Valorisation des données technico-économiques existantes (l’évolution du revenu des planteurs)

L’Ile de La Réunion, Département d’Outre-Mer (DOM), se situe au cœur de l’Océan Indien, à l’Est de Madagascar, historiquement sur la route commerciale des Indes. L’agriculture a toujours eu un rôle économique important sur l’île, d’abord pour ravitailler les navires, puis pour produire des épices et du café et enfin de la canne à sucre à destination de la métropole. Implantée en 1810, la canne à sucre a largement influencé l’aménagement du territoire et la structuration sociale. Aujourd’hui encore, la filière canne-sucre-rhum joue un rôle prépondérant dans l’activité économique du département avec une superficie de 23 046 hectares, soit 57 % de la superficie agricole utile et 17 % de la surface de l’île, près de 3 000 exploitations, deux sucreries appartenant au groupe Téréos Océan Indien et trois distilleries indépendantes. Elle constitue notamment la principale source d’emplois de l’agriculture, voire de l’économie réunionnaise. Environ 200 000 tonnes de sucre sont produites annuellement à partir de la canne, puis exportées vers l’Union européenne, en majorité sous forme de sucre brut destiné au raffinage ou de « sucres spéciaux ». Soumise à un quota européen de 300 000 tonnes de sucre, La Réunion n’a pas la productivité suffisante pour l’atteindre. Les quotas ne sont donc pas une contrainte de production comme ils peuvent l’être pour les betteraviers européens mais une protection face à cette concurrence. La réforme de l’Organisation Commune de Marché (OCM) du sucre de 2006 prévoit la libéralisation du marché du sucre et la suppression totale des quotas sucriers dès octobre 2017. Cela présage d’une baisse du prix du sucre sur le marché européen, liée à une hausse de la production dans les exploitations les plus modernes et les plus enclines à acquérir des terres, à augmenter leur productivité et à se regrouper. En ce qui concerne la production de sucre blanc, les betteraviers et sucriers d’Europe ont donc un net avantage concurrentiel par rapport aux producteurs réunionnais, qui sont contraints par le foncier exploitable et par le manque de marge de manœuvre pour se restructurer. Le handicap structurel des producteurs réunionnais va s’accentuer. Pour pérenniser la filière canne-sucre dans les DOM, l’Etat a mis en place une nouvelle aide forfaitaire : elle bénéficie aux industriels de la filière canne-sucre dans les DOM pour compenser leurs surcoûts de production du sucre et assurer l’achat des cannes produites sur le territoire. Les accords interprofessionnels actuels sont formalisés, à La Réunion, par la Convention Canne 2015-2021. Avec la fin des quotas sucriers et en considérant les conséquences sur La Réunion, la Convention est révisée en 2017 notamment pour prendre les dispositions nécessaires quant à la rémunération des planteurs de canne.

Dans ce cadre, le constat a été fait d’un manque d’informations actualisées et synthétisées concernant la situation économique et la trésorerie des planteurs. Pour compléter les données statistiques, des travaux d’enquêtes et d’analyse de la situation technico-économique d’un échantillon de planteurs de canne ont alors été initiés en 2016 afin de constater réellement les situations des planteurs.

En vue d’analyser la trésorerie des planteurs, j’ai élaboré un outil de simulation constitué par un tableau de bord de trésorerie mensualisé et ajustable en fonction des variables du revenu du planteur, de la zone, de la structure de l’exploitation. En parallèle, une dizaine d’entretiens semi-directifs ont été menés afin de faire un état des lieux des modalités de paiement des charges courantes et des dispositifs de financement pour des investissements occasionnels. Un groupe de travail a été constitué pour partager sur le travail accompli et mettre en relief, de manière concertée, les pistes d’amélioration et les actions à entreprendre.

Globalement, l’évolution des revenus du planteur suit les spécificités climatiques annuelles sur du court terme. A moyen et long terme, le niveau technique du planteur et l’utilisation de variétés de canne adaptées au contexte pédo-climatique ont un impact direct sur son revenu. Le pouvoir d’achat des planteurs a légèrement augmenté en dix ans avec une croissance globale de son revenu de 17,7 % face à une inflation générale de 14,4 %.

Les difficultés de trésorerie reposent majoritairement sur les causes suivantes :
• un système de paiement de la canne et des subventions concentré sur deux mois,
• un manque de maitrise de la gestion globale de l’exploitation,
• des investissements « plaisir » non opportuns, surdimensionnés,
• une faible considération des conseils bancaires et de comptabilité agricole.

De nombreux dispositifs de financement ou d’aide à la trésorerie sont déployés pour les planteurs de canne. Les outils publics de développement, comme le FEADER, ne sont pas les plus utilisés ; les offres commerciales, telles que les locations en SNC, sont plus prisées par les planteurs mais moins avantageuses en réalité pour la rentabilité de l’exploitation.

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Table des matières

Introduction
1 La filière canne-sucre à La Réunion : contexte
1.1 Une filière historique et patrimoniale qui a façonné le modèle agricole actuel
1.1.1 La canne à sucre : une identité réunionnaise depuis 1810
1.1.2 Une filière historiquement structurante pour le territoire
1.1.3 Une production localement adaptée, constamment influencée par le contexte national, communautaire et mondial
1.1.4 Une filière préoccupée par la perte de son foncier
1.1.5 Des exploitations cannières en transition structurelle
1.2 Une filière structurée mais un équilibre fragile
1.2.1 Le Comité Paritaire de la Canne et du Sucre (CPCS) : une organisation interprofessionnelle
1.2.2 Les CMU, pôles canne et balances : une organisation spatiale
1.2.3 Le RITA Canne : une organisation de recherche appliquée
1.2.4 Une organisation fragile
1.3 Un pilier économique pour le territoire, soumis aux contraintes commerciales mondiales et aux politiques européennes
1.3.1 Le pivot de l’économie agricole et territoriale
1.3.2 Le sucre brut face à la concurrence européenne
1.3.3 Les sucres spéciaux face à la concurrence internationale
1.3.4 Des gains de compétitivité limités : vers une économie durable
1.4 L’année 2017 : un nouveau tournant pour la filière ?
1.4.1 Les conséquences de la fin des quotas sucriers sur les DOM
1.4.2 Une réponse nationale : 38 M€ pour les sucreries des DOM
1.4.3 La révision de la Convention Canne 2015-2021 à La Réunion
2 Valorisation des données technico-économiques existantes : l’évolution du revenu des planteurs
2.1 Constats préalables
2.2 Objectifs de la démarche
2.3 Estimation des produits d’exploitations cannières
2.4 Actualisation des charges des exploitations cannières
2.4.1 Compilation des différentes sources de données
2.4.2 Construction des résultats en collaboration avec l’interprofession
2.5 Estimation des évolutions des charges, des produits et des revenus d’exploitation de 2005 à 2015
2.5.1 Choix des paramètres d’évolution
2.5.2 Evolution des produits d’exploitation en fonction des accords interprofessionnels et des facteurs naturels
2.5.3 Evolution conjoncturelle des charges d’exploitation : l’IPAMPAR
2.5.4 Evolution du revenu d’exploitation
2.5.5 Identification des facteurs de compétitivité des planteurs
2.6 Limites et pistes d’amélioration
2.6.1 Des charges de mécanisation jugées difficilement objectivables
2.6.2 Des difficultés de communication avec l’interprofession
2.6.3 Une absence de prise en compte de la transition structurelle sur l’évolution du revenu agricole
Conclusion

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