La maladie de Behรงet est une vascularite multisystรฉmique caractรฉrisรฉe cliniquement par une aphtose buccale ou le plus souvent buccogรฉnitale associรฉe ร des manifestations systรฉmiques cutanรฉes, oculaires, articulaires, neurologiques, cardio-vasculaires ou intestinales. Cette affection dont lโรฉtiologie est inconnue touche essentiellement les sujets jeunes de sexe masculin Comme beaucoup de pathologies immunologiques, la maladie de Behcet est rare et ses manifestations neurologiques encore plus. La plupart des publications africaines sur ce sujet concernent les pays maghrรฉbins [1;11;19;28 ;52]. Cependant, lโAfrique Noire est touchรฉe malgrรฉ la raretรฉ des cas signalรฉs [15 ; 58]. Il yโa une trentaine dโannรฉes, une รฉtude rรฉtrospective avait รฉtรฉ menรฉe ร la Clinique Neurologique du CHU de Fann au Sรฉnรฉgal [81]. Les manifestations neurologiques constituant le Neuro-Behรงet (NB)font la gravitรฉ de la maladie de Behรงet, ils sont trรจs polymorphes aussi bien sur le plan anatomique que clinique et pronostic. Leur frรฉquence varie de 5,3 ร 50% selon les critรจres dโinclusion et lโorigine ethnique des patients [59]. Une reconnaissance rapide de ces manifestations conditionne le pronostic des patients. Elles touchent essentiellement le systรจme nerveux central oรน elles relรจvent de deux mรฉcanismes physiopathologiques diffรฉrents [70]:
– Une atteinte parenchymateuse, rendant compte de 29 ร 98 % de lโensemble des atteintes neurologiques. Elle est due ร une inflammation qui toucheprรฉfรฉrentiellement les veines de petite et moyenne taille et qui intรฉresse prรฉfรฉrentiellement le tronc cรฉrรฉbral, les noyaux gris centraux et la substance blanche sus-tentorielle sans prรฉdilection particuliรจre pour les rรฉgions pรฉriventriculaires. Elle est le plus souvent associรฉe ร une mรฉningite rรฉalisant une mรฉningoencรฉphalite ou une mรฉningoencรฉphalomyรฉlite .
Dรฉfinition
Le Neuro-Behรงet est une maladie caractรฉrisรฉe par la prรฉsence dโun ensemble de symptรดmes ou syndromes neurologiques directement liรฉs ร la maladie de Behรงet [remplissant les critรจres diagnostiques de lโInternational Study Group for Behรงetโs Disease], et qui ne peuvent รชtre expliquรฉs par une autre pathologie.
Historique
La premiรจre description de la maladie a รฉtรฉ faite par Hippocrate of Kos [460- 377 avant J-C] dans son troisiรจme livre ยซ Epidemion ยป case 7 oรน il รฉvoque une maladie dont les manifestations correspondent, trait pour trait, aux signes cardinaux dรฉcrient par Adamantiades-Behรงet. Le syndrome a รฉtรฉ clairement dรฉcrit, pour la premiรจre fois, par un ophtalmologue grecque Benedikt os Adiantidรฉs [1875-1962]. Le 15 novembre 1930, il prรฉsente, durant la rencontre annuelle de la sociรฉtรฉ mรฉdicale dโAthen [ medical society of Athen ], un travail intitulรฉ : ยซย Un cas iritis rรฉcurent avec Hypopion ยซย . Chez un patient de 20 ans prรฉsentant trois signes cardinaux de la maladie ; Adamantiades a dรฉcrit les ulcรฉrations gรฉnitales, lโarthrite et les lรฉsions oculaires comme les signes dโune seule maladie. Il a prรฉsentรฉ ultรฉrieurement la premiรจre classification de la maladie. La maladie de Behรงet a รฉtรฉ dรฉcrite, par la suite, par Hulsi Behรงet [1889-1948]. Il a รฉtรฉ le premier directeur du dรฉpartement de dermatologie et de syphilologie de la facultรฉ dโIstanbul. Le 11 mai 1937, lors de la rencontre de lโAssociation de dermatologie dโIstanbul, avec le professeur Braun directeur de lโinstitut de microbiologie de lโuniversitรฉ, il a individualisรฉ nettement la triade : aphtose buccale, gรฉnitale et uvรฉite ร hypopion [73]. Les manifestations neurologiques de la MB ont รฉtรฉ dรฉcrites initialement par Knapp en 1941. Il en rapportait les aspects cliniques. Cโest Berlin, en 1944, qui รฉtudia les aspects anatomiques de la maladie [17].
Epidรฉmiologie descriptive
Lโรฉpidรฉmiologie de la maladie montre une rรฉpartition gรฉographique, le plus souvent, sur de la route de la soie. Cette derniรจre sโรฉtend de la rรฉgion mรฉditerranรฉenne au Japon. En Turquie, la prรฉvalence varie de 20 ร 420/100 000 habitants. En Europe du Sud, elle est de 1,5 ร 15,9 , en Europe du Nord de 0,3 ร 4,9 et dans les autres pays dโAsie de 2,1 ร 19,5 [84] ( figure 1). En Afrique sub-saharienne, il nโexiste pas dโรฉtudes รฉpidรฉmiologiques spรฉcifiques dรฉdiรฉes ร cette maladie, mรชme si de petites sรฉries ont รฉtรฉ rapportรฉes [43]. La prรฉvalence des atteintes neurologiques, au cours de la MB, varie de 5,3 ร plus de 50 %, en fonction des รฉtudes et de la population observรฉe. [2] Le dรฉbut habituel de la maladie se situe dans la troisiรจme ou la quatriรจme dรฉcennie. Cependant, l’apparition chez les enfants, bien quโelle soit rare, a aussi รฉtรฉ rapportรฉe (36). La tendance signale que les hommes sont davantage affectรฉs que les femmes. Ceci peut s’expliquer par le fait que lโincidence des complications systรฉmiques est plus grave chez les hommes. Ceci pourrait les amener ร consulter ร un stade plus prรฉcoce. Le dรฉlai moyen dโรฉvolution de la maladie est de 2,5 ร 6,5 ans. Cependant, ces manifestations peuvent รชtre inaugurales dans 3 ร 33 % des cas.
Anatomie
Systeme nerveux centralย
Le systรจme nerveux central (ou nรฉvraxe) est constituรฉ de l’encรฉphale et de la moelle spinale. Il est enfermรฉ dans le crรขne et dans le canal vertรฉbral de la colonne vertรฉbrale, et se compose de tissu nerveux (neurones), glial et vasculaire. Il est entourรฉ par les mรฉninges.
Lโencรฉphale est constituรฉ par :
-Le cerveau (ou prosencรฉphale), lui-mรชme constituรฉ du tรฉlencรฉphale et du diencรฉphale (partie la plus ยซ centrale ยป) ;
-Le tronc cรฉrรฉbral que l’on peut diviser de haut en bas en trois parties : le mรฉsencรฉphale, le pont de Varole (ou protubรฉrance annulaire) et la moelle allongรฉe ;
-le cervelet ;
-la moelle spinale dans le canal vertรฉbral
-les nerfs crรขniens I et II.
Sโagissant du tronc cรฉrรฉbral, il a une position plutรดt centrale. Il est en continuitรฉ avec ร la fois le cerveau en haut et en avant, le cervelet en arriรจre et la moelle spinale en bas. Le nรฉvraxe contient du liquide cรฉrรฉbro-spinal (LCS) dans plusieurs cavitรฉs, qui sont en continuitรฉ. L’encรฉphale contient du LCS dans son systรจme ventriculaire.
Ce systรจme est constituรฉ par :
-Les deux ventricules latรฉraux dans le tรฉlencรฉphale ;
-Le troisiรจme ventricule dans le diencรฉphale ;
-L’aqueduc de Sylvius dans le mรฉsencรฉphale ;
-Le quatriรจme ventricule, schรฉmatiquement situรฉ entre la protubรฉrance et le bulbe en avant,
– Le cervelet en arriรจre.
La moelle spinale contient du LCS dans son canal central, le canal de l’รฉpendyme. Le nรฉvraxe est รฉgalement entourรฉ du LCS contenu dans la boรฎte crรขnienne et le canal vertรฉbral. Le cerveau ou tรฉlencรฉphale rรฉgit les systรจmes de neurotransmissions, systรจmes sensoriels, systรจmes moteurs et systรจmes dโรฉveil. Plus spรฉcifiquement, il sโagit de lโensemble constituรฉ par les hรฉmisphรจres cรฉrรฉbraux (cortex cรฉrรฉbral, substance blanche et structures sous-corticales) et des structures associรฉes. Le cortex cรฉrรฉbral (ou รฉcorce cรฉrรฉbrale), dโorigine pro encรฉphalique, dรฉsigne la substance grise pรฉriphรฉrique des hรฉmisphรจres cรฉrรฉbraux. Il se compose de trois couches (pour l’archi- et le palรฉocortex) et de six couches (pour le nรฉocortex). Il renferme diffรฉrentes classes de neurones, dโinter-neurones et de cellules gliales. La substance blanche est une catรฉgorie de tissus du systรจme nerveux central, principalement composรฉ dโaxones associรฉs ou non ร des gaines de myรฉline des neurones. Elle relie diffรฉrentes aires de la substance grise oรน se situent les corps cellulaires des neurones. Elle constitue la partie interne du cerveau et la partie superficielle de la moelle รฉpiniรจre. Les structures sous-corticales sont les rรฉgions du cerveau situรฉes anatomiquement en dessous de la couche de cortex cรฉrรฉbral. Dans un sens un peu plus prรฉcis, il s’agit :
– Des noyaux de substance grise du tรฉlencรฉphale qui constituent les ganglions de la base,
-De lโhippocampe (on l’inclut parfois avec l’ensemble formation hippocampique) et le complexe amygdalien. Par abus de langage, on dit parfois de structures comme le cervelet, le thalamus ou le tronc cรฉrรฉbral qu’elles participent ร des circuits sous-corticaux (par opposition ร des circuits corticaux qui mettent en jeu uniquement le cortex cรฉrรฉbral) or ces structures ne font pas partie du tรฉlencรฉphale, cette utilisation du terme sous-cortical est donc ร proscrire. Les hรฉmisphรจres cรฉrรฉbraux sont les parties droite et gauche du cerveau. Ce sont deux structures quasi symรฉtriques qui sont reliรฉes entre elles par des fibres nerveuses que sont le corps calleux et les commissures. Chez l’humain, mais aussi chez de nombreuses autres espรจces, les hรฉmisphรจres ne sont pas parfaitement symรฉtriques. Le langage, en particulier, est principalement traitรฉ dans l’hรฉmisphรจre gauche qu’on appelle alors hรฉmisphรจre dominant (ceci nโest pas systรฉmatique, car dans 3 % des cas, le langage est traitรฉ par lโhรฉmisphรจre droit). De nombreuses autres fonctions cognitives prรฉsentent une asymรฉtrie cรฉrรฉbrale. Celร sโexplique par la dรฉcussation des voies nerveuse.
Les neurobiologistes divisent le cortex cรฉrรฉbral en cinq lobes :
-Le lobe frontal : Il est ร l’avant du cerveau (antรฉrieur). Le lobe frontal intervient essentiellement dans la planification, le langage et le mouvement volontaire.
-Le lobe pariรฉtal : Situรฉ derriรจre le lobe frontal, le lobe pariรฉtal est considรฉrรฉ comme un cortex associatif hรฉtรฉro modal. C’est-ร -dire qu’il joue un rรดle important dans l’intรฉgration des informations issues des diffรฉrentes modalitรฉs sensorielles (vision, toucher, audition). Cette rรฉgion du cerveau est notamment impliquรฉe dans la perception de l’espace et dans l’attention et, plus particuliรจrement, le cortex pariรฉtal supรฉrieur est impliquรฉ dans la voie dorsale du systรจme visuel et dans le contrรดle visuo moteur des mouvements, notamment des saccades oculaires.
-Le lobe occipital : A l’arriรจre du cerveau (postรฉrieur), le lobe occipital est le centre visuel.
Il permet la reconnaissance des orientations et des contours des images en ce qui concerne les premiers traitements dโanalyse visuelle effectuรฉes en V1 (aire de Brodmann). Le cortex consacrรฉ ร lโanalyse visuelle se prolonge jusqu’aux lobes pariรฉtaux et temporaux.
-Le lobe temporal : au-dessous des autres rรฉgions (infรฉrieur), on inclut dans le lobe temporal des structures profondes, lโhippocampe et lโamygdale. Chez lโHomme, cโest une zone importante pour de nombreuses fonctions cognitives, dont notamment lโaudition, le langage, la mรฉmoire et la vision des formes complexes.
-Le lobe insulaire : derriรจre le lobe temporal ou insula – terme latin signifiant รฎle – est une partie du cortex cรฉrรฉbral. Son rรดle est encore mal connu mais il est gรฉnรฉralement associรฉ aux fonctions limbiques et interviendrait notamment dans le dรฉgoรปt, la dรฉpendance ou encore la conscience. Le cortex insulaire joue un rรดle dans diverses fonctions, principalement liรฉes aux รฉmotions ou ร la rรฉgulation de l’homรฉostasie du corps. Ces fonctions incluent la perception, le contrรดle moteur, la conscience de soi, le fonctionnement cognitif et les expรฉriences interpersonnelles. Cette partie du cerveau est donc fortement impliquรฉe dans certains dysfonctionnements psychopathologiques.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTรRATURE
I.1. Dรฉfinition
I.2. Historique
I.3. Epidรฉmiologie descriptive
I.4. Anatomie
I.4.1. Systeme nerveux central
I.4.2. Vascularisation arterielle du cerveau
I.4.3. Liquide cephalo rachidien
I.4.4 Vascularisation veineuse cerebrale
I.5. Aspects Anatomopathologiques
I.6. Etiopathogรฉnie
I.6.1. Gรฉnรฉtique
I.6.2. Facteurs infectieux
I.6.3. Les cytokines et le systรจme immunitaire
I.6.4. Autoanticorps
I.6.5. Thrombose
I.7. DIAGNOSTIC
I.7.1. Diagnostic positif
1.7.1.1. Signes cliniques
1.7.1.1.1. Signes et modes de dรฉbut
1.7.1.1.2. Phase dโรฉtat
1.7.1.2. Signes paracliniques
1.7.1.2.1. Le bilan biologique
1.7.1.2.2. Recherche de lโAg HLA B5
1.7.1.2.3. Etude du LCR
1.7.1.2.4. Examen ophtalmologique
1.7.1.2.5. Imagerie du systรจme nerveux central
1.7.1.2.6. SPECT [Single-photon รฉmission computer tomography
I.7.2. Diagnostic topographique
I.7.2.1. Atteintes parenchymateuses
I.7.2.1.1. Neuro-Behรงet parenchymateux ยซ classique ยป
I.7.2.1.2. Formes pseudo tumorales
I.7.2.1.3. Myรฉlite
I.7.2.1.4. Nรฉvrites optiques rรฉtro-bulbaires
I.7.2.2. Atteintes extra parenchymateuse
I.7.2.2.1. Thromboses veineuses cรฉrรฉbrales
I.7.2.2.2. Atteintes artรฉrielles
I.7.2.3. Autres
I.7.2.3.1. Neuro Psycho Behcet
I.7.2.3.2. Atteinte du systรจme nerveux peripherique
I.7.3. Diagnostic diffรฉrentiel
I.7.4. Diagnostic dโรฉvolutivitรฉ
I.7.4.1. Signes dermatologique
I.7.4.2 Signes occulaires
I.7.4.3. Autres signes
I.8. Traitement
I.8.1. But
I.8.2. Moyen
I.8.2.1. Lโinterfรฉron
I.8.2.2. Les antibiotiques
I.8.2.3. Corticothรฉrapie
I.8.2.4. Colchicine
I.8.2.5. Immunosuppresseurs
I.8.2.6. Les antiagrรฉgants plaquettaires
I.8.3. Indication
I.8.3.1. Traitement de lโatteinte parenchymateuse du NB
I.8.3.2. Traitement de lโatteinte extra-parenchymateuse du NB
I.8.3.3. Formes sรฉvรจres et/ou rรฉfractaires
I.9. Evolution โ pronostic
I.9.1. Modalitรฉs รฉvolutives
I.9.2. Facteurs de mauvais pronostic
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
II.1. Patients et mรฉthodes
II.1.1. Objectifs
II.1.2. Cadre de lโรฉtude
II.1.3. Type dโรฉtude
II.1.4. Population dโรฉtude
II.1.5. Protocole
II 1.6. Saisie et analyse des donnรฉes
II.1.7. Aspects รฉthiques
II.2. Rรฉsultats
II.2.1. Taille de la population
II.2.2. Aspects รฉpidemiologiques
II.2.2.1. Service de provenance
II.2.2.2. Age
II.2.2.3 Genre
II.2.2.4. Adresse gรฉographique
II.2.3. Aspects cliniques et paracliniques
II.2.3.1. Mode dโinstallation
II.2.3.2. Manifestations cliniques neurologiques
II.2.3.3. Manifestations cliniques extra-neurologiques
II.2.3.4. Aspects paracliniques
II.2.3.5. Formes cliniques de Neuro-Behรงet
II.2.3.6. Aspects thรฉrapeutiques et รฉvolutifs
II.2.3.7. Synthese des observations
II.3. Discussion
II.3.1. Aspect รฉpidรฉmiologique
II.3.2. Aspects clinico-radiologiques
II.3.3. Aspect thรฉrapeutique et รฉvolutif
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES