Le monde de la forge: un rapide état des lieux
Si le métier de la forge est relativement ancien, le passage à une fabrication industrielle constitue une évolution plus récente. Cette fabrication industrielle a eu deux conséquences majeures :
– d’une part, elle a permis de rendre ce type de production moins pénible; en effet la forge était plongée dans le noir et emplie d’une chaleur étouffante due au brasier, ce qui rendait le travail épuisant et extrêmement physique.
– d’autre part, elle a réduit de façon très significative le nombre de forgerons artisans et conduit à des évolutions pilotées par la nécessité économique d’une réduction des coûts .
En France, entre 1991 et 2001, le nombre de sites de production a diminué, mais les effectifs employés ont augmenté de 20% et dans le même temps, toutes activités confondues, les tonnages livrés aux clients, ainsi que les chiffres d’affaires facturés ont doublé.
Enjeux économiques liés aux outillages
La problématique de la réduction des coûts de production se fait ressentir à plusieurs niveaux de la fabrication. Un point essentiel concerne la réduction du coût d’outillage par pièce forgée. En effet, le forgeron n’utilise plus aujourd’hui le marteau et l’enclume, mais de gros outils de presse pouvant peser jusqu’à plusieurs tonnes. On s’aperçoit donc que les enjeux économiques sont importants. Le coût du changement d’outillage est en effet double. Il provient :
– d’une part du prix de la matière première nécessaire à la fabrication des outils, à leur traitement de surface et à leur usinage
– d’autre part, de l’arrêt des chaînes de production lors du changement de l’outillage.
Du point de vue des secteurs industriels, les causes du changement d’outillage peuvent être diverses. Dans le domaine de l’automobile, la cadence des pièces forgées est très importante, donc les outils vont s’abîmer rapidement sous l’effet des phénomènes d’usure et de l’enchaînement de variations brutales de température. Au vu de la cadence de production des pièces forgées, un arrêt prolongé de la chaîne de production entraîne une perte économique pour l’entreprise. En ce qui concerne la forge de précision, notamment en aéronautique, les pièces doivent respecter des cotes très précises. La cadence de forgeage n’est pas très rapide et donc l’outil s’usera moins, cependant les temps de forgeage peuvent être assez long et les matrices peuvent se déformer. Dans ce cas une faible perte de côte de l’outil peut entraîner son changement, contrairement à l’automobile où certaines pièces peuvent accepter une tolérance moins restrictive.
La simulation numérique dans le monde de la forge
La simulation numérique permet d’effectuer des études de faisabilité à coût réduit. Elle permet aux entreprises d’accroître leur compétitivité. D’abord réservée aux grands groupes, elle commence maintenant à être intégrée dans les PME. Elle permet de mettre au point une nouvelle gamme de forgeage en remplaçant des essais longs et coûteux sur outils réels par des essais virtuels sur ordinateur. – ce qui n’empêchera pas par la suite d’effectuer des essais réels, mais permettra de réduire considérablement leur nombre. Grâce à la simulation, on peut prévoir les propriétés des pièces forgées. Les calculs nous donnent de nombreux résultats concernant les propriétés thermique et mécanique de la pièce. Enfin, la simulation permet d’optimiser une gamme de forgeage, du point de vue de la pièce. Il y a encore quelques années, la simulation numérique de cas de forgeage était réservée aux spécialistes ayant des connaissances dans le domaine de la mécanique des milieux continus et de la méthode des éléments finis. Les entreprises devaient également posséder des machines de calcul puissantes. Les calculs duraient alors plusieurs dizaines de jour. Mais de nos jours, les progrès tant matériels que logiciels aidant, des simulations simples peuvent être effectuées en quelques heures.
Etat de l’art au démarrage de la thèse : le logiciel de modélisation Forge3® mono corps
C’est en Angleterre, en 1969 que des premiers calculs par éléments finis pour modéliser des procédés de mise en forme ont eu lieu. Ils concernaient des cas de laminage à chaud en modélisation 2D. Au CEMEF, une première étude est engagée avec la SNECMA dès 1981 pour développer le code Forge2® qui permet d’effectuer des simulations de cas de forgeage pour des configurations axisymétriques. L’étude de la faisabilité d’un code de simulation de forgeage pour des configurations tridimensionnelles a été initiée en 1983 pour aboutir en 1991 à une première version industrielle du logiciel Forge3®. Forge3® est un logiciel métier dédier à la simulation de procédés de mise en forme assimilables au forgeage (matriçage, laminage, …). Il est facile d’utilisation et répond pleinement aux attentes industrielles. Fonctionnant à l’aide de menus, il permet à l’utilisateur de rentrer les données sans avoir nécessairement de connaissance dans le domaine du calcul numérique. Forge3® permet aussi de résoudre des problèmes thermo-mécaniques au-delà du procédé de forgeage. Dans le cas du forgeage, on peut se contenter d’utiliser un couplage thermomécanique faible. Un des points forts de Forge3® réside dans son remailleur automatique. La formulation du problème étant lagrangienne, le maillage suit donc la matière au cours de la simulation. Or, pour des cas de mise en forme, on se retrouve en présence de grandes déformations, et donc, le maillage utilisé peut très vite dégénérer. Un remaillage a donc lieu automatiquement pour éviter la dégénérescence du maillage lorsque cela s’avère nécessaire. Forge3® permet d’avoir accès à des évolutions internes de la pièce (température, déformation, contraintes, …) mais aussi à des informations plus générales très importantes pour le forgeron : force de forgeage, effort sur les outils, …
Une démarche d’optimisation des outillages par simulation numérique
Deux facteurs essentiels pour comprendre et optimiser la durée de vie des outillages sont :
– les sollicitations thermomécaniques subies par les outils
– l’usure abrasive
Une démarche d’optimisation de la durée de vie des outillages devra donc intégrer ces deux facteurs. L’optimisation des outillages d’une gamme de forgeage commencera donc tout d’abord par une étape d’analyse. On sélectionne les matériaux de l’outillage, les traitements thermiques et les traitements superficiels que l’on va appliquer. On devra passer ensuite à la partie modélisation – qui nécessitera en particulier une description numérique de l’outillage. On réalise ensuite une simulation numérique du procédé de forgeage lui-même, à partir de laquelle on détermine les contraintes mécaniques dans les outillages. Une fois ces étapes réalisées, il faudra conduire un schéma d’optimisation global en reprenant toutes les étapes avec d’éventuelles modifications des outillages.
Un verrou de la modélisation réside dans le fait que la simulation numérique 3-D a été – du fait de son coût et des limitations liées à la puissance des machines de calcul – utilisée jusqu’à présent pour modéliser les déformations et contraintes dans la pièce forgée. Mais de nos jours, la puissance des ordinateurs a suffisamment augmenté pour nous permettre de commencer à étudier le comportement des outils. Le fait de modéliser les outils nous permettra de prendre en compte des effets de couplage thermo-mécanique entre la pièce et l’outillage – ce qui aura pour double effet de fournir des résultats plus précis sur la pièce, et de nous informer également sur les sollicitations subies par les outils. De ces sollicitations dépend en effet directement la durée de vie des outils. Un exemple d’application nous est donné dans le domaine du matriçage, où la durée de vie des outillages est un facteur important du fait de son influence sur le prix de revient. De fortes concentrations de contraintes mécaniques subies par l’outil peuvent entraîner une destruction localisée de celui-ci. La simulation numérique permet de prédire ces zones de fortes concentrations. Ainsi, une matrice d’ébauche légèrement différente peut être conçue, de manière à réduire les contraintes. Elle permet donc de réduire les coûts des outillages et d’accroître leur durée de vie. De nombreuses études ont été récemment menées pour augmenter la durée d’utilisation des outillages. Dans [BRU 1999], les auteurs utilisent une rhéologie élastique pour les outils. Ils modifient certains paramètres du procédé de forgeage (température des pièces, utilisation de lubrifiant, vitesse des outils), pour diminuer les contraintes thermiques dans les outils afin d’éviter qu’ils ne se fissurent. Toujours du point de vue de l’outil, dans [TSU 2002] et [KWO 2003], les auteurs poussent leur étude plus loin, en fournissant une loi d’usure pour les outils, qui leur permet ensuite d’estimer leur durée de vie.
Thermique asynchrone
Dans le cas de la forge, le gradient thermique à l’interface pièce/outils peut être important. Pour éviter le problème de choc thermique, on peut utiliser des maillages très fins aux interfaces. Cela revient donc a augmenter le nombre de degrés de liberté du problème. Dans notre cas, le maillage thermique correspond au maillage mécanique. En raffinant le maillage pour gérer les problèmes de choc thermique, on va grandement augmenter les temps de calcul nécessaire à la résolution du système mécanique. Les maillages utilisés sont donc créés de manière à ne pas trop pénaliser la résolution du problème mécanique, ce qui peut parfois mener à des imprécisions lors de la résolution du problème thermique.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. Le modèle thermo-mécanique et sa résolution numérique
I.1. Le problème mécanique
I.1.1. Les équations d’équilibre et de conservation de la masse
I.1.2. Le comportement des matériaux – Rhéologie
I.1.2.1. Le comportement élastique
I.1.2.2. Le comportement élasto-plastique
I.1.2.3. Le comportement viscoplastique
I.1.2.4. Le comportement élasto-viscoplastique
I.1.3. Les problèmes d’interface
I.1.3.1. Le contact
I.1.3.2. Le frottement
I.1.3.2.1. Loi de Coulomb
I.1.3.2.2. Loi de Tresca
I.1.3.2.3. Loi de Norton
I.1.4. Résolution numérique
I.1.4.1. Discrétisation spatiale – Eléments finis
I.1.4.2. Discrétisation temporelle
I.2. Le problème thermique
I.2.1. L’équation de la chaleur
I.2.2. Les échanges thermiques aux interfaces
I.2.3. Résolution numérique
I.2.3.1. Discrétisation spatiale – Eléments finis
I.2.3.2. Discrétisation temporelle
I.2.3.3. Thermique asynchrone
I.3. Le couplage thermo-mécanique
I.3.1. La nature des couplages
I.3.1.1. Variables mécaniques thermodépendantes
I.3.1.2. Variables thermiques dépendant de la résolution mécanique
I.3.2. Le couplage thermomécanique dans Forge3®
II. Le Multicorps
II.1. Le couplage mécanique
II.1.1. Etude bibliographique
II.1.1.1. Couplage
II.1.1.1.1. Couplage faible
II.1.1.1.2. Couplage fort itératif ou méthode de point fixe
II.1.1.1.3. Couplage fort complet
II.1.1.2. Contact
II.1.1.2.1. Pénalisation
II.1.1.2.2. Les Multiplicateurs de Lagrange
II.1.1.2.3. Lagrangien augmenté
II.1.2. La solution retenue dans le cadre de notre travail
II.1.3. Les Conditions Limites
II.1.3.1. Le contact unilatéral
II.1.3.2. Le Frottement
II.1.4. Validation
II.2. Le couplage thermique
II.2.1. Etude bibliographique
II.2.2. La solution retenue
II.2.3. Les Conditions Limites
II.2.4. Validations
II.2.5. Thermique aux points d’intégrations
II.2.5.1. Principe
II.2.5.2. Résultats
II.3. Résultats
II.4. Conclusion
III. Stratégies pour des temps de calcul optimisés
III.1. Motivations de cette étude
III.2. Calcul mécanique périodique dans les outils
III.2.1. Principe de la méthode
III.2.2. Mise à jour des cellules de contact
III.2.3. Résultats
III.2.4. Conclusion
III.3. Cas des outils élastiques
III.3.1. Principe de la méthode
III.3.2. Résultats
III.3.3. Discussions
III.4. Remaillage Domaine par domaine
III.5. Parallélisation
III.5.1. Principe de la méthode
III.5.2. Résultats
III.5.3. Discussions
IV. Durée de vie des outils en forge à chaud
IV.1. Le cyclage et la fatigue
IV.1.1. Modélisation des cyclage thermique et mécanique
IV.1.1.1. Etude bibliographique
IV.1.1.2. Méthode de Miles
IV.1.1.3. Méthode de Mahjoub
IV.1.2. Méthode de cyclage retenue
IV.2. Usure
IV.2.1. Les modèles d’usure abrasive
IV.2.1.1. Loi d’Archard
IV.2.1.2. Etude bibliographique
IV.2.2. Les lois d’usure utilisées
IV.3. Résultats
IV.3.1. Forgeage d’un entraîneur
IV.3.2. Le cas du triaxe
IV.3.3. Ecrasement entre tas plats
IV.3.4. La rampe
IV.3.5. Le cas Estamfor
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE
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