Vers un basculement sociétal de l’activité de Facebook : analyse d’une communication engagée

Comprendre l’activité et les enjeux de Facebook par le prisme de l’analyse du site du réseau social

Depuis juin 2017 Facebook a officiellement atteint les deux milliards d’utilisateurs actifs dans le monde. En d’autres termes, deux milliards d’utilisateurs actifs jouissent de l’usage du même site internet et des mêmes fonctionnalités proposées par le réseau social, dans le respect de la mission fédératrice et de rapprochement des peuples du site. Dans cette logique, Facebook est régulièrement mis à jour, avec pour objectif de se conformer aux ambitions de l’entreprise.
Dans ses « principes », Facebook affirme qu’il œuvre à rendre le monde plus ouvert et transparent, pour une meilleure compréhension et une meilleure communication entre ses membres. Facebook encourage l’ouverture et la transparence en donnant à chacun la possibilité de partager et de communiquer, dans le respect des « principes de Facebook » que, comme en droit français, nul n’est censé ignorer.
Pour comprendre la manière dont Facebook appréhende l’existence d’une responsabilité et la façon dont il se positionne dans la sphère publique, il est indispensable d’analyser en profondeur le site internet du réseau social afin d’expliquer, à l’échelle micro, l’impact de Facebook dans les relations humaines et dans la société.
Cette étude détaillée et descriptive nous permettra alors de réfléchir sur les conséquences sociétales des mécanismes mis en place par le réseau social.
Par conséquent, nous nous intéresserons d’abord à la manière dont le site incite les utilisateurs à la production de contenus en vertu de sa mission investissant Facebook à participer à l’avènement d’un monde plus ouvert et connecté. Puis, nous réaliserons une étude empirique de l’usage de Facebook qui conduit à repenser le lien social sur internet.

« Un monde plus ouvert et connecté » : la mise en ligne de contenus au cœur de l’organisation de Facebook

Pour comprendre comment Facebook favorise la production de contenus et donc de données par ses utilisateurs sur son réseau social, il convient d’abord d’étudier l’expérience-utilisateur de l’internaute inscrit sur le site, c’est-à-dire son parcours à partir de son envie de se connecter à Facebook.
Nous choisirons alors d’analyser les éléments jugés les plus représentatifs du parcours de l’utilisateur sur le site, afin d’étudier les ressorts de la communication sur Facebook .
Puis, dans un second temps, l’étude se focalisera sur l’organisation du profil de l’utilisateur, véritable espace de mise en scène, et des outils fournis par Facebook pour valoriser son exposition et encourager diverses formes d’expression sur son site.
Enfin, pour mieux comprendre en quoi la mise en ligne de contenus est au cœur de l’organisation de Facebook, nous nous intéresserons plus précisément au modèle économique du réseau social, fondé sur la valeur de la donnée.

Une expérience-utilisateur tournée vers les interactions et l’instantanéité

L’expérience-utilisateur débute en réalité avant même la connexion de l’utilisateur.
En entrant ses identifiants, l’internaute est confronté à la page que nous appellerons « de couverture » et qui précède l’entrée dans le site après avoir cliqué sur « se connecter ». Cette page peut aussi correspondre à la « vitrine » du réseau social.
Déjà, c’est l’occasion pour Facebook de faire un rappel discret de son service puisqu’il y est écrit que « c’est gratuit (et ça le restera toujours)» . Par cette précision, l’entreprise rappelle l’utilité sociale affichée dans sa mission. Rendre payant l’outil de connexion universelle qu’est Facebook reviendrait à exclure une partie de la population qui n’en n’a pas les moyens, et donc à freiner le rapprochement des individus dans le monde tant revendiqué.
Après avoir renseigné ses identifiants, l’internaute est dirigé vers l’interface d’accueil de son compte. Sur la majeure partie de l’écran est visible le fil d’actualité où sont mises en valeur les dernières activités des amis Facebook ou des pages suivies par l’internaute. Il est judicieux de s’attarder sur la manière dont ces actualités sont présentées au titulaire du compte. En effet, cette présentation n’est pas neutre, mais est bien décidée par le réseau social lui-même.
Le fonctionnement de l’algorithme utilisé par Facebook qui classe l’ordre des informations publiées sur le fil d’actualité du membre reste flou malgré les efforts de communication de la firme. Un site pédagogique dédié au fil d’actualité a même été lancé en 2016 , et chacun peut venir le consulter bien que cette initiative semble relativement peu relayée. Parmi les explications fournies sur l’ordre d’apparition, l’entreprise désigne trois « facteurs d’évaluation » pour décider de la pertinence d’une information pour un utilisateur : qui l’a publié, le type de contenu et le nombre d’interactions sur la publication. Toutefois, le mystère entretenu autour de l’algorithme reste source de critiques à l’égard de Facebook. Par exemple, et nous reviendrons sur cet aspect plus loin dans ce travail de recherche, parce qu’il favoriserait la propagation de contenus haineux et des Fake news dans les fils d’actualités des internautes. En fait, il « enfermerait » l’utilisateur en ne mettant en avant que le même type de contenus et en lui restreignant l’accès à des sources plus diversifiées.
Par ailleurs, depuis 2017, pour améliorer la visibilité des actualités des amis, l’utilisateur de Facebook a un accès direct aux nouvelles publications de ses amis, via un lien indiquant le nombre de nouvelles actualités depuis sa dernière visite qui renvoie directement vers le profil de cet ami.
Le site est ainsi organisé pour que l’expérience-utilisateur réponde à l’ambition affichée de Facebook. Il repose ainsi non seulement sur la viralité mais aussi l’instantanéité des contenus pour favoriser le partage et les échanges entre individus dans le monde entier afin de les rapprocher. Grâce à internet, il n’y a potentiellement plus de délais et les informations circulent immédiatement. Sur Facebook, chaque utilisateur peut s’exprimer et être une partie prenante de la circulation de l’information. Or, c’est justement ces caractéristiques qui entrainent la survenue d’enjeux sociétaux que nous aborderons en profondeur dans les parties 2 et 3 de ce travail de recherche.
Ainsi, sur la gauche de l’interface, un onglet «parcourir » propose différentes catégories qui trient les centres d’intérêts et les informations liées à l’usage personnel de chacun des inscrits . Intéressons-nous d’abord à la catégorie «page » qui renvoie vers une autre interface, regroupant les pages « aimées » par l’utilisateur duréseau.
Ces pages peuvent concerner des entreprises, des personnalités célèbres, des organismes ou encore des lieux géographiques. Elles ont pour vocation non seulement d’afficher ses centres d’intérêts, ses opinions et de suivre les actualités de ces pages, mais aussi de regrouper des individus qui ne se connaissent pas autour d’intérêts communs et de former ainsi des groupes liés par ceux-ci. Ces pages peuvent représenter des gouvernements, des artistes, des parties politiques ou encore des entreprises.
La plupart du temps, ce sont les organisations elles-mêmes qui tiennent ces pages et les alimentent en contenus : publications, photos, etc…Elles participent à la propagation d’idées parmi les membres du réseau social. Avec elles, la communication est réinventée via Facebook : désormais les entreprises, les personnalités, les organismes communiquent via leur page Facebook, sans passer par les médias traditionnels (presse et audiovisuel) et s’adressent ainsi directement à leurs parties prenantes. Les médias eux-mêmes publient désormais leurs articles sur Facebook et la plupart d’entre eux sont présents sur le réseau social. Ces pages créent des espaces de discussion via les commentaires entre les internautes.
Dans cette interface, Facebook a développé un outil sensé faciliter la mise à jour des goûts des utilisateurs. En cliquant sur « démarrer », l’internaute voit apparaître la liste des pages déjà aimées, de la page la plus anciennement aimée à la plus récente : il lui suffit alors de cliquer pour supprimer les pages qu’il juge ne plus appartenir à ses centres d’intérêts.
Derrière cette initiative, il s’agit en réalité pour Facebook d’actualiser les informations données par les inscrits afin de faire du réseau social un espace virtuel où circule l’information, en habilitant, comme affiché dans sa mission, ses utilisateurs à évoluer et se rapprocher en fonction de leurs centres d’intérêt. Mais c’est aussi un moyen pour Facebook d’obtenir des données mises à jour qui sont économiquement valorisables pour l’entreprise

Facebook au service de l’influence politique

Au vu de ce que nous avons constaté au sein de la section précédente, il parait clair que les communautés virtuelles agissent sur les liens sociaux en les transformant et les faisant évoluer.
De nombreux types d’acteurs sont présents sur Facebook: des individus sans but professionnel, mais aussi des entreprises, des personnalités politiques, des entités publiques (villes, région, offices de tourisme) ou encore des artistes. Puisqu’une grande partie de la population mondiale est un utilisateur actif du réseau social, posséder un compte personnel ou une page à son nom donne à son titulaire une visibilité inégalée.
En 2017, près de 90% des gouvernements nationaux ont une présence officielle sur Facebook. De plus, 87 chefs d’Etats, 70 chefs de gouvernements et 55 ministres des affaires étrangères disposent en plus de pages personnelles . Pour les dirigeants mondiaux, Facebook devient un canal de communication quasiment inévitable et un véritable vecteur d’influence leur permettant de s’adresser immédiatement et directement à toutes leurs parties prenantes, et ce en plus de 280 caractères, la limite imposée sur Twitter par exemple. Il permet donc de susciter de l’engagement.
Dans le cas d’une campagne électorale, si un candidat dispose d’une page Facebook ou d’un compte officiel, il pourra alors interagir avec des soutiens déjà établis mais aussi des potentiels votants. C.B. Wiliams et G.J Gulati repris par Maria-MercantiGuerin (2010) se sont intéressés dès 2006 aux campagnes politiques en ligne pour quantifier « l’effet positif » de Facebook sur les votes par la formule suivante : un nombre de soutiens en ligne deux fois supérieur correspondrait à 1.1% de voix supplémentaires . Dix ans plus tard et avec l’accroissement exponentiel du nombre d’utilisateurs actif sur Facebook, nous pouvons imaginer sans difficulté une tendance encore plus marquée.
Maria Mercanti-Guerin distingue huit caractéristiques et avantages à la politique 2.0 qui permettrait : une présentation du candidat plus authentique et accessible ; l’avènement d’une plateforme d’idées, de réactions, d’observation de l’opinion; un catalyseur de l’engouement pour le candidat, une remise en cause des structures d’autorité et de hiérarchie; une réintégration de certaines couches sociales jeunes dans le débat démocratique ; un nouvel outil de marketing relationnel ; un palliatif du déclin des structures associatives et un support pour les actions locales et l’évènementiel . Ainsi, pour une personnalité politique, Facebook devient un canal de communication alternatif et plus inclusif où elle peut valoriser ses soutiens et ainsi entretenir l’engagement. Maria Mercanti-Guerin pointe cependant l’inévitable émergence de « groupes hostiles » qui profitent de ces mêmes conditions d’usage du support pour délivrer un contre-discours. L’opposition aussi devient plus visible.

Facebook, une simple plateforme en ligne : analyse d’une communication ambiguë

La notion de plateforme en ligne a toujours été floue et peu précise. Devant l’importance prise par Internet et les réseaux sociaux, le législateur français a souhaité apporter une définition claire de la plateforme dans le domaine numérique. Celle-ci a donc été consacrée dans la loi pour une République numérique (2016) que nous avons précédemment citée dans ce travail de recherche. En vertu de l’article 49 de la loi , une plateforme en ligne se définit par « toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur : le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ; ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service». La définition est volontairement large. L’algorithme est au centre de la notion qui insiste sur une stricte activité de classement ou de référencement. Elle suppose donc la neutralité. A partir de cette définition et pour répondre à notre hypothèse selon laquelle Facebook est uniquement une plateforme en ligne, nous étudierons d’abord la manière dont l’entreprise organise la parole sur le réseau social puis dans un second temps, la valeur des contenus postés sur le réseau social. Nous verrons comment les acteurs publics légitiment les contenus publiés sur le réseau social de façon progressive et renforcent ainsi leurs exigences envers Facebook qui doit alors ajuster sa communication sur sa responsabilité.

Des contenus organisés et dirigés par Facebook

Dans cette partie, nous nous intéresserons au rôle de l’entreprise dans l’organisation des contenus publiés sur le site. Pour atteindre cet objectif, nous étudierons d’abord la manière dont la parole est dirigée sur le réseau social. Puis, nous questionnerons les règles de modération par le biais desquelles Facebook accepte un regard externe sur le contenu mis en ligne sur son site et impacte ainsi les publications postées.

« L’architexte» Facebook

L’analyse de l’usage de Facebook et de la manière dont le réseau social organise la production de contenus donne un indice sur la manière dont Facebook considère la place de son réseau social et sa responsabilité. Dans tous les cas, la caractéristique de plateforme implique de garder sa neutralité sur les contenus postés, sans avoir de véritable regard sur eux. En ce qui concerne Facebook, le positionnement sur la caractéristique de plateforme du réseau social est ambigu.
Du côté de l’entreprise, il n’y a pas de doute sur la qualification que l’on peut attribuer au réseau social. Pour Clotilde Sabbagh, policy manager chez Facebook en charge des partenariats avec les acteurs sans relations commerciales avec l’entreprise tels que les think tank, les universités, les associations ou encore certains ministères et collectivités locales , Facebook est « une plateforme collaborative dont l’objectif est de mettre en relation des personnes ou des entités». Le site est donc « un outil qui permet aux citoyens d’interagir directement avec des élus, aux entreprises avec leurs clients, aux entreprises de se créer, aux start-ups de trouver un public ». En d’autres termes, Facebook serait uniquement un intermédiaire entre différents acteurs de la société en leur donnant la possibilité de poster des contenus, communiquer et se rendre visible.
Toutefois, peut-on réellement limiter l’activité de Facebook à un rôle de simple hébergeur ?
Le modèle économique de l’entreprise repose notamment sur l’accumulation des données postées par les utilisateurs, sources de valeurs et de revenus publicitaires.
Pour une entité qui achète une publicité sur le site, il est primordial que cette dernière ait une visibilité.
Par ailleurs, comme nous l’avons évoqué dans la partie1 de ce travail de recherche, c’est bien un algorithme qui décide de la hiérarchie d’apparition des publications – publicitaires ou non. Cet algorithme est dirigé par Facebook, c’est donc un premier impact au sein du réseau social directement dû à l’entreprise. Juridiquement, ces faits et ce que revendique Facebook correspondent bien à la définition de la plateforme en ligne telle qu’énoncée par la Loi pour une République numérique.
Cependant, l’activité du réseau social va au-delà du simple hébergement de contenus.
En effet, Facebook soumet la publication des contenus à une organisation stricte, décidée et définie par le réseau social. Ainsi, en ligne, l’écrit est lui aussi mis en forme selon des normes édictées par le site qui les publie.
Yves Jeanneret et Emmanuel Souchier (2005) se sont intéressés aux « écrits d’écran » et à l’éditorialisation sur le web. Pour eux, «toute relation entre sujets usagers des médias informatisés est médiatisée par la relation qu’ils entretiennent aux dispositifs, aux formes textuelles, et par là même, aux acteurs qui ont en position de configurer ces objets et ces formes » . Par média informatisé, il faut ici entendre un moyen de communication en ligne. Il s’agit donc d’un terme que l’on peut appliquer à Facebook. Selon les deux auteurs, les acteurs qui configurent l’écrit virtuel dirigent la publication en ligne entre les usagers du site, ici sur Facebook. Les objets informatiques en position de régir l’écriture et sa mise en page sont regroupés sous le terme d’«architexte », une notion notamment développée par Jeanneret et Souchier résumée sous l’expression «outils de production textuels ». Plus précisément, ils définissent les architextes comme « les outils qui permettent l’existence de l’écrit à l’écran et qui, non contents de représenter la structure du texte, en commandent l’exécution et la réalisation. »

Les fake news, symboles des enjeux de l’information en ligne sur Facebook

Nous l’avons ditdans notre partie 1, Facebook et les réseaux sociaux de manière générale, reposent sur l’instantanéité, le partage et la viralité des contenus et de l’information. Le volume des échanges y est très élevé, et soulève donc des enjeux liés à leur véracité.
Récemment remis en lumière à l’occasion des élections présidentielles américaines, le terme de « fake news » n’est pourtant pas nouveau. Il désigne en fait des informations délibérément fausses, inventées mais présentées comme réelles, qui sont diffusées à la population via les réseaux sociaux. Souvent, le format même de l’article est copié sur un format existant, et les émetteurs s’inspirent de médias ou de personnalités existants afin de tromper les lecteurs. Avec l’essor des réseaux sociaux qui favorisent donc la viralité à l’échelle internationale, ces fake newsse développent, amplifiées par la défiance générale à l’égard des médiastraditionnels. Le terme est désormais entré dans le langage courant, en anglais. Derrière ces désinformations, le but peut être idéologique, par exemple dans le cadre d’une élection pour influencer des électeurs en diffusant des informations susceptibles de modifier les comportements et les votes.
Dans tous les cas, elles représentent un danger, destinées à tromper la population.
L’intention, la volonté de tromper, la distingue de la parodie à vocation humoristique.
Depuis que Donald Trump a remis le terme dans la lumière, en accusant notamment certains médias de relayer des informations fausses dans le but de nuire à son exercice politique, Facebook a été pointé du doigt. Dès 2016, de nombreux médias internationaux ont ainsi insisté sur le lien entre les fake newset Facebook qui serait un relais de la désinformation et aurait influencé le résultat de l’élection présidentielle, en faveur de Donald Trump.
Par exemple, en novembre 2016, quelques jours après l’élection du Président Républicain, The Guardian a publié une tribune affirmant que ce sont les informations erronées sur Facebook qui ont aidé Donald Trump a gagné en rappelant que « 66% des utilisateurs de Facebook s’informent via le réseau social ». L’article pointe la contradiction entre le refus de « censurer » des articles de type journalistique alors que le même réseau social n’hésite pas à supprimer la moindre photo représentant une poitrine féminine par exemple. En d’autres termes, Facebook a déjà un regard sur les contenus visuels postés sur le site, alors pourquoi pas sur la véracité des informations ?
Face aux accusations, c’est Mark Zuckerberg qui s’est exprimé, au nom de Facebook pour d’abord rejeter toute responsabilité du réseau social et a qualifié d’«assez dingue » les reproches adressés. Pour lui, « les électeurs prennent leur décision en fonction de leurs expériences dans la vraie vie ».
Avec cette réaction, le PDG de Facebook a souhaité relativiser l’impact de Facebook sur la vie politique et nier une responsabilité concernant le contenu circulant sur le site. Mais cette première communication n’a pas suffi. Facebook a dû finalement reconnaitre sa capacité à agir, et son rôle dans la lutte contre ce problème de société. C’est pourquoi en France, dès février 2017, Facebook s’est allié à huit médias nationaux pour lancer un dispositif facilitant la détection de fake news. Le principe est simple : les utilisateurs peuvent signaler, via une nouvelle catégorie de signalement, une information dont ils doutent de la véracité. Ces liens sont ensuite compilés dans un portail accessible aux médias partenaires, qui doivent alors vérifier l’information en doute. Si deux d’entre eux estiment et prouvent que le lien est faux, l’article sera présenté sur Facebook accompagné d’un drapeau indiquant que l’information est « contestée par des contrôleurs d’informationtiers ».
Il est intéressant de noter que dans le communiqué de presse accompagnant le lancement de cet outil de « fact-checking », Facebook prend soin de rappeler qu’il s’agit d’une «approche collaborative » et que plusieurs acteurs sont concernés par la lutte contre les fausses informations . Le réseau social ne souhaite pas assumer l’entière responsabilité de la propagation des fake news, qu’il veut considérer comme l’affaire de tous. C’est aussi la raison pour laquelle l’entreprise insiste sur la voca tion pédagogique de son action en rappelant qu’en tant que membre de la coalition First Draft et soutien au programme Cross Check , il contribue activement « à la sensibilisation des internautes à une lecture critique de l’information». Selon Facebook, c’est aussi à l’internaute de faire preuve de recul et de ne pas se laisser influencer.
Clotilde Sabbagh nous explique l’ambition du réseau social derrière ces initiatives.
Pour le réseau social, « l’objectif de Facebook n’est pas de faire de l’information», c’est pourquoi « il ne faut surtout pas confondre les rôles». En veillant strictement à son périmètre d’activité, il s’agit de « responsabiliser» les utilisateurs et de construire des partenariats pour « éduquer l’esprit critique des utilisateurs ». Car in fine, c’est aux médias de déterminer s’il s’agit ou non d’une fausse information. Dans cette logique, Facebook a décidé d’annoncer en août 2017, l’arrêt des publicités des pages qui partagent des informations erronées.

Recommandations pour l’action

L’étude fournie dans ce chapitre nous permet d’affirmer que Facebook se positionne comme étant un acteur majeur de la société, notamment à travers une communication engagée.
Désormais, Facebook n’hésite plus à communiquer sur les enjeux de société contemporains et à s’imposer en tant qu’outil de résolution.
Néanmoins, nous pouvons constater que Facebook a des difficultés à assumer les conséquences d’une communication sociétale, cherchant à se libérer des contraintes qu’elle implique. De la même manière, pointée du doigt pour sa position floue sur sa caractéristique de média, l’entreprise a choisi une stratégie de communication d’action en privilégiant une approche collaborative avec les médias traditionnels. Ceci lui permet de s’en distinguer.
Clotilde Sabbagh a pu nous décrire plus précisément quelques initiatives récentes collaboratives . Facebook développe ainsi une politique « Social Good » en France qui vise à former des associations ou des ONG « à utiliser intelligemment la plateforme». En 2017 a été lancé le 1er Social Summitde Facebook qui a rassemblé plusieurs centaines d’ONG et de civic tech et proposé notamment des ateliers de formation pour accroitre leur visibilité sur le réseau social. De plus, Facebook s’est aussi rapproché de think tankpour réfléchir aux innovations de politique publique.
En effet, ce genre d’initiatives semble représenter une approche cohérente puisqu’elles consacrent Facebook comme un outil pour le changement tout en positionnant le réseau social comme une plateforme dont les parties prenantes doivent s’accaparer l’usage.
Néanmoins, la communication sociétale de l’entreprise va plus loin et s’accompagne d’actions concrètes telles que la mise en place du Safety Checkou de l’expression de discours publics ambitieux. Une fois encore, Facebook doit clarifier le périmètre de son activité et la place à laquelle elle prétend. Son positionnement est encore ambigu car si le réseau social développe des initiatives à la hauteur des prétentions de sa mission, il refuse pourtant d’assumer une responsabilité sur les changements qu’il entraine. Construire une communauté globale et développer une infrastructure sociale impliquent inévitablement des risques pour l’entreprise et provoquent des bouleversements.
En somme, nous pouvons affirmer que Facebook se positionne comme étant un acteur majeur de la société à travers sa mission fédératrice mais aussi le développement d’initiatives et d’outils ambitieux.

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Table des matières
INTRODUCTION 
Problématique 
Méthodologie 
Hypothèses de recherche 
Présentation du plan 
PARTIE 1 : Comprendre l’activité et les enjeux de Facebook par le prisme de l’analyse du site du réseau social
A. « Un monde plus ouvert et connecté » : la mise en ligne de contenus au cœur de l’organisation de Facebook
1. Une expérience-utilisateur tournée vers les interactions et l’instantanéité
2. Le profil de l’utilisateur, un espace de mise en scène de soi
B. Etude empirique de l’usage de Facebook: un lien social repensé
1.Des spécificités de la communauté virtuelle sur les interactions sociales
2. Facebook au service de l’influence politique
3. La gestion des données au cœur de la viabilité du modèle de Facebook
PARTIE II. Facebook, une simple plateforme en ligne : analyse d’une communication ambiguë 
A. Des contenus organisés et dirigés par Facebook
1. « L’architexte» Facebook
2. La modération sur le réseau social, entre règles arbitraires et contraintes externes
B. La légitimation progressive des publications sur Facebook
1. Vers une reconnaissance juridique des contenus publiés sur Facebook
2. Les fake news, symboles des enjeux de l’information en ligne sur Facebook
C. Recommandations pour l’action
PARTIE III. Vers un basculement sociétal de l’activité de Facebook : analyse d’une communication engagée
A. Facebook est-il un média ?
1. De l’usage médiatique de Facebook
2. Une stratégie de négation basée sur le partenariat
B. Vers une communication sociétale de l’entreprise
1. L’entrée progressive de la firme dans les grands enjeux politiques nationaux et internationaux
2. Facebook en situation de crise : un outil au service de la résolution
C. Recommandations pour l’action
CONCLUSION 
Références bibliographiques 
Ouvrages
Articles scientifiques 
Articles en ligne 
Sites Internet 
Etudes 
Normes et documents juridiques 
ANNEXES 
Annexe n°1 : Page d’accueil pré-connexion du réseau social Facebook, en français
Annexe n°2 : Graphisme de l’onglet «parcourir » après la connexion de l’utilisateur sur Facebook
Annexe n°3 : Graphisme et présentation de l’outil «partage de souvenirs » de Facebook
Annexe n°4 : Accessibilité aux pages d’aides de Facebook
Annexe n°5 : Graphisme et présentation de l’introduction du profil de l’utilisateur sur
Facebook
Annexe n°6 : Entretien téléphonique avec Clotilde Sabbagh, Policy manager chez Facebook France
Annexe n°7 : Discours de Mark Zuckerberg, Président-Fondateur de Facebook, lors de la
remise des diplômes, Université d’Harvard
RESUME 
Mots clés

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