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Consรฉquences sur la santรฉ
Selon lโOMS (organisation mondiale de la santรฉ), les consรฉquences peuvent รชtre classรฉes en quatre grandes catรฉgories18 :
– les consรฉquences physiques
– les consรฉquences sexuelles et celles liรฉes ร la grossesse
– les consรฉquences psychologiques et psychiatriques
– les maladies chroniques.
Les atteintes physiques amรจnent le plus souvent ร la rรฉalisation dโun certificat mรฉdical initial : brรปlures, contusions, douleurs musculaires, plaies, fractures. Elles entraรฎnent des douleurs aiguรซs, quโil est important de prendre en compte et de traiter, des difficultรฉs ร se mouvoir dans la vie quotidienne, mais aussi des douleurs chroniques et rebelles.
Lโรฉtude de J.Campbell montre que les victimes souffrent de maniรจre plus importante de douleurs chroniques par rapport au reste de la population : dorsalgies, migraines, douleurs pelviennes19. Les victimes peuvent manifester des troubles abdominaux variรฉs : colopathies fonctionnelles, troubles du transit, douleurs abdominales, nausรฉes.
Ces douleurs sont lโintrication de blessures reรงues, mais aussi de troubles psychosomatiques. Sur le plan gynรฉcologique, les victimes prรฉsentent un risque accru de dรฉvelopper des infections urinaires, infections gรฉnitales ou des IST (infections sexuellement transmissibles).
Elles prรฉsentent plus souvent des troubles du cycle menstruel, des dyspareunies (douleurs lors des rapports sexuels), trouble du dรฉsir20.
Les femmes enceintes ont un risque deux fois plus รฉlevรฉ dโรชtre victimes de violences, ce qui peut conduire ร des interruptions de grossesses, naissances prรฉmaturรฉes ou retard de croissance intra-utรฉrin21.
Selon un mรฉmoire effectuรฉ dans un planning familial ร Paris en 2009, 23% des femmes souhaitant une IVG lโont demandรฉe pour cause de violences subies22.
Toute maladie chronique risque dโรชtre dรฉclenchรฉe ou dรฉcompensรฉe dans un contexte de violences conjugales, que ce soient des maladies cardiaques (hypertension artรฉrielle, insuffisance cardiaque), pulmonaires (bronchite chronique, asthme), ou mรฉtaboliques (diabรจte).
Le rapport Henrion de 2001 mentionne la difficultรฉ ร avoir un suivi mรฉdical rรฉgulier dans ce contexte : ยซIl peut รชtre difficile pour la femme de suivre son traitement ou de consulter, du fait de son asthรฉnie, de son mauvais รฉtat de santรฉ physique, dโun รฉtat dรฉpressif ou parce que son mari contrรดle ses faits et gestes et lโen empรชcheยป.
Les troubles du comportement alimentaires (anorexie, boulimie) sont aussi frรฉquemment rencontrรฉs.
Enfin sur le plan psychologique et psychiatrique, les violences sont trรจs prรฉjudiciables. Les victimes dรฉveloppent plus souvent des syndromes anxieux, dรฉpressifs, des troubles du sommeil.
Des รฉtudes concernant la santรฉ psychologique des patientes victimes dรฉcrivent que ces derniรจres prรฉsentent plus souvent des addictions au tabac, ร des mรฉdicaments psychotropes, ร des substances illicites ou ร lโalcool23.
De maniรจre intriquรฉe, on retrouve un risque suicidaire plus รฉlevรฉ chez les victimes de violence que dans la population gรฉnรฉrale24.
La Dr Muriel Salmona dรฉcrit dans diffรฉrents ouvrages lโรฉtat de stress post traumatique dans lequel se situe une victime de violences25,26. Elle parle de ยซ mรฉmoire traumatique27 ยป, comme une ยซ consรฉquence psychotraumatique des violences (โฆ) qui envahit totalement le conscient, et qui fait revivre ร lโidentique tout ou une partie du traumatisme ยป.
Elle dรฉveloppe en dรฉcrivant des รฉpisodes de dissociations, de rรฉminiscences, de flash-backs, conduisant ร des conduites dโรฉvitement (la patiente รฉvite tout ce qui lui rappelle une situation), une hyperstimulation neuro-vรฉgรฉtative (insomnie, tachycardie, hypertension artรฉrielle), des conduites addictives.
Ce sont les consรฉquences de cette mรฉmoire traumatique qui expliquent les rรฉactions des femmes victimes de violence vis-ร -vis de leur agresseur: il est difficile de se sรฉparer de ce sentiment dโanesthรฉsie รฉmotionnelle et de dissociation. Des conduites dโรฉvitement sont ร lโorigine dโun retrait social, dโune peur de tout changement, dโun sentiment dโinsรฉcuritรฉ permanent, empรชchant la prise de dรฉcision, notamment le dรฉpart du domicile.
Ces lourdes consรฉquences sur la santรฉ des femmes expliquent pourquoi les violences conjugales sont un rรฉel problรจme de santรฉ publique.
Evolution de la lรฉgislation
La prise de conscience de la rรฉalitรฉ et de lโimportance des violences conjugales est rรฉcente.
En 1989, les pouvoirs publics lancent la premiรจre campagne nationale dโinformation en affirmant vouloir lutter contre les violences conjugales. Une circulaire28 permet la crรฉation de commissions dรฉpartementales dโaction contre les violences faites aux femmes.
Le viol entre conjoints est reconnu par la jurisprudence en 1992 : ยซ la prรฉsomption de consentement des รฉpoux aux actes sexuels accomplis dans l’intimitรฉ de la vie conjugale ne vaut que jusqu’ร preuve du contraire29 ยป.
La mรชme annรฉe, une permanence nationale tรฉlรฉphonique est crรฉรฉe ร la demande du secrรฉtariat dโรฉtat aux droits des femmes. Gรฉrรฉe par la Fรฉdรฉration Solidaritรฉ Femmes, ยซ Violence conjugale femmes Info Service ยป est chargรฉe de ยซ lโรฉcoute, du conseil, de lโinformation et de lโorientation des femmes victimes de violences conjugales vers des structures spรฉcialisรฉes. ยป.
Ce numรฉro est devenu le 3919 en 2007. En 2014, les missions du 3919 sont รฉtendues ร toutes les formes de violences ร caractรจre sexiste faites aux femmes.
Dans le nouveau code pรฉnal de 1994, les violences commises par le conjoint ou le concubin, quโelles soient physiques ou sexuelles, sont reconnues comme un dรฉlit avec circonstances aggravantes.
En 1997, le service des droits des femmes commandite lโEnquรชte nationale sur les violences envers les femmes en France (ENVEFF). Celle-ci sera rรฉalisรฉe en 2000 sous la responsabilitรฉ de Maryse Jaspard, socio-dรฉmographe et maitre de confรฉrences ร lโinstitut de dรฉmographie de lโuniversitรฉ Paris I. Les rรฉsultats seront publiรฉs en 2003.
Cette รฉtude a permis de lever le tabou sur les violences faites aux femmes en France, notamment au sein du couple, et de montrer lโampleur du silence ร lโรฉpoque autour de ces violences.
La rรฉponse pรฉnale est depuis en pleine croissance : 5 plans de lutte se sont succรฉdรฉ.
Le premier plan global de lutte contre les violences faites aux femmes de novembre 2004 est articulรฉ autour de ยซ 10 mesures pour lโautonomie des femmes 30 ยป , entre autres. La loi du 26 mai 2004 relative au divorce31 introduit dans le code civil un dispositif permettant ร la victime de violences de saisir le juge, avant mรชme toute requรชte en divorce, pour organiser la rรฉsidence sรฉparรฉe du couple en bรฉnรฉficiant dโune prioritรฉ ร son maintien dans le domicile conjugal.
La loi du 04 avril 200632 permet dโรฉlargir le champ dโapplication de la circonstance aggravante ร de nouveaux auteurs (pacsรฉs et ยซ ex ยป), et renforce le protection des victimes en facilitant lโรฉloignement de lโauteur.
Dans lโarticle 11, la notion de viol entre รฉpoux est reconnue textuellement : ยซ Le viol et les autres agressions sexuelles sont constituรฉs lorsquโils ont รฉtรฉ imposรฉs ร la victime dans les circonstances prรฉvues par la prรฉsente section, quelle que soit la nature des relations existant entre lโagresseur et sa victime, y compris sโils sont unis par les liens du mariage. Dans ce cas, la prรฉsomption de consentement des รฉpoux ร lโacte sexuel ne vaut que jusquโร preuve du contraire. ยป.
Le second plan global triennal entre 2008 et 2010 fixe ยซ douze objectifs pour combattre les violences faites aux femmes ยป.
La loi du 09 juillet 2010 crรฉe une ordonnance gรฉnรฉrale de protection prise en urgence par le Juge des affaires familiales33. Elle autorise des mesures provisoires en matiรจre dโexercice de lโautoritรฉ parentale, dโattribution de la jouissance du logement conjugal pour les enfants exposรฉs.
De nouveaux dรฉlits รฉmanent de cette loi : le dรฉlit de violences psychologiques et le dรฉlit de harcรจlement au sein du couple.
Enfin lโarticle 6 de cette mรชme loi prรฉvoit lโaggravation des peines applicables en cas de menaces profรฉrรฉes au sein du couple.
Le troisiรจme plan de lutte interministรฉriel qui couvre la pรฉriode de 2011 ร 2013, sโaxe autour de trois thรจmes : protection, prรฉvention et solidaritรฉ, dans la continuitรฉ des deux prรฉcรฉdents plans de lutte.
La gรฉnรฉralisation du ยซ tรฉlรฉphone grave danger ยป, est lโune des mesures phares du quatriรจme plan de lutte (2014-2016) : le procureur de la rรฉpublique peut attribuer, pour une durรฉe de 6 mois renouvelable, 530 tรฉlรฉphones sur tout le territoire. Il sโagit dโun tรฉlรฉphone portable disposant dโune touche dรฉdiรฉe et dโune gรฉolocalisation permettant ร la victime de joindre un service de tรฉlรฉassistance accessible 7j/7 et 24h/24 et dโaboutir si besoin ร lโintervention de forces de lโordre.
La formation est un autre point important de ce 4รจme plan : en effet il est indispensable que les diffรฉrents acteurs prenant en charge des victimes soient formรฉs ร lโaccueil, lโรฉcoute, et lโorientation des victimes.
Diffรฉrentes formations initiales puis continues se mettent en place depuis 201434.
Lโordonnance de protection est allongรฉe de 4 ร 6 mois lorsque les violences sont ยซ susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants ยป, le harcรจlement moral au sein du couple est prรฉcisรฉ, ainsi que le cyber-harcรจlement : ยซ nul besoin dโรชtre en contact avec sa victime pour lui nuire35 ยป. Depuis la loi du 7 octobre 2016, une peine de deux ans dโemprisonnement et une amende jusquโร 60 000 euros est prรฉvue contre le phรฉnomรจne de ยซ revenge porn ยป.
La protection des personnes รฉtrangรจres victimes de violence est renforcรฉe en renouvelant de plein droit une carte de sรฉjour temporaire36.
Enfin, le 5รจme plan interministรฉriel couvre la pรฉriode 2017-2019. Il vise ร consolider les prรฉcรฉdentes lois et poursuivre la lutte contre la persistance de ces violences. Les dรฉlais de prescription sont allongรฉs ร 20 ans pour les ยซ violences dโun conjoint, concubin ou partenaire de PACS ayant entrainรฉ une mutation ou une infirmitรฉ permanente ยป37, entre autres.
Une dรฉrogation au secret mรฉdical avec possibilitรฉ de signaler au procureur de la rรฉpublique une information prรฉoccupante en cas de danger vital immรฉdiat a รฉtรฉ proposรฉe et soutenue par lโordre des mรฉdecins38. Cette loi a รฉtรฉ dรฉfinitivement adoptรฉe en juillet 2020.
80 postes supplรฉmentaires dโintervenants sociaux dans les commissariats et les gendarmeries ont รฉtรฉ promis dโici 2021.
Des centres dโaccueil aux victimes voient le jour, des nouvelles places dโhรฉbergement dโurgence doivent รชtre mises ร disposition dรฉbut 2020.
Ces avancรฉes lรฉgislatives sont le tรฉmoin dโune volontรฉ de meilleur accueil, accompagnement et suivi des personnes victimes de violence par les pouvoirs publics.
Lโexpansion des rรฉseaux sociaux permet de libรฉrer dโune certaine maniรจre la parole, de dรฉnoncer plus facilement des violences qui nโรฉtaient pas considรฉrรฉes comme telles par les gรฉnรฉrations prรฉcรฉdentes.
Cโest dans ce contexte social que les professionnels de santรฉ reรงoivent des patientes, plus ou moins informรฉes des avancรฉes lรฉgislatives, plus ou moins conscientes de ce quโelles traversent et plus ou moins enclines ร en parler.
Matรฉriel et mรฉthodes
Type dโรฉtude
Il sโagit dโune รฉtude qualitative, par entretiens semi-dirigรฉs auprรจs de 11 patientes victimes ayant consultรฉ au CASA (Centre dโaccueil spรฉcialisรฉ dans les agressions – CHU de Rouen) ou au sein de lโEMHAVI (Equipe mobile hospitaliรจre dโaide aux victimes de violences Hรดpital des Feugrais, Saint-Aubin-les-Elbeuf).
La recherche qualitative ne sert pas ร mesurer ou quantifier, mais ร recueillir des donnรฉes verbales, ร explorer des รฉmotions, ร analyser des comportements. Ce type dโรฉtude est adaptรฉ ร lโanalyse des phรฉnomรจnes sociaux, et permet dโintรฉgrer au mieux la diffรฉrence des points de vue et la subjectivitรฉ de chaque histoire.
Lโapproche mรฉthodologique de cette รฉtude est phรฉnomรฉnologique. Il nโexiste pas dโhypothรจse de recherche prรฉalable mais un contexte social, au sein duquel des questions subsistent malgrรฉ les recherches dรฉjร effectuรฉes.
Il a fallu aborder les sujets (les patientes victimes) dans leur globalitรฉ, leur unicitรฉ et leur subjectivitรฉ afin dโinterprรฉter leurs dires pour rรฉpondre aux questions posรฉes.
Recrutement des patientes
La premiรจre รฉtape a รฉtรฉ de dรฉfinir la population ร รฉtudier : jโai dรฉcidรฉ de ne mโintรฉresser quโaux femmes victimes.
Certes, les violences conjugales existent aussi chez les hommes, mais elles sont beaucoup moins reprรฉsentรฉes (12% dโaprรจs lโONVFF39), et nรฉcessiteraient peut-รชtre un travail de recherche ร part entiรจre. En effet, les freins des mรฉdecins gรฉnรฉralistes au dรฉpistage et les attentes des victimes diffรจrent probablement en fonction du sexe du patient.
Ensuite, lโinterรชt que je porte ร cette thรฉmatique de violence conjugale entre en rรฉsonance avec les dรฉbats qui alimentent des luttes citoyennes et fรฉministes en France (et dans le monde), ร la fois dโordre politique et sociale, et a nourri mon envie de me concentrer sur une population exclusivement fรฉminine.
Jโai effectuรฉ plusieurs stages ร lโhรดpital des Feugrais durant mon internat. Cโest lors de mon premier semestre aux urgences adultes que mon intรฉrรชt tant du point de vue personnel que professionnel sโest aiguisรฉ sur les violences faites aux femmes, notamment les violences au sein du couple. Lโhรดpital est un lieu de passage frรฉquent des victimes, surtout en phase aiguรซ du traumatisme. Les multiples enjeux de cette problรฉmatique ont fortement renforcรฉ mon intรฉrรชt.
Jโai รฉtรฉ formรฉe entre autres durant ce semestre par le Dr Perissoud qui mโa proposรฉ dโassister ร plusieurs consultations mรฉdicales dโaccueil aux femmes violentรฉes. Ces consultations sont effectuรฉes dans les bureaux dโEMHAVI, appartenant au service des urgences du centre hospitalier dโElbeuf.
EMHAVI est une structure crรฉรฉe en 2010, avec pour principaux objectifs dโamรฉliorer le repรฉrage et la prise en charge des victimes de violences conjugales, de coordonner cette prise en charge ร la fois sur le plan mรฉdical, psychologique et social des patientes. Lโintervention dโEMHAVI nโa pas vocation dโeffectuer un suivi ร long terme, cโest un accompagnement ponctuel lors du passage hospitalier, avec lien vers des relais extรฉrieurs.
Lโรฉquipe est composรฉe dโune assistante sociale coordinatrice, dโune psychologue clinicienne et dโun mรฉdecin rรฉfรฉrent. Les victimes peuvent รชtre vues ร la fois dans le service des urgences, en hospitalisation ou en consultation programmรฉe.
La consultation mรฉdicale a pour mission initiale dโรฉtablir un CMI (certificat mรฉdical initial), qui relate les antรฉcรฉdents de violence, les critรจres de vulnรฉrabilitรฉ de la patiente (antรฉcรฉdents particuliers, grossesse en cours, รขge, pathologiesโฆ), les dires de la patientes, les rรฉpercussions psychologiques, les donnรฉes de lโexamen clinique et lโรฉvaluation de lโITT (incapacitรฉ totale de travail). LโITT est une notion qui sert ร qualifier pรฉnalement les faits en fonction de la ยซ durรฉe pendant laquelle une victime รฉprouve une gรชne notable dans les actes de la vie courante ยป.
Le rรดle de la psychologue est de proposer un accueil initial lors du premier passage de la victime, puis un accompagnement de soutien si nรฉcessaire, de 3 ร 4 entretiens maximum. Si besoin, les victimes seront orientรฉes vers un travail thรฉrapeutique plus approfondi.
Lโassistante sociale, quant ร elle, propose une รฉvaluation avec la patiente victime des conditions dโhรฉbergement, des ressources financiรจres, une vรฉrification dโune couverture sociale adaptรฉe. De mรชme, elle proposera dโorienter la victime vers le rรฉseau partenariat si une assistance sur le long terme sโavรจre nรฉcessaire.
Afin dโavoir un รฉchantillon le plus reprรฉsentatif de la population gรฉnรฉrale et le plus large possible, je me suis aussi tournรฉe vers le CASA, rattachรฉ au CHU de Rouen.
Le CASA est une unitรฉ mรฉdico-judiciaire, qui est aussi destinรฉe ร simplifier le parcours des victimes, en regroupant dans une mรชme structure des professionnels de santรฉ, une psychologue, une assistante sociale. Dans certaines situations (urgence mรฉdico-lรฉgale, vulnรฉrabilitรฉโฆ), les victimes ont aussi la possibilitรฉ d’รชtre mises en contact avec un officier de police judiciaire pour recueillir leur plainte (Dรฉpรดt de Plainte Simplifiรฉ ou DPS) ou les protรฉger. Le service est lui aussi ร proximitรฉ des urgences et permet une hospitalisation de courte durรฉe si nรฉcessaire.
Au sein du CASA sont reรงues toutes les victimes de violences quelles quโelles soient. La structure rรฉalise en moyenne 554 actes40 par mois. Au sein de ces actes, les violences conjugales reprรฉsentaient en 2018 18% des consultations du CASA.
Cโest ainsi quโentre avril et dรฉcembre 2019, il a รฉtรฉ proposรฉ ร des femmes de plus de 18 ans ayant รฉtรฉ ou รฉtant victime de violences conjugales quelle quโen soit la nature et consultant dans une des deux structures dโaccueil de participer ร mon รฉtude.
Le seul critรจre de non-inclusion dans lโรฉtude pour ces patientes victimes de violences conjugales รฉtait de ne pas avoir de mรฉdecin gรฉnรฉraliste dรฉclarรฉ.
Pour le recrutement, un document papier ร destination des patientes expliquant mon projet (cf Annexe 1) รฉtait dรฉposรฉ par lโinfirmiรจre dโaccueil dans le dossier de chaque patiente consultant pour violences conjugales au CASA de Rouen, expliquรฉe puis distribuรฉe selon la volontรฉ du praticien les recevant.
Concernant lโEMHAVI, le document (cf Annexe 2) nโรฉtait pas systรฉmatiquement inclus dans chaque dossier, mais mon projet prรฉsentรฉ en fin de consultation, et la lettre donnรฉe en main propre si la patiente le souhaitait.
Les patientes repartaient avec mon courrier, sur lequel figurait mon numรฉro de tรฉlรฉphone.
Par accord oral, les praticiens les ayant reรงues me faisait parvenir le leur ร lโissue de leur consultation.
Je laissais aux patientes 15 jours pour me joindre via tรฉlรฉphone ou mail, passรฉ ce dรฉlai, je les contactais moi-mรชme. Si je nโavais pas de rรฉponses, jโessayais une relance une semaine aprรจs.
Sur les 20 numรฉros de tรฉlรฉphone qui mโont รฉtรฉ transmis :
– Deux patientes ont appelรฉ spontanรฉment pour prendre rendez-vous, jโai joint les 18 autres
– Deux patientes ont acceptรฉ de me rencontrer mais ne sont pas venues au RDV prรฉvu
– Une ligne tรฉlรฉphonique a รฉtรฉ fermรฉe et le numรฉro est devenu non attribuรฉ
– Un numรฉro รฉtait celui dโun homme qui nโa donc pas รฉtรฉ inclus dans lโรฉtude
– Cinq patientes nโont rรฉpondu ni ร la premiรจre ni ร la deuxiรจme relance.
Dรฉroulement des entretiens
Au total, 11 patientes ont รฉtรฉ reรงues en entretien : 9 ayant consultรฉ au CASA et 2 ayant consultรฉ lโEHMAVI.
Les entretiens se sont dรฉroulรฉs dans des bureaux mis ร ma disposition par les deux structures. Ils ont durรฉ entre 25 et 55 minutes.
Le guide dโentretien a รฉtรฉ testรฉ initialement puis a รฉvoluรฉ en fonction des idรฉes qui ont รฉmergรฉ des entretiens suivants (cf Annexe 3, guide initial). Il est construit en deux parties :
La premiรจre, dรฉmographique, reprend les caractรฉristiques des patientes interrogรฉes, ainsi que celles de leur mรฉdecin traitant actuel.
Cette premiรจre partie permet de faire plus ample connaissance avec la patiente, afin de la mettre ร lโaise pour la suite de lโentretien, qui est plus personnelle et touche au vรฉcu et au ressenti de celle-ci.
La deuxiรจme partie reprend le parcours au sein des violences, les rรดles des diffรฉrents intervenants, les idรฉes qui en ressortent sur la place du mรฉdecin gรฉnรฉraliste, ainsi que lโรฉtat de santรฉ actuel ressenti.
Pour rรฉdiger le canevas de cette deuxiรจme partie, je me suis servie des freins qui revenaient le plus souvent dans les revues de littรฉrature รฉtudiรฉes.
Tous les entretiens ont รฉtรฉ enregistrรฉs via un tรฉlรฉphone, aprรจs accord oral de la patiente, puis retranscrits immรฉdiatement dans leur totalitรฉ sur le logiciel de traitement de texte Pages.
Ethique et anonymat
Le sujet des violences conjugales est sensible ร aborder.
Cโest un sujet ร la fois mรฉdical et judiciaire. Cela touche ร des donnรฉes personnelles de santรฉ, et renvoie ร des expรฉriences qui ont รฉtรฉ traumatisantes et qui ont dรฉjร dรป รชtre abordรฉes plusieurs fois au sein du parcours des patientes.
Il convenait dโassurer un bien-รชtre รฉmotionnel et une sรฉcuritรฉ totalement respectรฉe pour les patientes que jโallais recevoir en entretien.
Avant de commencer la dรฉmarche de recrutement des patientes, jโai demandรฉ ร la dรฉlรฉguรฉe de la protection des donnรฉes de lโuniversitรฉ de Rouen une autorisation de mโentretenir avec des patientes victimes et les dรฉmarches ร effectuer afin de sโassurer de lโanonymisation complรจte des donnรฉes.
Ainsi, les donnรฉes personnelles recueillies des patientes ont รฉtรฉ rรฉduites ร celles exclusivement nรฉcessaires dans le cadre de mon travail de recherche.
Je me suis assurรฉe dโobtenir lโaccord oral des patientes systรฉmatiquement avant le dรฉbut de chaque entretien pour enregistrer leur propos.
Je leur ai rappelรฉ quโelles pouvaient suspendre ร tout moment lโentretien et me demander la suppression de toutes les donnรฉes que jโavais recueillies.
Une fois les enregistrements retranscrits, je les ai supprimรฉs de mon tรฉlรฉphone.
Les noms et numรฉros de tรฉlรฉphone des patientes รฉtaient dรฉtruits dรจs quโelles avaient รฉtรฉ reรงues en entretien.
Concernant lโanalyse et la retranscription des entretiens, les prรฉnoms qui ont รฉtรฉ spontanรฉment donnรฉs par les patientes ont รฉtรฉ modifiรฉs.
Les propos sont citรฉs avec un numรฉro attribuรฉ de faรงon alรฉatoire prรฉcรฉdรฉ dโun P (ยซ patiente ยป). Enfin, jโai rappelรฉ aux patientes quโelles nโavaient aucune obligation de rรฉpondre aux questions posรฉes, et quโelles devaient se sentir libres de ne pas entrer dans les dรฉtails si cela รฉtait compliquรฉ pour elles.
Analyse des donnรฉes
Lโanalyse des donnรฉes a รฉtรฉ rรฉalisรฉe avec lโaide du logiciel Nvivo12 ร partir des entretiens qui avaient รฉtรฉ retranscrits dans leur totalitรฉ dans le logiciel Pages.
Un premier codage a รฉtรฉ effectuรฉ grรขce ร une lecture multiple des verbatims permettant dโobtenir une vision dโensemble des 11 entretiens. A lโissue de ce premier codage, un classement des groupes de mots ou phrases a รฉtรฉ rรฉalisรฉ en catรฉgories et sous-catรฉgories.
Ensuite, un deuxiรจme codage plus conceptuel et plus sรฉlectif a permis de faire รฉmerger des noeuds dโencodage (ou mots-clefs) organisรฉs par thรจmes afin de relier les diffรฉrentes catรฉgories entre elles.
Ainsi, les rรฉsultats obtenus ont รฉtรฉ classรฉs en deux grandes parties : difficultรฉs des patientes ร aborder le sujet en consultation et rรดles attendus des mรฉdecins gรฉnรฉralistes.
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Table des matiรจres
ย I. Introduction
II. Etat des lieux
1 – Dรฉfinitions
2 – Consรฉquences sur la santรฉ
3 – Evolution de la lรฉgislation
III. Matรฉriel et mรฉthodes
1 – Type dโรฉtude
2 – Recrutement des patientes
3 – Dรฉroulement des entretiens
4 – Ethique et anonymat
5 – Analyse des donnรฉes
IV. Rรฉsultats
1 – Caractรฉristiques de la population รฉtudiรฉe
A. Les patientes
B. Les mรฉdecins gรฉnรฉralistes
C. Etat de santรฉ actuel
2 – Violences subies
A. Violences physiques
B. Violences sexuelles
C. Violences psychologiques et verbales
D. Temporalitรฉ des violences
3 – Les attentes des patientes
A. Les difficultรฉs ร aborder le sujet en consultation
B. Les rรดles attendus du mรฉdecin gรฉnรฉraliste
C. Un dรฉpistage nรฉcessaire
V. Discussion
1 – Synthรจse des rรฉsultats
A. Concernant le repรฉrage des violences
B. Concernant la prise en charge des patientes une fois dรฉpistรฉes
CONCLUSION
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