Au Burkina Faso comme dans beaucoup de pays tropicaux, les fruits sauvages jouent un rôle important dans l’alimentation des populations rurales et constituent l’une des principales sources de revenu monétaire (Parkouda et al., 2007). Le karité (Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn.) l’un des fruitiers sauvages en cours de domestication est une espèce présente dans les formations naturelles et les parcs agroforestiers. Les fruits, dont la pulpe sucrée est comestible renferment des amandes riches en matière grasse. Selon Bonkoungou (1987), Sallé et al. (1991), Senou (2000), le karité est une essence non cultivée mais qui a bénéficié depuis longtemps d’une protection spéciale de la part des paysans qui l’épargnent pendant le défrichement des champs et le protègent contre le broutage des animaux dans les jachères de moins de cinq ans. Arbonnier (2002), Diarassouba et al. (2008), Badini et al. (201 la) ont montré que les fruits du karité sont utilisés dans l’alimentation, la pharmacopée et le cosmétique. Son bois est utilisé dans l’artisanat et ses amandes font l’objet d’un commerce mondial. Ainsi, le principal produit dérivé des amandes qu’est le beurre, constitue l’une des principales sources de matière grasse d’origine végétale et sa commercialisation avec celles des amandes est la première source de revenu des femmes en milieu rural dans la zone Soudano-sahélienne d’Afrique (Badini et al., 2011 b). Au Burkina Faso, le karité (amandes et beurre) constitue le quatrième produit d’exportation après l’or, le coton et le bétail (Badini et al., 20 Il b). Cette commercialisation a généré en 20 Il environ 28,991 milliards de FCFA de chiffre d’affaire, soit 0,60% de la valeur du PIB courant (APFNL, 2012). Le Burkina Faso abrite environ 195 millions d’arbres avec un potentiel de production de 850.000 tonnes d’amandes sèches (MICA, 2012).
Par ailleurs, la décision prise par l’Union Européenne en mai 2000 autorisant les chocolatiers à utiliser jusqu’à hauteur de 5% d’autres matières grasses végétales en substitut au beurre de cacao, fut une opportunité pour les pays Soudano-sahéliens pour augmenter leur exportation en amandes de karité. Comparativement aux beurres de karité des autres pays de l’aire de distribution de l’espèce, celui du Burkina Faso, avec un taux d’acide stéarique estimé à 45 % et un taux de triglycéride (stéarique-oléique-stéarique) à 40 %, est le meilleur beurre pouvant être utilisé en substitution à celui du cacao (Maranz et al., 2004). Ce contexte doublement favorable pour le Burkina lui a permis d’augmenter ses quantités exportées aussi bien en amandes sèches qu’en beurre. Ainsi, selon Badini et al. (2011b), le Burkina est passé progressivement de 28 664 tonnes d’amandes sèches exportées en 2004 à 84.056 tonnes en 2008 ; pour ce qui est du beurre, les quantités ont évolué durant la même période de 235 à 1426 tonnes. Face à cette demande de plus en plus forte, le risque pour que le Burkina ne puisse pas satisfaire sa part de marché est très élevé à cause de l’absence de plantations de karité pouvant assurer des livraisons soutenues. En effet, Busson (1965) avait signalé qu’après plus de 7 siècles d’exploitation, les fruits du karité restent un produit de cueillette et cette situation n’a pas encore changé de nos jours. Malgré son importance économique, il n’a jusque-là pas fait l’objet de plantations industrielles, bien que la création de telles plantations ait été tentée par les communautés locales depuis l’époque coloniale (Bonkoungou, 1987). Deux raisons ont été avancées pour expliquer cette situation: (i) l’entrée en production très tardive du karité (Chevalier 1948) ; (ii) l’irrégularité de la production d’une année à l’autre (Guira et Zongo, 2002). En effet, Lamien et al. (2006) ont montré que de par leur nature sauvage, les fruitiers locaux sont caractérisés par une grande hétérogénéité de production en terme quantitatif et qualitatif, avec un âge d’entrée en production souvent trop long pour les producteurs. Chez le karité, cet âge est compris entre 15 et 30 ans (Sallé et al., 1991 ; Guira, 1997). Tous ces phénomènes pourraient être liés à la nature intrinsèque de l’espèce et plus particulièrement sous contrôle génétique. C’est pour cette raison que Bonkoungou (1987), Sal1é et al. (1991) ont suggéré que les recherches ultérieures soient orientées sur l’amélioration génétique de l’espèce. Depuis lors, des travaux ont été entrepris par plusieurs auteurs à travers toute l’aire de répartition de l’espèce afin d’approfondir les connaissances sur l’organisation de sa variabilité morphologique et génétique. Ainsi, trois approches ont été utilisées dans cette caractérisation. Il s’agit de: (i) l’approche moléculaire qui a permis de comprendre l’organisation de la diversité génétique au sein de l’espèce. Cette approche utilise les techniques RAPD (Random Amplified Polymorphie DNA) portant sur l’ADN total (Kelly et al., 2004; Bouvet et al., 2004; Fontaine et al., 2004), la technique des marqueurs microsatellites portant sur l’ADN total pour déterminer la distribution spatiale de la diversité génétique (Sanou et al., 2005) ou utilisant comme support l’ADN chloroplastique (Cardi et al., 2005 ; Logassa et al., 2011) pour comprendre la migration des gènes des populations de karité d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique de l’Est; (ii) l’approche morphologique qui a mis en évidence la grande variabilité des caractères morpho-adaptatifs ceux-là même qui ont été induits par une adaptation locale. Ces caractères portent soit sur la morphologie ou la dendrométrie des arbres (Lamien et al., 2007 ; Compaoré, 2008) ou celles des fruits et des feuilles (Compaoré, 2008; Diarassouba et al., 2008 ; Diarassouba et al., 2009; Felix et al., 2009; Soro et al., 2011 ; Sandwidi, 2012) ; (iii) l’approche biochimique qui a permis de déterminer les teneurs en eau, en acide stéarique et en acide oléique en fonction de l’aire d’origine des amandes de karité (Maranz et al., 2004 ; Davrieux et al., 2010 ; Quainoo et al., 2012; Allal et al., 2013). Bien qu’ayant fourni des informations scientifiques de base, l’application de ces résultats dans les schémas de sélection est rendue difficile car ils ont peu porté sur la notion de variété. Il faut signaler que l’utilisation de variétés sur les espèces locales forestières en cours de domestication, fait l’objet de nombreuses controverses. Pourtant, la caractérisation des populations des arbres au sein de diverses populations a pelmis de mettre en évidence en Afrique de l’Ouest, des variétés phénologiques et morphologiques à partir des descripteurs clés basés sur les caractéristiques des fruits et du cycle phénologique (Compaoré, 2008 ; Diarassouba et al., 2009). Plus récemment Compaoré (2010) et Sandwidi (2015) à travers une approche participative utilisant les connaissances endogènes des communautés rurales ont identifié 13 ethno-variétés au Burkina Faso. Des travaux similaires ont été réalisés en Ouganda (Afrique centrale) par Gwali et al. (2010). Cependant l’analyse génétique effectuée sur les ethno-variétés d’Ouganda par Logassa et al. (20 Il) n’avait pas permis de traduire la variabilité observée par les paysans en structuration génétique. Une caractérisation de ces ethno-variétés par Sandwidi (2015) avait montré une différence entre elles en ce qui concerne le rendement en beurre. Cependant, les travaux de caractérisation biochimique axée sur les ethno-variétés et prenant simultanément en compte la pulpe et le potentiels en matière grasse des amandes sont quasi inexistants. Pourtant les communautés rurales distinguent les ethno-variétés à pulpe et à beurre (Sandwidi, 2015). Ainsi il est évident que dans un schéma de sélection durable axé sur des objectifs de production, de telles informations sont capitales.
Description botanique
Appareil végétatif
Port
Le port de l’arbre à karité est variable, mais il a été regroupé en 4 principaux types par Soro et al. (20 Il). Il s’agit de : (i) le port en boule (figure 1a), où les branches secondaires de l’arbre s’étalent rapidement, pour donner un aspect sphérique à la frondaison; (ii) le port en balai (figure lb), avec les branches secondaires écartées vers le haut, en forme de V ; (iii) le port en parasol , forme intermédiaire entre le port en boule et le port en balai ; (iv) le port dressé , avec des branches dirigées vers le haut, pratiquement à la verticale. Selon Ruyssen (1957), les populations locales d’Afrique occidentale ont établi des liens entre le type de port et les caractères biométriques et biochimiques des fruits. Ainsi, les arbres à port en boule ont des petits fruits, la pulpe de ces fruits est fade ou astringente et peu fournie; la coque de la noix est fine et claire. Pour les arbres à port en parasol, les fruits sont plus gros; la pulpe est abondante et sucrée; la coque de la noix est foncée; ce sont des arbres bons producteurs dont les amandes sont plus riches en beurre.
Feuilles
Elles sont caduques, simples et coriaces et sont toujours groupées à l’extrémité des rameaux (Senou, 2000). La nervation est très fine et alterne (Guira, 1997). La nervure principale apparait en clair sur la face supérieure et proéminente sur la face inférieure. Les nervures secondaires sont parallèles, alternes, au nombre compris entre 20 et 40 paires et partent légèrement obliquement de la nervure principale (Traoré et Yossi., 1987). Cette caractéristique a été utilisée par Compaoré (2008) pour discriminer différents écotypes. Le limbe est obtus, luisant, coriace, vert foncé au-dessous et plus clair en dessous (Ruyssen, 1957). Les stipules des feuilles sont caduques ou absents. Le feuillage est touffu et de couleur vert sombre .
La taille et la forme des feuilles varient d’un arbre à l’autre. Cette variabilité a pennis aux paysans de faire une corrélation avec la production en beurre. Ainsi, les arbres qui ont des feuilles de petite taille et effilées avec un ombrage dense, produisent des fruits dont les amandes ont un fort rendement en beulTe. Les amandes des fruits provenant des arbres qui ont des feuilles courtes ou longues avec un ombrage peu dense ont un faible rendement en beulTe (Sandwidi, 2015).
Appareil reproducteur
Fruits
Les fruits du karité (figure 2a et 2b) sont des baies renfermant une graine, parfois deux ou trois, mais rarement plus de trois. Leurs dimensions varient de 4 à 8 cm de long et 4 à 5 cm de diamètre (Guira, 1997). Ils ont une pulpe comestible plus ou moins sucrée selon les arbres et d’une épaisseur variant de 4 à 8 cm. Les fruits présentent une grande variabilité en ce qui concerne leur forme, leur taille et leur couleur (vert-jaunâtre à vert foncé). Ainsi Diarassouba (2008), Compaoré (2010), Soro et al., (20 Il) ont distingué les formes suivantes: globuleuse, ovoïde, fusiforme, piriforme ou ellipsoïde. Cette discrimination scientifique a été confirmée par les connaissances endogènes qui ont permis aux populations locales de faire des descriptions très proches de ces différentes formes. Ainsi, l’ethno-variété Taam Toolma en langue Moore, correspond à la forme ellipsoïde et l’ethno-variété Taam Guilsi correspond à la forme ovoïde (Sandwidi, 2015). De plus, des corrélations ont été établies entre la forme des fruits, la productivité de l’arbre mère et la production en beurre des amandes. Ainsi les fruits de petite taille proviendraient des arbres bons producteurs (Chevalier, 1943) et les amandes de petite taille auraient un fort rendement en beurre (Sandwidi, 2015).
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Table des matières
Introduction générale
1. Généralité
1.1. Description botanique
1.1.1. Appareil végétatif
1.1.1.1. Port
1.1.1.2. Feuilles
1.1.2. Appareil reproducteur
1.1.2.1. Fruits
1.1.2.2. Graines
1.1.3. Phénologie
1.2. Nomenclature et Classification
1.3. Aire de distribution
1.4. Variabilité morphologique
Il. Matériel et méthodes
2.1. Matériel
2.1.1 Sites d’étude
2.1.2. Matériel végétal
2.1.3. Matériel technique d’évaluation
2.1.3.1. Caractères biométriques
2.1.3.2. Caractères biochimiques
2.2. Méthodes
2.2.1. Caractérisation biométrique des fruits et des noix des ethna-variétés
2.2.2. Caractérisation biochimique des amandes et de la pulpe
2.2.2.1. Mesure du potentiel en matière grasse des amandes
2.2.2.2. Détermination des sucres totaux de la pulpe
2.2.2.3. Teneur en eau de la pulpe et des amandes
2.2.2.4. Mesure de l’acidité de la pulpe
2.2.2.5. Teneur en cendre de la pulpe
2.2.3. Analyse des données
III. Résultats
3.1. Caractérisation des ethno-variétés à partir des paramètres biométriques des fruits et des noix
3.1.1. Analyses uni-variées
3.1.1.1. Analyses de variances
3.1.1.2. Valeurs moyennes des variables mesurées par ethno-variétés
3.1.1.3. Comparaison des moyennes des variables biométriques
3.1.2. Analyses multi variées
3.1.2.1. Analyses en Composantes Principales (ACP) des paramètres biométriques
3.1.2.2. Analyses en Composantes Principales (ACP) des formes
3.1.2.3. Classifications Ascendantes Hiérarchisées CAH
3.2. Caractérisation des ethno-variétés à travers les paramètres biochimiques
3.2.1. Analyses de variances
3.2.2. Analyses multi variées
3.2.2.1. Analyses en composantes Principales (ACP)
3.2.2.2. Classifications Ascendantes Hiérarchisées (CAH}
3.3. Caractérisation des ethno-variétés à partir de tous les paramètres
3.3.1. Analyses en Composantes Principales (ACP}
3.3.2. Classifications Ascendantes Hiérarchisées (CAH)
3. 3.3. Régressions
3.3.3.1. Régressions linéaires simples
3.3.3.2. Régressions multiples
IV. Discussion
4.1. Variabilité des caractères biométriques des fruits
4.2. Variabilité des caractères biochimiques de la pulpe
4.3. Variabilité de la teneur en matière grasse des amandes
4.4. Relation entre variables biométriques et les variables biochimiques des fruits
Conclusion
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