Le socle 2006 – Maîtriser les fondamentaux prescrits
Le Socle commun des connaissances et des compétences, que « la scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève » s’articule autour de sept piliers purement disciplinaires dont le premier est consacré à la maîtrise de la langue française et le deuxième à la pratique d’une langue vivante étrangère. Il est constitué « d’un ensemble de connaissances et de compétences qu’il est indispensable de maîtriser» en fin de troisième. Ce socle est le point d’ancrage des Programmes 2008. Le chapeau introductif des Programmes spécifiques aux langues vivantes, qui font l’objet d’un BO Hors-série en date du 30/08/2007, spécifie que « le descripteur A1 du Cadre prend en compte les entrées qui structurent le socle commun, notamment les connaissances et les capacités » pour que « l’élève puisse communiquer de manière simple mais efficace dans des situations courantes de la vie quotidienne ». D’emblée, l’accent est mis sur les contenus multiples à faire acquérir aux élèves : « La programmation des activités de classe se fait sur la base des compétences de communication à acquérir en fin de cycle, en tenant compte des connaissances culturelles et lexicales, grammaticales et phonologiques qui sont déclinées dans chaque langue en regard des situations de communication » entrant dans chaque activité langagière »(BO 2007, page 5) .
De plus, dès les premières lignes, l’objectif certificatif est clairement établi : en quatre ans, du CE1 au CM2, « l’élève doit acquérir les éléments fondamentaux de cette langue et les consolider afin de construire une compétence de communication élémentaire définie par les niveaux A1/A2 du CECRL. Ces deux niveaux constituent le Socle commun en LVE ».
Approche privilégiée : l’approche par tâches langagières
A travers le CECRL et l’approche actionnelle préconisée, l’apprentissage d’une langue vivante est revisité : toute structure langagière s’apprend avec le lexique associé, au service d’une fonction de communication, le tout dans l’idée d’aboutir à une tâche (langagière) finale.
Une logique thématique
Les programmes 2008 sont articulés autour de trois grandes unités thématiques : la personne (soi et les autres) ; la vie quotidienne (politesses, habitudes alimentaires, activités, école) ; l’environnement géographique et culturel.
En langue vivante étrangère, ils sont organisés au service de l’acquisition et de la validation des cinq compétences langagières du niveau A1 de l’utilisateur élémentaire : trois d’entre-elles relèvent de l’oral – comprendre à l’oral ; comprendre, réagir et parler en interaction ; parler en continu ; les deux autres portent sur l’écrit – lire ; écrire. Longuet (2012 : 267) déplore l’absence d’expérience sociale créatrice dans le système éducatif français. Elle définit l’approche pédagogique émanant du socle 2006 comme un « apprentissage de la langue étrangère » qui « se limite à la production d’énoncés isolés, à la reproduction de modèles, […] à la copie de mots isolés ». Elle nous indique qu’une « production psittacique dépourvue de sens conduit à un effacement de la subjectivité de l’élève contraire à tout développement personnel ». D’après cet auteur, cette pédagogie institutionnelle – que le site du CANOPE Primlangues illustre abondamment- « transformerait les élèves en perroquets » et les empêcherait de devenir des « acteurs sociaux. » Cette logique thématique implique par ailleurs une dérive dans les écoles où les équipes enseignantes peinent à instaurer des progressions pertinentes au sein de chaque cycle. En effet, les élèves apprennent et revisitent chaque année les mêmes thèmes: les couleurs, les animaux, les aliments, les vêtements, etc. et n’enrichissent pas leur bagage linguistique et culturel comme il se devrait.
Entraînement à l’acquisition de contenus
La démarche d’enseignement liée au Socle 2006 et au CECRL qui permet d’entraîner les élèves afin de leur faire acquérir des contenus linguistiques (une structure langagière et le lexique associé) s’appuie sur trois verbes : REPETER (il s’agit alors de réinvestir des prérequis), MEMORISER (nous sommes alors dans un acte de langage) et APPLIQUER, soit produire toujours les mêmes phrases toutes faites. Le site Primlangues propose bon nombre de séquences qui en sont l’illustration. Afin de justifier mon propos et comme nous avons la même didactique pour toutes les langues, j’ai choisi d’analyser une séquence en anglais autour de l’album d’Eric CARLE Today is Monday, album qui existe aussi dans sa version allemande et espagnole. L’intérêt de cet album porte sur l’apprentissage lexical des jours de la semaine auxquels sont associés des aliments : Monday, green beans ; Tuesday spaghettis, etc. Il se présente dans une forme accumulative de sorte à ce que les élèves puissent mieux le mémoriser. Sans histoire, il ne présente aucune entrave à la compréhension.
Le site Primlangue propose une séquence « Today is Monday » ancrée dans une approche par la tâche et donc conforme aux attentes du CECRL. La tâche finale est assimilée au terme de « projet » ; il s’agit de réaliser un livret individuel dans lequel chacun exprimera ses goûts culinaires en vue de le présenter ensuite à ses camarades.
Or l’aboutissement à une trentaine de livrets individuels est exactement en opposition au principe même du projet qui fédère le groupe classe et qui devrait permettre de développer les compétences sociales qui s’imposent. La séquence, découpée en cinq séances de 45 minutes, cible plusieurs activités langagières au service d’une tâche : interpréter un chant – en réalité une comptine avec jeu de mains- en séance 1 (S1) ; jouer une saynète (S2) ; jouer à un jeu de « maze » (S3) ; réaliser une étude sur les goûts culinaires des élèves de la classe (S4) ; construire un livret individuel prenant appui sur l’album Today is Monday (S5). Chaque séance permet de travailler plusieurs activités langagières à l’oral et à l’écrit. Les objectifs de contenus portent essentiellement sur le lexique des jours de la semaine et de quelques aliments. D’emblée, la terminologie employée fait référence aux cinq compétences langagières du CECRL, ce qui constitue une aide à la validation de certains descripteurs du niveau A1, certification attendue en fin de CM2. L’ensemble relève d’une succession d’entraînements, prioritairement à travers des jeux de flaschcards variés, pour acquérir du lexique. Ainsi, la séance 1 prend appui sur une chanson qui permet de travailler la compétence du parler en continu mais surtout de mémoriser les jours de la semaine, apport indispensable à la compréhension de l’album. Seules des connaissances lexicales, grammaticales et phonétiques sont abordées. La séance 2 offre un nouvel enrichissement lexical autour des aliments (sans aucune référence culturelle à la nourriture anglaise) ; divers jeux de flashcards – Jeu de Kim ; True or false – permettent au PE d’aborder la compréhension orale, réduite à la compréhension du vocabulaire des aliments. Un sketch permet ensuite d’aborder la compétence langagière Comprendre, parler et réagir en interaction « Pizza or hamburger ? » ; la fonction de communication porte alors sur le choix entre deux éléments reliés par la conjonction de coordination « or », à travers une phrase non verbale. La séance s’achève sur une fixation mnémotique tout aussi artificielle des mots à travers la réalisation d’un imagier « My picture dictionnary ».
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Table des matières
INTRODUCTION
PARTIE 1 : CONTEXTE PROFESSIONNEL ET THEORIQUE
Chapitre 1 : le socle 2006 – Maîtriser les fondamentaux prescrits
1.1. Approche privilégiée : l’approche par tâches langagières
1.1.1. Une logique thématique
1.1.2. Entraînement à l’acquisition de contenus
1.1.3. Niveaux cognitifs entraînés simples
1.2. Evaluation privilégiée : évaluation par les standards
1.2.1. Evaluation sommative
1.2.2. Certification Premier Degré
Chapitre 2 : Le socle 2015 et les nouveaux programmes : savoir agir collaborativement
2.1. Vers une démarche de projet pluridisciplinaire
2.1.1. Vers une didactique de la création dialoguée
2.1.2. Des situations de transversalité privilégiées
2.1.3. Parcours citoyenneté et parcours EMI intégrés
2.1.4. Niveaux cognitifs entraînés
2.2. Evaluation privilégiée : évaluation par les tâches complexes
2.2.1. Evaluation formative et sociale
2.2.2. Référentialisation de compétences
PARTIE 2 : VERS UNE PEDAGOGIE EXPERIENTIELLE COLLABO- RATIVE
Chapitre 3 : Mon expérience – Présentation de quelques projets pluridisciplinaires
3.1. Approche actionnelle et pédagogie de projet pluridisciplinaire
3.2. Pédagogie expérientielle : interroger le monde à l’école à travers la résolution collaborative d’une tâche complexe guidée – Projet Musiciens de Brême en théâtre de marionnettes (2010)
3.3. Projet collaboratif culturel et linguistique pour interroger le monde en dehors de l’école : utiliser un tableau de Macke comme toile de fond d’une pièce policière
Chapitre 4 – Vers une démarche expérientielle collaborative – Analyse du corpus autour des liaisons linguistiques et culturelles pour interroger le monde et former les citoyens de demain
4.1. Liaisons intercycles GS-CP pour commencer à agir ensemble en LVE et à interroger le monde
4.1.1. Rencontres linguistiques et citoyennes ouvrant à l’Europe
4.1.2. Comparatif des deux rencontres au plan de l’évaluation
4.2. Liaison CM1-CM2-6 E en espagnol – l’expérientiel créatif interroger le monde pour monter un projet de petit déjeuner espagnol
4.3. Zoom sur les projets 2017 – un résultat en demi-teinte
4.3.1. Projet culturel et linguistique « Picasso » : vers un transfert de projet collaboratif autonome
4.3.2. Un projet « Eis » d’agir social supplanté par un projet artificiel d’approche actionnelle « deutscher Karneval »
DISCUSSIONS ET PERSPECTIVES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES