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Chaire « Dynamique des Systèmes Mécaniques Complexes »
Les activités de recherche de la chaire sont centrées sur la maîtrise dynamique des systèmes mécaniques complexes avec les hélicoptères comme application principale. Par « maîtrise dynamique », nous entendons la mise en place de méthodes permettant de maîtriser des comportements non souhaités (instabilités ou vibrations) ou des comportements souhaités (suivi de trajectoire, retour d’effort).
Plusieurs définitions existent pour décrire ce qui peut être un système complexe. L’application considérée étant ici l’hélicoptère, nous considérons le sens mécatronique de ce terme. La complexité peut alors être liée à plusieurs critères :
– la multiplicité de sous-systèmes en forte interaction, la connaissance et l’analyse de ces différents sous-systèmes étant généralement entendues sans les interactions ;
– l’aspect multiphysique du système, conduisant à la nécessité de compétences multidisciplinaires et le recours à des modélisations multiples ;
– la présence de comportements difficiles à appréhender tels que des non-linéarités, des frottements ou encore des jeux mécaniques ;
– l’existence de plusieurs phases de fonctionnement du système (dans le cas des hélicoptères : au sol, en vol stationnaire, en vol d’avancement, …).
Les hélicoptères sont concernés par l’ensemble de ces différents points, ce qui en fait des systèmes complexes dont l’analyse globale est difficile. La chaire industrielle « Dynamique des Systèmes Mécaniques Complexes » a été lancée en 2010, afin d’étudier les méthodologies de modélisation énergétique, principalement en application à l’hélicoptère pour :
– permettre de considérer le système dans sa globalité tout en accédant à des niveaux de modélisation plus détaillés en fonction du besoin ;
– permettre l’analyse de phénomènes impliquant des échanges d’énergie entre sous-systèmes ;
– faciliter les interconnexions entre modèles en conservant les liens d’énergie ;
– faciliter la définition de structures de commande adaptées au système (et aux sous-systèmes) à partir des modèles obtenus.
Principaux thèmes de la chaire industrielle
Les problèmes d’analyse des hélicoptères évoqués précédemment conduisent aux deux principaux thèmes choisis pour cette chaire industrielle.
Premier thème : Développement de liaisons inter-structures intelligentes (actives ou semi-actives).
Pour les structures complexes composées de plusieurs sous-systèmes, se pose le problème, vis-à-vis des comportements dynamiques, de la définition de la liaison entre sous-ensembles. Dans les hélicoptères de nombreuses liaisons peuvent être citées telles que l’interface rotor-fuselage, la liaison au sol (train d’atterrissage), les liaisons pales-moyeu, la liaison siège-pilote ou encore la liaison poutre de queue-fuselage. Ces liaisons ont un rôle dans la transmission des vibrations et peuvent quelques fois intervenir dans les phénomènes de couplage entre sous-systèmes. Les phénomènes induits sont souvent évités par des méthodes passives mettant en oeuvre des raideurs localisées ou des éléments de dissipation. Les liaisons intelligentes basées sur des méthodes de contrôle actif peuvent agir en isolation (i.e. réduire les vibrations « passant » entre les structures porteuses) et en stabilisation (i.e. augmenter l’amortissement) pour pallier l’insuffisance des performances des méthodes passives. Pour des structures complexes telles que celles des hélicoptères, le comportement dynamique est difficile à appréhender et la mise en oeuvre de liaisons intelligentes devient ardue.
Les actions de recherche dans le périmètre de la mécatronique en application au contrôle actif des systèmes complexes ou à la maîtrise de leur comportement dynamique se focalisent habituellement sur les points suivants :
– le développement des actionneurs (électriques, matériaux intelligents, électromagnétiques, hybrides…) ;
– le développement d’algorithmes de commande (commandes classiques ou commandes avancées) ;
– la modélisation de structures à non linéarités localisées (proposition de modèles de non linéarités et traitements mathématiques associés) ;
– la modélisation de l’adjonction de systèmes par sous-structuration dynamique ;
– l’identification et l’utilisation de modèles inverses pour la détermination de paramètres de lois de comportement en dynamique et l’actualisation de modélisations à partir de grandeurs dynamiques mesurées.
L’expérience montre que ces actions disjointes, souvent menées de façon séparée, sont essentielles et performantes mais insuffisantes pour rendre optimale la conception de liaisons inter-structures intelligentes pour les structures complexes telles que les hélicoptères, notamment en raison des points suivants :
– Généralement, on se contente d’une considération simplifiée de la structure avec adjonction d’une loi de commande. Par exemple, les modèles les plus détaillés (i.e. éléments finis) sont évités pour la détermination des lois de contrôle, le temps de calcul serait trop long. On procède alors à une simplification implicite des modèles en considérant le comportement global des systèmes au travers de relations entrées/sorties (système d’état ou fonction de transfert). Les stratégies de simplification sont basées sur l’expérience du produit ou sur des considérations mathématiques visant à réduire l’ordre des modèles ou à les linéariser. L’absence d’approche systémique et d’outil d’analyse peut facilement conduire à une perte du sens physique et à des solutions, des architectures de commande, peu efficaces, non optimales ;
– Face à la complexité, il peut être fait appel à une modélisation de type « boîte noire » essentiellement basée sur des techniques d’identification telles que analyse modale ou des techniques d’identification sous effort ambiant. La complexité de la structure étudiée impose de nombreuses étapes d’identification et de synthèse de commande qui peuvent être longues et fastidieuses. Ces techniques ne sont pas satisfaisantes pour ce cas d’application.
Il existe un certain nombre de systèmes actifs opérationnels sur les hélicoptères. Ceux-ci utilisent des méthodes par contre réaction, souvent associées à une problématique mono-fréquence, sans optimisation de l’architecture de la commande, ni optimisation énergétique. Les solutions sont ponctuelles, c’est-à-dire au cas par cas, associées à une problématique souvent unique et ne résultant pas d’une approche globale et méthodologique. Ces solutions ne permettent pas de capitalisation de connaissances sur les méthodes de résolution des problèmes.
Deuxième thème : Optimisation de la chaine de commande de vol (du pilote aux rotors).
La chaine de commande a pour fonctions principales de convertir les ordres du pilote en variation d’incidence des pales du rotor principal ou arrière et d’y superposer les commandes du pilote automatique pour fournir une assistance au pilotage.
La chaine actuelle est constituée d’actionneurs et d’organes de technologies très différentes : système mécanique (Trim), électrique (vérin série), hydraulique (servocommande) à architecture série ou parallèle. L’objectif pour les hélicoptéristes est aujourd’hui d’augmenter les performances dynamiques de la chaine de commande et d’améliorer ou faire évoluer les fonctions qui y sont associées. La tendance est d’introduire des technologies innovantes et d’aller vers le Fly-By-Wire (FBW) et le Power-By-Wire (PBW) en analogie avec l’avion. Une première expérience de la mise en oeuvre du FBW sur le NH90 a montré toute la complexité de l’application des technologies électriques sur l’hélicoptère. La complexité de l’application est ici induite par l’aspect multifonction et multiphysique (mécanique, électrique, hydraulique) de la chaîne de commande. Le défi du tout électrique est cependant plus compliqué sur un hélicoptère que sur un avion : les performances dynamiques nécessaires sont plus élevées, l’encombrement disponible pour les actionneurs est très réduit et le gain potentiel sur la masse est beaucoup moins important que sur un avion. De plus, la fiabilité souhaitée est plus grande car la perte d’un élément de la chaine de commande sur un hélicoptère est considérée comme catastrophique alors qu’elle n’est considérée que comme critique sur un avion.
La définition des éléments de l’assistance au pilotage et du pilote automatique doit tenir compte du comportement complexe de la structure et d’interactions toujours difficiles à appréhender, telles que celles entre l’être humain et l’hélicoptère à l’origine de phénomènes de couplage connus sous le nom de « Pilote-Induced Oscillations »ou plus récemment de « Rotorcraft Pilot Couplings ».
Les actions de recherche dans le périmètre de la mécatronique en application à la chaîne de commande se focalisent sur les points suivants :
– la modélisation et la conception des actionneurs électromécaniques des commandes de vol électriques pour répondre aux fonctions souhaitées ;
– la définition et l’optimisation de lois de commande (classiques ou avancées).
L’expérience montre, malgré cela, que pour l’application qui nous concerne :
– les composants technologiques sont définis séparément ;
– il y a des difficultés technologiques à regrouper les fonctions sur un même composant ;
– il y a peu ou pas d’optimisation énergétique ;
– il n’y a pas de vue énergétique d’ensemble, et de ce fait, il n’est pas garanti que les architectures de commande soient optimales.
Hélicoptères et activités de recherche
Il existe plusieurs types d’hélicoptères, dont nous proposons, en Figure I.4, une classification en fonction de leur utilisation et de leur approche de conception.
– Les appareils de modélisme, sont conçus pour des applications ludiques. Pour leur conception, les constructeurs se basent sur le savoir-faire métier et les règles de l’art (Exemple : puissance, taille rotor, vitesse de rotation).
– Une partie des drones (mini et micro) et les Ultra-léger motorisé (ULM), sont conçus pour des missions de sécurité civile ou militaires. Comme pour la catégorie modélisme, les constructeurs profitent du savoir-faire métier et des règles de l’art pour la conception de ce type d’appareils. Ils utilisent, une approche de conception par similitude ou par retours d’expériences.
– La deuxième partie est constituée des drones (High Altitude Long Endurance « HALE » et Medium Altitude Long Endurance « MALE ») et des hélicoptères des petits industriels. Les constructeurs de ce type d’appareils sont quelques fois des industriels issus des grands industriels hélicoptéristes. D’une façon générale, ils bénéficient de leur expérience et se basent sur une approche par similitude pour la conception de petits appareils. L’utilisation de prototypes est l’outil principal de mise au point de leurs produits.
– Les hélicoptères des grands industriels hélicoptéristes correspondent généralement à des appareils plus lourds et sont utilisés pour des missions civiles et militaires. Parmi les principaux hélicoptéristes industriels, on retrouve Eurocopter, Bell, Agusta et Sikorski. Ces derniers se basent sur une longue expérience, souvent de plus d’une cinquantaine d’années, et une approche de conception qui peut être qualifiée d’approche par sous-systèmes. Il s’agit d’une méthode consistant à concevoir de manière plus ou moins indépendante chaque sous-système, réalisant une ou plusieurs fonctions spécifiques.
Approches globales pour d’autres applications
Dans d’autres domaines et pour d’autres cas d’application que l’hélicoptère, des approches de représentation et de modélisation globales existent. Il s’agit d’utilisation d’outils graphiques de représentation, qui apportent une organisation aux modèles et qui permettent de servir de support lors de la conception des systèmes et de la structuration de leur commande. Ces formalismes graphiques qui ont été utilisés en application à des systèmes complexes multiphysiques, proposent des représentations systémiques globales. Nous citons, quelques exemples de ces travaux :
– Dans [Verhille – 2007], l’auteur traite la modélisation et la commande d’un système de traction du métro VAL 206. Il s’agit d’un système électromécanique complexe, appartenant à la famille des systèmes « Multi-machines Multi-convertisseurs » (SMM). L’auteur propose une approche de représentation systémique et globale pour ce système, basée sur la Représentation Energétique Macroscopique (REM). La REM globale obtenue donne une vision détaillée des éléments du système en respectant le principe de la causalité intégrale et tout en mettant en relief les couplages de différentes natures (électriques, magnétiques et mécaniques) ainsi que les non-linéarités (jeux mécaniques dans les réducteurs de vitesse et la loi de contact roue-sol). A partir de cette représentation, des structures de commande sont proposées. Pour cela une démarche systématique, basée sur l’inversion pas à pas des causalités des processus, a été utilisée. Cette dernière permet de mieux respecter les contraintes physiques du système tout en mettant l’accent sur les choix effectués. Finalement, les nouvelles structures de commande obtenues dans ce travail conduisent à une amélioration des performances dynamiques par rapport à l’existant, et apportent des solutions aux problèmes de robustesse du système.
– Dans [Niesner – 2005], l’auteur s’intéresse aux applications automobiles. Il propose un modèle complexe d’un véhicule prenant en compte 14 degrés de liberté. Il utilise le formalisme graphique bond graph, pour la construction d’un modèle incertain. L’objectif de ces travaux de recherche et de l’utilisation ce formalisme graphique consiste en l’étude de l’influence des incertitudes paramétriques (variations de la masse, de la position du centre de gravité, de la vitesse longitudinale et de l’adhérence du revêtement routier) sur le comportement dynamique du véhicule. L’outil bond graph est utilisé afin de faciliter la modélisation, la détermination de la sensibilité à l’incertitude paramétrique et, d’une manière générale, l’analyse.
Il existe d’autres cas d’application pour lesquels ces outils sont utilisés en approche de représentation systémique pour des objectifs de modélisation, d’analyse et de commande. On les retrouve par exemple appliqués dans le domaine des énergies renouvelables, pour des éoliennes, des panneaux photovoltaïques et des piles à combustible, ou encore dans le domaine de l’automobile pour les véhicules électriques.
Certes, ces différents systèmes sont également complexes de par leur aspect multiphysique et l’existence de plusieurs couplages de natures différentes, mais ils restent très différents du cas des hélicoptères. En effet, ce qui rend ce dernier plus complexe est l’aspect multidimensionnel difficile à simplifier, ainsi que les interactions aérodynamiques qui sont souvent difficiles à appréhender. Néanmoins, l’utilisation de tels outils pour ces systèmes de transports terrestres (ferroviaire, automobile) permet d’espérer une application tout aussi intéressante aux hélicoptères. L’intérêt de ces outils est essentiellement basé sur l’exploitation de leurs propriétés graphiques, tant pour l’organisation des modèles que pour leur analyse. Cependant, contrairement à la plupart des cas d’application de la littérature, la modélisation d’un appareil à voilure tournante tel que l’hélicoptère ne peut être simplifiée et ramenée à l’étude d’un système monodimensionnel.
Dans ce contexte, ces travaux de thèse ont été lancés pour étudier le potentiel des outils de représentations graphiques en application aux hélicoptères en réponse aux besoins suivants :
– apporter un aspect méthodologique pour la modélisation de ce type de système ;
– analyser leur potentialité pour comprendre et maîtriser les phénomènes d’instabilité engendrés par des couplages mal maîtrisés entre sous-systèmes ;
– étudier la potentialité de la méthode pour l’amélioration des systèmes de commande.
Ces travaux devraient permettre à la fois d’apporter des outils méthodologiques à la communauté des hélicoptères, et l’application aux communautés développant ces outils.
Etat de l’art des outils de représentation multiphysique
Les outils de représentation graphique sont tout d’abord définis dans cette partie. Cette étape est nécessaire pour comprendre leur intérêt et ce que l’on veut exploiter de leur utilisation, pour la modélisation d’un système complexe tel que l’hélicoptère. Ensuite, un bilan des outils existants est présenté de manière à mettre en évidence quels sont ceux qui correspondent le mieux à nos objectifs.
Qu’est-ce qu’un outil de représentation ?
La modélisation est une étape du processus de conception. Lorsqu’il s’agit d’un système complexe multiphysique, cette étape n’est pas sans difficulté à cause de la complexité inhérente au système à concevoir et de la multidisciplinarité des équipes qui doivent coopérer pour la conception de tels systèmes [Amerogen – 2003 ; Dieterle – 2005]. En effet, il existe plusieurs critères pour considérer qu’un système est complexe (Chapitre I.2). Pour ces travaux, nous nous intéressons à la complexité liée à la multiplicité de sous-systèmes en fortes interactions et à l’aspect multiphysique du système. Pour la modélisation de ce type de systèmes, deux approches peuvent être retenues de la littérature.
La première approche de modélisation est la plus commune et consiste à obtenir un modèle sous forme de fonctions de transfert [Amerogen – 2003]. Un moyen d’y parvenir consiste tout d’abord à analyser la physique du sous-système. Il s’agit d’en effectuer une analyse structurelle pour obtenir une décomposition en éléments simples, correspondant par exemple aux éléments d’un modèle à paramètres localisés (masse, ressort, etc). A partir de cette analyse, les équations de comportement peuvent être déterminées. Ensuite, pour le sous-système considéré, une ou plusieurs fonctions de transfert globales sont généralement retenues pour décrire les fonctions principales du sous-système. Ces fonctions de transfert peuvent être représentées sous la forme d’un ou plusieurs schémas blocs. Elles sont exploitées ensuite pour atteindre plusieurs objectifs : par exemple l’analyse du comportement du sous-système pour l’élaboration de la commande ou encore l’identification expérimentale et le dimensionnement. Cette étape se fait souvent à l’aide d’outils de simulation numérique. Les différentes étapes de cette première approche sont illustrées par la Figure II.1. Lors des dernières opérations, les liens entre les paramètres des fonctions de transfert globales et les paramètres physiques du système peuvent être perdus. En effet, la traçabilité des hypothèses prises, des calculs effectués, ou encore des conditions d’identification peut facilement être perdue dans un contexte industriel, particulièrement dans le cas d’entreprises comportant de nombreux services et potentiellement confrontées à une rotation fréquente de ses personnels.
Le bond graph et le multibond graph
Le bond graph a été développé au début des années 1960 au Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour la conception et la modélisation des systèmes de puissance [Karnopp – 2000 ; Paytner – 1961]. Dans un modèle bond graph (BG), le flux énergétique entre deux éléments est décrit par une connexion bidirectionnelle (demi-flèche), appelée « bond », portant les deux variables de puissance (effort et flux). Le langage BG définit des éléments spécifiques qui correspondent aux principaux processus énergétiques [Dauphin – 2000]. L’ensemble de ces éléments est présenté dans l’Annexe A.
Dans la méthodologie BG, la première étape consiste en une analyse fonctionnelle du système pour obtenir un BG à mots. Il s’agit d’une décomposition du système en sous-systèmes et de la définition de leurs différentes interactions entre eux [Dauphin – 2000]. Ensuite, une analyse phénoménologique est effectuée, c’est-à-dire une description détaillée de chaque sous-système (basée sur les phénomènes physiques de transformation de puissance entre les éléments du sous-système), ce qui ramène à un modèle BG plus détaillé. Finalement, une analyse causale (affectation de la causalité) est faite et permet d’obtenir un modèle BG causal. Il s’agit de montrer le lien de cause à effet entre les variables. Lorsqu’il s’agit d’éléments accumulateurs d’énergie, la causalité peut être représentée sous une forme dérivée ou une forme intégrale. Cependant, à un instant t donné si l’intégrale d’un signal u(t) peut être connue avec précision en ne faisant appel qu’à son évolution passée et présente (Figure II.4.a), la dérivation de ce signal à ce même instant nécessite la connaissance de son évolution future (Figure II.4.b). Or, l’évolution de toute grandeur physique ne peut être que la conséquence d’événements passés ou présents. Ainsi, l’opération de dérivation n’est qu’un concept mathématique et se trouve être impropre à la description naturelle d’un processus d’accumulation. Le lien naturel de causalité entrée-sortie d’un processus accumulateur ne peut donc être que de type intégral [Gomand – 2008].
Dans la méthode BG, l’affectation de la causalité se fait en s’appuyant sur une procédure et en respectant des règles spécifiques [Borutzky – 2009 ; Dauphin – 1999] (Annexe A). Pour cela, la causalité intégrale est préférentielle, mais dans certains cas, des conflits de causalité apparaissent et par conséquent des éléments accumulateurs doivent être représentés en causalité dérivée. En fonction des hypothèses de modélisation choisies lors de l’analyse structurelle, l’utilisation de la causalité dérivée est parfois rendue nécessaire. Un exemple est donné dans [Dauphin – 2000] sur la base d’un système mécanique.
Le POG, le PFD et le Puzzle Energétique
D’autres outils de représentation énergétique ont été développés à la fin des années 90 : le Power Flow Diagram (PFD), le Puzzle Energétique et le Power Oriented Graph (POG). Ces formalismes permettent aussi de structurer les modèles en mettant en évidence les transferts de puissance, chacun avec une description graphique différente afin de mettre en évidence des caractéristiques particulières du système. Dans [Lhomme – 2007], l’auteur s’appuie sur un exemple de système électromécanique pour comparer ces outils par rapport au BG. Quelques points de cette étude sont retenus :
– Le POG met en évidence les flux énergétiques échangés entre les composants en utilisant une représentation vectorielle. L’utilisation de la causalité intégrale dans ce cas est préférentielle voire quasi-exclusive.
– Le PFD représente des flux de puissance en utilisant un lien pour chaque variable (de flux et d’effort). Cette représentation, riche en détails, facilite le calcul du rendement énergétique du système car les éléments dissipatifs sont mis en évidence. Ce point ne peut cependant pas être retenu comme spécificité de l’outil dans la mesure où les éléments « R » du BG offrent la même possibilité. L’utilisation de la causalité intégrale est exclusive pour le PFD.
– le Puzzle Energétique a été développé pour la conception des structures de conversion d’énergie dans le domaine du génie électrique. Il met en évidence les flux de puissance en utilisant un symbole pour la variable de flux et un symbole pour la variable d’effort. L’utilisation de la causalité intégrale est exclusive pour ce formalisme.
Chacun de ces formalismes met en évidence certaines propriétés physiques des systèmes, mais ils présentent tous des caractéristiques similaires au BG et restent limités par rapport à ce dernier, notamment du point de vue logiciel de simulation. De plus, aucune méthodologie permettant de concevoir l’architecture de commande n’a été développée en association avec ces formalismes. Ces outils (POG, PFD et Puzzles Energétique) ne seront pas retenus car l’objectif global des travaux consiste à apporter une meilleure compréhension du comportement dynamique du système, mais aussi de meilleures solutions de conception de commande.
Complémentarité des deux outils BG et REM
Ces travaux de thèse se situent dans le cadre des activités de recherche du projet Ingénierie Numérique des Systèmes Mécaniques (INSM) du Laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes (LSIS). Une partie des travaux de l’équipe porte sur l’utilisation de l’Ingénierie Dirigée par les Modèles (IDM) [Bezivin – 2006] dans les processus de conception de produits, dont l’objectif est de faciliter la conception collaborative entre différents experts métier. Plus précisément, ces travaux s’inscrivent dans une démarche fédérative du problème visant l’interopérabilité d’outils métiers basée sur les modèles [Iraqi – 2011].
L’interopérabilité signifie l’aptitude de plusieurs systèmes à communiquer, coopérer et échanger des données et services, malgré les différences dans les langages et les implémentations ou les niveaux d’abstraction [Wegner – 1996]. Elle peut être perçue selon trois points de vue selon [Paviot – 2010] :
– le premier consiste en une approche par intégration qui vise à proposer un modèle/outil unique qui intègre tous les concepts métiers ;
– le deuxième consiste en une approche unificatrice qui vise à proposer un modèle/outil permettant de lier les différents concepts métiers à travers des associations sémantiques et doit évoluer lors de la mise à jour de nouveaux concepts ;
– le troisième consiste en une approche fédérative visant à proposer une méthode qui permette d’associer plusieurs modèles/outils distincts dynamiquement en utilisant des transformations de modèles.
La troisième approche peut être considérée comme plus souple, plus flexible, car elle ne nécessite que des changements locaux lorsqu’il s’agit d’ajouter de nouveaux concepts. Pour cette raison, certains travaux de l’équipe ont été orientés vers cette approche et portent sur l’adaptation des techniques de modélisation au contexte de la conception des produits en fournissant des techniques pour réaliser l’interopérabilité des outils métiers entre les différents espaces techniques [Iraqi – 2011 ; Iraqi – 2012].
Ainsi, dans le contexte d’une démarche fédérative menée par l’équipe et à partir de l’étude des outils de représentation des systèmes dynamiques complexes (Chapitre II.1), nous nous sommes intéressés à la complémentarité entre le BG et la REM. L’originalité de l’étude que nous proposons consiste en l’exploitation des différences qui existent entre les deux outils. Tout d’abord le BG est utilisé en première approche pour établir une analyse structurelle du système et afin de répondre à la difficulté face à laquelle on se trouve parfois pour l’obtention d’un modèle à paramètres localisés équivalents. Ensuite, pour atteindre un objectif de structuration de commande, la REM est utilisée pour établir une commande par inversion.
Dans cette section, un sous-système de la chaine de commande de vol d’un hélicoptère est utilisé comme exemple de support applicatif pour exposer la démarche proposée. La première partie est dédiée à la description du système étudié.
Dans la deuxième partie, nous présentons en quelques étapes l’utilisation complémentaire du BG et de la REM, sur la base de ce sous-système. Plus tard, on pourra envisager d’étendre cette méthode et l’appliquer à des sous-systèmes plus complexes de l’hélicoptère.
Présentation d’une chaine de commande de vol d’hélicoptère
Sur les premiers hélicoptères et encore aujourd’hui sur les hélicoptères légers, les pilotes devaient contrôler les angles des pales du rotor à travers un ensemble d’éléments mécaniques, sans aucune assistance, afin de contrôler le comportement de l’appareil. Au fil du temps, des dispositifs complémentaires ont été installés dans le système de contrôle afin d’améliorer la sécurité, le confort, et les performances. Ces dispositifs, qui ont plusieurs fonctions, évitent entre autres au pilote d’avoir à fournir des efforts trop importants dans les manches de pilotage pour faire varier le pas des pales.
Description de la chaine de puissance de l’hélicoptère
La chaine de puissance d’un hélicoptère, qui va de la motorisation aux deux rotors, principal et arrière, est essentiellement composée d’un ensemble de réducteurs et d’arbres de transmission. L’ensemble de la chaine permet d’assurer deux fonctions principales : la répartition de la puissance mécanique fournie par la motorisation et sa transmission aux différents éléments (rotors et fuselage). La chaine cinématique entre le moteur et les deux rotors comporte notamment des renvois d’angle entre les axes du moteur (axe longitudinal), du rotor principal (axe vertical) et du rotor arrière (axe transversal).
La Figure III.3 représente un schéma simplifié d’un hélicoptère montrant les principaux éléments de transmission de puissance entre les rotors et le fuselage. La Figure III.4, quant à elle, présente plus de détails sur la cinématique de ces éléments à travers l’exemple d’un hélicoptère de classe moyenne. Les éléments de la chaine de puissance sont essentiellement les boîtes de transmission principale (BTP) et arrière (BTA), comportant principalement des étages de réduction et des renvois d’angle, et les arbres de transmission de puissance aux rotors principal et arrière. La motorisation permet aussi d’entrainer un alternateur (non représenté) pour alimenter les réseaux d’énergie électrique de bord et les pompes hydrauliques permettant l’alimentation du réseau d’énergie hydraulique de bord. Les entrainements des générateurs électrique et hydraulique ne sont pas pris en compte pour la suite de l’étude.
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Table des matières
Chapitre I Contexte et objectifs
I.1. L’hélicoptère en première analyse
I.2. Chaire « Dynamique des Systèmes Mécaniques Complexes »
I.2.1. Principaux thèmes de la chaire industrielle
I.2.2. Objectifs de la chaire
I.2.3. Démarche choisie
I.3. Contexte et objectifs de la thèse
I.3.1. Hélicoptères et activités de recherche
I.3.2. Approches globales pour d’autres applications
I.3.3. Objectifs
I.4. Conclusion
Chapitre II Quels outils de représentation pour quels objectifs
II.1. Etat de l’art des outils de représentation multiphysique
II.1.1. Qu’est-ce qu’un outil de représentation ?
II.1.2. Quels outils de représentation pour l’hélicoptère ?
II.1.3. Le bond graph et le multibond graph
II.1.4. Le POG, le PFD et le Puzzle Energétique
II.1.5. Le GIC et la REM
II.1.6. Conclusion sur le choix des outils
II.2. Complémentarité des deux outils BG et REM
II.2.1. Présentation d’une chaine de commande de vol d’hélicoptère
II.2.2. Utilisation complémentaire du BG et de la REM
II.3. Conclusion
Chapitre III Vers une approche de représentation énergétique de l’hélicoptère
III.1. Analyse énergétique de l’hélicoptère
III.1.1. Description de la chaine de puissance de l’hélicoptère
III.1.2. Représentation macroscopique de l’hélicoptère
III.2. Modélisation des sous-systèmes rotor et fuselage
III.2.1. Description des principaux degrés de liberté
III.2.2. Approches d’analyse énergétique du rotor principal
III.2.3. Modélisation MBG du sous-système rotor-fuselage
III.3. Conclusion
Chapitre IV Application à l’étude du couplage rotor-fuselage
IV.1. Les principaux couplages
IV.1.1. Le couplage rotor-fuselage
IV.1.2. Le couplage pilote-aéronef
IV.2. Représentation MBG pour la simulation de la résonance air
IV.2.1. Hypothèses pour la simulation de la RA
IV.2.2. Validation des hypothèses de modélisation pour la RA
IV.3. Simulation du phénomène de résonance air
IV.3.1. Cas 1 : RA pour un rotor articulé de la catégorie Soft-In-Plane
IV.3.2. Cas 2 : RA pour un rotor rigide de la catégorie Stiff-In-Plane
IV.4. Conclusion
Chapitre V Conclusion Générale et Perspectives
V.1. Synthèse des travaux réalisés
V.2. Perspectives
Références Bibliographiques
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