Vers la sensation: le système sensoriel et la proprioception
L’individu se construit au travers de ses expériences corporelles. Elles vont lui permettre de sentir, percevoir et de se représenter son corps. Un certain nombre d’informations internes et externes à son corps lui parviennent et il va apprendre à les reconnaître, les comprendre pour pouvoir s’adapter à son milieu. Le système sensoriel joue alors un rôle proprioceptif important. La proprioception est définie comme la « sensation de la position et des mouvements du corps dans l’espace […].» .
Définition
La somesthésie est définie dans le Larousse comme : « Domaine de la sensibilité qui concerne la perception consciente de toutes les modifications intéressant le revêtement cutanéo-muqueux, les viscères, le système musculaire et ostéo articulaire . » Si l’on reprend l’étymologie du mot somesthésie: « soma » correspond au corps et « aïsthésis » : à la sensation. On peut donc parler de « sensation du corps ». Le système somesthésique est composé des sensations du corps autre que la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût. Le système somesthésique est responsable des sensations somatiques. C’est un système particulier dans la mesure où les récepteurs de ce système ne sont pas des récepteurs regroupés sous la forme d’organes sensoriels (comme le cas de la vue, de l’ouïe) mais des récepteurs qui sont distribués dans l’ensemble du corps. La somesthésie associée aux sens va permettre une perception globale du corps.
Concernant la perception consciente, on peut noter que certaines actions automatisées peuvent devenir inconscientes de par le caractère constant; par exemple la respiration est un acte devenu inconscient qui peut néanmoins parvenir au conscient si l’on y prête attention. Les sensations qu’entraine la respiration restent inconscientes la plupart du temps. La somesthésie est permise par le système sensoriel. Celui-ci regroupe les organes périphériques avec les récepteurs, les voies, les relais nerveux, les nerfs périphériques, les faisceaux, les noyaux centraux et les régions de projection (corticales et sous corticales). Ce système reçoit et traite un ensemble de sensibilités avec des informations internes et externes au corps.
Dr Rose , membre de la société Française des neurosciences, a catégorisé un ensemble de sensibilités :
La sensibilité extéroceptive ou cutanée
Elle détecte la pression (un appui), la vibration (variation de pression) et le tact (contact léger avec la peau glabre ou velue). Cette sensibilité est possible grâce à divers récepteurs comme:
– les terminaisons libres: ce sont des récepteurs correspondants aux parties terminales des nerfs situés essentiellement dans le derme (la peau) et au niveau des glandes sébacées. Ils renseignent alors sur la température et ils sont sensibles aux mouvements des poils.
– les disques de Merkel : ce sont des récepteurs superficiels, sensibles à une pression localisée sur la peau.
– les corpuscules de Ruffini : ce sont des récepteurs profonds sensibles à la pression, on les retrouve par exemple dans les articulations.
– les corpuscules de Meissner : ces récepteurs superficiels localisés dans la peau glabre détectent les variations de contact.
– les corpuscules de Pacini : ce sont des récepteurs profonds, situés dans le derme et les tissus conjonctifs sous cutanés qui sont sensibles aux vibrations.
La sensibilité proprioceptive
La sensibilité proprioceptive renseigne l’organisme sur la position et les mouvements du corps propre. La proprioception concerne les informations internes au corps, on retrouve étymologiquement cet aspect puisque « proprio » renvoie à « propre à soi ». La sensibilité kinesthésique permet de discriminer la position des différentes parties du corps les unes par rapport aux autres, le sens et l’amplitude des mouvements de ces parties du corps. Etymologiquement on retrouve l’aspect de mouvement avec le préfixe « kinesie » dans le terme de kinesthésie.
Les variations kinesthésiques sont détectées par les mécanorécepteurs musculaires (fuseaux neuromusculaires sensibles à l’étirement), les mécanorécepteurs tendineux (les organes tendineux de Golgi sensibles aux variations de force contractile) et via les mécanorécepteurs articulaires sensibles aux mouvements et aux variations de positions articulaires via les récepteurs de Ruffini et les récepteurs de Golgi.
La sensibilité intéroceptive ou viscérale
La sensibilité viscérale informe l’organisme sur les variations viscérales et les changements physico-chimiques. Cette sensibilité permet l’homéostasie. L’homéostasie est la « tendance à maintenir constantes les conditions intérieures de la vie, la continuité physique et mentale . »
La sensibilité labyrinthique ou vestibulaire
La sensibilité labyrinthique renseigne sur la position et les mouvements du crâne via les récepteurs du labyrinthe situés dans l’oreille interne. Cette sensibilité joue un rôle primordial dans le maintien de l’équilibre, pour stabiliser le regard dans l’espace et par rapport à la position de la tête. Cette sensibilité va permettre à l’individu d’agir et de prendre conscience de la pesanteur au travers notamment des changements de postures.
La sensibilité téléceptive
La sensibilité téléceptive correspond à la détection des stimuli pouvant être éloignés comme pour les stimuli visuels, auditifs, odorants. Les récepteurs visuels sont les photorécepteurs, pour l’audition ce sont les récepteurs auditifs et pour l’odorat les récepteurs olfactifs. L’ensemble de ces sensibilités, décrites précédemment, donne alors un signal, cependant celui-ci peut entraîner un message douloureux lorsque la sensibilité devient douloureuse, on parle alors de nociception. Les informations externes et internes vont être reçues par les différents récepteurs mais elles vont devoir subir des modifications pour arriver jusqu’à la conscience de l’individu.
Codage, intégration et influence des signaux sensoriels
Les récepteurs sensoriels vont transformer le signal reçu en un message nerveux via le phénomène de transduction qui permet de transformer le signal en une énergie physique ou chimique pour déclencher un mécanisme générant des influx nerveux. Le récepteur va alors coder trois informations : l’intensité, la localisation et la durée du stimulus.
Le signal, une fois transformé, va devoir passer par les voies sensorielles primaires pour arriver jusqu’à une aire de projection primaire sur le cortex après un dernier relais dans un noyau spécifique du thalamus (corps genouillé externe, latéral, interne ou médial). Seule la voie olfactive n’a pas besoin de ce relais thalamique. Chaque type de signal sensoriel a son aire de projection correspondant. Ainsi, l’aire occipitale est l’aire de projection pour la vision, l’aire pariétale pour la somesthésie et l’aire temporal pour l’audition. L’information est alors analysée par l’aire cérébrale concernée mais elle peut mettre en lien d’autres aires cérébrales associées. Selon le lieu de projection du signal, l’information deviendra consciente ou restera inconsciente. Ainsi, une information projetée au niveau du cervelet reste inconsciente et ne parvient pas au cortex. Une information projetée sur le cortex somesthésique primaire deviendra consciente et permettra à l’individu de s’adapter au milieu, d’adapter sa motricité, sa posture compte tenu des informations reçues et conscientisées.
Le développement du système sensoriel
Les flux sensoriels captés par le nourrisson ne sont pas intégrés ni compris dès le début de la vie. Un ensemble de paramètres biologiques et environnementaux va alors être nécessaire afin que le nourrisson puisse appréhender ces sensations. Le système neurologique est en place à la naissance cependant il est encore immature. Il va alors subir une maturation qui suit un certain développement. Le neurone est l’élément principal du système nerveux; il crée, reçoit, conduit et transmet l’influx nerveux reçu notamment par les récepteurs sensoriels. La gaine de myéline qui entoure son axone permet d’accélérer le passage du message nerveux. L’ouvrage De la naissance à la marche retrace le développement neuronal au fil du temps. La gaine de myéline est fabriquée dès le quatrième mois de grossesse et atteint l’ensemble des centres nerveux vers deux ans. A la naissance, seuls les centres sous corticaux sont alors myélinisés. Le système nerveux est en place à la naissance mais il n’est pas encore mature. L’enfant n’a une motricité volontaire qu’à partir de trois à quatre mois avec la disparition des réflexes archaïques. De plus l’ensemble des connexions neuronales (les connexions synaptiques) n’est pas encore en place. La commande motrice centrale est réalisée via deux systèmes distincts :
Le système extra pyramidal, sous-corticospinal comprend le cervelet, le tronc cérébral et la moelle épinière. Il permet le maintien de la posture et la fonction antigravitaire. Ce système subit une myélinisation précoce réalisée entre la vingt quatrième et la trente quatrième semaine de gestation selon une direction ascendante, Caudo-Céphalique. Le système pyramidal, corticospinal comprend les hémisphères et il contrôle le tonus postural ainsi que la motricité fine. Il est myélinisé, entre la trente deuxième semaine de gestation et jusqu’à deux ans de manière rapide, puis jusqu’à douze ans plus lentement, selon une direction descendante, Céphalo-Caudale.
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Table des matières
Introduction
Partie théorique
I) Vers la sensation: le système sensoriel et la proprioception
1. Définition
a) La sensibilité extéroceptive ou cutanée
b) La sensibilité proprioceptive
c) La sensibilité intéroceptive ou viscérale
d) La sensibilité labyrinthique ou vestibulaire
e) La sensibilité téléceptive
2. Codage, intégration et influence des signaux sensoriels
3. Le développement du système sensoriel
4. Qu’en est-il pour les sens ?
Les sens au travers du temps
5. La mise en lien des sens pour une perception globale du corps
II) Percevoir et se représenter son corps
1. Développement du schéma corporel et de l’image du corps
2. Corps en relation
Le tonus
Le dialogue tonique
Les interactions précoces
La mise en sens
3. Devenir sujet au travers de la création de son axe corporel
III) La sensorialité en relation afin de s’approprier son corps
1. Le toucher thérapeutique
a) Définition
b) Le cadre de la pratique
c) Les fonctions du toucher
Fonction d’érogénèse contenante
Fonction de réparation
Fonction de communication émotionnelle
Fonction d’individuation de Soi
« Toucher le schéma corporel et l’image du corps »
Vers une détente physique et psychique
Action physiologique et psychique
Les fonctions du moi-peau de Didier Anzieu
Les effets négatifs du toucher
2. La Thérapie par la médiation animale
a) Définition
b) Le cadre de la pratique
c) Impact de la thérapie animale
L’animal source de symbole et d’histoire
Retour aux relations primitives et archaïques
L’influence des sensations corporelles
Au niveau moteur : praxie, équilibre, motricité fine et globale
Au niveau cognitif
Impact psychologique et physiologique
d) Particularités avec le cheval et le chat
Le cheval
Le chat
Partie clinique
I) Les instituions
1. Présentation des institutions
a) L’Institut d’Education Motrice (IEM)
La place de la psychomotricité
b) L’Etablissement D’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes
La place de la psychomotricité
2. Le toucher thérapeutique
a) IEM : Lili
Qui est Lili?
La prise en charge psychomotrice de Lili
Retour sur la prise en charge
b) EHPAD: Mme A
Qui est-elle ?
Le toucher thérapeutique avec Mme A
La séance
Retour sur la prise en charge
3. La médiation animale
a) IEM: Étienne
Qui est-il ?
La médiation animale avec le cheval
Retour sur la médiation animale
b) EHPAD : Mme B
Qui est Mme B ?
Mme B lors de la médiation animale avec un chat
Retour sur la médiation animale
Discussion
1. Les médiations sensorielles et la régression
a) Définition de la régression et apports de S.Freud
b) Évolution du concept avec Michael Balint
c) L’apport de D.W.Winnicott sur la régression
d) La régression en psychomotricité
2. Comment peut-on évaluer les bienfaits de ces médiations ?
a) Première trame de réponse
b) L’observation et les mises en gardes
c) Bilans psychomoteurs
d) Apports de Catherine Potel sur l’observation
e) L’observation évaluative
Conclusion