CHARGE MENTALE ACCRUE ET TROUBLES PSYCHOSOCIAUX
Si les troubles psychosociaux sont de plus en plus souvent évoqués dans les questions de souffrance au travail, c’est parce qu’ils s’inscrivent dans des problématiques de violence. C’est en niant la personnalité, le moi, le je, l’intégrité morale et physique de la personne que l’on favorise les violences. Lorsque dans une entreprise, on impose d’avantage la compétitivité, la productivité, la flexibilité, la rentabilité, la rapidité, la complexité, l’excellence, la soumission, les sacrifices, le temps consacré, l’engagement du salarié et qu’en échange on ne lui propose pas une reconnaissance, une sécurité de l’emploi, une protection contre l’usure, les risques professionnels et un pouvoir d’achat décent, on est bien dans un processus de déni de l’individu subordonné.
LES TYPES DE VIOLENCES
Violences liées aux relations humaines
Elles découlent des modes de relations qui s’instaurent entre les individus. On pense au harcèlement et aux tensions psychosociales liées à la relation avec les autres. Il y a également les conflits ouverts, parfois très violents avec accès de colère, coups qui peuvent déboucher sur des comportements de soumission, de passivité, de démission et même de retrait. Ces conflits peuvent être interindividuels, mais aussi naître entre des équipes de travail, des ateliers, des secteurs d’activité dans l’entreprise et même entre des unités délocalisées d’une même entreprise. Ces conflits ouverts sont beaucoup moins fréquents que les conflits larvés comme les luttes pour le pouvoir, les conflits de compétence, les recherches de mérite, les trafics d’influence, la diffusion de fausses nouvelles ou rumeurs, la rétention d’informations, la non diffusion de consignes et la placardisation qui conduisent rapidement à un climat délétère, préjudiciable pour les travailleurs et l’entreprise.
Violences liées aux contraintes professionnelles
Ce type de violence est lié à la manière dont on impose des contraintes au travail. La problématique n’est pas qu’il n’y ait jamais de contraintes au travail, mais de s’interroger sur la manière dont on s’y prend pour les faire comprendre, accepter ou imposer.
Il s’agit d’une question de gestion et d’organisation du travail. La résolution des tensions susceptibles de se produire dépend largement de la capacité des gestionnaires à comprendre les raisons qui font qu’entre le travail prescrit et le travail fourni, il y a des différences plus ou moins importantes qui vont affecter les gains de productivité, la compétitivité et la santé des travailleurs. Une autre démarche consiste à s’interroger sur les raisons qui affectent le bon déroulement d’une production comme les pannes, les usures sur les machines, les manques ou excès liés à la gestion des stocks ou des approvisionnements, les défauts sur les composants et la qualité des matières premières. Les individus ne sont pas des robots et il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils soient toujours performants, qu’ils ne vieillissent pas, qu’ils ne soient pas malades, qu’ils ne soient jamais affectés dans leur vie privée, familiale ou sentimentale, qu’ils ne soient pas fatigués et qu’ils soient toujours motivés. Des arrangements structurels sont possibles pour pallier à certains aléas. Il est possible de faire des heures supplémentaires pour satisfaire un carnet de commande important ou au contraire, d’être au chômage technique pour cause d’intempéries, rupture de stock, carnet de commande insuffisant la question des compétences n’est plus vraiment au centre de l’emploi. Dans certains secteurs, les tâches à accomplir sont de plus en plus complexes, variées et multiformes exigeant des temps de réponses plus courts, ne laissant pas de place à la réflexion ou l’expertise. La demande psychologique et la pression sont fortes mais la latitude décisionnelle reste faible avec des responsabilités accrues. Lorsque le soutien social est réduit, les succès deviennent normaux, sans plus. Les erreurs sont fustigées lors des réunions de travail où le fautif est mis sur la sellette et réprimandé. Certaines de ces réunions sont des modèles de déstructuration de la personnalité des » prévenus » où rien ne leur sera épargné aussi bien sur le plan émotionnel que sur la pérennité de leur tissu relationnel.
On peut dire qu’on les casse à la fois individuellement et aux yeux de leurs collègues. Dans d’autres secteurs, les tâches à accomplir sont devenues plus complexes et les moyens requis pour leur réalisation correcte ne suivent pas. Il s’ensuit des retards, des rebuts, des refus, des retours clients et des plaintes qui rejaillissent sur les employés de la production qu’on tiendra pour responsables. Le moyen retenu pour corriger cette situation est souvent la surcharge de travail, facteur de fatigue et de tension psychosociale.
Violences liées à l’autonomie au travail
Ce type de violence au travail est lié à l’autonomie accordée au salarié. C’est la notion de latitude décisionnelle que l’on retrouve dans le questionnaire de Karasek et au niveau des propositions d’évaluation de la pénibilité du travail. Avoir de l’autonomie dans son travail, c’est pouvoir en définir les règles et pas d’autonomie, c’est subir les règles imposées. La mise en place de règles est nécessaire, à condition qu’elles soient reconnues comme acceptables et bénéfiques pour le groupe. Les règles imposées et non comprises (non acceptées) rendent souvent le travail inacceptable autrement que sous la contrainte et la violence. Les divers modes de gestion et d’organisation du travail dites » modernes » n’offrent pas toujours beaucoup d’autonomie et certaines préconisent que l’on bouscule et remette toujours en question les règles établies. L’apparente autonomie de cette pratique aboutit à davantage de tensions et conflits liés à la mise en concurrence permanente entre les travailleurs assujettis. Avoir de l’autonomie dans son travail suppose un savoir faire, un certain degré de liberté décisionnelle des employés. Normalement, une gestion et une organisation du travail bien comprises et bien menées doivent aboutir à diminuer les souffrances au travail qui sont préjudiciables à l’entreprise. Souvent, une hiérarchie a du mal à imaginer (à accepter) que des subordonnés puissent avoir la capacité de prendre les bonnes décisions pour accomplir au mieux leurs tâches. Il est vrai que c’est toucher à toute une structure mentale fortement inscrite dans nos modes de pensée à savoir la culture du chef, du professeur, de l’adjudant et du contremaître. Cependant la mondialisation, l’émergence des pays, le prix des carburants, les charges sociales, les actionnaires, les délocalisations, les gains de productivité et l’externalisation des risques imposent de demander plus avec moins de liberté. Le travailleur est très sollicité sur le plan de la demande psychologique lorsqu’il dispose d’une très faible latitude décisionnelle. Ainsi on arrive à cette notion de travail surchargé décrit comme un facteur important de stress et de trouble psychosocial.
Les conséquences des violences
Les conditions qui concourent à rendre inapte un travailleur pour le poste de travail qu’il occupe, constituent une autre forme de violence. Il s’agit des risques d’accident ou de maladie professionnelle dont l’obligation de résultat pour l’employeur constitue un puissant moteur de prévention. Il s’agit d’analyser et mesurer les effets des diverses contraintes qui usent les salariés (port de charge, bruit, horaires décalés, travail de nuit, etc.) encore appelées éléments objectifs de la pénibilité. La tension qui découle le plus souvent de cette fatigue accumulée est liée au fait que le repos compensateur n’est pas perçu comme suffisant. Les raisons pour lesquelles le repos compensateur n’est pas jugé suffisant par le salarié ne tiennent pas seulement compte du temps de récupération consenti mais d’autres facteurs comme les mauvais rapports avec les autres et les diverses insatisfactions (salaire, date des vacances, manque de reconnaissance, etc.). La fatigue jamais vaincue ou perçue comme telle, conduit invariablement à des manifestations dépressives à savoir la colère et /ou l’abattement, l’exaspération et /ou le retrait, l’absentéisme et /ou le surinvestissement, l’enthousiasme et /ou baisse du moral, etc [25].
RISQUES PSYCHOSOCIAUX EN MILIEU DE SOINS
Définition et aspects généraux
Le mot “hospitalier” emprunté du latin médiéval « hospitalarius » signifie religieux d’un ordre hospitalier ou peuple qui pratique volontiers l’hospitalité. Ce terme se disait également de certains ordres religieux, militaires et charitables, fondés au moyen âge pour accueillir, soigner et défendre les voyageurs, pèlerins, malades et indigents… Ce terme peut désigner également une personne aimable, accueillante et charitable. Le métier de personnel hospitalier requiert plusieurs qualités bien que les conditions de travail ne le permettent pas toujours. Les contraintes horaires et organisationnelles et le travail dans l’urgence, conditionnent la qualité du service fourni et peuvent affecter la santé et la sécurité du personnel soignant. En dehors de ces contraintes organisationnelles, le personnel hospitalier est exposé à des contraintes physiques, des agressions verbales et/ou physiques mais les principaux risques professionnels liés à ce métier sont les risques chimique, biologique, d’accidents exposant au sang et les irradiations.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. LA CHARGE DE TRAVAIL EN MILIEU DE SOINS
2. LES TROUBLES PSYCHOSOCIAUX AU TRAVAIL
2.1. L’évaluation du stress
2.1.1. Le questionnaire de Karasek
2.1.2. Le modèle » déséquilibre effort / récompense » de Siegrist
2.1.3. Le test de Malash ou Burn out Inventory (MBI test)
2.1.4. Le modèle transactionnel évaluation – adaptation de Lazarus
2.1.4.1. L’évaluation
2.1.4.2. La stratégie d’adaptation ou coping
2.1.5. Le modèle transactionnel de Mackay et Cooper
2.1.6. Le modèle de satisfaction au travail de Hackman et ldman
2.1.7. L’approche psycho dynamique
2.1.8. L’approche ergonomique
3. CHARGE MENTALE ACCRUE ET TROUBLES PSYCHOSOCIAUX
4. LES TYPES DE VIOLENCES
4.1. Violences liées aux relations humaines
4.2. Violences liées aux contraintes professionnelles
4.3. Violences liées à l’autonomie au travail
4.4. Les conséquences des violences
5. RISQUES PSYCHOSOCIAUX EN MILIEU DE SOINS
5.1. Définition et aspects généraux
5.2. Risques
5.2.1. Les facteurs de risques
5.2.2. Conséquences des facteurs de risque psychosociaux
5.2.2.1. Conséquences psychologiques
5.2.2.2. Conséquences physiques
5.2.2.3. Conséquences sociales
5.2.3. Evaluation des risques
5.2.4. Risques associés
5.2.5. Risques pour la santé
5.2.5.1. Accidents du travail
5.2.5.2. Maladies professionnelles
5.2.5.3. Autres risques
5.2.5.4. Risques propres au milieu de soins
5.3. Le rôle du service de santé au travail dans le secteur hospitalier
5.4. Surveillance médicale
5.5. Prévention des risques psychosociaux
5.5.1. Les actions de prévention primaire
5.5.2. Les actions de prévention secondaire
5.5.3. Les actions de prévention tertiaire
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. OBJECTIFS
1.1. Objectif général
1.2. Objectifs spécifiques
2. MATERIEL ET METHODOLOGIE
2.1. Cadre et population d’étude
2.2. Méthodologie
2.2.1. Type d’étude
2.2.2. Population d’étude
2.2.3. Critères d’inclusion
2.2.4. Collecte et saisie des données
2.2.5. Difficultés rencontrées
2.2.6. Considérations éthiques
3. RESULTATS
3.1. Données socio démographiques
3.1.1. Effectif
3.1.2. L’âge
3.1.3. Le sexe
3.1.4. Situation matrimoniale
3.2. Données professionnelles
3.2.1. Service
3.2.2. Profession
3.2.3. Fonction
3.2.4. Type de contrat
3.2.5. Ancienneté
3.3. Données sur le vécu du travail
3.3.1. Charge de travail et contraintes professionnelles
3.3.1.1. Intensité
3.3.1.2. Charge de travail proprement dite
3.3.1.3. Temps d’exécution du travail
3.3.1.4. Degré de concentration
3.3.1.5. Interruption du travail
3.3.1.6. Sanction
3.3.1.7. Possibilité d’expression lors des réunions
3.3.2. Temps et rythme de travail
3.3.2.1. Durée journalière du travail
3.3.2.2. Variabilité et changement d’horaire de travail
3.3.2.3. Travail de nuit, le samedi et en horaires tardifs
3.3.2.4. Compensation lors des dépassements horaires
3.3.2.5. Prise de pause
3.3.3. Sens du travail
3.3.3.1. Relation sociale
3.3.3.2. Utilité du travail pour les autres
3.3.3.3. Ennui au travail
3.3.3.4. Sentiment d’exploitation
3.3.3.5. Sentiment de fierté
3.3.3.6. Respect et estime
3.3.3.7. Satisfaction salariale
4. DISCUSSION
4.1. Données sociodémographiques
4.2. Données professionnelles
4.3. Données sur le vécu au travail
4.3.1. Charge de travail et contraintes professionnelles
4.3.2. Temps et rythme de travail
4.3.3. Sens du travail
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES