Viabilité du phytoplancton et des algues de glace dans la mer de Beaufort

L’Arctique sous un scénario de changement global

   Les dernières décennies ont été synonymes de changements environnementaux radicaux à l’ échelle de la planète. L’influence de l’homme sur la biosphère depuis le début de l’industrialisation a contribué au réchauffement de la planète par l’émission et l’accumulation de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de sene dans l’atmosphère. Ces gaz absorbent une partie du rayomlement infrarouge (Ledley et al. 1999, Millero 2006, Sarmiento & Gruber 2006) et altèrent ainsi le flux radiatif vers la troposphère (Boyd & Doney 2003), entraînant le réchauffement de surface de la planète. La température moyemle mondiale de l’air a ainsi augmenté de 0,7 oC au cours du dernier siècle (HoeghGuldberg et al. 2007) et une augmention de 6 oC aux hautes latitudes de l’hémisphère nord est prévue vers la fin du 21ème siècle (IPCC 2007). Les émissions de chlorofluorocarbones (CFCs) représentent un autre impact de l’activité humaine et elles représentent un facteur majeur de la dégradation de la couche d’ozone stratosphérique (McKenzie et al. 2003). En conséquence du réchauffement global, une perte croissante de la couche d’ozone a été observée dans l’Arctique au printemps et au début de l’été (Rex et al. 2004). L’épuisement d’ozone stratosphérique conduit à une augmentation du rayOlmement UVB (280-315 nm) qui peut facilement endommager les molécules organIques des organIsmes vivants, notamment les composantes du système photo synthétique (Jordan 1996, Ryan et al. 2002).L’océan Arctique est particulièrement sensible aux changements globaux (Semtner 1987, Morison et al. 2000, Chen et al. 2003, Carmack et al. 2006, Comiso et al. 2008), puisqu’ en altérant le couvert de neige et de glace de mer, le réchauffement modifie l’albédo de l’océan, créant une rétroaction positive (Bolland & Bitz 2003). Le couvert de glace de l’Arctique a en effet changé au cours des dix dernières années. Ces changements incluent la modification dans la durée du couvert de glace (congélation plus tardive et fonte devancée), l’augmentation des zones de fonte, le recul des glaciers, le dégel du permafrost et l’augmentation des températures superficielles (Maslanik et al. 1996, Polyakov et al. 1999,Rothrock et al. 1999, Comiso & Parkinson 2004, ACIA 2005, Carmack et al. 2006). En plus de la fonte de la glace, l’augmentation de la décharge des rivières arctiques (Peterson et al. 2002) pourrait diminuer la salinité et augmenter la stratification de l’océan Arctique (Peterson et al. 2002, 2006, Macdonald et al. 2004). La réduction de la durée et de l’étendue de la glace de mer induit des changements tant dans la circulation océanique que dans les caractéristiques des masses d’eau, modifiant ainsi la stratification et la turbidité de la colOlme d’eau, de même que sa composition en éléments nutritifs. Ces changements affecteront à leur tour la production primaire et le transfert d’ énergie vers les niveaux trophiques supérieurs (Michel et al. 2006), entraînant alors des répercussions pour l’écosystème entier (WassmaIm 2006).

La glace de mer

  La glace de mer est un habitat majeur pour les communautés algales associées à la glace, celles-ci étant généralement dominées par les diatomées pennales (Homer & Schrader 1982). La glace de mer est caractérisée par de forts gradients de température, de salinité et de lumière. Ces propriétés sont fortement variables et surtout dictées par la température ambiante et le couvert de neige (Thomas & Dieckmatm 2002). Les conditions lumineuses sous la glace varient en fonction de l’épaisseur de glace, puisqu’ elle atténue rapidement la lumière et ce, particulièrement en présence de neige. Une couche de neige de 10 cm d’épaisseur peut réduire l’intensité lumineuse de 80 à 99% (Sakshaug & Skjoldal 1989). Les microalgues sciaphiles vivant à la base de la glace de mer sont potentiellement sensibles à la photo-inhibition (Neale et al. 1994, Prézelin et al. 1998, Belzile et al. 2000).Cette dernière se produit lorsque le complexe photo synthétique absorbe la lumière au-delà de la capacité de photosynthèse de la cellule. Par conséquent, une intensité lumineuse relativement faible pourrait suffire à photo-inhiber les cellules sciaphiles présentes dans la couche inférieure de la glace de mer (Neale 1987, Falkowski 1994).Les changements climatiques dans l’Arctique pourraient modifier l’exposition lumineuse des algues de glace en influençant la couverture de neige et de glace, via l’ augmentation de la température de l’air et des précipitations. Le moment de la débâcle et la vitesse de fonte de la glace déterminent en partie l’intensité du stress physiologique des algues de glace (Moline et al. 2008). En effet, le degré d’exposition des communautés algales au rayonnement UV est dépendant de la présence et de l’épaisseur du couvert de glace et de neIge (Belzile et al. 2000). De plus, la fonte de la glace entraîne des changements rapides dans la salinité ambiante, créant all1S1 un stress osmotique et photo synthétique pour les producteurs primaires (Ralph et al. 2007).Une étude récente a montré que les communautés de protistes retrouvées dans la couche inférieure de la glace de mer variaient en fonction de l’ épaisseur du couvert de neige, suggérant une réponse différentielle de ces communautés face aux changements dans le régime de lumière lors de la transition hiver/printemps (R6zanska et al. 2009). Pendant le printemps la plupart de la variabilité spatiale de l’éclairement à la base de la glace est influencé par l’ épaisseur du couvert de neige et la formation d’ étangs de glace (Mundy et al. 2005, Perovich et al. 1998). Néanmoins, peu de choses sont connues quant à l’influence de la couverture de neige, et de son atténuation de la lumière, sur la photoprotection et la viabilité des algues de glace dans l’Arctique (luhl & Krembs 2010, Mundy et al. 2011).

La colonne d’eau

   Dans l’océan Arctique, la saumure produite lors de la formation de la glace en hiver a tendance à déstabiliser la colonne d’eau lui permettant alors de se mélanger. À l’inverse, à l’été, la fonte de la glace, dont la salinité se rapproche de celle de l’eau douce, augmente la stratification (lakobsson et al. 2004). Cela peut alors se traduire par une diminution des remontées d’éléments nutritifs depuis l’océan profond. Les cellules peuvent aussi subir une rapide augmentation de leur exposition à la lumière suivant la disparition soudaine de la glace de mer, notamment lors de la débâcle printanière (Kas hi no et al. 2002, Griffith et al. 2009). La stratification de la partie supérieure de la colonne d’eau, amplifiée par le réchauffement de l’Arctique, pourrait maintenir les cellules près de la surface pom une plus longue période.Agusti (2004) a suggéré que la forte lumière et le manque d’éléments nutritifs pouvaient être les causes principales de la mort cellulaire au centre de l’océan Atlantique. Dans un autre envirOlmement stratifié, la mer Méditerranée, la lyse du phytoplancton se révélait être un facteur de perte cellulaire important dans les eaux de surface (Agusti et al. 1998). La lyse des cellules pourrait donc contribuer de manière importante à la perte de phytoplancton dans les systèmes oligotrophes (Baudoux et al. 2007). La disponibilité des nutriments peut modifier [‘efficacité photosynthétique du phytopl ancton marin; la limitation en phosphore peut par exemple causer une diminution de la capacité photo synthétique des cellules (Lippemeier et al. 2003, Shelly et al. 2005). La photo-inhibition est plus prononcée dans les régions pauvres en nutriments de l’océan, où les cellules peuvent manquer d’ éléments nutritifs pour réparer les centres de réaction photo synthétiques endommagés par la lumière (Herzig & Falkowski 1989). De plus, l’efficacité quantique du photo système peut se voir grandement réduit par le stress nutritif (Falkowski 1994). Des stress environnementaux comme les faibles températures peuvent aussi rendre l’appareil photosynthétique plus sensible à la photo-inhibition (Falk et al. 1990). Les résultats de Falk et al. (1990) soutiennent d’ailleurs l’hypothèse selon laquell e les cellules acclimatées à des températures basses sont plus dépendantes de processus de réparation efficaces pour éviter la photo-inhibition que les cellules acclimatées à des températures élevées. Gallegos et al. (1983) et Gallegos & Platt (1985) ont suggéré que l’intensité de la photo-inhibition dans l’Arctique pouvait être liée au degré de stratification de la colonne d’eau (Harrison & Platt 1986). À ce suj et, des études récentes dans l’Antarctique ont montré que les cellules exposées à du mélange vertical pouvaient augmenter leur concentration interne de pigments photoprotecteurs de type xanthophylle, alors que les concentrations de ces pigments ne changeaient pas, ou diminuaient même, chez les cellules exposés à un environnement statique (Griffith et al. 2009). Les cellules près de la surface sont exposées non seulement à la lumière visible, mais aussi au rayonnement UV, les courtes longueurs d’onde étant particulièrement nuisibles (UV -B). L’inhibition de la photosynthèse par la radiation UV a été observée dans plusieurs régions des océans incluant les zones polaires (e.g. Llabrés & Agusti 2006, 20 10). La découverte que les populations de pico phytoplancton (d’une taille inférieure à 2 ).lm) sont fortement sensibles à la radiation UV soutient l’hypothèse selon laquelle le rayOlmement solaire pourrait être un facteur de plus à considérer dans les causes possibles de la mort des cellules de phytoplancton dans l’océan (Agusti & Llabrés 2007). Cette dernière étude suggère de plus que les communautés de pico-eucaryotes et les populations de Synechococcus possédant une meilleure capacité de réparation, ou un système photoprotecteur plus efficace contre l’exposition aux radiations UV, auraient une viabilité plus élevée par rapport aux populations de Prochlorococcus. L’acclimatation du phytoplancton à la radiation UV inclut donc souvent une augmentation des pigments photo protecteurs (Stambler 2003).

Aigai culture experiment under controlled light conditions

  To verify the influence of light on cell viability, an experiment was set up at the Institut des sciences de la mer’s (ISMER) laboratory. Cultures of A. septentrionalis CCMP2083 (provided by Dr. C. Lovejoy), a diatom species present in the water column and also in the sea-ice in the Canadian Arctic (Poulin et al. 2011), were grown in f/2 emiched seawater media (Guillard 1975, Andersen et al. 2005) in the laboratory, under an irradiance of 70 )lmol photons m-2 S-I, a salinity of 32 psu and a tempe rature of 4°C. These cultures were then exposed to three irradiance treatments for a period of 12 days. The treatments consisted in (1) a continuous photoperiod of 70 )lmol photons m2 S-l , (2) progressively increased irradiances every two days from 90 to 180 ~llnol photons m2 S-I,and (3) continuous high irradiances of 170-180 )lmol photons m2 S-l. Light was supplied by fluorescent cool white lamps (Osram). Sampling was done simultaneously in the cultures exposed to the three treatments measuring systematically an index of phototosynthetic activity (fluorescence FvlFm) and the percentage of living ceUs (% LC). Minimum and maximum fluorescence (Fo, Fm) were measured after 30 min of darkness using a Turner Designs fluorometer (model AU-IO). Fm was measured after adding DCMU (3 -(3,4- dichlorophenyl)-l ,l-dimethylurea, 3xI0-3 M), an inhibitor that blocks electron transport at the electron acceptor Q in photo system II (PSII), causing an increase in chlorophyU fluorescence (Roy & Legendre 1979, Jochem 2000). The index of photosynthetic performance Fy/Fm was calculated as (Fm-Fo)/Fm. A decrease in the maximum quantum yield of PSII photochemistry, measured as dark-adapted FvlFm, is an indicator of photoinhibition or down-regulation of PSII (Critchley 2000). The percentage of living ceUs was calculated using the CDA (as detailed previously for the field work).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 DÉTERMINATION DE LA MORT CELLULAIRE DU PHYTOPLANCTON ARCTIQUE: TEST DE DIGESTION CELLULAIRE, INFLUENCE DE L’INTENSITÉ LUMINEUSE SUR DES CULTURES ET SUR DES ALGUES DE GLACE SOUS DIFFÉRENTS COUVERTS DE NEIGE
1.1 RÉSUMÉ
1.2. DETERMINING PHYTOPLANKTON CELL DEATH IN THE ARCTle: A TEST OF THE CELL DlGESTlON ASSAY AND THE INFLUENCE OF IRRADlANCE IN CULTURES AND IN ICE ALGAE UN DER VARIOUS SNOW COVERS
CHAPITRE 2 LE COUVERT DE NEIGE AFFECTE LA COMPOSITION DES PIGMENTS D’ALGUES DE GLACE DE L’OCÉAN ARCTIQUE CÔTIER PENDANT LE PRINTEMPS
2.1 RÉSUMÉ
2.2 SNOW COVER AFFECTS ICE ALGAE PIGM ENT COM POSITION IN TH E COASTAL ARCTIC OCEAN DURING SPRING
CHAPITRE 3 VIABILITÉ DES CELLULES PHYTOPLANCTONIQUES DANS LES EAUX DE SURFACE DE LA MER DE BEAUFORT (CANADA) PENDANT LA PÉIUODE DE TRANSITION PRINTEMPS-ÉTÉ 
3.1 RÉSUMÉ
3.2 PHYTOPLA ‘KTO CELL VIABILITY IN SU RFACE WATERS OF THE CA ADIAN BEAUFORT SEA DU RING THE SPRI NG-SUMMER TRANSITION
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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