Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
Types de vieillissement.
Même en respectant les préconisations du constructeur, les performances des batteries Li-ion tendent à diminuer avec le temps et leur utilisation. On distingue communément deux types de vieillissements des batteries :
Le vieillissement calendaire inclut les pertes de SOH constatées sans imposer de charge ou de décharge au système, seulement sous l’action du temps. Nous verrons que ce mode de vieillissement induit principalement une croissance de la SEI. Les réactions de décomposition sont cinétiquement favorisées par la température. Le potentiel et donc l’état de charge de la cellule sont également des facteurs aggravant, pour la même raison.
Le vieillissement en cyclage inclut les pertes de SOH liées à son utilisation sous courant, favorisé par le régime de charge et de décharge (anglicisé C-rate), la profondeur de décharge, c’est à dire l’intervalle d’état de charge dans lequel la cellule travaille, la température et bien sûr le nombre de cycles effectués.
Ces types de vieillissements se cumulent et interagissent entre eux. Par exemple le vieillissement calendaire provoque une expansion de la SEI, qui mène à une augmentation de la résistance interne de l’électrode, qui va modifier la température de cyclage de la cellule par effet Joule.
Ces deux types de vieillissement conduisent à deux principales catégories de mécanismes de dégradation :
La perte de lithium cyclable, parfois notée LLI pour Loss of Lithium Inventory, indique qu’une partie des ions Li+ s’échangeant entre les électrodes a été perdue, que ce soit pour former une couche de SEI, de lithium-plating, ou même dans des grains de matière active lithiés qui seraient détachés électroniquement de l’électrode.
La perte de matière active, notée LAM pour Loss of Active Material qui indique qu’une partie des matériaux actifs ne sont plus sollicités, car ils sont déconnectés du reste de l’électrode ou parce qu’ils ont subi des dégradations structurelles qui affectent leur lithitation.
La partie suivante décrit chacun de ces mécanismes pour les électrodes négative et positive.
Mécanismes de dégradation.
Electrode négative.
L’électrode négative est le siège de dégradations qui peuvent expliquer en grande partie la perte de SOH observée sur la cellule complète. Deux mécanismes principaux sont en jeu :
la croissance de la SEI,
la formation de lithium-plating.
Comme nous venons de le décrire, les particules de matière active négative sont recouvertes dès les cycles de formation par une couche de passivation appelée SEI. Celle-ci entraine une augmentation de l’impédance de la cellule, et donc par suite une perte de puissance [21], [22]. L’augmentation de l’épaisseur de la SEI continue tout au long du vieillissement, menant à la consommation irréversible de lithium et donc à la perte de capacité de la cellule. Il a été montré que la température et la présence de manganèse favorisent la dégradation de la SEI, par fissuration, ce qui résulte dans l’augmentation de sa surface et donc son expansion pour combler les zones qui auraient pu être dégradées [23], [24]. La présence de silicium dans l’électrode négative induit des variations de volume qui entrainent aussi la fracturation de la SEI, menant aussi à son expansion [25], [26].
Un autre mécanisme de dégradation affectant couramment l’électrode négative des batteries Li-ion est le phénomène de lithium-plating. Il s’agit encore une fois d’un dépôt, cette fois de lithium métallique. Une partie du lithium cyclable est donc perdue dès lors que ce dépôt de lithium est oxydé par réaction avec l’électrolyte ou bien s’il se déconnecte de l’électrode. Dans le cas contraire, ce dépôt de lithium peut encore participer aux rédactions électrochimiques s’il est encore actif : il a été observé par exemple qu’une période de repos permet d’en récupérer une partie [27]. On estime que ce genre de dépôt intervient quand l’insertion des cations Li+ dans l’électrode de graphite n’est plus assurée, parce que le flux d’ions en surface est trop important par rapport à la cinétique d’insertion du lithium dans les plans de graphène. Un régime trop élevé par rapport aux capacités de l’électrode négative provoque une surtension en dessous du seuil de 0 V vs Li+/Li0. De manière similaire, une température trop basse induit une augmentation de la résistance de l’électrode négative avec le même risque de tension négative vs Li+/Li0 [28]. Cela signifie que les paramètres de température et de C-rates sont surtout problématiques en fin de charge, lorsque le potentiel du graphite lithié décroit [29]. On observe cependant des cas d’apparition du lithium-plating dans des conditions opposées, notamment quand une bulle de gaz se forme à haute température, résultant de densités de courants localement augmentées en périphérie de cette bulle [30], [31].
Le lithium métallique déposé sur l’électrode peut réagir dans un second temps avec l’électrolyte pour former une SEI secondaire, mais il peut aussi se retrouver déconnecté électriquement de l’électrode, pour former un agrégat de « lithium mort », qui sera à son tour passivé par l’électrolyte [29]. Ce mécanisme de dégradation induit une perte de lithium cyclable, et l’augmentation de l’impédance de la cellule, car la formation de la SEI secondaire inhibe le transfert des cations de l’électrode à l’électrolyte. L’apparition de lithium-plating se montre également délétère pour les propriétés de sécurité des batteries Li-ion [32]. La croissance de dendrite de lithium est le cas extrême, qui peut aller jusqu’au court-circuit [33]. Un autre danger représenté par le dépôt de lithium métallique est le caractère exothermique des réactions avec l’électrolyte. Celles-ci étant cinétiquement favorisées par l’augmentation de la température, il peut en résulter un emballement thermique dans le cas où un seuil de température, appelé température d’onset est dépassé. Celle-ci peut être mesurée par le biais de test de calorimétrie différentielle (DSC), surtout à l’échelle du matériau, ou ARC (accelerated rate calorimetry) à l’échelle de la cellule.
Le lithium-plating ne se produit pas toujours de manière homogène. Bach et al. [34] montrent que des cellules cylindriques de format 18650 présentent un dépôt de plating concentré au centre de l’enroulement. Ils montrent que ce dépôt est exacerbé par la compression induite par le collecteur de courant de l’électrode positive, comme le montre la Figure 1-6.
Figure 1-6: Photographies des faces externe (a) et interne (b) d’une électrode négative montrant l’apparition hétérogène de lithium plating. Une vue en coupe d’une analyse en tomographie (à droite) montre que ce phénomène provient de compressions favorisées par la position du collecteur de courant de l’électrode positive, au centre de l’enroulement. Reproduit de [34].
Les hétérogénéités de température au sein d’une cellule jouent également un rôle important sur la répartition du lithium-plating, comme cela a été montré en simulation dans des cellules 18650 [35] ou même expérimentalement pour des cellules prismatiques utilisées dans le secteur automobile [36]. La position des collecteurs de courant, notamment en cellules 18650, mène également à une hétérogénéité de dégradation [37]. La Figure 1-7 montre le cas d’électrodes en graphite touchées par le phénomène de lithium-plating, préférentiellement au coeur de l’enroulement de cellules 18650, alors que le collecteur de courant de l’électrode négative est positionné à l’extérieur de l’enroulement. En conditions calendaires, ce choix d’architecture est sans conséquences, ce qui mène à une dégradation plus homogène. Ces dégradations peuvent être caractérisées électrochimiquement et localement, grâce à des échantillons prélevés à différents endroits des électrodes, confirmant les pertes de lithium et de matière active plus importantes au centre de la cellule. La position des collecteurs de courant semble également jouer un rôle dans les délaminations des électrodes, qui sont exacerbées par les contraintes mécaniques plus importantes à proximité des collecteurs, d’après une autre étude en tomographie de Pfrang et al. [38]. Ils tempèrent ces observations en précisant que la délamination observée lors du démontage semble avoir un impact faible sur le fonctionnement de la cellule, car la compression de l’enroulement maintiendrait un contact suffisant.
Figure 1-7: Photographies d’une électrode négative de cellule 18650, après un protocole de cyclage, montrant l’extrémité externe (a) peu touchée, le centre (b) partiellement recouvert et la partie interne presque intégralement recouverte (c). Reproduit de [37]
Le développement important de dépôts à la surface de l’électrode négative peut également mener à l’obturation des pores de l’électrode et du séparateur [28], [39]. Quand un dépôt de SEI, mêlé ou non au lithium-plating devient trop important, les pores permettant l’imprégnation par l’électrolyte au sein de l’électrode sur l’ensemble des surfaces de particules de graphite peuvent se fermer, partiellement ou totalement, rendant difficile l’apport d’ions lithium, comme le montre la Figure 1-8. Ce phénomène conduit généralement à une baisse rapide de l’état de santé de la cellule, car il mène à l’augmentation des densités de courant en périphérie des zones bouchées, ce qui favorise donc l’expansion rapide du dépôt de lithium métallique. On observe alors un fléchissement de l’état de santé en fonction du nombre de cycle, communément appelé « ageing knee » dans la littérature anglophone [40], [41]. La SEI qui montre une croissance trop importante et qui bloque les pores est parfois plutôt présentée comme un assèchement de l’électrolyte. De ce point de vue, la génération des couches en surface de l’électrode négative consomme tellement de solvant que les électrodes ne sont plus totalement imprégnées, sans forcément qu’elles soient bouchées [42].
Figure 1-8: Chronologie de l’incidence de lithium plating sous l’effet du bouchage de pores, lui même induit par l’expansion de SEI. Reproduit de [41]
Lewerenz et al. ont montré que l’apparition de lithium-plating pouvait être liée à de faibles hétérogénéités d’épaisseur, qui entrainent des variations locales de SOC (Figure 1-9 a) et b)). Les particules de graphite sur-lithiées entrainent l’apparition locale de plating. Sur l’autre face de l’électrode négative, même si la répartition du graphite est plus homogène, un déséquilibre de SOC est également observé, à cause notamment de la compression induite par le plating de la première face, qui tendrait à comprimer le séparateur. Cela conduirait à une lithiation plus rapide sous l’effet du rapprochement de l’électrode positive (Figure 1-9 c)). De plus, la désactivation des particules sous le premier dépôt de plating tend à solliciter préférentiellement la face active, favorisant encore une fois sa lithiation prématurée. Cette configuration tend rapidement à l’apparition de lithium plating sur la seconde face. (Figure 1-9 d)). La désactivation symétrique d’une zone de l’électrode négative mène aussi à la désactivation des fractions d’électrodes positives leurs faisant face, si on néglige les phénomènes de diffusion latérale au sein de ces électrodes positives.
Figure 1-9: Schéma de la chronologie d’apparition du lithium plating sur les deux faces de l’électrode négative, à cause d’hétérogénéités de répartition de la matière active, puis de la compression engendrée par le dépôt de lithium. Reproduit de [43].
D’autres mécanismes de dégradations affectent l’électrode négative, sans forcément impliquer de dépôt à sa surface, comme nous venons de le voir. La co-intercalation de solvant dans les plans de graphène induit l’exfoliation du graphite [44] mais semble plutôt favorisée par les conditions abusives de surcharge. Le Tableau 1-3 résume les différents mécanismes de dégradation affectant l’électrode négative, et montre qu’il existe des liens de cause à effet direct entre ceux-ci
|
Table des matières
Introduction générale
Références bibliographiques de l’introduction générale
Chapitre 1 : Etat de l’art.
I. Introduction.
II. Généralités sur les batteries Li-ion.
II.1. Propriétés et domaines d’utilisation.
II.2. Principe de fonctionnement et choix des matériaux.
III. Vieillissement des batteries Li-ion.
III.1. Types de vieillissement.
III.2. Mécanismes de dégradation.
IV. Diagnostic des mécanismes de dégradation.
IV.1. Mesures de résistance.
IV.2. Analyses de capacité incrémentale et de tension différentielle.
IV.3. Autres techniques de diagnostic.
V. Potentiel de la seconde vie.
V.1. Etudes techniques relatives à la seconde vie.
V.2. Aspects sécuritaires.
VI. Conclusion et objectifs.
VII. Références bibliographiques du chapitre 1.
Chapitre 2 : Méthodes expérimentales.
I. Introduction.
II. Design expérimental.
II.1. Spécifications des cellules.
II.2. Protocoles de vieillissement des cellules.
II.3. Protocoles de tests et check-up des cellules.
III. Tests de diagnostic.
III.1. Impulsions de courant.
III.2. Spectroscopie d’impédance électrochimique.
III.3. Analyses de capacité incrémentale et tension différentielle.
IV. Protocole de démontage des cellules et caractérisations post-mortem.
IV.1. Démontage des cellules 18650.
IV.2. Montage de piles boutons et caractérisations électrochimiques.
IV.3. Caractérisations Post-mortem.
IV.4. Tests de stabilité thermique.
V. Caractérisations complète des cellules neuves.
V.1. Caractérisations chimiques.
V.2. Géométrie des électrodes
V.3. Capacités spécifiques des électrodes.
VI. Conclusion.
Chapitre 3: Vieillissement et diagnostic.
I. Introduction.
II. Données de vieillissement en cyclage.
II.1. Référence MF1.
II.2. Référence MJ1.
III. Données de vieillissement calendaire
IV. Analyses non destructives.
IV.1. Mesures de résistance.
IV.2. Diagnostics par analyse des profils en tension.
IV.3. Capacité irréversible lors des vieillissements en cyclage.
V. Diagnostic post-mortem.
V.1. Observations visuelles.
V.2. Observations MEB et analyses EDX.
V.3. Caractérisation en piles bouton.
VI. Synthèse des résultats.
VII. Approfondissement des caractérisations pour les électrodes MJ1.
VII.1. Electrodes négatives
VII.2. Electrodes positives.
VIII. Conclusion
IX. Références bibliographiques du chapitre 3.
Chapitre 4: Pronostic de seconde vie.
I. Introduction.
II. Courbes de vieillissement en seconde vie.
II.1. Cellules MF1.
II.2. Cellules MJ1.
III. Diagnostic des états de surface des électrodes.
III.1. Cellules MF1.
III.2. Cellules MJ1.
III.3. Bilan.
IV. Quantification des mécanismes de dégradation en seconde vie.
IV.1. Analyses DVA.
IV.2. Analyses en pile bouton
IV.3. Bilan des mesures DVA et pile bouton
IV.4. Spectroscopie d’impédance électrochimique
IV.5. Bilan sur les mécanismes de dégradations de seconde vie.
V. Evaluation de la sécurité
V.1. Cellules MF1
V.2. Cellules MJ1
VI. Conclusion
VII. Référence bibliographique du chapitre 4
Chapitre 5 : Vers un pronostic adapté au cas réel
I. Introduction.
II. Estimation rapide du SOH.
II.1. Méthode de la capacité régionale.
II.2. Résultats.
III. Tests appliqués aux cellules issues du parc automobile.
III.1. Cellules issues d’un parc automobile
III.2. Estimation de la capacité sur 9 modules industriels.
III.3. Pronostic de durée de seconde vie pour 4 cellules industrielles.
IV. Elaboration d’un protocole de test rapide.
V. Conclusion.
VI. Références bibliographiques du chapitre 5.
Conclusion générale.
Annexes
Annexe 1 : Mesures en piles bouton assemblées en back-to-back.
Annexe 2 : Récapitulatif des vieillissements
Annexe 3 : Publication dans Journal of The Electrochemical Society
Résumé
Abstract
Table des Figures.
Liste des Tableaux
Télécharger le rapport complet