L’océan Austral
Introduction
Antarktos, pendant austral d’Arktos, est le nom inventé par les savants grecs pour désigner le continent Antarctique. Ceux-ci imaginèrent l’existence, au sud, d’une masse d’équilibration des masses continentales de l’hémisphère nord, déduction découlant de la sphéricité de la Terre. Lorsque Magellan franchit en l’an 1520 le détroit qui porte désormais son nom, il s’engagea dans l’océan qui ceinture « la Terre inconnue selon Ptolémée » sans savoir si la Terre de Feu était une île ou l’extrémité d’un continent austral. L’expédition put ainsi boucler le premier tour du monde parvoie maritime. En 1578, Francis Drake leva ce doute en passant au sud de la Terre de Feu et en déduisit l’existence, plus au sud, de la Terra Australis Incognita (Fieux, 2010). Cette découverte marqua le début des grandes explorations de l’océan Austral auxquelles sont associées les noms de marins et explorateurs illustres tels Cook, Kerguelen, Weddell, Dumont d’Urville, Amundsen, Charcot, Shackelton… La conquête impérieuse vers le continent Antarctique que se disputaient les différentes nations européennes permit de conduire plusieurs expéditions océanographiques dont celle du navire anglais Challenger de 1872 à 1876 qui marqua le début de l’observation de l’océan dans sa profondeur. Toutefois, la présence des vents violents et de la glace de mer n’octroyèrent une connaissance hydrologique de l’océan Austral que tardivement au regard des autres océans. Des accords internationaux furent adoptés pour mettre en place un réseau de collectes scientifiques de données hydrologiques et biologiques telles celles ré-5 coltées par les océanographes anglais entre 1925 et 1939 dans le cadre du Discovery Commitee (1923) ou celles conduites par les américains entre 1962 et 1972 dans la continuité de l’Année Géophysique Internationale (1957). Plus récemment, la mise en place en 1999 du programme international Argo a permis le déploiement de 3000 flotteurs dont une partie dans l’océan Austral offrant une couverture spatio-temporelle à plus haute-fréquence que ne peuvent fournir les navires océanographiques.
Description générale
Contrairement aux autres océans, l’océan Austral se distingue par une relative uniformité de son climat, de sa circulation et de son hydrologie. Sa superficie représente environ 20% de la surface océanique totale. Sa situation polaire, isolée des autres continents, conditionne la circulation annulaire qui le caractérise, faisant de lui un océan circumpolaire. Il interconnecte, singulièrement, les trois grands bassins océaniques l’océan Atlantique, l’océan Indien et l’océan Pacifique. Les vents violents d’ouest, 40 èmes rugissants et 50 èmes hurlants, qui soufflent dans cette région pilotent le plus puissant des courants océaniques, le courant circumpolaire antarctique (ACC, dans ce document, tous les acronymes sont cités en anglais pour rester consistent avec la littérature de référence). Circulant d’ouest en est, ce fort courant ceinture le continent Antarctique sur plus de 21000 km. Il transporte en moyenne près de 130 millions de mètre cube d’eau chaque seconde (Sv). Son débit est estimé à Sv au passage de Drake, au sud du cap Horn (Whitworth III, 1983; Whitworth III et Peterson, 1985; Cunningham, 2003) et atteint 147 Sv au sud de la Tasmanie (Rintoul et Sokolov, 2001). Au nord, sa limite hydrologique est le front subtropical (STF) situé vers 40°S. Au sud, le continent Antarctique est la frontière physique, la variabilité saisonnière de la couverture de glace de mer marque la limite de surface des échanges air-mer. Entre ces deux limites, l’océan Austral présente différentes provinces hydrologiques et biogéochimiques. Trois fronts hydrologiques caractérisés par de forts gradients latitudinaux de température et de salinité, marquant une discontinuité entre les masses d’eau, séparent cette région en quatre zones clés. Du nord au sud :
• la zone subtropicale (STZ) entre 30°S et 40°S, avec des eaux chaudes et salées, issues de la partie sud des gyres anticycloniques des bassins Atlantique, Indien et Pacifique. Des vents defaible intensité y soufflent, la colonne d’eau est particulièrement stratifiée isolant les eaux de surface des eaux sous-jacentes. Il est à noter que les caractéristiques hydrologiques des eaux de surface sont, au premier ordre, dépendantes des conditions météorologiques. Ces conditions déterminent les variations des gradients verticaux en température et en salinité des eaux de surface par rapport aux eaux de subsurface qui, isolées des variations atmosphériques, conservent leur propriétés hydrologiques. Vents et températures contribuent à l’évaporation de l’eau de mer augmentant la salinité et la température des eaux de surface. Les pluies et la fonte de la glace de mer diminuent la salinité de ces eaux. La formation de glace de mer rejette le sel contenu dans l’eau de mer accroissant la salinité de la couche de surface sous la banquise formée. Ces processus modifient les propriétés hydrologiques des eaux de surface et intensifient ou diluent le contraste entre les eaux de surface et les eaux de subsurface définissant le degré de stratification c’est-à-dire d’isolement entre ces deux couches.
Production primaire, pompe biologique et rôle du fer
La production primaire
La production primaire est l’assimilation par les organismes autotrophes de la matière minérale présente dans l’eau de mer, c’est-à-dire la synthèse de carbone organique par le phytoplancton.
Cette synthèse est fonction de la disponibilité en lumière et en nutriments et sa variabilité décrit une saisonnalité représentative du couplage des dynamiques océanique et atmosphérique de la région considérée. Ces conditions initient le début des efflorescences alors que les facteurs environnementaux et écologiques déterminent l’amplitude, l’intensité et la durée de celles-ci (Boyd et al., 2012a).
L’apport d’énergie, sous forme de lumière, permet à ces organismes de photosynthétiser leur propre matière organique selon la formule suivante :
La dynamique physique océanique entraîne, vers la surface, les sels minéraux (N, P, Si, Fe) nécessaires à la production primaire. Cette disponibilité définit le premier des trois termes de limitation de cette production, la limitation en nutriments. Le déplacement des cellules de phytoplancton dans la zone euphotique permet à celles-ci la récolte de la lumière nécessaire à leur activité photosynthétique. La limitation par la lumière est le couplage entre cette dynamique et la variabilité saisonnière de la durée du jour. Le troisième terme de limitation est celui de la température. Le taux de croissance du phytoplancton évolue en fonction de la température de l’eau de mer, chaque espèce de phytoplancton ayant une plage de croissance optimale correspondant à une gamme de température (Figure I.3, Eppley (1972).
Le fonctionnement de la pompe biologique
Le phytoplancton océanique participe à près de 50 % de la totalité de la production primaire nette globale (Field et al., 1998) et constitue le premier maillon de la chaîne trophique des écosystèmes marins.
La limitation par le fer
Le fer, quatrième élément le plus abondant de la croûte terrestre (Wedepohl, 1995), est présent à des concentrations extrêmement faibles dans la plupart des océans. Sa distribution verticale décrit un profil typique des nutriments principaux (phosphate, nitrate et silicate) avec de faibles concentrations en surface et de plus fortes concentrations en profondeur illustrant son rôle biologique (Martin et al., 1993; Johnson et al., 1997). Son temps de résidence est de l’ordre de 100 à 200 ans(Bruland et al., 1994), un ordre de grandeur inférieur à celui de la circulation océanique (~1000 ans). Ceci explique les faibles concentrations en fer dissous dans les eaux profondes, liées à l’âge de ces masses d’eau. Les eaux polaires et subpolaires, éloignées des régions arides sont caractérisées par un faible apport extérieur en fer issu des dépôts de poussières (Wagener et al., 2008). Dans l’océan Austral, les concentrations en fer dissous dans la couche de surface varient de 0.07 à 0.34 nmol/l (Measures et Vink, 2001).
Production primaire, pompe biologique et rôle du fer
La question de la faible production primaire observée dans l’océan Austral a été élucidée par Martin et al. (1990) qui avança le rôle limitant du fer au sein de ces eaux riches en nutriments levant le voile sur ce paradoxe. Ainsi, Martin (1990) avança l’hypothèse du rôle de la disponibilité plus élevée en fer dans l’océan Austral (iron hypothesis) et de la contribution significative de la pompe biologique dans la variation des concentrations de CO2 atmosphérique entre le dernier maximum glaciaire (200 ppm) et la période interglaciaire (280 ppm). Dans la continuité de ces résultats, différentes expériences de fertilisation artificielle par le fer ont été réalisées dans plusieurs provinces de l’océan Austral révélant plus encore le rôle de limitation sur la production primaire de ce dernier telles que : SOFex (Southern Ocean Iron Enrichment Experiment) dans le secteur pacifique (Coale et al., 2004), SOIREE (Southern Ocean Iron-Release Experiment) dans le secteur indien (Boyd et al., 2000) et EisenEx dans le secteur atlantique (Smetacek, 2001; Bozec et al., 2005). Toutefois, ce rôle de limitation n’est que partiellement levé. Les sources de fer y sont multiples avec différentes signatures temporelles (saisonnières, épisodiques) et différents gradients spatiaux (Johnson et al.,1997; Measures et al., 2008). Les études menées depuis 30 ans sur son rôle ont mis en avant des liens intrinsèques entre les différents processus biologiques et sa chimie faisant de l’étude de la biogéochimie océanique du fer un domaine de recherche interdisciplinaire essentiel dans la compréhension du cycle du carbone océanique (Aumont et Bopp, 2006; Boyd et Ellwood, 2010). Des thèmes émergents ont vu le jour comme la demande en fer (Fung et al., 2000), la physiologie algale (Boyd, 2002), les sources de fer (Martin et Gordon, 1988; van der Merwe et al., 2015), le rôle de la circulation océanique (Moore et al., 2002; Parekh et al., 2004), la complexation du fer avec les ligands organiques (Rue et Bruland, 1995; Barbeau et al., 2001), le destin du fer particulaire (Frew et al., 2006), la contribution des cétacés (Ratnarajah et al., 2016) ou des icebergs géants (Duprat et al., 2016) à la disponibilité en fer dans les eaux de surface et la modélisation de la biogéochimie de son cycle océanique (Aumont et Bopp, 2006).
Dans l’océan Austral, lors de la période de forte de production, on estime de 50% à 80% le fer absorbé par le phytoplancton issu du fer régénéré dans la couche de mélange de surface (Bowie et al., 2001; Sarthou et al., 2008). Cette disponibilité est entretenue par une reminéralisation du contenu biogénique du fer sur des durées de la journée à quelques jours contrôlée, entre autres, par la pression de broutage du zooplancton (Sarthou et al., 2008) et l’activité microbienne (Strzepek et al., 2005; Boyd et al., 2012b). Des ligands sont synthétisés par les bactéries autotrophes et hétérotrophes facilitant l’acquisition du fer par le phytoplancton avec, pour effet, le maintien du fer dans la couche de surface.
En hiver, une restauration par entrainement du contenu en fer dissous de la couche de surface est réalisée lors de l’approfondissement de la base de cette couche permettant d’atteindre la ferricline (Figure I.6), profondeur du gradient vertical maximum de concentration de fer (Tagliabue et al., 2014).
Nous le voyons, pour comprendre et quantifier les mécanismes qui contribuent à la variabilité de la pCO2 dans l’océan Austral, il faut aussi s’intéresser au cycle océanique du fer. Toutefois, son rôle soulève encore de nombreuses questions non résolues sur son cycle, son implication dans le cycle du carbone, son couplage limitant avec d’autres nutriments et les formes de ce dernier pouvant être assimilées par les cellules des différentes espèces de phytoplancton de l’écosystème marin (Bowie et al., 2009; Boyd et Ellwood, 2010; Moore et al., 2013; Boyd et al., 2015b).
Description succincte de la variabilité de la pCO2 dans l’océan Austral
Les variations de concentrations de CO 2 dans l’atmosphère s’homogénéisent bien plus rapidement que dans l’océan. La pCO2 de surface de l’eau de mer varie fortement en temps et en espace, reflétant la variabilité des paramètres physiques et chimiques dont elle dépend. Étudier la variabilité saisonnière de la pCO océan 2 c’est étudier les différentes contributions relatives de chacun de ces processus tout au long de l’année. Les campagnes d’observations issues du programme Océan Indien Service d’Observation (OISO) effectuées chaque année depuis 1998, ont apporté un éclairage sur la variabilité de la pCO2 et des facteurs qui la contrôlent dans ce secteur qui comprend le plateau de Kerguelen (Metzl, 2009; Lo Monaco et al., 2014). Ainsi, dans le secteur indien de l’océan Austral sont observés des flux de CO2 négatifs en été et des flux hivernaux positifs avec un bilan annuel globalement négatif (Metzl et al., 2006; Takahashi et al., 2009). Dans la STZ, le cycle saisonnier est piloté par la SST (Metzl et al., 1995, 2006). Entre 35°S et 50°S, dans la zone SAZ, il est difficile d’observer une saisonnalité clairement définie, l’amplitude de sa variabilité étant bien plus faible que dans la STZ. De plus, dans cette région comprenant le SAF, la description de la variabilité saisonnière est plus complexe car marquée par l’antagonisme de la transition entre une saisonnalité contrôlée au premier ordre par la SST et celle gouvernée, en été, par l’activité biologique et la dynamique de la couche de mélange en hiver. Une grande variabilité spatiotemporelle de pCO2 avec d’importants gradients méridiens caractérise cette zone et, ce, à chaque saison (Poisson et al., 1993; Metzl et al., 1995, 2006; Metzl, 2009). De plus, cette zone présente une importante variabilité à méso-échelle dans la zone frontale de l’ACC (Park et al., 2008a; Gille et al., 2014; Rosso et al., 2014). La PFZ présente un cycle saisonnier de faible amplitude, mais clairement défini avec un maximum en hiver et des valeurs minimales à la fin du printemps et au début de l’été traduisant l’influence majeure de la production primaire. L’approfondissement de la MLD contribue à part égale avec la pompe de solubilité à cette variabilité en automne et en hiver. Au delà de 55°S, dans la zone antarctique, le cycle saisonnier des observations est très marqué avec un dégazage important de CO 2 océanique durant l’hiver austral et ce, jusqu’au début du printemps. La dynamique de la couche de mélange océanique joue un rôle prépondérant en hiver entraînant vers la surface des concentrations élevées de DIC et d’alcalinité de subsurface.
Dans la SAZ du secteur pacifique, entre 40°S et 55°S, le cycle saisonnier de la pCO2 calculé à partir des observations de DIC, SST et SSS issues des bouées dérivantes CARIOCA et de données de navires océanographiques décrit un cycle proche de l’équilibre en hiver avec l’atmosphère et un puits significatif lors de l’activité biologique de printemps (Barbero et al., 2011). Une autre étude de données à haute résolution réalisée dans le secteur Pacifique de la SAZ, au sud de la Tasmanie, fait état d’une amplitude du cycle saisonnier de la pCO2 de l’ordre de 60 µatm avec une contribution biologique 4 fois plus importante (~100 µatm) que la composante thermique en été. Un retour à l’équilibre avec la pCO2 de l’atmosphère est atteint à la fin de l’hiver pilotée par la dynamique hivernale de la MLD(Shadwick et al., 2015).
L’océan Austral dans le système climatique
Bien que le plus éloigné des activités humaines, l’océan Austral est le plus sensible au changement climatique (Sarmiento et al., 1998, 2010). Sa capacité d’absorption du carbone anthropique et l’évolution de ce puits font l’objet d’estimations constantes depuis les deux dernières décennies. Sa contribution à la mitigation de l’augmentation du CO 2 anthropique dans l’atmosphère est évaluée de 30% à 40% du puits océanique total (Sabine et al., 2004; Mikaloff Fletcher et al., 2006; Gruber et al., 2009; Frölicher et al., 2015). Comme dans la partie nord de l’océan Atlantique où les observations entre 1990 et 2006 ont montré une diminution du puits océanique du CO 2 atmosphérique de l’ordre de 50% aux hautes latitudes (Schuster et al., 2009), et ce, à différentes échelles, celui de l’océan Austral a décliné au cours des années 1980 jusqu’au début des années 2000, associé à une intensification du mode annulaire austral (Lenton et Matear, 2007; Le Quéré et al., 2007), principal mode de variabilité climatique de l’hémisphère sud (Hall et Visbeck, 2002; Thompson et Solomon, 2002). Durant les phases positives de ce mode, on observe une intensification des vents zonaux d’ouest, un déplacement vers le sud, autour de 60°S, des tensions maximum de vent associées à des anomalies négatives de vents d’est, plus au nord, vers 35°S (Thompson et Solomon, 2002). Une des conséquences de ces phases positives est une remontée, vers la surface, des eaux de fond riches en DIC et induisant un dégazage excessivement anormal de CO 2 naturel (Lenton et Matear, 2007; Lovenduski et al., 2007). Les estimations effectuées à partir des données d’observations et de différentes méthodes d’évaluations au moyen de modèles de simulations et de méthodes d’inversions atmosphériques et océaniques, synthétisées par (Lenton et al., 2013) permettent d’appréhender l’éventail de la plage de fluctuations de l’évaluation de ce puits (Figure I.9). Celui-ci est estimé, entre 44°S et 75°S, à 0.42 ± 0.07 PgC/an pour les modèles et 0.27 ± 0.13 PgC/an pour les observations pour la période 1990-2009. Une évaluation issue des modèles du Coupled Model Intercomparison Project Phase 5 (CMIP5) l’estime, au sud de 30°S, à 0.82 ± 0.08 PgC/an (Frölicher et al., 2015) pour la période 1986-2005. Tagliabue et al. (2009) quantifient ce puits autour de 0.05 PgC/an au sud de 50°S alors qu’une une estimation plus récente (Landschützer et al., 2015) de la capacité d’absorption du CO 2 atmosphérique réalisée à partir d’une nouvelle méthode d’interpolation des données d’observations (technique de réseau neuronal) évalue ce puits à 1,2 PgC/an au sud de 35°S pour l’année 2011 et révèle ainsi une ré-intensification de ce dernier.
Le modèle PISCES (Pelagic Interaction Scheme for Carbon and Ecosystem Studies)
Dans NEMO, les cycles biogéochimiques océaniques sont calculés par le modèle PISCES (Aumont et Bopp, 2006; Aumont et al., 2015). Ce modèle simule les échelons trophiques inférieurs des écosystèmes marins, les cycles biogéochimiques du carbone et des principaux nutriments (P, N, Si, Fe). 24 variables prognostiques le constituent dont deux groupes fonctionnels de phytoplancton (nano-phytoplancton, diatomées), deux classes de tailles de zooplancton (micro-zooplancton, mésozooplancton) et une description de la chimie des carbonates (Figure II.1). Les variables prognostiques sont calculées explicitement par le modèle à chaque pas de temps.
La formulation dans PISCES est, d’une part, basée sur l’hypothèse d’un rapport relativement constant dans la matière organique océanique, selon la formulation des modèles océaniques de Monod (1942). Les rapports stoechiométriques C/N/P sont fixes suivant un rapport de Redfield constant.
Pour chaque atome de P, il y a 16 atomes de N et 122 atomes de C (Takahashi et al., 1985). Le taux de croissance du phytoplancton est limité par la disponibilité externe en N, P et Si (Si, uniquement pour les diatomées). D’autre part, les quotas cellulaires en fer et en silice sont variables et le taux de croissance du phytoplancton est limité par la disponibilité interne en fer selon la formulation du modèle océanique de quota proposé par Droop (1983). PISCES peut être appréhendé comme un compositedes approches des modèles océaniques de Monod (1942) et de quota (Droop, 1983).
La configuration 1D : modélisation de la colonne d’eau
La configuration à une dimension verticale de modélisation de la colonne a été mise en place par Joan Llort (Llort, 2015) durant sa thèse au LOCEAN (2011-2014). Elle lui a permis d’étudier les processus initiant les efflorescences de phytoplancton aux hautes latitudes, plus spécifiquement dansl’océan Austral. Ces résultats apportent un nouvel éclairage sur le débat en cours sur les processus qui contrôlent les différentes phases des efflorescences de phytoplancton (déclenchement, augmentation et déclin) dans ce secteur océanique et sujet de plusieurs études et théories émergentes (Sverdrup, 1953; Boss et Behrenfeld, 2010; Behrenfeld et Boss, 2014; Ferrari et al., 2015; Lévy, 2015; Llort et al., 2015).
Cette approche simplifiée de la problématique a été adoptée pour circonscrire dans un premier temps cette étude aux processus verticaux et à l’évaluation de leur contribution sur la variabilité de la pCO2 . Techniquement, cette méthodologie permet d’aborder plus aisément le fonctionnement d’un modèle de simulation et son architecture. Enfin, des tests de sensibilité et de validation spécifiques peuvent être réalisés tout en bénéficiant des fonctionnalités du code du modèle 3D mais avec des ressources systèmes peu élevées donc peu onéreuses en termes de temps et de coût.
L’outil de modélisation de la colonne d’eau à une dimension verticale ne prend en compte que les transports de diffusion verticaux et l’énergie cinétique turbulente. Les mélanges latéraux et l’advection ne sont pas considérés. Les conditions latérales aux frontières du domaine sont fixées à des valeurs nulles, agissant comme des murs virtuels pour le modèle. Cette configuration est offline, les champs physiques ne sont pas calculés mais prescrits par l’intermédiaire de fichiers de forçagesque l’on peut modifier en fonction des besoins. Ces fichiers fournissent au modèle les valeurs des variables qui caractérisent la dynamique physique océanique (température, salinité, vitesse des courants, vitesse du vent, profondeur de la couche de mélange, énergie cinétique turbulente, radiation photosynthétique disponible… ) et, ce, à chaque pas de temps. Du point de vue de la biogéochimie marine, le modèle est initialisé à partir de fichiers fournissant les profils verticaux climatologiques des concentrations de NO 3, PO 4 , Si, Fe, 0 2 , DIC et d’alcalinité issus de produits d’observations ou de « sorties » de modèles. Il est ainsi possible d’adresser aux modèles des conditions physiques et biogéochimiques qui caractérisent une région ou un secteur océanique.
Initialisation et rappel aux états initiaux en nutriments
Dans l’approximation 1D réalisée, à l’exception des processus de reminéralisation dans la couche de surface, seuls les processus diffusifs verticaux permettent la remontée des nutriments afin de restaurer leurs concentrations en surface. Or, ces processus sont très lents au regard de l’échelle de temps considérée, la saisonnalité. Leurs vitesses caractéristiques ne permettent pas de retrouver l’état moyen du contenu en nutriments à la surface au cours d’un cycle annuel. De plus, bien que le point d’étude se situe dans la zone de fronts entre les masses d’eau de la zone subantarctique et de la zone du front polaire, la station n’est pas spécifiquement une station 1D, l’advection horizontale des traceurs y est prépondérante. Cet ensemble de processus manquants est partiellement compensé par un rappel aux climatologies des états initiaux des nutriments, de l’oxygène, du DIC et de l’alcalinité. Ce rappel permet d’équilibrer les budgets globaux en sels nutritifs, DIC et alcalinité année après année et de simuler des états saisonniers plus réalistes dans le contexte de notre étude.
|
Table des matières
Table des figures
Liste des tableaux
Liste des abréviations
Introduction
I Contexte général : état de l’art
I.1 L’océan Austral
I.1.1 Introduction
I.1.2 Description générale
I.2 Production primaire, pompe biologique et rôle du fer
I.2.1 La production primaire
I.2.2 Le fonctionnement de la pompe biologique
I.2.3 La limitation par le fer
I.3 Dynamique de la couche de mélange de surface
I.4 La pression partielle de surface de CO 2 océanique (pCO2 )
I.5 La chimie des carbonates
I.6 Description succincte de la variabilité de la pCO2 dans l’océan Austral
I.7 L’océan Austral dans le système climatique
I.8 Les modèles du système Terre
I.9 Le plateau de Kerguelen : une dynamique singulière
II Méthode et observations
II.1 Introduction
II.2 Modèles
II.2.1 Introduction à la modélisation
II.2.2 Le modèle NEMO (Nucleus for European Modelling of the Ocean)
II.2.3 Le modèle PISCES (Pelagic Interaction Scheme for Carbon and Ecosystem Studies)
II.2.4 Formulation du taux de croissance du phytoplancton
II.3 La configuration 1D : modélisation de la colonne d’eau .
II.3.1 Mise en place de la configuration 1D
II.3.2 Point d’étude de la configuration 1D
II.3.3 Fichiers de forçage dynamique
II.3.4 Initialisation et rappel aux états initiaux en nutriments
II.4 La configuration 3D : circulation océanique du système Terre
II.4.1 Mise en place de la configuration
II.4.2 Fichiers de forçages dynamique et d’initialisation biogéochimique
II.4.3 Paramétrisations caractéristiques de la physiologie algale dans l’océan Austral
II.5 Les observations
II.5.1 Les données d’observations de pCO2
II.5.2 Les données satellitaires de chlorophylle de surface
III Modèle 1D : Résultats
III.1 Description de l’état moyen des termes de limitation à la station de la version standard
de NEMO-PISCES
III.2 Étude de processus
III.2.1 Test de sensibilité à la formulation du taux de croissance du phytoplancton
III.2.2 Tests de sensibilité à la disponibilité en fer
III.2.3 Test de sensibilité à la limitation de l’export de carbone organique particulaire
III.2.4 Test de sensibilité à la pression de broutage du zooplancton
III.2.5 Test de sensibilité à la paramétrisation du taux de croissance maximum du phytoplancton
III.2.6 Conclusions
III.3 Paramétrisation de la physiologie des diatomées dans l’océan Austral
III.3.1 Nouvelle paramétrisation du taux de croissance des diatomées
III.3.2 Contrôle de la biomasse des diatomées
III.3.3 Limitation hivernale de la production primaire
III.3.4 Résultats de la nouvelle paramétrisation
III.4 Conclusions
IV Variabilité saisonnière de la pression partielle de CO 2 dans l’océan Austral : le rôle-clé de l’adaptation des diatomées à la faible disponibilité en fer
IV.1 Introduction
IV.2 Méthode
IV.3 Résultats
IV.4 Discussion
IV.5 Conclusion
V Synthèse, conclusion et perspectives
V.1 Production primaire dans l’océan Austral : les rôles essentiels du fer et des diatomées
V.2 La zone Antarctique : une dynamique opaque à résoudre
V.3 Les modèles d’étude du climat : une réponse potentielle aux désaccords
V.4 Perspectives
V.4.1 Les facteurs physiologiques à l’échelle globale
V.4.2 Adaptation physiologique et changement climatique
V.5 Pour conclure
Bibliographie
Annexe
Seasonal variability of pCO2 in the Southern Ocean : the key role of diatoms adaptation to low iron