Le mouvement relatif des plaques tectoniques, continu dans le temps, est majoritairement accommodรฉ en surface le long de zones รฉtroites oรน se concentre la dรฉformation. Une telle localisation des dรฉformations sโexprime, au sein de la croรปte supรฉrieure, cassante, le long de zones de failles majeures. Le cycle sismique correspond ร une sรฉquence temporelle de dรฉformation le long dโune faille et est classiquement divisรฉ en trois pรฉriodes de durรฉes inรฉgales. Durant la pรฉriode intersismique, lโรฉnergie correspondant au mouvement relatif de deux blocs de part et dโautre dโune faille bloquรฉe sโaccumule de maniรจre รฉlastique, rรฉversible, ร lโinterface entre ces deux blocs. Cette รฉnergie est brutalement relรขchรฉe lors de la phase cosismique durant laquelle les deux lรจvres dโune faille glissent lโune sur lโautre, relaxant ainsi une grande partie des contraintes tectoniques. Il sโagit dโun sรฉisme. Durant la phase post-sismique, la combinaison du glissement asismique le long du plan de faille, de la relaxation viscoรฉlastique de la partie infรฉrieure, ductile, de la croรปte et du manteau dans lesquels a รฉtรฉ transfรฉrรฉe un partie des contraintes, des effets poro-รฉlastiques, etc, permet de rรฉpartir les contraintes et de revenir ร un รฉtat bloquรฉ, en surface.
Les dรฉformations en pรฉriode intersismiqueย
La pรฉriode intersismique est par dรฉfinition la pรฉriode sรฉparant deux ruptures majeures le long dโun plan de faille. Notre connaissance des sรฉismes passe obligatoirement par une meilleure connaissance de cette pรฉriode dโinactivitรฉ des failles actives. Un examen prรฉcis des phรฉnomรจnes jalonnant la pรฉriode intersismique est une รฉtape fondamentale dans lโanalyse et la comprรฉhension du cycle sismique dans son ensemble. Les failles majeures sโรฉtirant sur plusieurs milliers de kilomรจtres, tous les segments dโune mรชme faille ne connaissent pas la mรชme histoire sismique et il est nรฉcessaire de retracer lโhistoire sismique de chaque segment pour comprendre le dรฉroulement du cycle sismique. Les รฉtudes palรฉosismologiques permettent de retracer lโhistoire sismique dโune faille, ร savoir les derniรจres ruptures majeures et le temps de rรฉcurrence des grands sรฉismes. Par ailleurs, la gรฉodรฉsie et lโรฉtude de la gรฉomorphologie permettent de quantifier le taux dโaccumulation des contraintes, ร plus ou moins long terme. Ces connaissances sont nรฉcessaires pour lโestimation de lโalรฉa sismique le long dโune faille .
Interfรฉromรฉtrie Radar, Principe et Problรฉmatiques actuelles
Lโinterfรฉromรฉtrie par radar ร synthรจse dโouverture (InSAR) est une technique de gรฉodรฉsie satellitaire rรฉcente, permettant, de mesurer les dรฉformations du sol ou la topographie relative dโune rรฉgion, notamment dans les zones difficiles dโaccรจs.ย Les mesures InSAR de dรฉformation sont par la suite analysรฉes et modรฉlisรฉes selon leur origine, anthropique, hydrologique ou volcano-tectonique, par exemple.
Un des plus brillants exemples dโapplication de lโInSAR ร la mesure de la topographie est la construction dโun Modรจle Numรฉrique de Terrain mondial (Shuttle Radar Topography Mission, NASA , Farr and Kobrick, 2000), par traitements dโacquisitions SAR simultanรฉes avec deux angles de visรฉe diffรฉrents. Le MNT ainsi obtenu est une estimation de lโaltitude en chaque point du globe, avec un prรฉcision mรฉtrique et une rรฉsolution spatiale de 30 m sur le territoire des Etats-Unis dโAmรฉrique et 90 m sur le reste du globe. Cette mission a รฉtรฉ classรฉe parmi les plus rรฉussies au sein de la NASA.
Un des premiers exemples spectaculaires de mesures InSAR de dรฉformations dโorigine tectonique est celui du sรฉisme de Landers, Californie. Massonnet et al. (1993) ont produit une carte des dรฉplacements de la surface associรฉes ร la rupture sismique, ร partir de deux acquisitions du satellite ERS-1 acquises avant et aprรจs le sรฉisme. Ces travaux ont ainsi mis en lumiรจre lโapport principal de lโInSAR par rapport aux autres techniques gรฉodรฉsiques (e.g. Global Positioning System, Electronic Distance Meter) : son excellente rรฉsolution et sa grande couverture spatiale permettant de quantifier la variabilitรฉ spatiale de nombreux phรฉnomรจnes. Depuis, les nombreuses mesures des dรฉformations de surface associรฉes aux sรฉismes ont permis une meilleure connaissance de la distribution des glissements co-sismiques le long des plans de failles (e.g. Jรฒnsson et al., 2002; Funning et al., 2007; Shen et al., 2009). Avec lโaugmentation du nombre de donnรฉes et de la prรฉcision des mesures, on peut dorรฉnavant quantifier lโimportance et la variabilitรฉ latรฉrale des glissements asismiques en pรฉriode intersismique (e.g. Bรผrgmann et al., 1998; รakir et al., 2005; Doubre and Peltzer, 2007; Cavaliรฉ et al., 2008). La surveillance des phรฉnomรจnes de subsidence, anthropiques ou naturelles, est renforcรฉe, par exemple en zones urbaines (e.g. Schmidt and Bรผrgmann, 2003; Lopez-Quiroz et al., 2009). Lโanalyse de la variabilitรฉ spatiale et temporelle des dรฉformations dโorigine volcanique permet une description fine des mouvements de magma pendant un รฉvรฉnement (e.g. Fukushima et al., 2005; Wright et al., 2006; Grandin et al., 2010).
Une limitation de lโinterfรฉromรฉtrie radar est lโรฉchantillonnage temporel, contraint par le temps de retour sur zone du satellite. Etant dโen moyenne 1 mois pour les satellites les plus communรฉment utilisรฉs dans la communautรฉ des gรฉophysiciens (e.g. ERS-1/2 et Envisat de lโESA ), cette technique ne permet pas un suivi temporel fin dโun phรฉnomรจne rapide. Les temps de retour ont et auront tendance ร diminuer avec lโenvoi de nouvelles gรฉnรฉrations de satellites en orbite (par exemple, โผ6 jours pour la constellation Sentinel-1 et 2, ESA).
Lโoutil InSAR est parfaitement adaptรฉ ร la mesure de dรฉformations localisรฉes et de grande amplitude, comme par exemple celles observรฉes durant les phases cosismiques ou post-sismiques prรฉcoces (i.e. mรฉtriques ร centimรฉtriques). Comme nous le verrons par la suite, la mesure de signaux tectoniques ร des vitesses de lโordre du millimรจtre par an, liรฉs par exemple aux dรฉformations intersismiques, est nettement plus dรฉlicate. Une grande partie des travaux rรฉalisรฉs durant cette thรจse ont portรฉs sur lโamรฉlioration de la dรฉtection et de la quantification des phรฉnomรจnes tectoniques lents ร lโaide de lโinterfรฉromรฉtrie radar. Au cours de ce chapitre, nous dรฉcrivons comment, dans lโรฉtat actuel des connaissances, on peut extraire le signal de dรฉformation le plus finement possible des donnรฉes dโinterfรฉromรฉtrie.
La phase interfรฉromรฉtrique
Les principales รฉtapes de la formation dโun interfรฉrogramme sont : (1) lโacquisition de deux images radar ร synthรจse dโouverture (SAR) sur une mรชme zone par un satellite en orbite , (2) la construction de deux images dโamplitude et de phase du signal radar รฉmis par le satellite et rรฉtrodiffusรฉ par le sol (i.e. chaque pixel de ces images sont caractรฉrisรฉs par une amplitude et une phase), (3) le calcul de lโinterfรฉrogramme.
Lโinterfรฉrogramme
Un interfรฉrogramme est le produit de corrรฉlation complexe de deux images SAR. Cโest une carte cohรฉrente de la variation de la phase du signal รฉmis par le satellite rรฉtrodiffusรฉ par le sol entre deux passages du satellite au dessus de la zone dโรฉtude. Pour un mรชme pixel, la phase interfรฉromรฉtrique correspond ร la diffรฉrence de temps de trajet de lโonde รฉlectromagnรฉtique รฉmise par le satellite entre deux acquisitions. Pour une seule acquisition, la diffรฉrence de phase entre deux pixels correspond ร la diffรฉrence de trajet de lโonde รฉlectromagnรฉtique entre les deux pixels. Lโinterfรฉrogramme est donc une mesure de la variation spatiale et temporelle de la modification du libre parcours moyen de lโonde รฉlectromagnรฉtique en un pixel, relativement aux autres pixels. Lโonde รฉmise par le satellite traverse lโatmosphรจre avant et aprรจs avoir รฉtรฉ rรฉtrodiffusรฉe par le sol. Le trajet de lโonde est dรฉpendant de la position du satellite ร chaque acquisition.
Perturbations atmosphรฉriques
Le second problรจme majeur des mesures de dรฉformation par interfรฉromรฉtrie SAR est la contribution atmosphรฉrique ร la phase interfรฉromรฉtrique. ย Le premier est rรฉalisรฉ entre deux acquisitions sรฉparรฉes par un an et deux mois, le deuxiรจme, entre deux acquisitions sรฉparรฉes par trois ans et deux mois. attendu ร โผ0.5 rad.anโ1 le long de la ligne de visรฉe (Cavaliรฉ et al., 2008). Cependant, ce signal est complรจtement masquรฉย par des franges causรฉes par les variations des propriรฉtรฉs atmosphรฉriques. Lโรฉtat de lโatmosphรจre modifie le trajet des ondes รฉlectromagnรฉtiques et les fluctuations spatio-temporelles de cet รฉtat affectent la phase interfรฉromรฉtrique.
La mesure de grands dรฉplacements, notamment cosismiques, pluri-centimรฉtriques ร pluri-mรฉtriques, est affectรฉe de la mรชme maniรจre. Cependant, la contribution atmosphรฉrique sera minime par rapport ร celle de la dรฉformation du sol. La dรฉformation cosismique associรฉe ร un รฉvรฉnement de forte magnitude (i.e. supรฉrieure ร 6) ร faible profondeur (i.e. entre 20 km et la surface) peut engendrer une variation de plusieurs dizaines de cycles de phase le long de la ligne de visรฉe (e.g. Massonnet et al., 1993). En comparaison, la dรฉformation intersismique attendue au travers de la faille de Haiyuan nโatteint pas un cycle de phase par an et la contribution atmosphรฉrique peut dรฉpasser plusieurs cycles de phase, notamment dans des rรฉgions accidentรฉes (Jolivet et al., 2011a). Par consรฉquent, la oรน, pour des mesures de dรฉplacements co-sismiques, le dรฉlai atmosphรฉrique aura une contribution mineure, il masquera complรจtement la dรฉformation intersismique.
Influence du bruit atmosphรฉrique sur la mesure de dรฉformation
Les premiรจres estimations de dรฉlais troposphรฉriques en interfรฉromรฉtrie radar datent de lโexpรฉrience SIR-C, menรฉe ร bord de la navette spatiale en septembre 1994 (NASA, Goldstein, 1995). Durant trois jours, plusieurs acquisitions SAR ont รฉtรฉ rรฉalisรฉes sur un site test situรฉ dans le dรฉsert du Mojave, Californie. Pendant la durรฉe de lโexpรฉrience, la dรฉformation du sol est nรฉgligeable et la RMS de la longueur de trajet est estimรฉe ร 0.24 cm, le long de la ligne de visรฉe. Cette dispersion des mesures conduit ร une incertitude de โผ7 m sur lโestimation du modรจle numรฉrique de terrain.
Distribution spatiale du bruit atmosphรฉrique
La distribution spatiale des phรฉnomรจnes atmosphรฉriques conduit ร une distribution spatiale des dรฉlais associรฉs quโil est possible de dรฉcrire (e.g. Williams et al., 1998; Emardson et al., 2003; Lohman and Simons, 2005; Sudhaus and Jรฒnsson, 2009).
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Table des matiรจres
Introduction
Complexitรฉ de la pรฉriode intersismique
La faille de Haiyuan
Des รฉvolutions mรฉthodologiques nรฉcessaires
Plan du manuscrit
1 Interfรฉromรฉtrie Radar, Principe et Problรฉmatiques actuelles
1.1 La phase interfรฉromรฉtrique
1.1.1 Lโinterfรฉrogramme
1.1.2 Cohรฉrence
1.1.3 Perturbations atmosphรฉriques
1.2 La contribution atmosphรฉrique
1.2.1 Origine du dรฉlai atmosphรฉrique
1.2.2 Influence du bruit atmosphรฉrique sur la mesure de dรฉformation
1.2.2.1 Distribution spatiale du bruit atmosphรฉrique
1.2.2.2 Variations temporelles du bruit atmosphรฉrique et โstackingโ
1.2.2.3 Pourquoi faut-il corriger lโatmosphรจre ?
1.2.3 Quelques mรฉthodes de corrections
1.2.3.1 Estimation du dรฉlai
1.2.3.2 Prรฉdictions du dรฉlai
1.2.3.3 Bilan
1.3 Analyses en Sรฉries Temporelles
1.3.1 Simuler une phase interfรฉromรฉtrique au cours du temps
1.3.2 Mรฉthodes dโanalyse en sรฉries temporelles
1.3.2.1 Approche en โSmall BAseline Subsetsโ
1.3.2.2 โPersistent Scatterersโ
1.3.3 Covariances spatiales
2 Des images radar brutes aux sรฉries temporelles de dรฉplacement : approche mรฉthodologique
2.1 Calcul des interfรฉrogrammes
2.1.1 Gรฉnรฉration des Single Look Complex et Coregistration
2.1.1.1 Systeme dโacquisition et rรฉsolution
2.1.1.2 Sรฉlection du Doppler
2.1.1.3 Coregistration des SLCs
2.1.2 Gรฉnรฉration des interfรฉrogrammes et dรฉroulement
2.1.2.1 Lโinterfรฉrogramme
2.1.2.2 Filtrage adaptatif en range
2.1.2.3 Fenรชtrage, filtrage spatial et dรฉroulement
2.2 Rรฉsumรฉ et Organisation de la chaine de traitement NSBAS
3 Correction systรฉmatique des dรฉlais troposphรฉriques ร partir du modรจle mรฉtรฉorologique ERA-I
3.1 Introduction
3.2 Atmospheric Phase Delay Modeling
3.3 Validation on unwrapped interferograms
3.4 Improving the interferometric phase unwrapping
3.5 Discussion
3.6 Conclusion
4 Caractรฉrisation spatiale de lโaccumulation de dรฉformation le long de la faille de Haiyuan
4.1 Introduction
4.2 The Haiyuan fault system
4.3 Envisat data set and interferogram processing
4.4 Correction of Atmospheric phase delay and Orbital errors
4.4.1 Tropospheric phase delays
4.4.2 Correction strategy
4.4.3 Correction Validation
4.5 Time Series Analysis
4.5.1 Constrained Time Series
4.5.2 Data selection
4.5.3 Analysis of Mean LOS Velocity Maps
4.6 Fault slip-rate Modeling
4.6.1 Model Geometry and Parametrization
4.6.2 Inversion Results
4.7 Discussion
4.7.1 Model Limitations
4.7.2 Tectonic loading rate
4.7.3 Shallow creep
4.8 Conclusion
5 Variations temporelles du taux de glissement asismique le long de la lacune de Tianzhu
5.1 Introduction
5.2 Creep rate fluctuations at a decadal scale
5.3 Shallow creep rate fluctuations over the 2003-2009 period
5.3.1 Envisat InSAR time series analysis
5.3.2 Surface creep evolution
5.3.3 Principal Component analysis and creep modeling
5.3.3.1 Principal Component Analysis
5.3.3.2 Aseismic slip modeling
5.4 Discussion
5.4.1 Creep rate fluctuations
5.4.2 Slip budget
5.4.3 Micro- and Moderate seismicity
5.5 Conclusion
Conclusion