Vieillissements thermique et radiochimique du polyéthylène et de ses copolymères
On appelle vieillissement tout phénomène d’évolution lente et irréversible de la structure et/ou de la composition d’un matériau sous l’effet de son instabilité propre, de l’interaction avec l’environnement, de sollicitations mécaniques, ou de l’action combinée de ces causes (on parlera alors de couplage) [7].
Il existe de nombreux travaux traitant du vieillissement thermique et radiochimique des matrices PE et EPDM [8-15].
Khelidj et al [9] ont proposé une approche originale pour déterminer la durée de vie de ces deux matrices pures en fonction du débit de dose. Leur approche repose sur la simulation d’une compilation de durées de vies tirées de la littérature par un modèle cinétique dérivé d’un mécanisme réactionnel de thermo-radio-oxydation. Ils se sont inspirés du modèle de Gillen et Clough [10], mais ils ont changé ses conditions initiales. En effet, ils ont considéré une concentration initiale non nulle en hydroperoxydes. Cette modification est nécessaire pour que le modèle décrive correctement la variation de la durée de vie avec le débit de dose (Figure 6), en particulier pour rendre compte d’une valeur finie de la durée de vie lorsque le débit de dose tend vers zéro (vieillissement thermique pur).
De plus, on constate que les durées de vie des matrices PE et EPDM se superposent. On en déduit que les matrices EPDM se comportent de la même manière qu’une matrice PE du moment qu’elles possèdent un fort pourcentage d’éthylène (typiquement > 60% mol). Les processus de vieillissement sont généralement analysés à 4 échelles différentes de la structure. En partant de la plus grande et en allant vers la plus petite, il s’agit des échelles macroscopiques, morphologiques, macromoléculaires et moléculaires. A chacune de ces échelles, on suit l’évolution (au cours du temps) d’une grandeur pertinente dans le but d’établir des relations cause/effet entre ces différentes échelles. Nous allons maintenant passer en revue ces différentes échelles dans le cas du vieillissement thermique et radiochimique de la matrice PE et de ses copolymères.
Modifications à l’échelle macroscopique
L’oxydation se traduit par la détérioration des propriétés mécaniques des polymères, en particulier de leurs propriétés à la rupture. Au voisinage du temps d’induction, les polymères linéaires voient l’allongement à la rupture qui diminue de manière catastrophique. A titre d’exemple, Fayolle et al. [16] ont étudié le mécanisme de thermo-oxydation de la matrice PE pure. Ils ont ainsi comparé l’évolution de l’allongement à la rupture avec l’accumulation des groupes carbonyles au cours du temps. Ils ont aussi mis en évidence une corrélation entre ces deux grandeurs, la fragilisation se produisant lorsque la concentration en carbonyles atteint une valeur critique de l’ordre de 0,1 mol.L-1 .
Dans le cas des EPDM, O.Tonguç [17] a étudié l’effet de la dose absorbée ainsi que de la fonction d’ENB sur les propriétés mécaniques. Il a ainsi comparé trois paramètres : l’allongement à la rupture, la dureté et le module de Young. Il a observé que pour les échantillons possédant une teneur massique en ENB de l’ordre de 5% :
– L’allongement à la rupture diminue .
– La dureté augmente .
– Le module d’Young augmente, mais plus lentement que pour les EPDM ayant des teneurs massiques en ENB plus importantes, en raison d’une densité de réticulation plus faible .
D’une manière générale, lors d’un vieillissement thermique ou radiochimique, on dégrade les propriétés mécaniques de la matrice polymère. On passe d’un comportement ductile à un comportement fragile. Cela se traduit par une diminution de l’allongement à la rupture.
Modifications à l’échelle morphologique
Le vieillissement thermique et/ou radiochimique implique une évolution de la cristallinité de la matrice polymère. La plupart des auteurs affirment que les coupures de chaines sont les principales causes de cette évolution [18-21]. Plusieurs auteurs [20, 22, 23] , tels que Assink et al [22] ont étudié le vieillissement radiochimique des matrices EPDM et par DSC et par RMN du carbone 13. Ils ont montré que le taux de cristallinité est une fonction croissante du nombre de coupures de chaines dans la phase amorphe .
Ces auteurs constatent par RMN une augmentation de la largeur de raie de la phase amorphe au cours de l’irradiation. Ils expliquent ce phénomène par la formation de nœuds de réticulation et de groupements fonctionnels polaires qui induisent une réduction de la mobilité moléculaire dans la phase amorphe au cours du vieillissement radiochimique. Tous ces changements conduisent à une augmentation de l’hétérogénéité de la structure locale et donc, une augmentation de la dispersion chimique . Grace aux résultats de DSC, les auteurs expliquent également cet élargissement de raie par un réarrangement local des plus courts segments de chaines formés par coupure des chaines dans la phase amorphe, c’est-à-dire par une augmentation de la cristallinité (Figure 10). Cette augmentation de cristallinité serait donc le résultat d’un processus de chimicristallisation [22, 24].
La cristallinité joue également un rôle important sur les propriétés mécaniques de la matrice polymère. La nature du matériau à savoir cristallin, semi-cristallin… implique des différences sur l’évolution du module élastique. A titre d’exemple, Humbert et al. [25] ont étudié la variation du module élastique d’une matrice PE en fonction de son taux de cristallinité. Ils ont montré, à l’aide de différentes techniques de caractérisation (DMA, Raman, SAXS), qu’il existe une relation linéaire entre le module élastique et le taux de cristallinité .
Ainsi, les modifications à l’échelle morphologique ont des répercussions importantes sur les propriétés mécaniques.
Modifications à l’échelle macromoléculaire
Tout vieillissement chimique peut se ranger dans l’une de ces trois catégories suivantes:
a) Coupures de chaînes
b) Soudures de chaînes (c’est-à-dire réticulation intermoléculaire)
c) Modifications de groupes latéraux : réaction chimique entre groupes latéraux permettant la formation d’insaturations, greffage de groupements oxygénés, etc.
Les coupures et soudures de chaines sont des modifications du squelette macromoléculaire. Ces mécanismes peuvent coexister (ou entrer en compétition) dans un processus de vieillissement. La prédominance d’un mécanisme sur l’autre dépend du type de vieillissement (thermique, irradiation γ, α, etc.), ainsi que la nature du réactif chimique (oxygène, atmosphère inerte, eau…). Ils ont des conséquences directes sur le comportement mécanique (même à faible conversion).
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE I : Etude bibliographique
1. Présentation des EPDM
1.1. Synthèse du polymère linéaire
1.2. Réticulation
2. Vieillissements thermique et radiochimique du polyéthylène et de ses copolymères
2.1. Modifications à l’échelle macroscopique
2.2. Modifications à l’échelle morphologique
2.3. Modifications à l’échelle macromoléculaire
2.4. Modifications à l’échelle moléculaire
2.4.1. Schéma standard d’oxydation
2.4.2. Amorçage radiochimique
2.4.3. Amorçage thermique
2.4.4. Propagation
2.4.5. Combinaisons bimoléculaires de radicaux
2.4.6. Produits d’oxydation
3. Influence de la température sur la durée de vie et la vitesse maximale d’oxydation
3.1. Graphe d’Arrhénius du temps d’induction à l’oxydation
3.2. Carte débit de dose – température
4. Stabilisation du polyéthylène et de ses copolymères
4.1. Décomposeurs d’hydroperoxydes
4.1.1. Phosphites organiques
4.1.2. Thioesters (ou sulfures organiques)
4.2. Capteurs de radicaux
4.2.1. Antioxydants phénoliques
4.2.2. HALS ou HAS
4.3. Effets synergiques et antagonistes
4.4. Perte physique des antioxydants
4.4.1. Solubilité
4.4.2. Evaporation
4.4.3. Diffusivité
5. Méthodes de prédiction de la durée de vie
5.1. Modèles empiriques
5.1.1. Méthode Arrhénienne
5.1.2. Méthode à facteur d’accélération
5.2. Méthode optimale de prédiction de la durée de vie : Modèle cinétique
6. Conclusion
CHAPITRE II : Matériaux, techniques et méthodologies expérimentales
1. Introduction
2. Présentation des matériaux de l’étude
2.1. La matrice polymère et ses antioxydants
2.2. Les formulations
3. La mise en œuvre des échantillons
3.1. Voie solide
3.2. Voie solvant
3.3. Conditions de vieillissement
3.3.1. Vieillissement thermique dans les étuves ventilées
3.3.2. Vieillissement radiochimique
4. Techniques expérimentales
4.1. Spectrométrie Infrarouge
4.2. Spectroscopie UV-visible
4.3. Calorimétrie différentielle à balayage (DSC)
4.3.1. Mesure du temps d’induction à l’oxydation (TIO)
4.3.2. Mesure du taux de cristallinité et de l’enthalpie de fusion
5. Caractérisation initiale des matériaux : méthodologie
5.1. Analyse IR
5.1.1. Matrice PE pure
5.1.2. Matrice EPDM pure
5.1.3. Matrice EPDM stabilisée par l’Irganox 1010
5.1.1. Cas de la matrice EPDM stabilisée par le Chimassorb 944
5.2. Analyse UV
5.2.1. Matrice PE pure
5.2.2. Matrice EPDM pure
5.2.3. Matrice EPDM stabilisée par l’Irganox 1010
5.2.4. Matrice EPDM stabilisée par le Chimassorb 944
5.3. Mesure du TIO
5.3.1. Matrice PE pure
5.3.2. Matrice EPDM pure
5.3.3. Matrice EPDM stabilisée par l’Irganox 1010
5.3.1. Matrice EPDM stabilisée par le Chimassorb 944
6. Conclusion
CHAPITRE III : Le modèle cinétique : Prise en compte de la perte physique et de la consommation chimique des antioxydants
1. Introduction
2. Schéma mécanistique et modèle cinétique de radio-thermo-oxydation de la matrice EPDM pure
2.1. Etape d’amorçage
2.2. Etape de propagation
2.3. Etape de terminaison
2.4. Modèle cinétique
3. Schéma mécanistique et modèle cinétique de radio-thermo-oxydation de la matrice EPDM stabilisée
3.1. Antioxydant phénolique
3.1.1. Antioxydant monofonctionnel de type BHT
3.1.2. Antioxydant multifonctionnel de type Irganox 1010
3.2. Antioxydant de type HALS
3.2.1. Mécanisme
3.2.2. Modèle cinétique
4. Simulation des résultats de la littérature
5. Prédiction de la durée de vie
6. Conclusion
Conclusion générale
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