VASCULOPATHIE CEREBRALE CHEZ L’ENFANT DREPANOCYTAIRE AU MALI

VASCULOPATHIE CEREBRALE CHEZ L’ENFANT DREPANOCYTAIRE AU MALI

La drépanocytose, est une maladie génétique de transmission autosomique récessive caractérisée par une mutation ponctuelle en 6e position sur le chromosome 11 de la chaine β de la globine aboutissant à la substitution de l’acide glutamique par une valine [1]. Cette mutation est responsable de la synthèse d’une hémoglobine anormale appelée hémoglobine S [2].

Près de Cent Vingt (120) millions de personnes dans le monde seraient porteuses d’une mutation drépanocytaire [3]. Elle est particulièrement fréquente dans les populations d’origine africaine sub-saharienne [4]. Au Mali, la prévalence de cette anomalie varie entre 4 à 15% dans la population générale [5] et constitue un problème de santé publique.

L’évolution de la drépanocytose associe trois grandes catégories de manifestations cliniques, notamment l’anémie hémolytique chronique, les phénomènes vaso-occlusifs, la grande susceptibilité à l’infection. Parmi ces complications, les AVC méritent une place à part tant ils sont redoutés pour leur mortalité ou pour leurs lourdes séquelles motrices, cognitives et psychiques [6]. La fréquence des AVC chez les enfants drépanocytaires est multipliée par 300 par rapport à une population d’enfants non drépanocytaires [7]. La vasculopathie cérébrale à l’origine d’AVC est dépistée par la pratique du DTC initié dans les années 1990 par Adams aux USA. C’est une technique d’exploration non invasive qui permet après visualisation des artères intracrâniennes, de vérifier leur perméabilité est d’évoquer une ou plusieurs sténoses constituées ou pré symptomatiques par enregistrement d’une accélération localisée anormale de la vitesse circulatoire[8].

Certains paramètres biologiques sont maintenant reconnus comme facteurs associés au risque de vasculopathie cérébrale: un taux d’Hb inférieur à 7g/dl, ou d’Ht inférieur à 20%, une augmentation des leucocytes [9].

Après une étude descriptive relative à la période de 2008 à 2013[10], nous, nous sommes fixés comme objectif d’analyser quelques paramètres cliniques et hématologiques associés aux cas de DTC pathologiques chez les enfants drépanocytaire suivis au CRLD de 2011 à 2013.

Le Doppler Transcranien (DTC)

Le principe : 

Le principe consiste à vérifier la perméabilité des artères intracrâniennes par l’enregistrement des vitesses circulatoires à travers les fenêtres acoustiques. La vitesse d’écoulement(vélocimétrie) du sang est mesurée en utilisant l’équation Doppler :v=[(C×ΔF)   (2Fe×cos)], ou C est la vitesse de propagation des ultrasons dans les tissus mous (env 1560m.sec à 37.8°C),ΔF la différence de fréquence entre le signal acoustique émis et reçu, Fe la fréquence d’émission , et  l’angle d’incidence entre le faisceau Doppler et la direction des hématies. Pour des raisons pratiques, Fe et C sont considérés constants d’une mesure à l’autre.Ainsi, la variation de fréquence Doppler est proportionnelle à la vélocité sanguine quand l’angle de la sonde reste constant. Les globules blancs et les plaquettes pourraient théoriquement modifier la variation de fréquence Doppler, mais en raison de leur nombre réduit (comparativement à celui des globules rouges) leur contribution Doppler est faible, et donc ignorée. Un des facteurs les plus importants influençant la précision de la vélocité mesurée est l’angle entre l’insonation Doppler et le vaisseau sanguin. Comme le dénominateur de l’équation Doppler contient le cosinus de cet angle, la mesure de la vélocité sera la plus précise lorsque l’angle approche 0. Si l’angle varie entre 0 et 15 degrés, la vélocité mesurée sera le reflet de la vélocité réelle à 4% prêt : si l’angle dépasse 35°, l’erreur peut atteindre 18%.Parfois, des problèmes anatomiques peuvent rendre impossibles l’obtention d’un angle de moins de 60°, avec une erreur dépassant 60%.Il faut donc rester prudent dans l’interprétation des résultats d’étude Doppler lorsque l’angle d’insonation est important ou s’il ne peut pas être mesuré.

La technique du Doppler Transcranien :

Le DTC est réalisé avec un échographe couleur équipé d’une sonde de 2 MHZ. Deux fenêtres acoustiques sont explorées :
➢ Trans temporale :
Le patient en décubitusdorsal, latête tournée vers la droite pour l’exploration des artères gauches par lafenêtretemporale et vice versa. Dans ce cas la sonde est placée sur la tempe au-dessus de l’arcade zygomatique et est déplacée sur une ligne allant du rebord orbitaire externe à l’oreille où on obtient une bonne visualisation des pédoncules cérébraux,structure hypoéchogène en forme de cœur située à une profondeur d’environ 50 mm.Après passage en mode couleur,on obtient une vue complète du polygone de Willis : au premier plan, on peut voir l’artèrecérébrale moyenne (ACM)homolatérale,puis le prolongementde la cérébraleantérieure(ACA), l’artèrecérébralepostérieure(ACP), homolatérale et controlatérale dans son segment P1 et P2.
➢ Sous occipitale :
Le patient en décubitus ventral, cou fléchi la jonction bulbo- médullaire apparait cylindrique et est bardée en avant par un liseré hyper échogène, les deux artères vertébrales et le tronc basilaire forment un Y.

Le résultat : 

Le compte-rendu est rédigé sous forme d’un tableau donnant pour les neufs (9) artères, la vitesse moyenne la plus élevée.L’examen est classé dans une des quatre catégories : normal, limite, pathologique ou incomplet. Examen normal : toutes les vitesses circulatoires sont inférieures à 170 centimètres par seconde. Examen limite : les vitesses sont comprises entre 170 centimètres par seconde et 199 centimètres par seconde. Examen pathologique : au moins une vitesse est supérieure ou égale à deux cent centimètres par seconde.

Pathogénie de la vasculopathie cérébrale : 

La vasculopathie cérébrale du drépanocytaire comporte une vasculopathie distale de la microcirculation en rapport avec l’effet sludge lui-même induit par la falciformation des globules rouges drépanocytaires et une vasculopathie proximale des grosses artères, sténosante et progressive [13-14]. Dans 75 % des cas environ, la lésion principale de la drépanocytose est une sténose progressive des artères de la base du crâne, touchant surtout le système carotidien :artères carotides internes (ACI) au niveau du siphon et du segment terminal, cérébrales moyennes (ACM) et cérébrales antérieures(ACA) dans leur segment proximal, aboutissant à l’obstruction et s’accompagnant du développement d’un réseau de collatérales, notamment au niveau des vaisseaux lenticulostriés, réalisant l’aspect de moyamoya décrit en artériographie, qui expose secondairement au risque d’hémorragie. La sténose est progressive, circonférentielle par hyperplasie de l’intima et du média, pouvant aboutir à l’occlusion. Le mécanisme est multifactoriel. On évoque une adhésivité anormale et une activité procoagulante des drépanocytes, des perturbations des cellules endothéliales et de la réactivité vasculaire, des anomalies de l’hémostase et les barotraumatismes chroniques liés aux vitesses élevées et aux turbulences qui existent au niveau des artères du polygone de Willis chez ces patients anémiques. Le mécanisme en cause à l’origine de ces sténoses n’est pas complètement élucidé. Il pourrait s’agir d’un processus de cicatrisation d’une lésion de l’endothélium vasculaire provoquée par les drépanocytes rigides et adhérents, favorisée par l’hypoxie, dans les segments artériels où les vitesses de circulation du sang sont très rapides et le flux turbulent du fait de la conformation anatomique des bifurcations et de l’augmentation du débit cardiaque et du débit sanguin cérébral secondaire à l’anémie et à la vasodilatation artériolaire cérébrale, qui existe chez le drépanocytaire et particulièrement chez le jeune enfant. Ces sténoses entraînent une réduction de l’apport sanguin et en oxygène aux territoires d’aval et la survenue d’accidents ischémiques de la substance blanche et grise préférentiellement dans les zones frontières entre deux territoires artériels. Ces lésions artérielles sont responsables d’infarctus dans le territoire parenchymateux irrigué par l’artère lésée, mais aussi dans les territoires jonctionnels corticaux et les territoires jonctionnels profonds des artères perforantes dans la substance blanche. Les sténoses et la polymérisation de l’hémoglobine S vont favoriser la survenue de thrombose à l’origine de l’accident vasculaire clinique. L’infarctus peut être lié à une interruption du flux sanguin, mais aussi à une chute importante du débit sanguin cérébral local responsable d’une hypoxie tissulaire, et parfois à la mobilisation d’emboles. Les lésions sont bilatérales dans la moitié des cas. Elles peuvent être précoces dès l’âge de 2 ans et progresser pendant des mois ou des années avant la survenue de l’accident clinique. Les sténoses avec ou sans occlusion sont responsables du développement d’un réseau de collatérales de type Moya— Moya, notamment au niveau des vaisseaux lenticulo-striés. Ce réseau collatéral est fragile et sa rupture est à l’origine des accidents vasculaires hémorragiques observés surtout après l’âge de vingt ans. Des anévrysmes en particulier au niveau du cercle de Willis sont également observés; ils se développent avec l’âge et sont susceptibles de se rompre. Le système vertébrobasilaire serait rarement touché.

Pathogénie des accidents vasculaires cérébraux : 

Les AVC sont ischémiques dans 75 % des cas et hémorragiques dans les autres cas.Ils sont liés dans 72 % des cas à l’atteinte des gros vaisseaux : 41 % des cas par occlusion des artères cérébrales antérieures (ACA), moyennes (ACM), des carotides internes (CI) et 31 % des cas correspondent à des accidents jonctionnels tandis que 28 % des cas sont liés à une atteinte des petits vaisseaux ou à une embolie [14]. Les gènes candidats incluent ceux impliqués dans l’adhésion à l’endothélium, l’inflammation et la thrombose. Certains groupes HLA [15] et certains polymorphismes du récepteur de l’IL4 et du TNF influent sur le risque de macrovasculopathie [16].

Conclusion 

Le doppler transcranien est un atout dans la prise en charge de l’urgence neurologique, mais surtout dans la prévention des accidents associés à la vasculopathie cérébrale chez les enfants drépanocytaires. Cette étude a permis d’observer la vasculopathie cérébrale chez les enfants drépanocytaires suivis au CRLD de Bamako. La vasculopathie est plus fréquente entre 6 et 10 ans et est significativement associée à certains paramètres clinico- hématologiques. Ces résultats soulignent la nécessitéd’un dépistage systématique de la vasculopathie cérébrale drépanocytaire au Mali.

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Table des matières

I. INTRODUCTION
II. RAPPELS
III. OBJECTIFS
IV. METHODOLOGIE
V. RESULTATS
VI. COMMENTAIRES ET DISCUSSION
VII. CONCLUSION

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