L’accumulation de sédiments dans les ports, les canaux, les rivières et les plans d’eaux empêche la circulation des bateaux et perturbe les équilibres physico-chimiques des milieux aquatiques. Pour assurer le transport fluvial et portuaire mais également participer à l’entretien et la restauration des milieux naturels aquatiques, les gestionnaires doivent entreprendre des opérations de dragage. Les sédiments de dragage sont considérés comme des déchets dès lors que leur gestion à terre doit être envisagée (en particulier pour les sédiments marins non-immergeables et les sédiments fluviaux). Sur le domaine maritime, l’entretien annuel de l’ensemble des ports français (commerce, pêche, plaisance) représente environ 50 millions de m3 de sédiments dragués. Pour la région des Hauts-de-France le volume de sédiments marins à draguer annuellement s’élève à près de 5 millions de m3 , principalement produit par le Grand Port Maritime de Dunkerque (GPMD). La quasi-totalité des sédiments marins qui sont dragués sont ensuite immergés. Toutefois, depuis 2009, le GPMD gère à terre environ 50 000 m3 /an de sédiments marins dont les seuils de contamination rendent les autorisations d’immersion plus complexe à obtenir (volume représentant actuellement 1 % du volume total de sédiments marins dragués en région). Sur les 10 prochaines années, les volumes de dragage nécessaires à l’entretien des installations Portuaires sont estimés à près de 7 millions de m3 /an dont 5 à 10 % devront être gérés à terre. Il faut souligner que cette estimation ne tient pas compte des besoins de dragage supplémentaire liés à des travaux spécifiques, ni à l’évolution (renforcement) des seuils réglementaires d’autorisation d’immersion des sédiments marins (ou de mise en place par l’Etat d’un seuil d’interdiction d’immersion).
Sur le domaine fluvial, 6 millions de m3 sont extraits tous les ans en France alors que les besoins, pour assurer la navigabilité et l’écoulement naturel des eaux, sont estimés à 9 millions de m3 /an (cette valeur n’incluant pas les besoins en matière de reconquête écologique du milieu naturel). Pour les Hauts-de-France le volume de sédiments fluviaux curés représente, sur les trois dernières années, entre 140 000 et 230 000 m3 /an. Ces volumes sont en baisse constante depuis plusieurs années du fait des contraintes budgétaires imposées aux Voies Navigables de France (VNF) pour les opérations de curage, alors que les besoins ont été estimés en 2008 à 10 millions de m3 sur 20 ans pour répondre aux besoins de navigabilité des seuls du départements des Hauts de France. A ces aspects budgétaires, qui obligent désormais les VNF à prioriser les opérations de curage sur le réseau principal de navigation, viennent s’ajouter de nombreuses autres contraintes de gestion des sédiments non inertes comme : (i) la baisse très importante des capacités actuelles autorisées de stockage interne de VNF ; (ii) le renforcement des conditions d’autorisation et d’exploitation pour la création de nouveaux centres de stockage interne et difficultés d’acceptabilité par les populations locales (syndrome NIMBY) ; (iii) les coûts très élevés du stockage en centres collectifs externes (ISDND – Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux). L’article 2, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives a clarifié le statut des sédiments, en ne les excluant de son champ d’application que lorsqu’ils sont simplement déplacés au sein des eaux de surface, et non dangereux. A contrario, dès lors que les sédiments sont dangereux ou qu’ils sont gérés à terre, ils deviennent des déchets. En France, l’encadrement réglementaire des sédiments de dragage et de curage reste aujourd’hui à préciser concernant les conditions générales de leur gestion à terre, en particulier vers des filières de valorisation alternatives au stockage (définition de seuils réglementaires par filières de valorisation, responsabilités juridiques des acteurs impliqués, conditions de sortie du statut déchets, etc.). De fait, l’absence de solutions industrielles de valorisation des sédiments génère, depuis plusieurs années, des situations de blocage problématiques et parfois préjudiciables pour de nombreuses collectivités territoriales ainsi que les gestionnaires portuaires et fluviaux confrontés à la gestion de sédiments non inertes.
Caractéristiques des sédiments
Définition
Un sédiment est un dépôt de matériaux détritiques minéraux et organiques. Les sédiments peuvent être d’origine allochtone quand ils sont issus de l’érosion du bassin versant par des agents dynamiques externes comme le vent ou l’eau, ou d’origine autochtone lorsqu’ils se forment par précipitation de composés minéraux (carbonates, phosphates, évaporites) et sédimentation de matières organiques (organismes planctoniques morts) [1] Leur granulométrie ainsi que leur composition physico-chimique sont des paramètres essentiels pour la caractérisation de ces matériaux.
Granulométrie
Les particules sédimentaires se propagent dans l’environnement avec les mouvements des masses d’eaux marines et continentales et se déposent par gravité sur le fond, en fonction de leur granulométrie (Tableau 1) et de la vitesse d’écoulement du courant. Les sédiments se caractérisent essentiellement par une fraction minérale grossière (fraction sableuse) et une fraction plus fine (la vase) [2]:
➢ Les sédiments grossiers contiennent essentiellement des particules d’un diamètre supérieur à 63 µm et sont principalement constitués de sable et de matériaux inorganiques silicatés. Les sédiments sableux présentent : une faible cohésion, une petite surface de contact entre les différentes particules du sédiment et peu d’affinité pour les contaminants [3].
➢ Les sédiments fins, aussi appelés vases, sont composés de particules d’une taille inférieure à 63 µm et sont constitués d’argiles ayant un diamètre compris entre 0,2 et 2 µm et de silt ayant un diamètre compris entre 2 µm et 63 µm. Cette fraction fine contient généralement des minéraux argileux et de la matière organique [4].Les particules fines présentent une forte cohésion entres elles, la surface de contact est importante entre les particules. La prédominance des minéraux argileux, chargés négativement, donne un grand pouvoir adsorbant à la fraction fine des sédiments vis-àvis des contaminants métalliques [5] [6]. Quant à la matière organique sédimentaire elle est constituée de macromolécules hétérogènes présentant des sites hydrophiles qui facilitent sa fixation à la surface des particules minérales réactives (minéraux argileux) et la formation de nombreux complexes avec les contaminants métalliques et organiques [7].
Les matériaux inorganiques :
Ils sont formés de minéraux provenant de l’écorce terrestre et de débris coquilliers. Ces composés sont principalement des argiles, des carbonates et des silicates. La taille des particules minérales est variable allant de la fraction colloïdale à la fraction sableuse. Les particules inorganiques sont généralement enrobées d’hydroxyde de fer et de manganèse et de substances organiques qui leur confèrent une grande capacité d’adsorption vis-à-vis des contaminants minéraux et organiques.
La matière organique :
Elle n’occupe qu’un faible volume du sédiment Figure 1 et se compose de débris organiques d’origine végétale et animale provenant du milieu continental et/ou du milieu marin. Le compartiment organique du sédiment joue un rôle primordial sur la régulation de la mobilité et de la biodisponibilité d’un grand nombre de contaminants, en particulier les composés organiques non ioniques. La matière organique est constituée de nombreuses molécules différentes telles que des protéines, des polysaccharides, des lipides, des acides humiques et fulviques. Parmi ces molécules, les acides humiques jouent un rôle important dans les écosystèmes naturels car ils ont tendance à former des complexes organométalliques en phase aqueuse et à la surface des particules minérales et par conséquent à modifier la disponibilité des contaminants inorganiques. La présence de sites hydrophiles et hydrophobes favorise l’adsorption de la matière organique à la surface des particules minérales ainsi que la complexation des contaminants chargés et des molécules non chargées [7].
Les filières de gestion
Le devenir des sédiments de dragage est soumis au même principe de hiérarchisation de la filière «déchets» : il faut, dans l’ordre, examiner les possibilités de réutilisation, recyclage, destruction ou traitement des constituants dangereux, d’évacuation à terre ou en mer. L’immersion en mer doit être évitée si d’autres solutions sont préférables pour l’environnement. Dans le cas où les techniques d’immersion ne sont ni possibles, ni souhaitables, compte tenu d’impératifs environnementaux (absence de zones d’immersion ou colmatage des fonds par exemple) ou sanitaires qui doivent être pris en compte (protection de zones désignées pour la protection des espèces aquatiques importantes du point de vue économique), une gestion à terre devient alors inévitable .
La circulaire «dragage» du 04/07/2008 propose en premier lieu la commercialisation ou la valorisation à terre des sédiments. Quelle que soit la référence réglementaire prise en compte (déchet ou matériaux de dragage), l’objectif est de réduire au minimum le déchet dit «ultime» (destiné au stockage) donc de valoriser au maximum. Selon le décret du 18/04/20022 et au titre de la nomenclature européenne ICPE3, complétée par le décret 2013- 369 du 13/04/20104, les sédiments de dragage figurent comme «déchets» aux rubriques 17 05 05* (si le sédiment contient des substances dangereuses) ou 17 05 06 (dans le cas contraire). Cette caractéristique de disposer de deux options possibles de classement selon leurs propriétés de danger est commune à un certain nombre de déchets dénommés «entrées miroirs». Ce qui implique l’analyse de la dangerosité des sédiments au regard des propriétés de danger.
La directive cadre «déchets» constitue le cadre réglementaire communautaire de l’évaluation de la dangerosité des déchets. Avant le 1er juin 2015, ces propriétés de danger étaient appelées H1 à H15. La décision de la Commission européenne du 18 décembre 2014 les a renommées HP1 à HP15 afin d’éviter toute confusion avec les mentions de danger HXXX du règlement CLP (mentions de danger s’appliquant à des substances ou mélanges, et désignées par un code à trois chiffres : H200, H330, H411, etc.). La dangerosité d’un déchet se juge à partir des 15 propriétés définies dans le tableau 4, qu’il est nécessaire de renseigner. Si le déchet ne satisfait pas un seul de ces critères, il doit être considéré comme dangereux et géré comme tel (traitement en vue de supprimer son caractère dangereux, élimination par incinération ou stockage dans les installations de déchets dangereux). Les données et le retour d’expérience s’accumulant progressivement, il est à présent possible d’écarter les propriétés de danger HP1, HP2, HP3 et HP15 lors de la caractérisation de la dangerosité des sédiments de dragage.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE I : ETAT DES CONNAISANCES
I.1 Caractéristiques des sédiments
I.1.1 Définition
I.1.2 Granulométrie
I.1.3 Composition
I.2 Les filières de gestion
I.3 Acceptabilité environnementale des matériaux alternatifs dans le domaine du génie civil
I.3.1 L’approche «substances»
I.3.2 La méthodologie de l’ÉRÉ
I.3.3 Principes de la méthode d’éco-compatibilité
I.3.4 La norme européenne NF EN 12920+A1
I.4 La méthodologie SEDIMATERIAUX
I.4.1 Contexte et objectifs de la démarche SEDIMATERIAUX
I.4.2 Approche déclinée pour la définition des filières
I.4.3 Méthodologie d’élaboration des cahiers des charges environnementaux
I.4.4 Méthodologie d’élaboration des cahiers des charges techniques
I.5 Réglementation applicable aux produits de construction
I.5.1 Méthodologie d’évaluation environnementale des produits de construction
I.6 Les matériaux composites
I.6.1 éfinition
I.6.2 Structure d’un matériau composite
I.6.3 Mortier polymère ou la composites à matrice organique
I.6.4 les facteurs influent sur les propriétés des mortiers/bétons polymères
I.7 Liste des Tableaux
I.8 Liste des Figures
I.9 Références
CHAPITRE II : FORMULATION DE MORTIERS À MATRICE THERMODURCISSABLE À BASE DE SÉDIMENTS
II.1 Introduction
II.2 Démarche expérimentale
II.3 Résultats de caractérisation des mortiers de polymères à base de sédiments
II.4 Conclusion
II.5 “Study the polymer mortar based on dredged sediments and epoxy resin: Effect of the sediments on the behavior of the polymer mortar”.Article soumis le 03-04-19 dans le journal “ Powder Technology “
II.6 “Eco-friendly polymers mortar for floor covering based on dredged sediments of the north of France”.Article publié le 15 February 2019 dans “journal of material cycles and waste management“
CHAPITRE III : FORMULATION DE COMPOSITES THERMOPLASTIQUES À BASE DE SÉDIMENTS
III.1 Introduction
III.2 Démarche expérimentale
III.3 Résultats de caractérisation des mortiers de polymères à base de sédiments
III.4 Conclusion
III.5 “Production and performance of lightweight aggregates based on blended of sediments and recycled thermoplastic waste.
Article soumis le 29 octobre journal dans “Construction and Building MATERIALS“
CHAPITRE IV : ÉVALUATION DE L’ACCEPTABILITE ENVIRONNEMENTALE DES MONOLITHES DE MORTIERS POLYMERES
IV.1 Introduction
IV.2 Démarche expérimentale
IV.3 Principaux résultats
IV.3.1 Comportement à la lixiviation des mortiers
IV.3.2 Vérification de la conformité environnementale des mortiers
IV.4 “Assessment of dynamic surface leaching of inorganic chemical substances from monolithic polymer mortars including dredged sediments”.Article soumis le 04-04-19 dans le journal “Environmental Science and Pollution Research”
CONCLUSION GÉNÉRALE
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