VARIABILITE GENETIQUE : LE POLYDNAVIRUS SYMBIOTE DE COTESIA PLUTELLAE
Situation geographique
Plutella xylostella est consideree comme originaire de la region mediterraneenne, ou l’on trouve aussi le plus grand nombre d’especes de parasitoides (Hardy, 1938 ; Balachowsky, 1966) et d’ou sont originaires les principales Brassicacees cultivees (Bonnemaison, 1965 ; Zeven & de Wet, 1982). Le chou cultive Brassica oleracea est plus precisement originaire de la region est-mediterraneenne, autour de la Sicile (Raimondo, 1997). Il est tres polymorphe, eclate en de multiples populations souvent endemiques et soumises a une forte derive genetique (Gustafsson, 1994). En fait B. oleracea regroupe une dizaine d’especes distinctes mais qui forment pour la majorite des hybrides viables lors des experiences de croisements et elles sont ainsi groupees dans le cytodeme B. oleracea, presentant un nombre chromosomique 2n=18 (Gustafsson & Lanner-Herrera, 1997). C
e complexe est a l’origine du chou « domestique » actuel et de ses nombreuses varietes commerciales. Les Lepidopteres qui consommaient a l’origine les choux sauvages ont pu s’adapter aux choux cultives et les parasitoides de ces especes ont du s’adapter aussi a ces nouvelles conditions. Cependant une origine en Asie Mineure a ete suggeree (Chu, 1986) ou meme en Afrique du Sud, dont une region possede un climat mediterraneen et ou se trouvent aussi de nombreuses especes de Brassicacees sauvages et un important cortege de parasitoides de P. xylostella (Kfir, 1997 ; Kfir, 1998). Plutella xylostella est maintenant un insecte cosmopolite (carte 1), etant l’une des especes naturellement les plus repandues au monde. C’est en effet un tres grand migrateur, capable de franchir plus de 3 000 km d’une traite a l’aide des vents, traversant ainsi de grandes etendues marines (Chu, 1986).
Ceci explique qu’on la retrouve regulierement au Canada ou au nord du Japon (Hokkaido), ou elle ne peut survivre en hiver mais ou les vents du sud la ramenent tous les printemps (Harcourt, 1957 ; Smith & Sears, 1982 ; Honda, 1992 ; Honda et al., 1992). Elle s’adapte meme au climat subantarctique (Crafford & Chown, 1987) et elle aurait ainsi reussi a atteindre naturellement l’ile Marion (Chown & Avenant, 1992). Mais elle peut etre aussi transportee accidentellement avec des jeunes plants (Shelton et al., 1996) et seules des mesures de quarantaine severes l’empechent de coloniser les derniers archipels du Pacifique (Kiribati et Tuvalu pour les plus importants) d’ou elle est encore absente (Waterhouse, 1992). En fait, partout ou poussent des Brassicacees dans le monde J*. xylostella peut etre presente. Malgre cette vaste aire de repartition les populations du papillon-hote de C. plutellae restent interfecondes, montrant leur appartenance a la meme espece (Pichon, comm. pers.).
Nourriture
Plutella xylostella peut etre consideree comme une espece oligophage, car elle se nourrit presque exclusivement de plantes de la famille des Brassicacees (ex-Cruciferes), meme s’il s’agit d’une vaste famille. Elle est attiree par les composes soufres (essentiellement des glucosinolates : sinigrine, sinalbine ainsi que l’isothiocyanate d’allyle) que contiennent ces plantes et qui sont des phagostimulants pour les chenilles et des stimulants de l’oviposition pour les femelles (Thomsteinson, 1953 ; Gupta & Thomsteinson, 1960a ; Gupta & Thomsteinson, 1960b ; Justus & Mitchell, 1996 ; Spencer, 1996 ). Plutella xylostella vit essentiellement sur les choux et les autres Brassicacees cultivees (moutarde, colza, cresson, etc.), mais on la trouve aussi sur des Brassicacees sauvages comme la « Bourse-a-pasteur » Capsella bursa-pastoris (L.) ou la cardamine Cardamina spp. (Balachowsky, 1966; Verkerk & Wright, 1996). Elle aurait ete observee exceptionnellement sur quelques autres especes vegetales a composes soufres, comme les oignons ou la capucine (Kartzov, 1914). Elle prefere les Brassicacees cultivees, plus nourrissantes pour les ravageurs comme pour l’etre humain et sur lesquelles elle se developpe plus rapidement (Wakisaka et al., 1992 ; Idris & Grafius, 1996 ; Begum et al., 1996), mais les Brassicacees sauvages peuvent servir de reservoir durant les periodes ou les cultures ne sont pas disponibles (Muhamad et al., 1994).
Developpement
La vitesse de developpement de P. xylostella depend fortement de la temperature (Hardy, 1938). Ainsi, en elevage a 20 °C les individus ont besoin de plus de trois semaines en moyenne pour passer de l’oeuf a l’imago (tableau 2-1). A 25 °C le cycle est accelere : l’eclosion des oeufs prend 3 jours, le developpement larvaire s’accomplit en 8-9 jours et la nymphose en 3-4 jours. L’insecte peut alors completer son developpement en a peine plus de deux semaines et donner plus d’une nouvelle generation par mois. Cette rapidite de developpement explique sa capacite a detruire rapidement les cultures attaquees sous les climats chauds, meme si le nombre d’individus est faible au depart (cas de migrants amenes par le vent, par exemple). En milieu tropical on peut observer plus de 20 generations (chevauchantes) par an (14-28 en Malaisie, 15-20 a Taiwan, 5-12 au Japon), contre seulement 4-5 au Canada (Harcourt, 1966 ; Miyata et al., 1986).
La fecondite est elevee, la femelle pondant 150 a 200 oeufs, mais presente aussi d’importantes variations (tableau 2-2). Elle depend de multiples facteurs, tels la temperature, la qualite de la nourriture de la femelle pendant les stades larvaires ou la densite des populations. La fecondite totale des femelles ne semble pas significativement differente d’une population de P. xylostella a une autre (Pichon, 1999). Toutefois chaque population possede son propre comportement de ponte : certaines populations pondent rapidement leurs oeufs, des les premiers jours apres l’emergence de la femelle, d’autres l’etaient sur quatre semaines (Pichon, 1999). Ceci peut etre lie aux conditions environnementales auxquelles sont soumises ces populations : ainsi au Benin, ou des cultures de choux sont presentes toute l’annee a differents stades de leur developpement, les femelles de P. xylostella peuvent pondre progressivement leurs oeufs et etalent leur ponte sur pres d’un mois, en selectionnant alors les meilleurs plants. A l’oppose, pour une population australienne (en zone de climat mediterraneen) par exemple, ou les parcelles de choux sont dispersees et pas presentes toute l’annee, le papillon presente une strategie de ponte rapide (duree totale de l’ordre de deux semaines) : s’il detecte une parcelle de choux il peut etre plus avantageux pour lui de pondre tous ses oeufs au meme endroit plutot que de se risquer dans la recherche aleatoire de meilleures plantes plus loin.
Lutte chimique
L’utilisation d’insecticides reste la methode de lutte la plus repandue, chez P. xylostella comme chez de nombreux autres ravageurs. Dans la premiere moitie du siecle, l’eventail des produits reste limite : composes mineraux (arsenicaux et fluorures par exemple), fumigants avec ajouts d’huile et d’hydrocarbures, mais aussi quelques composes vegetaux : extraits de tabac (produit actif : nicotine), de derris (rotenone) ou de pyrethres (pyrethrines) (Huckett, 1934 ; Walker, 1934). Trop toxiques ou peu efficaces, ils sont supplantes a partir de 1945 par les insecticides de synthese, d’une efficacite tres superieure, le premier etant le DDT rapidement suivi du lindane et autres organochlores, puis des organophosphores et de nombreux autres produits par la suite (Slade, 1945 ; Greaves, 1945 ; Harcourt & Cass, 1955). Cependant P. xylostella demontre ses redoutables capacites d’adaptation : des 1951 apparait le premier cas de resistance au DDT en Indonesie (Ankersmith, 1953) et en 1958 il existe des populations resistantes a tous les principaux organochlores (Mo, 1959 ; Ooi, 1986).
En 1980 on recense deja dans 14 pays des cas de resistance envers 36 produits differents (Miyata et al., 1986) et envers 51 produits en 1989. Les populations de P. xylostella ont continue de developper des resistances contre tous les nouveaux produits mis sur le marche, parfois en moins d’un an (Tanaka, 1992 ; Shelton et al., 1993), y compris vis-a-vis des toxines de Bacillus thuringiensis (Berliner) (Tabashnik et al., 1997) (tableau 2-3′). Le methomyl favorise meme son developpement en augmentant sa fecondite et en tuant ses predateurs (Nemoto, 1986). A titre d’exemple, citons l’exemple de cultures actuelles de choux (aout 2000) en Indonesie, ou 17 traitements insecticides durant les quatre mois necessaires pour amener le chou a maturite ne suffisent pas a detruire P. xylostella (Bordat, comm. pers.).
Le retour a des insecticides d’origine biologique, extraits de vegetaux, est actuellement tente : de nombreuses substances ont ete testees (Morallo-Rejesus, 1986 ; Hermawan et al., 1998) mais seuls les extraits de neem (dont le principe actif est l’azadirachtine) offrent la possibilite d’une utilisation a grande echelle, peu couteuse et efficace, bien qu’ils presentent des effets phytotoxiques, modifiant notamment la couleur des feuilles de choux (Loke et al., 1992 ; Schmutterer, 1992 ; Leskovar et Boales, 1996). Ils peuvent aussi interferer avec le developpement des parasitoides, mais comparativement beaucoup moins qu’avec le ravageur (Goudegnon et al., 2000 ; Perera et al., 2000). Malgre toute la palette de produits disponibles, il existe des cas ou les agriculteurs sont amenes a abandonner leurs cultures de Brassicacees ou a trouver d’autres methodes de lutte, comme c’est le cas dans des serres a Hawaii ou au Japon, car le papillon est devenu virtuellement resistant a tous les produits autorises aux doses sanitairement utilisables (Nakahara et al., 1986 ; Tanaka, 1992).
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Table des matières
I : INTRODUCTION
CHAPITRE IV : ANALYSES BIOCHIMIQUES : POLYMORPHISME ENZYMATIQUE
IV.l – Materiel biologique utilise
IV.2 – L’electrophorese sur gels d’acetate de cellulose
IV.3 – Protocole
IV.3.1 – Extraction
IV.3.2 – Depot des echantillons et migration
IV.3.3 – Revelation
IV.4 – Resultats et discussion
IV.4.1 – Recherche de systemes polymorphes
IV.4.2 – Caracterisation des populations
IV.4.3 – Analyse statistique
CHAPITRE V : VARIABILITE GENETIQUE : LE POLYDNAVIRUS SYMBIOTE DE COTESIA PLUTELLAE
V.l – Introduction : immunite des insectes et parades des parasitoides
V.2 – Les polydnavirus
V.3 – Detection d’un polydnavirus chez Cotesia plutellae
V.4 – Microscopie electronique
V.4.1 – Preparation des echantillons
V.4.2 – Resultats
V.4.2.1 – Cotesia plutellae
V.4.2.2 – Microplitisplutellae
V.5 – Le polymorphisme du polydnavirus chez C. plutellae
V.5.1 – Introduction
V.5.2 – Extraction de l’ADN viral et visualisation
V.5.3 – Resultats
V.5.3-Discussion
CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
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