La bactérie Escherichia Coli (E. Coli) est un être vivant unicellulaire procaryote d’environ quelques µm3 . Elle a été découverte dans des selles infantiles au 19eme ` siècle par Theodor Escherich et forme la flore intestinale de pratiquement tous les êtres vivants dotés d’appareil digestif. Certaines souches d’E. Coli sont responsables de pathologies telles que les gastro-entérites, les méningites ou encore les septicémies. Par la suite, E. Coli est devenue un formidable outil d’investigation pour la génétique moléculaire de par sa rapidité de reproduction et la facilité avec laquelle on peut modifier ses propriétés génétiques. Ceci est d’autant plus vrai que son génome a été complètement séquencé.
Le dogme central
Dans le dogme central de la biologie moléculaire [1], l’acide désoxyribonucléique (ADN) est le support de l’information génétique. L’ADN est un polymère dont chacun des monomères est constitué d’un sucre phosphaté et d’une base azotée : Adénine (A),Cytosine (C), Guanine (G) ou Thymine (T). Les monomères d’ADN peuvent être liés de manière covalente au niveau des sucres afin de former un simple brin d’ADN orienté . De plus, les bases peuvent s’apparier deux à deux en formant plusieurs liaisons hydrogènes : A avec T et C avec G. Si deux brins sont complémentaires l’un de l’autre, ils peuvent former une double hélice d’ADN.
Ainsi, l’ADN, de par la séquence de ses bases azotées, code non seulement pour sa propre réplication, mais contient aussi toute l’information nécessaire au fonctionnement de la cellule. Tout d’abord l’ADN est transcrit en acide ribonucléique ARN. Cette étape est la transcription. Cet ARN peut soit être utilisé comme catalyseur pour une réaction biochimique soit être dégradé, soit être utilisé pour réguler certains mécanismes d’expression, ou encore être la matrice à partir de laquelle on fabriquera les protéines. Le passage d’information de l’ARN vers la protéine est la traduction. Deux flux d’informations sont prépondérants : de l’ADN vers l’ARN puis de l’ARN vers les protéines. Cependant, un certain nombre de phénomènes viennent souligner que le transfert d’information peut se faire autrement. L’un des contre exemples les plus flagrants est l’existence des rétrovirus. Ce sont des virus dont le génome est fait d’ARN. Lorsque ces rétrovirus infectent un organisme, ils «convertissent» leur ARN en ADN et insèrent l’ADN au sein du chromosome de l’hôte. Même si ce contre-exemple est loin d’être le seul, le dogme central est un cadre assez concis qui permet d’aborder l’expression génétique. Les flux d’information les plus importants se font donc par la transcription et la traduction que nous allons détailler.
La transcription
Lors de la transcription, un brin d’ARN messager (ARNm) est produit partir d’une matrice d’ADN. L’ARN polymérase (ARNpol) reconnaît une séquence spécifique d’ADN, le promoteur. Plus précisément, il reconnaît principalement au sein du promoteur la «Pribnow box» (T AT AAT). L’ARNpol ouvre alors la double hélice et commence la transcription. L’ARNpol lit une base du brin transcrit de l’ADN dans le sens 5’ vers 3’, lui accole la base ARN complémentaire, et lie cette dernière à la base ARN rajoutée précédemment.Elle avance d’un cran et recommence. La transcription s’arrête lorsque la polymérase arrive à un site de terminaison. Ce dernier lorsqu’il est transcrit provoque le décrochage de la polymérase par le biais de l’ARNm qui forme une boucle en épingle à cheveux qui déstabilise le complexe ADNARNPol [2]. Le taux de transcription d’un gène est contrôlé par le promoteur qui lui est adjoint. Non seulement, celui-ci doit contenir le site d’accrochage de la polymérase, mais il contient généralement d’autres séquences régulatrices. Ces séquences peuvent modifier les conditions dans lesquelles la transcription est possible ou moduler l’intensité de la transcription en fonction de l’environnement . Nous en verrons un exemple concret plus loin. Retenons simplement que la régulation d’un gène peut se faire via la régulation dite transcriptionnelle et que cela constitue une grande partie de la régulation procaryote.
La traduction
Une fois l’ARNm synthétisé, un ribosome s’attache à l’ARNm au niveau d’une séquence qu’on appelle le «ribosome binding site» (RBS) ou «Shine Dalgarno»(AGGAGG). Ensuite, il reconnaît le triplet (codon) AUG à ∼ 8 bases en aval et commence à traduire la séquence d’ARNm 3 nucléotides par 3 à partir de celui-ci. Chaque codon est associé à un ARN de transfert (ARNt). Chaque ARNt contient une zone de reconnaissance (anti-codon) correspondant à un seul codon de l’ARNm et l’acide aminé correspondant au codon reconnu. L’ARNt et son acide aminé ne sont utilisés par le ribosome que si l’anticodon de l’ARNt correspond au codon lu. L’acide aminé porté est alors fixé de manière covalente à l’acide aminé du codon précédemment lu. Le ribosome se déplace ensuite de trois bases et lit le codon suivant.
La traduction s’arrête lorsque le ribosome rencontre l’un des codons stop ou «non-sens» (UAA, UAG ou UGA) pour lesquels aucun ARNt correspondant n’existe. A partir de là, la chaîne peptidique est relarguée dans le cytoplasme. Son repliement tridimensionnel et sa maturation terminent de rendre la protéine fonctionnelle.
L’opéron Lactose, un exemple de régulation génétique
Les gènes forment des réseaux d’interactions et régulent leur expression entre eux. Afin d’illustrer comment des interactions peuvent se mettre en place, nous prendrons l’exemple, désormais très bien étudié, de l’opéron Lactose . Un opéron est un ensemble de gènes œuvrant pour une même fonction. De plus, l’opéron Lactose est le premier groupe de gènes qui montrait explicitement une régulation de certains gènes fonction des conditions environnementales à avoir été mis en évidence. Il permet d’utiliser le lactose comme source de carbone. L’opéron comporte une région régulatrice, composée du gène lacI et d’un promoteur, suivie de trois gènes structuraux(lacZ, lacY et lacA).
L’effet du lactose Le gène LacI est exprimé de manière constitutive . Il donne lieu la formation d’un tétramère de protéines répresseur. Ce dernier peut alors former un complexe avec un site spécifique de l’opéron ce qui empêchera la transcription des gènes structuraux. En présence de lactose, la répression de l’opéron est arrêtée. En effet, une forme isomérique du lactose, l’allolactose , peut se lier chacun des monomères du répresseur ce qui changera la conformation du tétramère, l’empêchant ainsi de se lier au site spécifique de l’opéron. Ceci a pour conséquence la levée de l’inhibition des gènes lacZ, lacY, et lacA.
L’effet du glucose Cependant, la présence de lactose dans le milieu n’est pas suffisante pour la production de LacY, LacZ et LacA. Même si en présence de lactose, les gènes structuraux peuvent être transcrits, leur taux de transcription est très faible. Afin d’obtenir une transcription non négligeable, un complexe de protéines est nécessaire : il s’agît de la protéine CAP et de l’AMPc qui est produit lorsque le glucose se raréfie . Ce complexe favorise le recrutement de l’ARN polymérase car sa fixation au promoteur augmente l’affinité de l’ARN polymérase pour le promoteur. Une forte transcription est donc conditionnée par le manque de glucose.
L’opéron lac permet la synthèse des enzymes nécessaires seulement si le lactose est présent et si le glucose manque. Son étude met en évidence une première voie de régulation par inhibition et une deuxième voie par activation. L’inhibition se fait par fixation d’une protéine un site, ce qui empêche la fixation d’autres acteurs sur ce même site voir sur les sites environnants. L’inhibition empêche alors l’appareillage de la transcription d’accomplir la tâche qui lui est imparti. L’activation, elle, se fait sur le même mode de fonctionnement. La protéine activatrice se fixe sur un site, mais de par son affinité avec une protéine effectrice, elle la recrutera afin de l’approcher de sa cible.
La relative simplicité de fonctionnement de l’opéron permet d’entrevoir les mécanismes dont dispose la bactérie afin de moduler son activité en fonction de son environnement. De plus, si dans nos explications, les signaux d’entrée de l’opéron étaient des signaux « extérieurs », dans un cas plus général, les signaux des différents sous réseaux d’expression génétique peuvent provenir d’autres sous réseaux. Ainsi, des comportements assez riches peuvent apparaître . Dans notre cas, nous nous intéresserons à l’expression de manière quantitative, au sein de populations isogéniques de bactéries. Ainsi, nous nous concentrerons sur les variations d’expression de manière quantitative, et sur certains réseaux de régulation.
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Table des matières
I Introduction
1 Le dogme central
1.1 La transcription
1.2 La traduction
1.3 L’opéron Lactose, un exemple de régulation génétique
2 Les variations phénotypiques et les réseaux
2.1 Variation d’expression d’un gène
2.2 Variabilité conditionnée de l’expression génétique
2.3 Variabilité : bruit ou adaptabilité
2.3.1 Fonction et robustesse
2.3.2 Choisir la variabilité plutôt qu’un contrôle global
3 Le chromosome d’E. Coli
3.1 La réplication du chromosome
3.1.1 La régulation de la réplication
3.1.2 La fourche de réplication
3.2 La partition du chromosome
4 Les plasmides
4.1 Le Plasmide F
4.1.1 La régulation de la réplication du miniF
4.1.2 Le système de partitionnement du pZC320
4.2 Plasmide R1
4.2.1 La régulation de la réplication des plasmides « miniR1par− » et « miniR1par+ »
4.2.2 Le système de partition du miniR1par+
4.3 Le Plasmide ColE1
4.3.1 La régulation du plasmide mini-colE1
4.4 Variabilité du nombre de copies de plasmides
II Dispositif expérimental
5 Les constructions biologiques
5.1 L’expression de la protéine fluorescente
5.1.1 Le promoteur PtacI*
5.1.2 Le choix des protéines fluorescentes
5.1.3 La terminaison TR2*
5.1.4 La construction (double PCR)
5.2 Une référence sur le chromosome
5.3 Le plasmide et sa référence
6 Microscopie
6.1 Le µFACS
6.1.1 Cellule microfluidique
6.1.2 Le microscope inversé
6.2 Le Timelapse
III Résultats
7 Une première caractérisation
7.1 Temps de division et plasmides
7.2 Temps d’induction
7.3 Concentration d’IPTG
7.4 Variabilité inter colonies et OD d’induction
8 Estimation du nombre de copies moyen pour chacun des plasmides
8.1 PCR en temps réel
8.2 Calibration des protéines fluorescentes
8.2.1 Correction de la fluorescence pour les fluorescences moyennes
8.2.2 Equivalence entre eGFP et mOrange et estimation de la fuite
8.3 Linéarité de l’expression avec le nombre de copies
8.4 Expressions moyennes et PCN moyen
8.5 Effet de la température sur les miniR1
9 Variation du nombre de copies de plasmides
9.1 Correction de la fluorescence pour les variances
9.2 Bruit d’expression lié au plasmide
9.3 Variance du nombre de copies de plasmides
9.4 Une méthode « graphique »
9.4.1 Discerner entre plusieurs copies d’un gène
9.4.2 Construction de la distribution
10 Changement de concentration d’antibiotique
10.1 Qualité de la résistance avec le nombre de copies du plasmide
10.2 Constance du PCN et de sa variabilité
10.3 Perte du plasmide
IV Conclusions
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