Variabilité de réponse aux médicaments et pharmacogénétique

La réponse aux médicaments est extrêmement variable entre les individus, que ce soit en terme d’efficacité de traitement (absence de réponse pharmacologique), ou de toxicité (survenue d’effets indésirables qui peuvent être graves voire mortels). Cette variabilité interindividuelle est chaque année responsable d’un grand nombre d’accidents iatrogéniques, qui représentent un problème de santé publique majeur. Depuis la découverte de l’existence de facteurs génétiques intervenant dans la réponse aux médicaments il y a une soixantaine d’années, le champ de la pharmacogénétique s’est développé de façon spectaculaire et a permis de révéler l’importance des déterminants génétiques dans la variabilité de la réponse aux médicaments. A l’heure actuelle, l’une des problématiques majeures de la pharmacogénétique réside dans l’identification précise des variants pharmacogénétiques qui pourraient être utilisés en pratique médicale en tant que biomarqueurs des médicaments, favorisant ainsi l’optimisation des stratégies thérapeutiques au profil génétique du patient.

Les médicaments font partie des xénobiotiques, substances chimiques étrangères à l’organisme, auxquels l’homme est exposé en permanence. Durant leur histoire évolutive, les populations humaines ont dû faire face à des variations de leur environnement chimique, liées par exemple à des modifications d’ordre climatique ou alimentaire. L’adaptation des populations à ces nouveaux environnements a été permise par l’action de la sélection naturelle sur les gènes impliqués dans la réponse aux xénobiotiques. Le plus souvent, ces phénomènes adaptatifs se sont passés à une échelle locale, c’est-à-dire qu’ils ont concerné uniquement les populations soumises au changement environnemental. Il en résulte une différenciation géographique importante à l’échelle du globe pour les gènes gouvernant la réponse aux xénobiotiques et aux médicaments. Aujourd’hui, cette histoire évolutive différentielle des populations se reflète par une variabilité phénotypique de réponse aux médicaments entre populations.

Variabilité de réponse aux médicaments et pharmacogénétique

Les individus ne sont pas égaux face aux médicaments, et peuvent présenter des réactions extrêmement variables en réponse à un même traitement médicamenteux, en dépit de conditions d’administration identiques. Alors que certains vont s’éloigner de la réponse attendue en présentant une diminution ou une absence d’efficacité ; d’autres vont développer des réactions indésirables voire des toxicités importantes qui peuvent être très dangereuses pour la santé de l’individu. Si cette variabilité interindividuelle de réponse peut être liée à des facteurs environnementaux ou à des états physiopathologiques particuliers, les facteurs génétiques semblent jouer un rôle important. L’objectif de la pharmacogénétique est d’identifier les individus présentant un risque particulier d’inefficacité ou de toxicité vis-à-vis de certains médicaments sur la base de leurs profils génétiques afin d’optimiser les traitements médicamenteux, tant en termes d’efficacité que de sécurité d’emploi.

La variabilité de réponse aux médicaments : conséquences sanitaires et socio-économiques

La variabilité de réponse aux traitements médicamenteux, souvent difficile à prévoir, constitue une limitation importante à l’emploi des médicaments. Elle pose un réel problème de santé publique et a un impact considérable sur le plan économique et social.

Conséquences sanitaires

Les effets indésirables des médicaments, définis par des réactions non souhaitées et nocives pour la santé survenant suite à l’administration d’un médicament à des doses standards (World Health Organization, 1969), représentent une part importante de la iatrogénie médicamenteuse, et sont à l’origine d’un véritable problème de santé publique au niveau mondial.

En terme de toxicité
Dans les années 1990, différentes études menées aux États-Unis ont estimé que les effets indésirables des médicaments, étaient à l’origine de 2,4 à 6,5 % des hospitalisations (Bates et al., 1995; Classen et al., 1997; Leape et al., 1991). Un travail réalisé en 1998, a montré qu’à eux seuls, les effets indésirables graves étaient responsables de plus de deux millions d’hospitalisations et de 100 000 décès par an aux États-Unis, les classant entre la quatrième et la sixième cause de mortalité (Lazarou et al., 1998). En France, les chiffres d’une enquête menée en 1998 par le réseau des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) rapportent un taux d’incidence de 3,2 % d’évènements indésirables dus à des médicaments nécessitant une hospitalisation (Pouyanne et al., 2000).

Des études plus récentes, réalisées un peu partout dans le monde, font état de chiffres largement en hausse (Phillips et al., 2014; Pirmohamed et al., 2004). Au Royaume-Uni, une analyse prospective menée sur une durée de six mois en 2004 dans deux grands hôpitaux a montré que les effets indésirables étaient responsables de 6,5 % des hospitalisations (Pirmohamed et al., 2004). Une revue de la littérature basée sur les résultats de 46 études réalisées dans différents pays rapporte une incidence moyenne de 6,1 % d’effets indésirables des médicaments chez les patients hospitalisés (KrähenbühlMelcher et al., 2007). En France, les chiffres les plus couramment avancés font état de 140 000 hospitalisations provoquées par les accidents médicamenteux et de 18 000 décès avérés annuels, sans compter les accidents bénins qui ne font pas l’objet d’une déclaration systématique . On estime en effet que durant cette dernière décennie, le nombre d’hospitalisations dues aux effets indésirables des médicaments a augmenté en Angleterre de 76,8 % (Wu et al., 2010). Aux États-Unis entre 1998 et 2005, le nombre d’effets indésirables graves a augmenté d’un facteur 2,6, soit quatre fois plus rapidement que les prescriptions aux USA durant la même période (Moore et al., 2007). Si ces chiffres sont probablement reliés en partie à une amélioration de la déclaration des effets indésirables dans la communauté médicale, ils ont également pour cause le vieillissement de la population (Majeed and Aylin, 2005; McLean and Le Couteur, 2004). L’incidence et la gravité des accidents iatrogéniques augmentent avec l’âge : on estime que ces accidents représentent environ 20 % des hospitalisation des sujets de plus de 80 ans (Roughead et al., 1998) et que les effets indésirables létaux sont plus fréquents chez les patients âgés (Ebbesen et al., 2001). En effet, en plus d’une plus grande fragilité physiologique, cette population est plus susceptible de rencontrer des effets indésirables dus aux médicaments, en raison d’une polymédication quasi systématique (Mannesse et al., 2000; McLean and Le Couteur, 2004; Petrovic et al., 2012; Wu et al., 2010).

Aujourd’hui, la mortalité et la morbidité liées aux effets indésirables des médicaments sont presque équivalentes à celles du cancer ou des maladies cardiovasculaires dans les pays occidentaux (Duran-Frigola and Aloy, 2013). En France, c’est un fléau qui tue plus que les suicides et les accidents de la route réunis.

En terme d’efficacité thérapeutique
La variabilité de réponse aux médicaments entraîne également des situations d’inefficacité thérapeutique, plus difficiles à appréhender et encore moins évaluées à l’heure actuelle. On estime globalement que pour les médicaments majoritairement utilisés dans le traitement de la plupart des maladies communes, le taux de réponse varie de 25 à 80 % (Spear et al., 2001). Ainsi, on observe par exemple que des traitements très répandus tels que les analgésiques ne permettent pas de traiter toute la population uniformément ; que 35 % des patients ne répondent pas aux béta-bloquants ; et que, dans le cas des maladies mentales, un malade sur deux ne tire aucun profit de son traitement antidépresseur, et moins d’un patient schizophrène sur trois bénéficie de son traitement antipsychotique.

Conséquences socio-économiques

Les conséquences économiques liées de façon directe ou indirecte à la toxicité médicamenteuse sont absolument pharamineuses. Les seuls coûts annuels engendrés par les hospitalisations dues aux effets indésirables des médicaments ont été évalués en 1997 aux États-Unis à près de 80 milliards de dollars (Bates et al., 1995). Une grande enquête prospective réalisée dans deux grands hôpitaux au Royaume-Uni estime que le coût annuel des effets indésirables des médicaments supporté par le système de santé anglais National Health Service NHS s’élève à 706 millions d’euros (Pirmohamed et al., 2004). La Commission européenne chiffre ce coût en 2008 à 79 milliards d’euros en Europe. En France, il a été évalué à 3,4 millions d’euros pour un seul hôpital de 339 lits (Lagnaoui et al., 2000). Une étude suédoise très récente reporte un montant annuel de 21 millions de dollars pour 100 000 habitants, ce qui représente approximativement 10 % des dépenses de santé totales (Gyllensten et al., 2014).

Ce coût varie considérablement selon le type d’événement indésirable : il est 600 fois plus élevé pour un effet indésirable qui entraîne des séquelles que pour un effet indésirable non grave. Globalement, on estime que les coûts liés aux accidents iatrogéniques sont supérieurs à ceux des traitements médicamenteux en eux-mêmes (Sim and Ingelman-Sundberg, 2011). Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle est amplifiée du fait de l’augmentation drastique de la consommation de médicaments actuellement. En Australie, elle a augmenté cette dernière décennie de 40 % (Phillips et al., 2014). En France, le total des ventes de médicaments est passé de 16,5 à 27,5 milliards d’euros entre 2000 et 2010. Par ailleurs, les effets indésirables des médicaments posent également un réel problème à l’industrie pharmaceutique, d’une part parce qu’ils sont responsables de 17 % des arrêt prématurés du développement de nouvelles molécules candidates (Dimasi, 2001) ; d’autre part, parce que leur faible incidence les rend difficilement détectables lors des essais cliniques, ce qui peut conduire au retrait du marché de médicaments en post AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) (Uetrecht and Naisbitt, 2013).

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Table des matières

Introduction
Partie 1 Introduction à la pharmacogénétique et à la génétique des populations
Chapitre 1 Variabilité de réponse aux médicaments et pharmacogénétique
1. La variabilité de réponse aux médicaments : conséquences sanitaires et socio-économiques
2. Sources de variabilité de la réponse aux médicaments
3. La pharmacogénétique
4. Variabilité inter-populationnelle de la réponse aux médicaments
Chapitre 2 Apport de la génétique des populations à la pharmacogénétique
1. Introduction au génome humain
2. Les différentes forces évolutives et leurs impacts sur la diversité génétique
3. Les différentes formes de sélection naturelle et la détection de leurs signatures moléculaires
Partie 2 Etude de la différenciation génétique des populations humaines et détection de la sélection positive pour le gène VKORC1 impliqué dans la réponse aux AVK
Chapitre 1 Généralités sur les anticoagulants oraux de type antivitamine K
1. Rappel sur la vitamine K
2. Histoire des AVK
3. Mécanisme d’action des AVK
4. Indications thérapeutiques et usage des AVK
5. Variabilité de réponse aux AVK
6. Facteurs génétiques
Chapitre 2 Analyse haplotypique mondiale de VKORC1 et détection de la sélection positive
1. Résumé de l’article 1
2. Article 1
3. Brève Médecine/Science
Table des Matières
Chapitre 3 Recherche de la cible de sélection dans la région génomique de VKORC1: apport des données du Projet 1000 Génomes
1. Matériel et Méthodes
2. Etude du signal de sélection
3. Discussion et conclusion
Partie 3 Différenciation génétique des populations humaines pour les gènes de la réponse aux médicaments
Chapitre 1 Contexte
1. Bilan des études analysant la différenciation pharmacogénétique des populations humaines
2. Exemples de gènes de la réponse aux médicaments soumis à l’action de la sélection naturelle
Chapitre 2 Analyse de la différenciation génétique des populations humaines pour les pharmacogènes majeurs et rôle de la sélection positive
1. Résumé de l’article 2
2. Article 2
Partie 4 Étude du gène NAT2
Chapitre 1 Généralités sur le polymorphisme d’acétylation
1. L’enzyme NAT2
2. Le polymorphisme d’acétylation
Chapitre 2 Analyse des profils de différenciation génétique des
populations humaines pour le gène NAT2
1. Résumé de l’article 3
2. Article 3
Discussion
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

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