Violence et tests projectifs
Quelques études portent sur l’analyse de tests projectifs avec des individus auteurs de comportements violents. D’abord, une recension des études traitant des indices au Rorschach liés à la présence de comportements agressifs ou hostiles soulève certains questionnements quant à la relation existante entre les réponses à contenu agressif au Rorschach et la présence réelle de comportements d’ agressivité (Frank, 1994). En fait, il semble que la relation ne soit pas significative entre la présence d’ indice d’ agressivité au Rorschach et la présence de comportements de violence dans la réalité. Néanmoins, selon Frank (1994), la présence d’ indices liés à l’ impulsivité, soit un indice FC < CF + C (difficulté à moduler l’ expérience affective) ainsi qu’ un F + % < 70 (faible contrôle perceptuel), peut être associée à des passages à l’acte violent. L’auteur souligne la présence de ces deux mêmes indices dans les protocoles de Rorschach d’ individus présentant un risque suicidaire ou ayant un trouble de la personnalité limite.
Ensuite, les études comparatives soulèvent certains indices présents dans les protocoles d’ auteurs de violence. De son côté, Coram (1995) relève que les individus auteurs d’ homicides présentent au Rorschach des scores plus élevés aux indices FC < CF + C, X-% et 3r + (2)/R que les individus qui n’ont pas commis d’homicide.
Ainsi, les hommes auteurs d’ homicides présentent dans une proportion plus grande des indices associés à l’ impulsivité, à la vulnérabilité face au stress ainsi qu’aux distorsions cognitives. Pour sa part, Brisson (2003) s’attarde aux caractéristiques intrapsychiques d’hommes incarcérés présentant un trouble de la personnalité limite ou antisociale, par l’analyse des indices d’ agressivité au Rorschach. L’ auteur relève plus d’ indices d’ agressivité primaire au Rorschach chez les hommes avec un trouble de la personnalité limite comparativement aux hommes avec un trouble de la personnalité antisociale. Ainsi, les réponses à contenu agressif au Rorschach s’avèrent plus intenses et crues chez les individus avec un trouble de la personnalité limite. De plus, Brisson mentionne que les hommes de l’échantillon, tous troubles confondus, sollicitent fréquemment l’examinateur par le biais de demandes d’étayages, de remarques directes et de propos visant à impliquer l’examinateur. De même, l’étude de Léveillée (2001)1 porte sur les capacités de mentalisation d’hommes avec un trouble de la personnalité limite qui ont fait ou non des passages à l’acte contre autrui, selon les caractéristiques des protocoles de Rorschach.
L’auteur mentionne que les hommes auteurs de passage à l’acte présentent un Lambda plus élevé (rigidité des défenses), moins de M (forces du Moi), moins de AG et de S (indices d’agressivité), un indice DEPI non significatif (affects dépressifs) et sollicitent davantage l’examinateur que les hommes limites qui n’ont pas fait de passage à l’acte.
Ainsi, les hommes qui font des passages à l’acte se montrent plus rigides et moins en contact avec leur souffrance et leur monde émotionnel. De plus, l’auteur relate que la sollicitation à l’examinateur témoigne d’un agir durant la passation du test.
Enfin, une étude de Lefebvre et Léveillée (2008) traite spécifiquement de l’évaluation au Rorschach du fonctionnement intrapsychique d’hommes auteurs de comportements violents. L’échantillon se divise en deux groupes, soit 23 hommes auteurs d’homicides conjugaux et 21 hommes auteurs de violence conjugale. Les protocoles de Rorschach des deux groupes se caractérisent par peu d’indices M (forces du Moi), mais cet aspect est plus marqué chez les hommes auteurs d’homicides conjugaux que chez les hommes auteurs de violence conjugale. Selon Kernberg, (1997), une faible tolérance à l’angoisse, une difficulté à contrôler les pulsions, un manque de développement des VOles de sublimation ainsi que la prédominance de processus primaires sont des conséquences de la faiblesse du Moi chez un individu.
De plus, les résultats de Lefebvre et Léveillée (2008) soulèvent que les hommes auteurs de violence conjugale ont tendance à solliciter plus souvent l’ examinateur que ceux qui ont commis un homicide conjugal. Selon Husain (2001), la sollicitation à l’ examinateur peut témoigner d’une recherche de limites ou d’un désir d’ impliquer autrui.
Cela est une forme de passage à l’ acte permettant d’ exprimer un conflit vécu dans la relation à l’examinateur. La sollicitation à l’ examinateur se présente comme une caractéristique des individus agissants et qui ont des lacunes sur le plan de la mentalisation (Husain, 1994; Léveillée, 2001).
Autodestruction et tests projectifs
Certaines études portent sur l’ évaluation de l’autodestruction à partir des indices présents dans les protocoles des tests projectifs. D’abord, De Tychey (1994) s’ intéresse à l’analyse des protocoles de Rorschach d’ individus dépressifs ayant commis ou non un passage à l’acte suicidaire. L’auteur note certains indices au Rorschach associés au risque suicidaire, soit un S (détail blanc) égal à 0, un F% supérieur à 0,57, un F + % plus élevé que 0,70, un A% (contenu animal) plus grand que 0,45, un C pure plus élevé que 0, un nombre de réponses populaires plus grand que 7 ou plus petit que 3, un FM et un m qui sont moins élevés que 2.
De même, une revue de la littérature réalisée par Kumar et al. (2014) soulève certains constats quant aux indices prédicteurs du risque suicidaire au Rorschach. En fait, selon les auteurs, peu d’études systématiques portent sur le sujet. Néanmoins, ils rapportent que la constellation « S-Con »1 du système intégré d’Exner a un fort potentiel de prédiction du risque suicidaire lorsque les individus présentent un nombre de critères supérieur au seuil critique établi. De leur côté, Bishop et al. (2000) soulignent que les indices de la constellation suicidaire du système de cotation d’Exner (S-Con) doivent être traités comme des indicateurs soulignant la nécessité d’examiner le risque suicidaire.
Enfin, la revue de littérature de Kumar et al. (2014) indique la présence fréquente de réponse estompage-couleur dans les protocoles d’individus ayant des idées suicidaires importantes. Les auteurs ajoutent que peu d’études se sont intéressées à l’ évaluation du risque suicidaire à l’aide d’autres tests projectifs, tels que le TA T, ne permettant donc pas une convergence d’indices.
Violence conjugale, autodestruction et tests projectifs.
À notre connaissance, peu d’études abordent l’évaluation à partir de méthodes projectives du fonctionnement intrapsychique d’auteurs de violence conjugale avec ou La constellation suicidaire (S-CON) est composée de 12 variables à vérifier par l’examinateur. Le seuil significatif est atteint lorsqu ‘au moins huit composantes sont positives, indiquant que l’individu présente des caractéristiques communes aux individus ayant fait un passage à l’acte suicidaire à la suite de la passation du Rorschach. L’ atteinte du seuil significatif traduit la nécessité d’approfondir la présence d’ idées suicidaires ou autodestructrices chez l’individu. Or, un nombre de critères moindre n’indique pas l’absence d’ idées suicidaires chez un individu. Ainsi, il est nécessaire de faire preuve de prudence dans l’ analyse de cette constellation (Exner, 2003).sans comportement autodestructeur. Par ailleurs, la faible capacité de mentalisation est associée par plusieurs auteurs à la présence de passage à l’acte contre soi ou contre autrui (Acklin, 1993; De Tychey, 1994; Lefebvre & Léveillée, 2008). En ce sens, Conklin, Malone et Fowler (2012) mentionnent que le Rorschach permet de pallier aux limites des questionnaires autorapportés ou à l’ observation directe des comportements afin d’évaluer les capacités de mentalisation. Les auteurs établissent trois profils en lien avec la capacité de mentalisation en fonction des résultats à certains indices du Rorschach, soit une mentalisation adéquate (SumT = 1 / M + > 3 / M – ~ 1 / GHR – PHR 2: 1 avec H 2: 3), une mentalisation carencée (SumT > 1 / M + ~ 3 et/ou M – > 1 / GHR – PHR < 1 avec H 2: 3) ou une mentalisation désengagée (SumT = 0 / M + < 3 et/ou M – > 1 / GHR – PHR < 1 ou H < 2)1.
Par ailleurs, à notre connaissance, seul l’ essai doctoral réalisé par Garnache (2010) compare spécifiquement le fonctionnement intrapsychique, évalué à partir du Rorschach, d’hommes auteurs de violence conjugale et d’hommes auteurs de comportements autodestructeurs. L’auteur soulève certaines caractéristiques intrapsychiques de deux hommes âgés de 30 à 40 ans présentant une organisation limite de la personnalité, et ce, selon la direction d’un passage à l’acte envers soi-même, « autoagressif », ou envers autrui, « hétéroagressif ». L’ analyse des protocoles de Rorschach apporte un éclairage surl’angoisse par rapport aux relations d’ objet, la présence d’ indices dépressifs, la porosité des limites internes et externes, les mécanismes de défense ainsi que la présence et l’ orientation de l’ agressivité. Par ailleurs, la prudence est de mise quant à la généralisation des résultats, puisque l’étude de Garnache se base sur une analyse de deux. Il est également important de spécifier que, contrairement à notre étude qui s’ intéresse à la présence des deux types de comportements chez un même individu, l’étude de Garnache est effectuée à partir de cas distinct.
Ainsi, bien que les résultats de l’ étude de Garnache (2010) soulèvent la présence de mécanismes de défense communs pour les deux hommes, soit l’ identification projective, le déni et la présence de défenses narcissiques, l’auteur relève des différences quant à certaines caractéristiques intrapsychiques. De ce fait, le protocole de Rorschach de l’homme qui exerce des comportements d’autoagressivité montre des indices d’un Moi plus solide et moins sujet à des failles narcissiques. Les limites internes et externes sont également plus claires. Toutefois, cet homme éprouve une difficulté à reconnaitre les affects dépressifs et tend à s’en défendre en exerçant un contrôle important sur son monde interne. De plus, les résultats soulèvent une disposition à maintenir des attentes irréalistes face à lui-même. En ce qui concerne l’homme qui a une organisation limite et qui dirige les comportements violents envers autrui (hétéroagressivité), le protocole présente des indices au Rorschach témoignant d’une image négative de lui-même, de limites floues et poreuses ainsi que d’une dépendance et d’un besoin anaclitique envers l’autre. Le protocole relève aussi la présence des procédés antidépressifs et la présence d’ impulsivité mise de l’avant par une difficulté à contrôler les pulsions (Garnache, 2010).
Différences entre les participants
Cette section présente les différences qui caractérisent les protocoles du participant 1 et du participant 2 quant à la capacité de mentalisation, la gestion des affects, les mécanismes de défense et les relations d’ objet.
Capacité de mentalisation. Les participants se situent dans des profils de mentalisation différents, soit désengagé pour le participant 1 et carencé pour le participant 2. Le participant 1 présente une rigidité des défenses (L) et moins de forces du Moi (M) en comparaison au deuxième participant. La constellation liée aux affects dépressifs est significative uniquement pour le participant 2 (DEPI). Le participant 2 présente un nombre d’éléments reliés à l’agressivité inconsciente supérieur à la norme attendue (S), alors que le participant 1 se situe dans la norme attendue. De plus, le participant 2 sollicite l’examinateur à 19 reprises comparativement à cinq reprises pour le participant 1. Bien que les deux participants utilisent les sollicitations à l’examinateur liées au type question ou remarque directes, les propos du participant 2 sont axés sur la dévalorisation; ce qui n’ est pas le cas pour le participant 1. Le participant 1 ne tente à aucune reprise d’ inclure l’examinateur, alors que le participant 2 l’ implique à dix reprises par la sollicitation. Le type de sollicitation principale du participant 1 est l’ usage des commentaires hors contexte, alors que le participant 2 utilise principalement l’ implication de l’examinateur.
Gestion des affects. Le participant 1 présente de l’impulsivité (Pure C) contrairement au deuxième participant. Le participant 1 présente des indices d’agressivité dans la norme attendue (AG et S), alors que le participant 2 présente une charge considérable de colère.
Le participant 1 ne présente pas d’élément en lien avec la présence d’ affects dépressifs (DEPI), alors que le participant 2 en présente. Le participant 1 fait preuve d’un manque de complexité psychologique (Blends : R), fréquent chez les individus dont l’organisation psychologique est marquée par une immaturité ou une certaine pauvreté. Le participant 2 fait plutôt état d’une grande complexité psychologique, témoignant d’une hypersensibilit .
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Table des matières
Sommaire
Liste des tableaux
Remerciements
Introduction
Contexte théorique
Violence conjugale
Définition du phénomène
Ampleur du phénomène
Typologies d’hommes auteurs de violence conjugale
Le fonctionnement intrapsychique d’hommes auteurs de violence conjugale
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Autodestruction
Définition du phénomène
Ampleur du phénomène
Le fonctionnement intrapsychique d’hommes auteurs de comportements autodestructeurs
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Violence conjugale et autodestruction
La violence et l’autodestruction évaluées à partir des méthodes projectives
Violence et tests projectifs
Autodestruction et tests projectifs
Violence conjugale, autodestruction et tests projectifs
Objectifs de l’étude
Question de recherche
Méthode
Participants
Instruments de mesure
Rorschach
Système intégré (SI) de cotation d’Exner
Système de cotation de Lemer
Sollicitation à l’examinateur
Thematic Apperception Test
Variables à l’étude
Variables mesurées par le Rorschach
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Variables mesurées par le TAT
Déroulement
Résultats
Résultats pour chaque participant
Participant 1
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Résumé et interprétation des résultats
Participant 2
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Résumé et interprétation des résultats
Participant 3
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Résumé et interprétation des résultats
Participant 4
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’objet
Résumé et interprétation des résultats
Comparaison des résultats des participants
Comparaison du fonctionnement intrapsychique des hommes auteurs de
comportements autodestructeurs
Différences entre les participants
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Similitudes entre les participants
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Comparaison du fonctionnement intrapsychique des hommes n’étant pas auteurs de comportements autodestructeurs
Différences entre les participants
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Similitudes entre les participants
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’objet
Comparaison du fonctionnement intrapsychique des quatre participants
Différences entre les quatre participants
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’objet
Similitudes entre les quatre participants
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’objet
Discussion
Constat général
Capacité de mentalisation
Gestion des affects
Mécanismes de défense
Relation d’ objet
Impacts cliniques
Apports et limites
Pistes de recherches futures
Conclusion
Références
Appendice. Grille de dépouillement des procédés au Thematic Apperception Test selon Brelet- Foulard et Chabert (2003)
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