Les réflexions sur les solidarités familiales, l’entraide, le soutien du réseau formel et communautaire suscitent toujours un vif intérêt auprès des décideurs politiques ainsi qu’auprès des intervenants (Sévigny, Beaudoin et Vézina, 1998; MSSS, 2005). À cet effet, la famille est perçue comme une des ressources essentielles afin d’assurer l’intégration sociale des personnes âgées en perte d’autonomie ainsi cette dernière constitue une des composantes fondamentales dans les débats sur l’avenir de la protection sociale et de l’État providence (Sévigny, Beaudoin et Vézina, 1998). En effet, les grandes transformations dans la prestation des soins aux individus par la désinstitutionaiisation et le virage ambulatoire ont entraîné d’énormes changements liés à la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie dans leur milieu de vie naturel (MSSS, 2005; Pérodeau et Coté, 2002; Sévigny, Beaudoin et Vézina, 1998). Pour ne citer que quelques exemples, la famille est suscitée non seulement en raison d’un État déficitaire mais également par la notion de responsabilisation à l’égard de la santé de leur parent âgé en perte d’autonomie. De plus, le virage ambulatoire a fait en sorte que plusieurs soins de santé antérieurement pris en charge par le milieu hospitalier sont maintenant assumés par les proches des personnes malades ou présentant des incapacités. Ce faisant, les proches aidantes se retrouvent confronter devant une multitude de soins qu’elles doivent donner pour lesquels elles n’ont pas été formées. Force est de constater, malgré des efforts importants du système de santé en matière de maintien à domicile les aidantes sont encore loin d’être au centre des préoccupations des services publiques.
Les instances gouvernementales interpellent de plus en plus la famille et lorsque l’on dit famille, systématiquement, l’on parle des «femmes» comme étant les premières interlocutrices au maintien de leur proche en perte d’autonomie (Tremblay, Bouchard et Gilbert, 2002). À cet égard, le présent mémoire s’inscrit dans la foulée des travaux entourant l’aide apportée par les proches aidantes. Ce dernier a pour objet d’identifier les similitudes et/ou les différences (motifs de la prise en charge, répercussions, caractéristiques, etc.) qui existent entre les aidantes qui cohabitent avec leur parent en perte d’autonomie cognitive et/ou fonctionnelle et celles qui soutiennent leur parent demeurant dans leur propre logement.
Qui sont lesproches-aidantes?
Les données empiriques récoltées depuis les vingt dernières années, qu’elles proviennent d’études américaines, européennes, canadiennes ou québécoises, convergent dans la même direction : la croyance de l’abandon de la personne âgée par la famille relève du mythe (Barer et Johnson, 1990 ; Fortin et Néron, 1991; Gariépy, 1999; Guberman et al, 1998; Paquet, 1999, 2002; Sévigny, Beaudoin et Vézina, 2001; Vézina et Pelletier, 1998). Les études démontrent que le terme «aidante naturelle» a évolué de façon considérable passant d’aidante naturelle (le terme naturel ayant été exclut depuis plusieurs années de la recherche considérant qu’il n’y avait rien de naturel à prendre en charge une personne âgée en perte d’autonomie) à aidante familiale, aidante principale, aidante de carrière, fille aidante etc. Afin de simplifier la lecture du présent mémoire les termes proches aidantes ainsi qu’aidantes et répondantes seront utilisés. Néanmoins, avant de parcourir la littérature spécifique voici une courte définition du concept d’aidante familiale selon le MSSS (2003):
Toute personne de l’entourage qui apporte un soutien significatif, continu ou occasionnel, à titre non professionnel, à une personne ayant une incapacité est considérée comme une aidante familiale. Il s’agit généralement d’un membre de la famille (enfant, belle-fille, etc.). (MSSS, 2003 :6)
Les proches aidantes constituent, à elles seules, un groupe foncièrement hétérogène. Selon Garant et Bolduc (1990), la sélection des aidantes suit un modèle hiérarchique d’après un principe de substitution. Tout d’abord, le conjoint ou la conjointe, lorsque présent, est en mesure d’assumer cette responsabilité, et en second lieu, les enfants adultes (80% étant des femmes) ou d’autres membres de la famille dans une variété de situations possibles (Garant et Bolduc, 1990). En contexte particulier, les études démontrent que chez les personnes âgées en perte d’autonomie progressive qui n’ont jamais été mariées ou qui sont en veuvage, les amis intimes rempliraient le rôle de proche aidante ; cette condition est cependant l’exception à la règle (Tuliy et Shem, 1994).
Contexte et motifs de la prise en charge
Tout d’abord, Fortin et Néron (1991) ont démontré que plusieurs enfants devenus adultes considéraient devoir aider leurs parents en perte d’autonomie avec la même intensité que ces derniers leur avaient dispensé de l’amour et de l’attention alors qu’ils étaient enfants. Charpentier (2002) relève que cette croyance porte le danger à l’effet que les aidantes n’arrivent pas à capitaliser leurs limites devant la lourdeur de la prise en charge de leur proche, ainsi que leurs efforts d’assistance, de sorte que bien souvent ceci pave la voie à l’épuisement.
Néanmoins, même si l’ensemble des recherches plus récentes font consensus sur cette réalité irréfutable pour les aidantes de « rendre ce qu’elles ont reçu », ces dernières font aussi état qu’il existerait une certaine dyade entre la notion d’affection et la notion d’obligation (Orzeck, Guberman et Barylak, 2001; Charpentier, 2002; Tremblay, Bouchard et Gilbert, 2002). C’est-à-dire que la prédominance de l’une par rapport à l’autre comme motivation pour apporter aide et soutien ne ferait pas consensus (Dubé, 2002; Tremblay, Bouchard et Gilbert, 2002). Ainsi, Tremblay, Bouchard et Gilbert (2002). avancent que l’on prend souvent pour acquis que l’amour entre parents et enfants est naturel et que donner le soutien requis est l’expression de cet amour. Cependant, si l’amour est effectivement une variable importante dans la réponse de soutien d’un proche, il ne constitue pas en soi le seul motif de l’engagement. En effet, Aronson et Neysmith (1996) croient qu’il existerait deux catégories de motifs pour lesquels une aidante décide de soutenir un parent âgé fragilisé. La première serait basée sur l’empathie et l’altruisme et la seconde serait fondée sur l’égoïsme et les intérêts personnels. Guberman, Maheu et Maillé, (1993) regroupent, quant à eux, les motifs de la prise en charge en trois grandes catégories. Le premier ensemble de motifs serait directement associé aux sentiments maternels et filiaux. Le second ferait référence aux ressources familiales, institutionnelles et communautaires susceptibles de contribuer à la prise en charge. Finalement, la dernière catégorie serait associée à la personne dépendante, c’est-à-dire à son état de santé et aux pressions qu’elle exerce sur la proche aidante.
Réalité des aidantes qui cohabitent avec leur parent
Tout d’abord, la cohabitation de l’aidante et de l’aidée constitue l’un des modèles existant lorsque les personnes âgées deviennent cognitivement et/ou fonctionnellement très dépendantes. Les besoins reliés à leur état de santé sont à l’origine de ce processus puisque 38% des filles et 33% des fils affirment qu’ils ne cohabiteraient pas si l’état de leur parent ne nécessitait pas de soins (Garant et Bolduc, 1990).
En second lieu, Qrzeck et ses collaborateurs (2001) considèrent qu’en cas de cohabitation ou de soutien au propre domicile de la personne âgée dépendante, les soins que prodiguent les aidantes équivalent à un emploi à temps plein. D’autres auteurs, comme Garant, Bolduc (1990) et Guberman et Maheu (1994), relèvent que les cohabitants éprouvent un fardeau plus élevé que ceux qui ne cohabitent pas avec leur parent. Cette relation disparaît toutefois lorsque l’autonomie et le degré d’assistance sont contrôlés. Les difficultés mentionnées le plus fréquemment par les aidantes qui cohabitent avec leur parent sont la surcharge de travail, un état constant d’inquiétude causé par la nature imprévue de la situation, les conflits de rôles dus aux responsabilités multiples de l’aidante et la présence de graves restrictions imposées par les exigences de la prise en charge (Garant et Bolduc, 1990; Paquet, 1999; Lavoie, 2001; Vézina et Pelletier, 1998). Jutras et Veilleux (1992) vont dans le même sens et considèrent que la cohabitation aidée/aidante est une variable particulièrement influente puisqu’ils ont observé une corrélation chez les aidantes nonconjoints, entre le fardeau et la cohabitation, qui subsiste même en contrôlant le degré d’autonomie fonctionnelle et l’état de santé de la personne âgée. En d’autres mots, ceux-ci croient que l’association entre la cohabitation et le fardeau ne serait pas due à une plus grande dépendance de la personne âgée ou à un plus grand engagement de la part de l’aidante, mais bien à la lourdeur de la prise en charge jumelée à la cohabitation avec une personne âgée en perte d’autonomie progressive.
|
Table des matières
INTRODUCTION
1.PROBLÉMATIQUE
2. RECENSION DES ÉCRITS
2.1 Qui sont les proches aidantes?
2.2 Contexte et motifs de la prise en charge
2.3 Réalité des proches aidantes qui cohabitent avec leur parent
2.4 Les tâches des aidantes
2.5 Répercussions et difficultés de l’aide apportée vécues par les aidantes
2.6 Soutien du réseau informel
2.7 Soutien du réseau formel
3. CADRE THÉORIQUE
3.1 Bref historique des origines du modèle systémique
3.2 Les fondements du modèle systémique
3.3 La théorie du système ouvert
3.4 L’aspect structural des systèmes
L’interaction
L’homéostasie
Les frontières
4. MÉTHODOLOGIE
4.1 Stratégie de recherche
4.2 Objectifs et questions de recherche
4.3 Population à l’étude
4.4 Instruments de collecte de données
4.5 Analyse des données
4.6 Résultats attendus et pertinence de la recherche
4.7 Considération éthique
5. RESULTATS
5.1 Caractéristiques des répondantes et de leur parent
Caractéristiques sociodémographiques des répondantes
Caractéristiques sociodémographiques et état de santé des aidées
5.2 Responsabilités familiales et professionnelles des répondantes
5.3 Durée de la prise en charge
5.4 Motifs des la prise en charge
5.5 Ampleur des tâches des répondantes
5.6 Formes de participation de l’aide offerte par les répondantes
5.7 Difficultés vécues par les répondantes dans leur rôle de proche aidantes et dans celui de travailleuse
Difficultés dans le rôle de proche aidante
Difficultés professionnelles
5.8 Répercussions liées au rôle de proche aidante et ses diverses responsabilités
Répercussion de l’aide apportée sur la vie personnelle des répondantes
Répercussions sur la vie professionnelle
Répercussions sur la vie familiale et conjugale
Répercussions sur la santé physique et psychologique
5.9 Aide offerte par le réseau informel et formel
Aide offerte par les membres de la famille immédiate
Aide offerte par la famille élargie
Aide offerte par les amis, connaissances et voisins des répondantes
Aide offerte par le réseau formel
6. DISCUSSION
Caractéristiques sociaux démographiques des proches aidantes
Motifs de la prise en charge
Ampleur des tâches et formes de participation
Difficultés vécues par les aidantes et répercussion de l’aide apportée sur la santé biopsychosociale des proches aidantes
Aide du réseau informel et formel
Limite de cette étude et questions pour les futures recherches traitant des proches aidantes
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Télécharger le rapport complet