Transport à grande échelle
Le transport à grande échelle relie les différentes régions sources de l’ozone. Aux moyennes latitudes, les circulations de grande échelle se développent au voisinage d’une perturbation barocline. Celle-ci se caractérise par un front chaud, un front froid et un secteur chaud entre les deux fronts dont le développement correspond à celui de la dépression. Ainsi, trois types de circulation agéostrophiques sont distingués, à savoir, le Warm Conveyor Belt (WCB), le Cold Conveyor Belt (CCB) et l’intrusion sèche (DI ou DA) (Figure 1.8). Le WCB permet de transporter de l’air chaud et humide depuis la zone anticyclonique à l’est de la perturbation où les polluants secondaires comme l’ozone peuvent éventuellement s’accumuler. Le CCB permet de transporter des masses d’air à travers la zone frontale et comme pour le WCB permet d’alimenter la perturbation avec de l’air provenant de la région anticyclonique à l’avant du front chaud. L’intrusion d’air sec permet un transport d’air vers la moyenne troposphère depuis la tropopause où l’air est riche en ozone et pauvre en humidité et en polluants primaires tels que les hydrocarbures et les oxydes d’azote. Dans l’hémisphère nord, les masses d’air advectées peuvent se déplacer rapidement au travers de continents grâce aux jet arctique, polaire et subtropical correspondant aux valeurs maximales du vent zonal (Figure 1.9). Ils sont situés sous la tropopause et permettent des échanges zonaux plus rapides que les temps caractéristiques des phénomènes chimiques.
Stations de surface
La première station de surface mesurant l’ozone troposphérique est la station de l’observatoire Montsouris (1876-1907), à Paris, mise en place par A. Levy et donnant des valeurs d’ozone autour de 10 ppbv en moyenne sur une période de 30 ans. Deux techniques de mesure en surface sont la technique optique et la technique physicochimique. Les premiers instruments dotés de la première technique sont déployés au début des années 1930 à Arosa (Suisse). Et ceux dotés de la seconde technique ont été utilisés au milieu des années 1930 dans les Tatras (Pologne). Les résultats de mesure oscillent entre 20 et 30 ppbv. Des mesures à Jungfraujoch (Suisse) débutent également dans ces années-là donnant des valeurs moyennes de 30 ppbv. Au XXIe siècle, des études ont montré des valeurs plus élevées de l’ordre de 60 ppbv. En Europe, l’étude de Oltmans et al. (2006) montre qu’à Zugspitze (Allemagne, environ 3 km d’altitude, région continentale) les moyennes mensuelles d’ozone augmentent entre les périodes 1985-1994 et 1995 2004 jusqu’à 2 ppbv tous les mois sauf en juillet. Les moyennes mensuelles passent par un maximum au printemps/été et un minimum en automne/hiver. Les études de Chevalier et al. (2007) sur les mesures à Zugspitze, de Cui et al. (2011) sur les mesures à Jungfraujoch (3.6 km d’altitude) et de Derwent et al. (2007) sur les mesures à Mace Head (Irlande, 8 m d’altitude) montrent toutes une augmentation d’ozone dans les années 1990 et une diminution ou une faible tendance dans les années 2000. Ordóñez et al. (2007) utilisent les données de mesure dans plusieurs stations suisses et trouvent une tendance positive entre 1992 et 2002 d’environ 0.4 ppbv/an qui est plus importante en hiver (0.69 ppbv/an). Wilson et al. (2012) ont analysé plus finement ces faibles tendances après 1995 et ont mis en évidence des signes différents de tendance d’ozone avec des tendances faibles ou négatives en Espagne et en Hongrie et des tendances positives en Europe centrale (Figure 1.17). L’étude de Parrish et al. (2012) qui est une analyse comparative directe entre les stations européennes, nord américaines et japonaises, montrent qu’à la différence des deux premières régions où les tendances d’ozone de surface sont faibles ou négatives après 2000, au Japon (Mt. Happo), elles restent significativement positives notamment au printemps et en été. Pour analyser l’évolution de l’ozone en surface avant d’être influencé par les émissions européennes, l’étude de Oltmans et al. (2006) sur les mesures à Mace Head (nord-est de l’Atlantique), Izana (Espagne, au large des côtes marocaines, environ 3 km d’altitude, sud-est de l’Atlantique) et aux Bermudes (Grande Bretagne, au large des Etats-Unis, milieu ouest de l’Atlantique), montre une augmentation d’ozone entre 2-3 ppbv pour Izanaet 5 ppbv pour les deux autres sites entre les périodes 1987-1994 et 1995-2004. Les différences d’ozone entre les périodes sont plus faibles voire inexistantes pour les mois d’été. Les variations saisonnières avec un maximum au printemps et un minimum en été pour Mace Head et les Bermudes sont différentes de celles trouvées à Izana qui présente un maximum au printemps/été et un minimum en automne/hiver. Les stations de surface sont les seuls outils capables de nous donner un suivi de l’ozone sur une période d’un siècle. Les concentrations d’ozone ont doublé ou triplé pendant cette période (Figure 1.18). Au cours des deux dernières décennies, différentes études s’accordent à dire que l’ozone en surface en Europe et en Atlantique a augmenté significativement jusqu’au début des années 2000. Certaines y précisent que cela est surtout observé pour les mois d’hiver. Puis, les tendances s’affaiblissent ou deviennent négatives. Néanmoins, une étude plus poussée montre des différences dans le signe des tendances selon les régions d’Europe dont certaines sont moins bien représentées que d’autres. En Asie, les tendances sont toujours positives.
Asie et Amérique du Nord
Si l’on s’intéresse aux autres régions sources d’ozone comme l’Asie et l’Amérique du Nord, des différences dans la variabilité de l’ozone sont observées. D’après l’étude de Oltmans et al. (2006), qui utilisent les données de quatre stations bien réparties sur le Japon (Sapporo, Tsukuba, Kagoshima et Naha), l’ozone augmente entre 1970 et 2004 de près de 5 % à toutes les stations sauf à Tsukuba et Naha car la tendance est calculée à partir de 1990. Dans ce cas, il y a diminution d’ozone dans les basses couches (en dessous de 700 hPa, 3 km d’altitude environ). D’après la même étude qui analyse cinq stations d’Amérique du Nord (Churchill, Edmonton, Goose Bay, Wallops Island, Whiteface Mountain), les tendances entre 1980 et 2004 sont plus faibles que 5 % ou bien il n’y a pas de tendance. A Wallops Island, une augmentation en ozone dans les années 1990 est suivie par une diminution.
Les ECC
Depuis 1991, sont lancés une fois par semaine, à l’OHP, des ballons sondes composés d’une sonde ozne couplée avec une sonde météorologique dite radiosonde. La nacelle comporte également une batterie humide (Figure 2.6). La sonde météorologique mesure la pression, la température et l’humidité relative grâce à des capteurs spécifiques (Figure 2.7). Elle possède une antenne qui permet de délivrer en temps réel les résultats de mesure météorologique et d’ozone pendant le vol par onde radio (Figure 2.7). Les radiosondes météorologiques à l’OHP proviennent du fabriquant VAISALA de janvier 1991 à juin 2007 (type A-Humicap RS80 jusqu’à janvier 1997 et H-Humicap ensuite) et de MODEM (type M2K2C) depuis. A la différence des sondes VAISALA qui mesuraient la pression, les sondes MODEM mesure l’altitude en km par GPS et la pression est recalculée. Les sondes utilisées pour la mesure in situ de l’ozone sont les ECC (Electrochemical Concentration Cell). Elle est schématisée sur la Figure 2.8. Ces sondes sont basées sur le principe de l’électrolyse avec deux cellules en Teflon qui contiennent chacune une électrode de platine brillant. Le réservoir de la cathode contient 1000 ml de solution avec notamment 1 % de Iodure de Potassium (KI) et 2.5 % de Bromure de Potassium en solution (guide de la NOAA) (Komhyr et al., 1995). Le réservoir de l’anode contient pour moitié de la solution de la cathode et pour moitié de l’eau distillée dans laquelle on a plongé un cristal de Iodure de Potassium (KI) saturant l’électrolyte. Les deux réservoirs sont reliés par un pont ionique permettant le passage des ions sans modifier les concentrations des deux cellules. A la différence des sondes Brewer-Mast (BM) composées de deux électrodes de nature différente pour créer le courant d’oxydo-réduction, la force électromotrice est créée, pour les ECC, par la différence de concentration des électrolytes entourant la cathode et l’anode. L’air ambiant est pompé et dirigé par un tube (bulleur) vers la cathode. La chaleur dégagée par la batterie humide, qui assure l’alimentation électrique de l’ensemble, permet au dispositif de ne pas geler pendant la montée lorsque la température décroît fortement. En présence d’oxydant tel que l’ozone, l’Iode (I2) augmente (Equation 2.6). Les molécules de I2 acceptent les électrons de la cathode pendant que l’Iodure cède des électrons à l’anode (Equations 2.7 à 2.9). Un courant électrique est alors créé et la force électromotrice devient positive. La concentration d’ozone est calculée à partir du courant mesuré. La réaction chimique dépend de la dimension des électrodes, du pompage de l’air (bulles d’air formées dans la solution), du volume total des solutions dans les réservoirs (évaporation pendant la montée) et de la température dans les réservoirs. Ceci peut induire des erreurs et une variabilité dans les résultats de mesure. L’erreur sur la mesure pour cette préparation a été évaluée à −5 %.
Moyennes saisonnières des concentration d’ozone
Les résultats de mesure du lidar n’étant pas fiables en dessous de 3 km, l’étude est réalisée sur les deux tranches d’altitude, 4-6 km et 6-8 km, de la troposphère libre (Figure 3.10). La variation saisonnière présente un maximum en été et un minimum en automne/hiver pour les deux instruments et les périodes à 4-6 km et 6-8 km. L’amplitude de la variabilité inter-annuelle pour chaque saison est équivalente pour les deux instruments sauf en hiver/printemps à 4-6 km et en été à 6-8 km avec une variabilité plus importante pour le lidar. Ce résultat est un peu surprenant car le nombre de mesures lidar est plus important que pour les ECC. Ceci ne peut s’expliquer que par une variabilité inter-annuelle des bonnes conditions météorologiques pour les observations par le lidar. Les concentrations d’ozone mesurées par les ECC sont en moyenne supérieures à celles mesurées par le lidar avec un écart d’environ 1.3 ppbv. Par ailleurs, les différences observées entre les deux jeux de données peuvent parfois atteindre 7 ppbv à 10 ppbv. C’est ce que l’on observe pour les deux dernières périodes à 7 km au printemps/été, et en 1996- 1999 à 5 km en hiver/printemps. Il est à noter qu’en hiver et au printemps 1996-1999, le nombre de sondages lidar est supérieur à ceux des ECC (cf. section 3.2). La période 1991-1995 correspond aux différences les plus faibles voire négatives. En effet, à 5 km, au printemps, les différences peuvent atteindre −5 ppbv, et cela correspond aussi à un nombre de sondage lidar plus élevé que ceux des ECC (cf. section 3.2).
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Table des matières
Introduction générale
1 Etat des connaissances sur la variabilité de l’ozone troposphérique
1.1 Sources et puits de l’ozone
1.1.1 Chimie
1.1.2 Transport
1.2 Etat de l’art de la variabilité de l’ozone
1.2.1 Stations de surface
1.2.2 Profils verticaux
1.2.3 Analyse du rôle de la variabilité du transport
1.3 Apport des nouvelles mesures : lidar et satellite
1.4 Conclusion
2 Mesures des profils d’ozone par lidar et sondes électrochimiques
2.1 Introduction
2.2 Description des instruments
2.2.1 Le lidar
2.2.2 Les ECC
2.3 Méthodologie du traitement lidar
2.4 Analyse des sondes ECC
2.5 Mesures complémentaires de surface : l’analyseur UV
2.6 Conclusion
3 Analyse de la comparaison entre lidar et ECC
3.1 Introduction
3.2 Méthodologie de la comparaison
3.3 Caractérisation de la variabilité du transport
3.3.1 Description de l’analyse trajectographique
3.3.2 Analyse de l’origine des masses d’air à l’OHP
3.3.3 Etude de la hauteur de la tropopause thermique
3.4 Comparaison des moyennes saisonnières du lidar et des ECC
3.4.1 Résultats
3.4.2 Discussion sur ces différences
3.5 Conclusion
4 Variabilité inter-annuelle de l’ozone troposphérique
4.1 Introduction
4.2 Variabilité inter-annuelle dans la troposphère libre
4.2.1 Evolution de la variabilité saisonnière
4.2.2 Variation temporelle des moyennes annuelles désaisonnalisées
4.3 Analyse des tendances dans les basses couches
4.3.1 Variabilité inter-annuelle de l’ozone dans la couche limite
4.3.2 Etude de la hauteur de la couche de mélange
4.4 Conclusion
5 Analyse multivariables de la variabilité inter-annuelle
5.1 Introduction
5.2 Méthodologie et base de données des variables utilisées pour l’analyse
5.2.1 Humidité spécifique et vorticité potentielle
5.2.2 Aérosols
5.3 Relation entre l’ozone et les autres variables
5.3.1 Humidité spécifique et vorticité potentielle
5.3.2 Aérosols
5.4 Variabilité inter-annuelle
5.4.1 Relation entre ozone et humidité spécifique mesurée à l’OHP
5.4.2 Relation entre ozone, humidité spécifique et vorticité potentielle le long de la trajectoire
5.5 Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
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