Généralités sur la matière organique
La matière organique (MO) est présente dans tous les environnements aquatiques. Elle joue un rôle important dans la circulation des éléments chimiques en général. Plus particulièrement, la MO se retrouve dans les rivières sous deux formes : la forme dissoute (MOD) et la forme particulaire (MOP). Pour faire cette distinction, la MOP est la part de la :MO qui est retenue par un filtre de 0,45 /.Lm et la part non retenue dans le filtreest nommée matière organique dissoute (MOD). La MOD est la part de la MO la plus étudiée à travers le globe (Coble, 1996; Moran, Sheldon et Zepp, 2000; McKnight et al. , 2001 ; Del Vecchio et Blough, 2002; Stedmon et al. , 2003; RetamaI et al. , 2007; Hudson, 2007; Fichot et Benner, 2011). Cette matière est constituée essentiellement d’hydrogène de carbone, d ‘azote, de phosphore et de divers métaux (Hedges et al., 2002). Ces éléments sont à la base des réseaux trophiques dans les écosystèmes. La composition élémentaire et la concentration de la MO sont extrêmement variables et dépendantes des sources (par ex. terrestre, aquatique), de la température, du pH, de la concentration et le type d’ions dans l’eau ainsi que de la chimie de surface des sédiments. Ces facteurs jouent divers rôles sur le contrôle de la dissolution et des processus de dégradation et de production photochimique et biologique (Leenheer et Croué, 2003). Plus particulièrement , la MOD est le produit de la dissolution de gaz et de poussières atmosphériques, d ‘exsudats des racines, de la litière de feuilles et racines ainsi que de métabolites primaires et secondaires produits par les micro-organismes (Aitkenhead-Petererson, McDowell et Neff, 2003). Dans certains environnements fort ement anthropisés, les activités anthropiques sont une source importante de MO telles que l’azote ou le phosphore organique (Hudson, 2007). Sa composition moléculaire est un mélange complexe de molécules aromatiques, d ‘hydroxydes et d’agrégats hétérogènes (Leenheer et Croué, 2003; Helms et al., 2008). Le poids moléculaire de la matière organique s’échelonne entre quelques centaines de Daltons (Da) à cent mille Da. Les connaissances du cycle de la matière organique permettent de mieux anticiper les cycles biogéochimiques des éléments.
Stœchiométrie de la matière organique
La stoechiométrie de la MO, c.-à-d. la composition atomique relative en C, N et P, est importante pour mieux comprendre le rôle de la matière dans les cycles biogéochimiques globaux (Figure l.1) (Hopkinson et Vallino, 2005). Les travaux pionniers de Redfield (1968) ont suggéré que la matière organique particulaire fraîchement produite dans le milieu marin suivait un rapport C : N : P de 106 : 16 : 1, mieux connu sous le nom de rapport de Redfield. Or il s’avère que la stoechiométrie de la MOD diverge significativement du rapport de Redfield (Hopkinson, Fry et Nolin, 1997; Hopkinson et Vallino, 2005). En effet, la MOD est souvent enrichie en C par rapport à son contenu en N et P. Dans l’océan, cet enrichissement dépend notamment de l’état de dégradation de la matière. Selon Hopkinson et Vallino (2005), en milieu océanique, la MOD fraîchement produite et labile (bio-disponible) présente un ratio C : : P de 199 : 20 : l , alors que la MOD dégradée et réfractaire présente un ratio de 3511 : 202 : l (Figure 1.1). D’autre part, la matière organique terrestre (terrigène, ligneuse) des bassins versants présente une proportion de carbone importante. Cette matière est un puits où est séquestré le carbone (Hopkinson et Vallino, 2005). Lors du lessivage (dissolution) de la MO du sol, celle-ci se retrouve dans les cours d ‘eau. À ce jour, les rapports stœchiométriques moyens de la MOD des rivières du globe restent très mal connus. Les ratios molaires C : N sont généralement plus élevés dans les milieux terrestres. La matière organique d’origine végétale ou ligneuse présente de fortes concentrations de carbone et de faibles concentrations d ‘azote avec des ratio C : N de 200 pour le bois. Au contraire, la MO fraîchement produite, d’origine microbienne ou algale présente une proportion d’azote plus forte avec un ratio C : N de 6 pour le phytoplancton.
Fluorescence de la matière organique dissoute colorée
La deuxième propriété optique utilisée dans cette étude est la propriété de fluorescence de la matière. Ce type de spectroscopie s’intéresse à l’état de vibration d ‘une molécule excitée par l’absorption d’une quantité d ‘énergie (Quantum). Certains atomes peuvent être excités et voir leurs électrons passer à un état énergétique supérieur lors de l’absorption de photons à des longueurs d ‘onde particulières. Le retour de l’électron à son niveau d’énergie d’équilibre engendre l’émission d’énergie électromagnétique d ‘une longueur d’onde plus longue. Dans les années 90, on a mis au point des instruments permettant d’exciter la MOD à différentes longueurs d ‘onde et de mesurer le spectre d ‘émission produit par chaque excitation. Grâce à la sensibilité de cette méthode, il est possible de déterminer la concentration (relative) et la composition (qualitative) de la matière dissoute (Green et Blough, 1994; Coble, 1996; McKnight et al., 2001; Zepp,2003). Les mesures consécutives de nombreux spectres d’émission permettent d ‘obtenir des matrices d ‘excitation et d ‘émission (MEE).
Caractérisation des bassins versants
Les données utilisées pour la description physique des bassins versants sont issues de nombreuses sources. Voici le détail de l’origine des données utilisées dans ce mémoire.
– Les données géographiques des limites des bassins versants ont été obtenues auprès de l’Organisme de Bassins Versants Duplessis (Philippe Bourdon, communication personnelle, 2012).
– Le modèle numérique d’élévation (MNE) a été produit par le Service Canadien des forêts. Il est dérivé de données numériques d’élévation du Canada (DNEC).
– La classification de la couverture du sol du Canada a été réalisée par le Ministère des ressources naturelles du Canada à l’aide des données satellitaires du capteur Moderate Resolution Imaging Spectroradiometer (MODIS) de la NASA (Latifovic et al., 2004).
– Les données des ensembles géologiques et des dépôts meubles sont disponibles sur le site Geogratis du Ministère des ressources naturelles du Canada.
– Les données du débit des rivières naturelles ont été obtenues du Centre d’expertise hydrique du Québec (CEHQ). Pour les rivières naturelles non équipées d’une station de jaugeage, le débit moyen a été estimé à l’aide d ‘un produit entre le débit spécifique des bassins versants adj acents et la surface du bassin versant étudié. Le débit spécifique (m3 s- 1 km- 2 ) des rivières est calculé en divisant chaque débit avec la surface des bassins versants.
– Les données du débit des rivières harnachées ont été fournies par Hydro-Québec. Une fois les données acquises, celles-ci ont été traitées et utilisées pour obtenir la description complète de chaque bassin versant étudié. Les analyses spatiales et les représentations des cartes ont été réalisées sur le logiciel ArcGis (ESRI) et R (R Development Core Team, 2011). Le calcul des pentes des bassins versants et les statistiques zonales de la couverture des sols ont été réalisés avec l’extension Spatial Analyst (ArcMAP 10.1), respectivement à partir du modèle numérique d’élévation et de l » atlas canadien de la couverture des sols. Les calculs statistiques et les représentations graphiques des données numériques ont été réalisés à partir du logiciel de statistiques R (R Development Core Team, 2011) .
Export à l’estuaire manritime et à la partie Nord du golfe du SaintLaurent
Les calculs des flux ont mis en évidence qu’une grande quantité de matières est exportée par les rivières vers le fleuve pour l’année 2010-2011. Les études réalisées en 1982 (Walsh et Vigneault, 1986), en 1985 (Pocklington, 1987) et en 1992 par le ministère de l’Environnement du Québec (Ministère des ressources naturelles et de l’environnement, 1993) pour les rivières de la Côte- ord, donnent des concentrations en carbone organique significativement plus faibles que l’étude actuelle. Les biais observés peuvent être d ‘origine environnementale ou issus des manipulations, les techniques utilisées à l’époque n’étant pas les mêmes que pour la présente étude. Seulement, lors du suivi bimensuel de la rivière Moisie , il apparaît clairement que les coefficients d’absorption sont significativement corrélés avec les débits (données de 2013 non publiées) . Dans l’environnement immédiat des rivières de la Côte-Nord, la rivière Saguenay est une très grand source de matière organique. Pour avoir un bilan total des apports dans l’estuaire, il serait justifié d ‘inclure cette rivière dans les échantillonnages. Cette rivière ainsi que celles présentées dans ce mémoire sont assez grandes pour influencer les concentrations de nutriments et la pénétration de la lumière dans le fleuve.
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Table des matières
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE l ÉTAT DES CONNAISSANCES
1.1 Généralités sur la matière organique
1.2 Composition élémentaire de la matière organique
1.2.1 Stœchiométrie de la matière organique
1.3 Composition moléculaire de la matière organique
1.4 Les propriétés optiques de la matière organique
1.4. 1 Absorption de la matière organique dissoute colorée
1.4.2 Fluorescence de la matière organique dissoute colorée
1.5 Influence du paysage sur la matière organique
1.6 Sommaire
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE
2.1 Sites d ‘étude
2.1.1 Localisation
2.1.2 Caractérisation des bassins versants
2.2 Stratégie d ‘échantillonnage
2.3 Mesures in situ, collecte et conditionnement des échantillons
2.3.1 Mesures à l’aide de la sonde YSI
2.3.2 Spectrophotomètre in situ: a-Sphere
2.3.3 Spectrofluorimètre in situ: ECO Triplet
2.3.4 Collecte des échantillons
2.4 Analyses en laboratoire
2.4.1 Matière particulaire en suspension
2.4.2 Chlorophylle cr
2.4.3 Cytométrie
2.4.4 Éléments chimiques
2.4.5 Propriétés optiques
2.5 Estimation des flux d ‘éléments entre le continent et la zone côtière
2.6 Analyses statistiques
2.6.1 Analyses PARAFAC
2.6.2 Relations entre les propriétés optiques et chimiques.
CHAPITRE III RÉSULTATS
3.1 Caractérisation du site d’étude
3.l.1 Variables surfaciques
3.l.2 Variables hydrologiques et météorologiques
3. l.3 Variables physico-chimiques
3.2 Propriétés chimiques
3.2.1 Variations intra-rivière
3.2.2 Nutriments inorganiques
3.2.3 Nutriments organiques
3.2.4 Matières en suspension
3.3 Propriétés optiques de la MODC
3.3.1 Absorption
3.3.2 Fluorescence
3.3.3 Variabilité du rendement quantique de fluorescence de la MODC des rivières de la Côte-Nord
3.4 Relations entre les propriétés optiques et chimiques de la MOD
3.4.1 Relations entre le COD et le coefficient d’absorption
3.4.2 Relations entre le COD et la fluorescence
CHAPITRE IV DISCUSSION
4.1 Comparaison entre les rivières naturelles et harnachées
4.l.1 Export à l’estuaire maritime et à la partie Nord du golfe du SaintLaurent
4.2 Variabilités saisonnières et spatiales des propriétés de la MODC
4.3 Relations entre les propriétés chimiques et optiques de la matière
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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