Pour assurer les fonctions de propulsion du véhicule et avoir un bon rendement moteur sans pour autant entraîner une surchauffe du moteur, de l’huile, ou des organes adjacents, il est primordial de pouvoir réguler la température du bloc moteur au cours de son fonctionnement. Pour répondre à cette problématique, le moteur est refroidi par un radiateur de refroidissement à travers lequel circule un liquide caloporteur (mélange d’un même volume d’eau et d’éthylène glycol) autrement appelé antigel. Ce liquide entre froid dans le bloc moteur, se charge en calories au contact du moteur chaud puis est ensuite refroidi dans le radiateur avant de retourner dans le moteur : on parle de boucle de refroidissement moteur (cf. figure 1). Au cours des dernières années plusieurs normes visant à restreindre les émissions polluantes ont conduit à la modification de l’architecture sous capot moteur menant à la diminution du dimensionnement moteur et à l’augmentation du confinement. Ces transformations conduisent à l’augmentation des températures sous capot moteur. Certaines pièces utilisées pourraient alors ne plus être suffisamment résistantes pour l’application visée. Il est important d’en évaluer la durée de vie en fonction de la température d’utilisation.
Le radiateur de refroidissement est un module décomposable en trois organes (cf. figure 2). Le premier est celui qui assure l’échange thermique entre l’air froid extérieur et le liquide caloporteur. Cet organe est composé de faisceaux en aluminium (dans lesquels circule le liquide de refroidissement) et d’intercalaires qui permettent à l’air extérieur de circuler à travers l’échangeur avec le maximum de surface d’échange thermique. Le second organe est un joint en élastomère qui va permettre d’assurer l’étanchéité du module. Le troisième organe est constitué des boîtes à eau. Ce sont ces deux boîtes (une d’entrée et une de sortie du module) qui permettent de répartir le liquide chaud dans l’échangeur thermique et de le collecter froid en sortie.
Les matériaux utilisés pour les boîtes à eau sont des thermoplastiques, renforcés par des charges minérales (fibres de verre). Ces matériaux thermoplastiques composites à fibres de verre courtes sont communément utilisés pour l’application boîte à eau pour plusieurs raisons :
• ils sont de faible masse volumique (moins lourds que des métaux),
• ils peuvent être moulés en formes relativement complexes par injection,
• ils ont de bonnes propriétés mécaniques,
• ils peuvent être recyclés.
Les propriétés du polyamide-6,6 en font une matrice de choix pour cette application par :
• sa bonne stabilité dimensionnelle,
• sa résistance aux solvants organiques,
• ses propriétés mécaniques excellentes sur une large gamme de température,
• son faible coût à l’achat.
Néanmoins, au cours de l’application, la température du mélange eau/glycol (antigel) peut atteindre des valeurs allant jusqu’à 130°C et le niveau de pression à l’intérieur de la boucle de refroidissement peut atteindre 3 bars en conditions extrêmes. L’utilisation de ces composites pose le problème de leur résistance chimique et mécanique à long terme au cours de l’application sous l’effet de l’eau, des solvants organiques et de la température d’utilisation (cf. figure 2). Aussi, la démarche consistera, ici, à étudier séparément les interactions du polymère et du composite avec les différents solvants (eau, glycol) à la température d’utilisation. Dans chaque cas, l’évolution de la structure chimique de la matrice polymère sera mise en relation avec les propriétés mécaniques afin de comprendre les mécanismes de dégradation du composite au contact de chacun des solvants. L’étude du composite avec l’antigel, qui utilisera les résultats précédents, pourra mettre en lumière les mécanismes de vieillissement relatifs à l’application. A partir des données physicochimiques telles que la masse molaire, il sera possible de définir un critère de fin de vie directement relié à la durée de vie du matériau, par l’intermédiaire de relations issues de la cinétique chimique.
Description de la structure morphologique du PA66 et de son composite
Les polyamides sont des polymères thermoplastiques semi-cristallins résultant de la polycondensation de l’hexaméthylène diamine et de l’acide adipique conduisant par une réaction équilibrée à la formation de polyamide et d’eau. Les chaînes de polyamide formées peuvent s’orienter les unes par rapport aux autres par formation de liaisons hydrogènes entre l’atome d’hydrogène du groupe N-H d’une chaîne et le doublet non liant du groupe C=0 de la chaîne en vis-à-vis (cf. figure 3). Ce type d’interactions donne naissance à une phase très orientée et très compacte appelée phase cristalline. L’absence totale ou partielle de cette conformation de densité maximale est appelée phase amorphe.
Arrangement des chaînes de polyamide 66 dans la phase cristalline
Cette structure morphologique résulte de l’arrangement macromoléculaire le plus compact avec un alignement des chaînes en conformation plane linéaire avec un maximum de liaisons hydrogènes. Cette phase s’organise en cristaux dont les paramètres de mailles ont été décrits par Bunn et Garner . L’organisation de ces cristaux a été observée par Starkweather et al. sous forme de sphérolites (cf. figure 4). Le taux de cristallinité du polyamide 66 peut ainsi atteindre 50%.
Arrangement des chaînes de polyamide 66 dans la phase amorphe
Deux types de phases amorphes cœxistent dans le polyamide 66 induites par sa structure cristalline sphérolitique. Elles ont été étudiées par Murthy et al. qui ont mis en évidence par diffraction des rayons X outre la phase cristalline dense :
– une phase amorphe fortement orientée située entre les lamelles cristallines : phase amorphe intrasphérolitique, constituée par ce qu’on appelle les molécules liens,
– une phase amorphe faiblement orientée située entre les amas de cristaux : phase amorphe intersphérolitique.
Les propriétés physiques et mécaniques du polyamide sont très fortement influencées par sa cristallinité et sa masse molaire. Starkweather observe ainsi qu’une augmentation conjointe du taux de cristallinité (10 à 15%) et de la masse molaire (5000g/mol) conduit à une augmentation de 70% du module de flexion, une diminution de 70% de l’allongement à rupture. Il observe de plus que cette augmentation du taux de cristallinité conduit à une diminution de 1% de la concentration massique d’eau absorbée à l’équilibre.
Le matériau de renfort du composite : la fibre de verre
Le matériau de renfort couramment utilisé dans l’automobile est la fibre de verre courte ensimée. L’ensimage est une émulsion de différents composés (polymères, silanes et additifs) déposée sur la fibre de verre afin de :
– limiter le frottement qui entraîne la casse des fibres lors de leur filage,
– former une interphase entre la fibre de verre et la matrice de polymère pour assurer une bonne cohésion mécanique de l’un vers l’autre.
Les ensimages des fibres de verre courtes contiennent donc :
– un agent de couplage (généralement un organosilane) dont les fonctions permettent d’établir une bonne interface grâce aux liaisons covalentes formées avec la fibre de verre d’une part et la matrice d’autre part,
– un agent filmogène collant qui augmente la cohésion entre fibre et matrice qui est d’autant plus efficace qu’il est proche en structure chimique de celle de la matrice.
Vieillissement thermique du matériau
Les études de la dégradation thermique du polyamide-6,6 mettent en évidence deux types de mécanisme en absence de solvant et en fonction du domaine de température étudié : un mécanisme de dégradation par branchement de chaînes aux environs de 280°C (température plus élevée que celle de notre étude), un second type de mécanisme qui se produit à des températures relativement modérées proches de 130°C en présence ou non d’O2 . En l’absence d’oxygène, un mécanisme de type post-polymérisation a été identifié qui doit être pris en compte dans l’étude, bien qu’il ne s’apparente pas à du vieillissement.
L’oxydation du Polyamide 66
Des études ont été menées sur l’oxydation du PA66 par Terselius et al. à des températures voisines de 100 et 130°C. Ils proposent un mécanisme d’oxydation radicalaire donnant lieu à des coupures de chaînes au niveau de la fonction amide et formant des groupements carbonyles. Ces auteurs observent que l’oxydation est un processus activé par la température et contrôlé par la diffusion de l’oxygène. Bernstein étudie, quant à lui, l’évolution des propriétés mécaniques du polymère exposé à 124°C en présence d’oxygène (cf. figure 6). Il montre une diminution des propriétés mécaniques de contrainte à rupture en traction du PA66. Cette chute de propriétés mécaniques apparaît après un temps d’induction de 40 jours dans ces conditions (50% au bout de 300 jours d’exposition). Notons qu’elle reste faible.
Il étudie également l’évolution des propriétés mécaniques en atmosphère humide avec et sans oxygène. Il note alors qu’en présence d’humidité, la chute des propriétés mécaniques a lieu sans temps d’induction et qu’elle est plus sévère et plus rapide lorsqu’il y a présence d’oxygène avec l’humidité. Dans l’application étudiée, l’immersion du polymère dans le liquide de refroidissement exclut la présence d’oxygène en grande quantité.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : ETAT DE L’ART
1. DESCRIPTION DE LA STRUCTURE MORPHOLOGIQUE DU PA66 ET DE SON COMPOSITE
1.1 Arrangement des chaînes de polyamide 66 dans la phase cristalline
1.2 Arrangement des chaînes de polyamide 66 dans la phase amorphe
1.3 Le matériau de renfort du composite : la fibre de verre
1.4 Structure de l’interphase
2. VIEILLISSEMENT THERMIQUE DU MATERIAU
2.1 L’oxydation du Polyamide 66
2.2 La post-polymérisation en phase solide
VIEILLISSEMENT DU MATERIAU DANS L’EAU
3. L’INTERACTION PHYSIQUE MATERIAU-EAU
3.1 Concentration d’eau à l’équilibre
3.2 Diffusion de l’eau
3.3 Conséquences de l’absorption d’eau sur les propriétés physiques et mécaniques
4. L’INTERACTION CHIMIQUE MATERIAU-EAU
4.1 Hydrolyse du polyamide
4.2 L’évolution des propriétés mécaniques
4.3 Relation entre structure chimique et propriétés mécaniques
VIEILLISSEMENT DU MATERIAU DANS LE GLYCOL : GLYCOLYSE ?
5. L’INTERACTION MATERIAU-GLYCOL
5.1 L’interaction physique
5.2 L’interaction chimique matériau/glycol
VIEILLISSEMENT DU MATERIAU DANS LE MELANGE EAU/GLYCOL : HYDROLYSE ?
GLYCOLYSE ?
6. L’INTERACTION MATERIAU-ANTIGEL
6.1 L’interaction physique matériau/antigel
6.2 L’interaction chimique
CONCLUSION
CHAPITRE II : METHODES EXPERIMENTALES
1. LES MATERIAUX UTILISES
1.1 Elaboration des matériaux composites
2. CONDITIONS DES ESSAIS DE VIEILLISEMENT
2.1 Les milieux de vieillissement
2.2 Préparation des éprouvettes avant vieillissement
3. ESSAIS DE SORPTION
3.1 Gravimétrie classique
3.2 Dynamic Vapour Sorption
4. ESSAIS DE VIEILLISSEMENT
4.1 Caractérisations mécaniques
4.2 Caractérisations physiques
4.3 Analyse Karl Fisher
4.4 Analyse mécanique dynamique
4.5 Méthode de caractérisation de la structure chimique
CHAPITRE III : CARACTERISATION INITIALE
1. STRUCTURE CHIMIQUE DU MATERIAU
1.1 A l’échelle moléculaire : Spectroscopie IR
1.2 A l’échelle macromoléculaire : CES
1.3 A l’échelle morphologique du matériau
2. TAUX DE RENFORT DANS LE COMPOSITE A MATRICE PA66
3. PROPRIETES D’HYDROPHILIE DU POLYAMIDE
4. PROPRIETES MECANIQUES
4.1 Par analyse mécanique dynamique (DMA)
4.2 Par traction uniaxiale
CONCLUSION GENERALE
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