Le lin
Généralités
La culture du lin pour l’approvisionnement en graines et fibres est très ancienne et des études d’archéobotanique suggèrent que celle-ci remonte à plus de 5000 ans. L’utilisation de lin sauvage serait encore plus ancienne de plusieurs milliers d’années. Il existe en tout plus de 200 espèces et sous-espèces de lin, offrant une palette conséquente d’options vis-à-vis des conditions de culture (stress hydrique, climat, compaction du sol, fertilisation, apport en zinc, compétition avec d’autres graminées, densité de semis, etc.) et des applications (lin textile ou lin oléagineux). Le lin dont il est question dans ce chapitre et tout au long de ce manuscrit est le lin textile (linum usitatissimum) cultivé. Sa production est majoritairement située dans les zones géographiques proches de la Manche, et dont le leader mondial de la production est la France, notamment grâce à la région Normandie qui cultive le lin sur plus de 60 000 ha . Le lin oléagineux, lui, est préférentiellement cultivé en Amérique du Nord mais une production annuelle de l’ordre de 24 000 t sur 12 000 ha est faite en France. Les graines obtenues contiennent 34 à 40% de matières grasses et elles sont aussi riches en protéines. Cette plante est plus petite que le lin textile, avec des graines plus grosses, et possédant moins de « branches ».
Le climat normand est propice à la culture du lin textile. Des températures douces et des précipitations régulières de mars à juillet sont idéales pour la croissance de la plante ainsi que pour la phase suivante correspondant au rouissage. Voilà pourquoi le lin textile est principalement cultivé le long de la Manche et surtout en Normandie. Cette culture nécessite cependant plus de temps que des cultures céréalières ainsi qu’un vrai savoir-faire, notamment pour le rouissage .
Plante à croissance annuelle, elle est semée au début de l’année (fin février-mars) et croit en 100 jours. La floraison a lieu vers le mois de juin. La plante est alors arrachée puis rouie. Le rouissage consiste à coucher les tiges de lin dans les champs et à les laisser soumises aux conditions climatiques. Le rôle du rouissage est d’éliminer des constituants de la plante, notamment la pectose, afin de séparer la lignine des fibres textiles. Une fois cette étape terminée (septembre) le lin est ramassé puis vendu par l’agriculteur. C’est à ce moment qu’intervient le teillage, opération mécanique servant à séparer les fibres longues des anas et des autres constituants de la plante. A l’issue de cette opération, l’ensemble des constituants du lin peut être utilisé : les fibres longues (textiles), les anas ainsi que les graines et les fibres courtes.
Les fibres
Formation des fibres
La création des cellules de la plante se fait en bout de tige. Tout d’abord indifférenciées, les cellules se divisent petit à petit au fur et à mesure de la croissance et se différencient selon leurs positions. Les cellules vont ensuite s’allonger selon deux phases, tout d’abord lentement (dimensions finales de 200 µm de longueur avec un diamètre compris entre 4 et 7 µm) grâce à une pression de turgescence. Une seconde élongation a lieu au cours de laquelle les cellules vont atteindre une longueur de plusieurs millimètres et un diamètre compris entre 5 et 75 µm. Ces dimensions seront les dimensions finales des fibres. Leur variabilité dépend aussi de facteurs extrinsèques à la plante tels que le climat, la durée entre le semis et l’arrachage, les conditions de rouissage, etc.
Caractérisations des fibres
Les fibres de lin, aussi appelées fibres libériennes, présentent une section polygonale. Il est possible de représenter la fibre de lin comme un cylindre constitué de deux parois, primaire (P) et secondaire (S). La paroi secondaire est elle-même la superposition de trois couches coaxiales. Une fine couche S3 située du côté du lumen ; S3 est entourée d’une couche S2 qui constitue l’essentiel de la paroi secondaire en épaisseur ; enfin, la couche fine S1 forme la couche externe de la paroi secondaire, en contact intérieur avec P. Une épaisseur en contact extérieur avec P, appelée lamelle moyenne, entoure et lie les fibres.
Les fibres de lin sont principalement composées de cellulose, d’hémicelluloses et de pectines. D’autres composants sont présents en de plus faibles quantités, tels des composés phénoliques ou des protéines. La cellulose existe dans la paroi végétale sous forme de microfibrilles présentant des diamètres de 1 à 6 nm. Ces microfibrilles sont enroulées de manière hélicoïdale autour de l’axe de symétrie de la fibre. Cet enroulement est caractérisé par un angle microfibrillaire (MFA) , qui est l’angle compris entre l’axe de la fibre et celui des microfibrilles de cellulose. Les angles microfibrillaires des couches S1 et S3, compris entre 30° et 70 , sont très différents du MFA de S2 qui vaut environ 10° (données internes mesurées par diffraction des rayons X). Cette structure en couches avec des angles microfibrillaires différents explique l’anisotropie des retraits entre les couches S1, S2 et S3.
Un des intérêts principaux de la fibre de lin réside dans ses propriétés mécaniques, proches du verre et supérieures à celles d’autres fibres végétales telles que le coton ou le jute. En effet, les fibres de lin présentent une résistance en traction comprise entre 400 et 2000 MPa, une déformation à la rupture allant de 1 à 3% et un module d’Young compris entre 30 et 110 GPa. Les variabilités observées peuvent s’expliquer par le fait que le lin est une fibre naturelle. Ces valeurs mécaniques sont proches de celles de la fibre de verre (σ ~ 3400 MPa, εrupture ~ 4.8 % et EYoung ~ 73 GPa), et sa densité est plus faible. Une étude récente montre que le MFA est lié aux propriétés mécaniques. Plus le MFA est petit, plus le module d’Young des fibres est élevé. La teneur en acide uronique semble avoir un rôle important : plus cette teneur est élevée, plus le module d’Young de la fibre est élevé. Ces bonnes propriétés mécaniques font de la fibre de lin un candidat idéal pour les matériaux composites. Ainsi, la fibre de lin technique a des applications dans le secteur automobile, dans celui de l’aéronautique, dans la facture d’instruments de musique, ou dans la fabrication d’articles de sport et loisirs. Les propriétés mécaniques des fibres de lin seront cependant affaiblies suite à une exposition aux rayons UV ou à la pluie.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : Etude bibliographique
1 Le lin
1.1 Généralités
1.2 Les fibres
1.2.1 Formation des fibres
1.2.2 Caractérisations des fibres
1.3 Les anas
1.3.1 Composition
1.3.2 Utilisation des anas
2 La cellulose
2.1 Contexte biologique
2.2 Structure
2.2.1 Du monomère au polymère
2.2.2 Du polymère au cristal
2.2.2.1 Généralités
2.2.2.2 Cellulose I : structure cristalline et liaisons hydrogènes
2.2.2.3 Ultrastructure et modèle frange-micelle
2.3 Extraction
3 Les méthodes de caractérisations
3.1 Diffraction des rayons X aux grands angles
3.1.1 Analyse d’un diffractogramme
3.1.2 Analyse d’un diffractogramme avec l’élargissement anisotrope des raies de diffraction
3.2 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
3.2.1 Assignation complète des raies de la cellulose mesurées par FTIR
3.2.2 Modification du spectre infrarouge avec la température
3.3 Un outil d’analyse puissant : la deutération
3.4 Attribution des pics du signal FTIR de la cellulose deutéree
4 Les nanocelluloses
4.1 Les nanocristaux
4.1.1 Découverte et mécanisme réactionnel de l’hydrolyse
4.2 Etat de l’art des méthodes de production des NCC
4.2.1 Hydrolyse acide
4.2.1.1 Acide sulfurique
4.2.1.2 Acide chlorhydrique
4.2.1.2.1 État liquide
4.2.1.2.2 État vapeur
4.2.1.3 Autres acides
4.2.2 Persulfate d’ammonium
4.2.3 Liquides ioniques
4.2.4 Broyage à bille
4.3 Nanofibres
4.3.1 Historique
4.3.2 Progrès faits dans la production des NFC
4.3.2.1 Importance des prétraitements
4.3.2.2 Nanofibrillation en présence de polymères non cellulosique
4.3.3 Rhéologie des suspensions de nanofibres de cellulose
4.3.3.1 Influence de la géométrie et de la concentration
4.3.3.2 Autres paramètres influençant la viscosité de la suspension
Chapitre 2 : Production de NCC
Résumé du chapitre
Introduction
1 Blanchiment et hydrolyse des anas de lin
1.1 Matériaux et méthodes
1.1.1 Matériaux
1.1.2 Blanchiment des anas de lin
1.1.3 Microscopie de la tige de lin et des anas
1.1.4 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflectance totale atténuée
1.1.5 Diffraction des rayons X
1.2 Résultats
1.2.1 Caractérisation microscopique des anas avant traitement
1.2.2 Rendement
1.2.3 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
1.2.4 Diffraction des rayons X
2 Taille et forme des NCC
2.1 Méthodes
2.1.1 Hydrolyse acide
2.1.2 Rendement
2.1.3 Microscopie à force atomique
2.1.4 Microscopie électronique en transmission
2.1.5 Spectroscopie RMN du 13C en polarisation croisée et rotation de l’angle magique
2.1.6 Potentiel ζ
2.1.7 Diffraction des rayons X
2.1.7.1 Mesures
2.1.7.2 Elargissement anisotrope des raies de diffraction
2.1.7.3 Implémentation et modèle triphasique
2.2 Résultats
2.2.1 Rendement, microscopie et potentiel ζ
2.2.2 Cristallinité
2.2.3 Spectroscopie RMN 13C CP/MAS
3 Spectroscopie IR avec montée en température et échange isotopique
3.1 Méthodes
3.1.1 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en réflectance totale atténuée
3.1.2 ATR-FTIR à haute température
3.2 Résultats
3.2.1 Spectroscopie infrarouge de contrôle
3.2.2 ATR-FTIR selon la température
3.2.2.1 Eau et liaisons hydrogène
3.2.2.2 Effets d’hystérèses
Conclusion du chapitre
Chapitre 3 Production de nanofibres de cellulose
Résumé du chapitre
Introduction
Augmente en volume
Reste homogène au sens macroscopique
Subisse une perte partielle de sa cohésion interne, mais pas une élimination de celle-ci
La fraction de liaison hydrogène et la fraction polaire du paramètre de solubilité
La diminution du volume molaire du solvant
L’accessibilité de la source cellulosique
1 Criblage de l’efficacité des agents gonflants pour la défibrillation par ultrasons
1.1 Matériaux et Méthodes
1.1.1 Matériaux
1.1.2 Préparation des suspensions de cellulose
1.1.3 Préparation des agents gonflants
1.1.3.1 Polyéthylène glycol
1.1.3.2 Pectine
1.1.3.3 Alcool Polyvinylique
1.1.3.4 Carboxyméthyl cellulose
1.1.3.5 Tensioactifs (Dodécyl Sulfate et Cétylméthylammomium Bromide)
1.1.3.6 Mercerisation dans la soude
1.1.3.7 Chlorure de 1-butyl,3-méthylimidazolium avec du diméthylsulfoxide
1.1.4 Solvants Eutectiques Profonds Naturels
1.1.4.1 Préparation des NADES
1.1.4.2 Acide Acétique : Acide Citrique
1.1.5 Microscopie optique
1.2 Résultats
2 Production de nanofibres de cellulose à partir d’anas de lin et au moulin ultrafin et caractérisations dimensionnelles
2.1 Matériaux et Méthodes
2.1.1 Matériaux
2.1.2 Préparation des suspensions
2.1.3 Production des suspensions de NFC avec les meules de grandes capacités
2.1.4 Production des suspensions de NFC avec les meules fines
2.1.5 Microscopie optique
2.1.6 Microscopie électronique à balayage
2.1.7 Microscopie à force atomique
2.2 Résultats
2.2.1 Production de NFC avec les meules de grandes capacités
2.2.2 Production de NFC avec des meules fines
3 Caractérisations physico-chimiques des anas de lin broyés
3.1 Méthodes
3.1.1 DRX
3.1.2 Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier
3.1.2.1 Films réalisés à partir des suspensions
3.1.2.2 Surnageant de la suspension eau
3.2 Résultats et Discussion
3.2.1 Diffractogrammes, cristallinité et tailles des cristallites
3.2.2 FTIR des films de NFC
3.2.3 FTIR du surnageant de la suspension eau
Conclusion du chapitre
A retenir
Conclusion générale
Annexes