 2011 et ont observé la naissance d’un veau malformé dont la mère était gestante de 92 jours lors de la mise en évidence du virus en automne 2011. D’autres travaux d’infection expérimentale de brebis gestantes (de un mois et demi pour certaines et deux mois pour les autres) n’ont induit aucune malformation des agneaux. Des traces d’ARN ont été retrouvées sur certains agneaux, majoritairement sur ceux issus de mères infectées à deux mois de gestation (ces résultats ne sont que des observations, les analyses statistiques n’étant pas encore disponibles) (EFSA, 2014). Les travaux de Hébert (2014) ont montré que le SBV semblait provoquer une mortalité foetale, voire embryonnaire, des chèvres gestantes après inoculation du virus aux mères entre 28 et 42 jours après la saillie.
Détection des premiers cas en Europe, du mois de novembre 2011 au mois de mars 2012 Depuis le mois d’août 2011, de nombreuses formes atypiques de diarrhées hivernales étaient rapportées sur les bovins laitiers aux Pays Bas (à l’extrême est du pays, en zone frontalière avec l’Allemagne) et en Allemagne (en Rhénanie du Nord-Westphalie, à l’ouest du pays, à la frontière avec les Pays-Bas). Les signes décrits étaient une hyperthermie supérieure à 40°C, une diarrhée aqueuse et une baisse de production de lait de plus de 50 %. Des avortements s’ajoutaient parfois au tableau clinique. Le syndrome a été rapporté dans plus de quatre-vingts exploitations aux Pays-Bas. La phase clinique était courte et la rémission semblait spontanée, en quelques jours. Face au nombre croissant d’échantillons de sang d’animaux atteints reçus et face à ces symptômes dont l’origine demeurait jusqu’alors inconnue, le FLI, le centre national de recherche en santé animale d’Allemagne, entreprenait une nouvelle procédure, l’analyse métagénomique (ProMED-mail, 2011a ; FLI, 2011).
Ainsi, le 18 novembre, un mélange de trois échantillons de sang, issus de vaches laitières atteintes des signes cliniques décrits, prélevées en octobre et provenant d’un même élevage de la ville de Schmallenberg, a été analysé par la métagénomique. Un échantillon de sang d’un animal sain d’un autre élevage a été testé en parallèle. Les résultats ont révélé des séquences génomiques virales présentant des homologies avec le genre Orthobunyavirus de la famille des Bunyaviridae. Le virus a été provisoirement nommé virus Schmallenberg, du nom de la ville d’où provenaient les prélèvements à partir desquels le virus a été isolé. Une RT-qPCR en temps réel nouvellement développée a permis de mettre en évidence douze bovins positifs dans six élevages différents parmi une centaine de prélèvements. Les échantillons avaient été prélevés au cours des mois de septembre, d’octobre et de novembre, en Rhénanie du Nord-Westphalie (Hoffmann et al., 2012). Une autre source évoquait neuf animaux positifs parmi cent échantillons, dans quatre exploitations (ProMED-mail, 2011b). Le 18 novembre le virus de Schmallenberg a été isolé en Allemagne. Les premiers cas d’infection aiguë chez des bovins ont été mis en évidence en Rhénanie du Nord-Westphalie.
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Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS
TABLE DES ILLUSTRATIONS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS SUR LES CONNAISSANCES DU VIRUS SCHMALLENBERG
I.ELEMENTS DE VIROLOGIE ET D’EPIDEMIOLOGIE ANALYTIQUE
1.1. Agent pathogène
1.1.1. Classification
1.1.2. Composition
1.1.3. Propriétés physico-chimiques
1.1.4. Propriétés antigéniques
1.2. Vecteur
1.3. Espèces cibles
1.4. Transmission
II.ASPECTS CLINIQUES ET PATHOGENIE
2.1. Symptômes
2.1.1. Forme aiguë
2.1.1.1. Chez les bovins
2.1.1.2. Chez les petits ruminants
2.1.2. Forme congénitale
2.2. Lésions
2.3. Pathogénie
2.4. Réponse immunitaire
III.DIAGNOSTIC
3.1. Diagnostic clinique
3.2. Diagnostic différentiel
3.2.1. Chez l’adulte
3.2.2. Chez le nouveau-né
3.3. Prélèvements
3.4. Diagnostic de laboratoire
3.4.1. Diagnostic direct
3.4.1.1. RT-qPCR
3.4.1.2. Isolement viral
3.4.2. Diagnostic indirect
3.4.2.1. Séroneutralisation
3.4.2.2. ELISA
3.4.2.3. Immunofluorescence indirecte
3.4.3. Démarche diagnostique
IV.METHODES DE LUTTE
4.1. Vaccination
4.2. Lutte contre les vecteurs
4.3. Lutte sanitaire
DEUXIEME PARTIE : ETUDE DE L’EPIZOOTIE SURVENUE EN 2011 DANS LE NORD DE L’EUROPE ET BILANS DES TROIS SAISONS
I.DEBUT DE L’EPIZOOTIE SURVENUE EN 2011 DANS LE NORD DE L’EUROPE
1.1. Détection des premiers cas en Europe, du mois de novembre 2011 au mois de mars 2012
1.1.1 Novembre
1.1.2. Décembre
1.1.2.1. Pays-Bas
1.1.2.2. Belgique
1.1.3. Janvier
1.1.3.1. Pays-Bas
1.1.3.2. Allemagne
1.1.3.3. Belgique
1.1.3.4. Royaume-Uni
1.1.3.5. France
1.1.4. Février
1.1.5. Mars
1.2. Evolution spatiale et temporelle
1.3. Evolution du SBV durant l’été 2012
1.3.1. Nouveaux pays atteints par le SBV durant l’été 2012
1.3.1.1. Danemark
1.3.1.2. Suisse
1.3.1.3. Autriche
1.3.1.4. Pologne
1.3.1.5. Suède
1.3.1.6. Finlande
1.3.1.7. Irlande
1.3.2. Evolution spatiale et temporelle
1.4. Bilan de la première saison 2011/2012
1.4.1. En Europe
1.4.1.1. Incidence cheptel
1.4.1.2. Séroprévalence
1.4.1.3. Distribution temporelle du nombre de foyers de SBV
1.4.1.4. Distribution géographique des foyers de SBV confirmés de septembre 2011 à octobre 2012
1.4.1.5. Impacts du SBV Bilan
1.4.2. En France
1.4.2.1. Objectifs et modalités de surveillance du SBV congénital entre janvier et août 2012
1.4.2.2. Incidence cheptel
1.4.2.3. Taux d’incidence cheptel
1.4.2.4. Séroprévalence intra-troupeau
1.4.2.5. Evolution dans le temps
1.4.2.6. Evolution spatio-temporelle
1.4.2.7. Répartition géographique
1.4.2.8. Impacts du SBV
1.4.2.9. Conclusion
II.Bilan de la saison 2012/2013
2.1. En Europe
2.1.1. Nouveaux pays atteints
2.1.2. Incidence cheptel
2.1.3. Prévalence
2.1.4. Confirmation biologique
2.1.5. Evolution du nombre de foyers de SBV dans le temps
2.1.5.1. Evolution mensuelle
2.1.5.2. Evolution hebdomadaire par pays
2.1.6. Distribution géographique des foyers de SBV confirmés de septembre 2011 à avril 2013
2.1.7. Conclusion
2.2. En France
2.2.1. Objectif et modalités de surveillance du SBV congénital entre septembre 2012 et août 2013
2.2.1.1. Objectif
2.2.1.2. Définition des cas
2.2.1.3. Modalités diagnostiques
2.2.2. Incidence cheptel
2.2.3. Séroprévalence
2.2.4. Evolution dans le temps
2.2.5. Evolution spatio-temporelle
2.2.6. Répartition géographique
2.2.7. Conclusion
III.Bilan de la saison 2013/2014
3.1. Nouveaux pays atteints en Europe
3.1.1. Serbie
3.1.2. Roumanie
3.1.3. Grèce
3.2. En France
3.2.1. Incidence cheptel
3.2.2. Evolution dans le temps
3.2.3. Répartition géographique
IV.Bilan de trois ans de surveillance et perspectives
TROISIEME PARTIE : ETUDE PERSONNELLE
I.CONTEXTE
II.OBJECTIFS
III.MATERIEL ET METHODES
3.1. Définitions des cas cliniques suspects.
3.2. Analyses de laboratoire
3.2.1. Laboratoires réalisant les analyses
3.2.2. Les prélèvements réalisés
3.2.3. Analyses
3.3. Fiche de renseignements
3.4. Analyses statistiques
IV.RESULTATS
4.1. Description brute des résultats
4.1.1. Description de l’échantillon
4.1.1.1. Composition de l’échantillon et nombre de cas confirmés
4.1.1.2. Répartition géographique des suspicions cliniques
4.1.2. Les signes cliniques
4.1.2.1. Score clinique
4.1.2.2. Les signes nerveux
4.1.3. Résultats de sérologie et PCR chez les mères
4.2. Résultats des analyses bivariées
4.2.1. Lien entre les résultats de la RT-qPCR et le type de prélèvement réalisé chez le suspect clinique
4.2.2. Lien entre les résultats de la RT-qPCR et le stade de gestation auquel est né le suspect clinique
4.2.3. Lien entre les résultats de la RT-qPCR et l’espèce du suspect clinique
4.2.4. Lien entre les résultats de la RT-qPCR et le score clinique du suspect clinique
4.2.5. Lien entre les résultats de la RT-qPCR et la présence de signes nerveux chez l’individu suspect clinique
4.2.6. Régression logistique
V.DISCUSSION
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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