Valorisation de la figue de barbarie (Opuntia dillenii) : extraction et stabilisation des pigments

Au Sénégal, l’industrie agroalimentaire est en constante évolution avec la caractérisation de nouvelles agro-ressources. Des fruits que l’on croyait toujours sauvages et non comestibles ne le sont pas en réalité. Les projets de recherche sur ces fruits contribuent à l’élargissement des choix alimentaires et nutritionnels de la population sénégalaise. Ces fruits sont particulièrement très riches en micro et macroéléments, fibres, vitamines, etc. Leur caractérisation s’avère donc être un préalable en vue de la valorisation de leur potentiel auprès des consommateurs. Tel est le cas de la figue de barbarie. Son arbre appelé figuier de barbarie (Opuntia sp.) est une plante appartenant à la famille des cactacées (Aruwa et al. 2018). Ses fruits sont très appréciés pour leur goût acidulé et leur coloration intense due à la présence des bétalaïnes (Khan et Giridhar 2015) et sont largement utilisés dans la fabrication de produits alimentaires tels que les jus, les sirops, les confitures, les concentrés…(E. M. Yahia et Sáenz 2011). De nombreux travaux ont par ailleurs mis en évidence les propriétés thérapeutiques du fruit (Armando E. et al. 2019). Le figuier de barbarie est cultivé dans plusieurs pays, notamment l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Pakistan, l’Algérie, l’Iran, la Libye, le Mexique, l’Afrique du Sud, l’Espagne…(Moussa-Ayoub et al. 2014).

Le figuier de barbarie est également présent au Sénégal. Communément appelé «Gargambôcé », on le trouve principalement dans la zone des Niayes (littoral du pays) comprenant les régions de Saint-Louis, Louga, Thiès et Dakar (Kerharo et Adam 1974). Cependant, il y est faiblement exploité malgré toutes ses potentialités. Son utilisation est réduite à la constitution de haies vives pour la sécurisation des champs et maisons dans certaines zones. Il en résulte d’énormes pertes essentiellement causées par l’absence de technologies de conservation et de transformation appropriées.

Le développement de procédés de transformation respectueux de la qualité nutritionnelle de la matière première représente un enjeu important pour valoriser ses fruits. Une meilleure valorisation de la figue de barbarie permettra également de créer de nouvelles activités économiques créatrices d’emplois au Sénégal.

Le figuier de barbarie (Opuntia spp.) dans le monde

Aspects botaniques et description de la plante

Le figuier de barbarie (Opuntia sp.) est une plante vivace ayant un système radiculaire charnu, superficiel et à dispersion horizontale. Elle peut mesurer de quelques centimètres à plus de 6 m de hauteur (Amani et al. 2019). Le genre Opuntia appartient à la famille des Cactaceae, ordre des Caryophyllacées et à la sous-classe des Caryophyllidae (Beccaro et al. 2015). La tige et les rameaux du figuier de barbarie correspondent à des raquettes vertes, cylindriques ou aplaties (cladodes) ayant une longueur moyenne de 30 à 50 cm et une largeur moyenne de 15 à 30 cm (Mena et al. 2018) . Les feuilles des espèces d’Opuntia sont réduites en épines et il est parfois difficile de les identifier ou de retrouver leurs cicatrices. Les aréoles, petites protubérances à la surface des cactées d’où émergent les aiguillons ou les soies, portent des épines et des poils spéciaux appelés glochides (Barbera, Inglese, et Pimienta-Barrios 1995). Ces épines sont blanchâtres, solidement implantées, avec une longueur de 1 à 2 cm. Il existe des variétés inermes (sans épines) (Valadez-Moctezuma et al. 2015). A partir des tissus des aréoles se développent les nouvelles cladodes, racines et fleurs (Ginestra et al. 2009).

Les fleurs sont hermaphrodites, solitaires et de différentes couleurs selon les espèces avec des sépales, des pétales et des étamines en nombre indéfini et en disposition spiralée (Nieddu et al. 2000).

Les fruits du figuier de barbarie sont des baies charnues plus ou moins grosses (30 à 150 g), piriformes (forme d’une poire), ovoïdes (4-9 cm de diamètre), à pulpe molle juteuse et sucrée. Ils sont en général consommés frais et sont très rafraîchissants et nutritifs (Habibi 2004).Les fruits s’alignent exclusivement sur le bord de la raquette. La période de fructification se situe entre juillet et septembre (Habibi 2004). La pulpe jaune, verte, blanche ou rouge selon l’espèce est parsemée de graines noires à enveloppe dure. Toutefois il existe des variétés sans pépins (ElBehi et al. 2013) .

Exigence écologique et culture

Le figuier de barbarie est une plante tropicale et subtropicale, caractérisée par ces feuilles réduites en épines. Le cactus possède une grande adaptation aux conditions les plus hostiles (aridité du climat, salinité des sols, terrains de faible potentiel agricole). Il s’adapte bien aux sols légers sablonneux-limoneux mais s’accommode mal sur des sols hydromorphes et asphyxiants (Habibi 2004) .

Le figuier de barbarie est cultivé pour la régénération des terres arides et ne nécessite pas de pratiques culturales spécialisées ni d’apport de fertilisants. Dans plusieurs pays, les efforts se sont multipliés pour en faire une culture industrielle (culture fourragère ou maraîchage) (Russell et Felker 1987). La production de fruits (figues de barbarie) reste cependant l’aspect le plus recherché et le plus développé (Cota-Sánchez 2016). Traditionnellement, le figuier de barbarie est multiplié végétativement par bouturage des cladodes. La durée et la période de fructification dépendent de la variété et de la zone géographique (Cota-Sánchez 2016).

Dans certains pays tels que l’Italie, l’Espagne, le Mexique ou Israël, la culture du cactus est pratiquée de façon intensive et moderne avec des programmes de recherche-développement pour la production de fruits ou de fourrage et même pour des usages industriels (E. M. Yahia et Sáenz 2011).Les rendements de la production varient d’une localité à une autre (Wang, Felker, et Paterson 1997). En Italie, le rendement d’un verger en production peut atteindre 12 à 30 T.ha1. an-1 avec un revenu de 2000 à 6000 USD.ha-1 .an-1 . En Israël, un verger peut produire 25 T.ha1 .an-1 avec un revenu de 2000 USD.ha-1 .an-1 (FAO 2013). Les espèces les plus cultivées pour la production des fruits sont : Opuntia ficus indica, Opuntia amyclae, Opuntia xoconostle, Opuntia megacantha et Opuntia streptacantha. Les espèces sauvages incluent Opuntia hyptiacantha, Opuntia leucotricha et Opuntia Robusta. L’espèce la plus cultivée dans le monde est Opuntia ficus indica. C’est la seule Opuntia cultivée dans le bassin méditerranéen, où elle est utilisée à diverses fins (production d’huile, fourrage…) (E. M. Yahia et Sáenz 2011).

Répartition géographique et noms vernaculaires

Le figuier de barbarie est originaire des régions arides et semi-arides du Mexique. Il s’est naturalisé tout au long des Amériques, du Canada au Chili, dans le sud des États-Unis, tous les pays d’Amérique Centrale, les pays des Caraïbes, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Pérou et le Venezuela. Espèce sauvage ou cultivée, le figuier de barbarie se développe également en Angola, en Australie, en Inde, au Sénégal et en Afrique du Sud (Figure 3). Ces pays ont plus de 5 milliards d’hectares (ha) de zones arides et semi-arides (E. M. Yahia et Sáenz 2011).

Importance agroéconomique

Alimentation humaine

Les fruits et les cladodes sont largement utilisés pour la consommation humaine et animale. Les fleurs sont également considérées comme un légume et peuvent être consommées comme tel (E. M. Yahia et Sáenz 2011). Les fruits sont très connus pour leurs activités antioxydante et antiradicalaire (Rasoulpour et al. 2018). Les fruits sont consommés à l’état frais, séchés, confits ou après transformation en jus, concentré, crème glacée ou boisson alcoolisée. La graine fournit une huile alimentaire. Dans plusieurs pays, les figues de barbarie font l’objet de cueillette et de vente au niveau des régions de production et des centres urbains avoisinants (Guerrero-Beltrán et Ochoa-Velasco 2018). Au Mexique et dans beaucoup de pays latino-américains, le fruit est conditionné industriellement et stabilisé par différentes méthodes (froid, séchage). Plusieurs sous-produits sont préparés à partir des fruits, telle qu’une boisson alcoolisée nommée « colonche ». Dans les déserts du Néguev en Israël, les fruits sont aussi utilisés pour produire des glaces (PimientaBarrios 1994a). Les jeunes raquettes d’Opuntia, appelées « Nopals » ou « Nopalitos » sont consommées comme légume au Mexique et dans le sud des Etats-Unis. Celles-ci sont préparées sous différentes formes : comme composantes de salades, cuites avec de la viande et des œufs, ou sous forme de tartes, avec une saveur de pomme (Pimienta-Barrios 1994a). La valeur nutritive du Nopal est similaire à de nombreux légumes à feuilles comme la laitue ou les épinards. Ils sont considérés comme une source importante en vitamines (vitamine C) et en minéraux, principalement le calcium et le fer. Le Mexique en produit annuellement plus de 230 000 tonnes dont 2000 à 3000 tonnes font l’objet d’exportations (FAO 2013).

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Table des matières

INTRODUCTION
I. SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
I.1 Le figuier de barbarie (Opuntia spp.) dans le monde
I.1.1 Aspects botaniques et description de la plante
I.1.2 Exigence écologique et culture
I.1.3 Répartition géographique et noms vernaculaires
I.1.4 Importance agroéconomique
I.2 Le figuier de barbarie (Opuntia dillenii) au Sénégal
I.2.1 Introduction
I.2.2 Répartition géographique et noms vernaculaires
I.2.3 Culture
I.2.4 Consommation
I.2.5 Commercialisation
I.2.6 Médecine traditionnelle
I.2.7 Environnement
I.2.8 Conclusion
I.3 Les bétalaïnes
I.3.1 Généralités
I.3.2 Biosynthèse des bétalaïnes
I.3.3 Propriétés fonctionnelles et antiradicalaire
I.3.4 Stabilité des bétalaïnes
I.4 Les technologies membranaires dans les industries agro-alimentaires
I.4.1 Généralités
I.4.2 La microfiltration tangentielle
I.4.3 L’ultrafiltration
I.4.4 La nanofiltration
I.4.5 Les difficultés rencontrées en procédés baromembranaires
II. MATERIEL ET METHODES
II.1 Matériel végétal et préparation des extraits
II.2 Méthodes d’analyse pour la caractérisation des extraits
II.2.1 Analyses physico-chimiques des extraits
II.2.2 Mesure de la couleur
II.2.3 Détermination de la teneur en azote total
II.2.4 Dosage des sucres et acides organiques
II.2.5 Analyse des minéraux
II.2.6 Dosage des bétalaïnes
II.3 Etude de la stabilité thermique des bétalaïnes de la figue de barbarie
II.3.1 Etude de la dégradation thermique des bétalaïnes
II.3.2 Etude de la stabilité des bétalaïnes au cours du stockage
II.3.3 Modélisation de la dégradation des bétalaïnes
II.4 Essais d’extraction des bétalaïnes par procédés membranaires
II.4.1 Conduite des essais en microfiltration tangentielle
II.4.2 Conduite des essais d’ultrafiltration et de nanofiltration
II.4.3 Modélisation de la concentration et de la séparation des bétalaïnes par UF/NF 46
II.5 Conduite de la fermentation
II.5.1 Identification du matériel biologique
II.5.2 Identification de la souche Saccharomyces cerevisiae
II.5.3 Choix du milieu de préculture
II.5.4 Numération cellulaire
II.5.5 Dispositif expérimental
II.5.6 Plan d’expériences
III. RESULTATS ET DISCUSSION
III.1 Caractéristique physico-chimique et biochimique de jus de figue de barbarie
III.1.1 Introduction
III.1.2 Composition du jus de figue de barbarie
III.1.3 Conclusion
III.2 Stabilité des bétalaïnes lors des étapes de pasteurisation et de stockage
III.2.1 Introduction
III.2.2 Etude de la stabilité thermique des bétalaïnes de la figue de barbarie
III.2.3 Modélisation de la dégradation des bétalaïnes durant le traitement thermique
III.2.4 Optimisation de la pasteurisation du jus de figue de barbarie
III.2.5 Etude de la stabilité du jus de figue de barbarie durant le stockage
III.2.6 Mesure de la couleur
III.2.7 Conclusion et perspectives
III.3 Production d’extraits de bétalaïnes par couplage de procédés membranaires
III.3.1 Introduction
III.3.2 Composition du jus de figue de barbarie
III.3.3 Sélection d’une membrane et d’une pression transmembranaire pour la clarification
III.3.4 Clarification par microfiltration
III.3.5 Concentration et purification par nanofiltration/ultrafiltration
III.3.6 Simulation de la séparation des bétalaïnes par nanofiltration / ultrafiltration
III.4 Mise au point d’un procédé de production de colorant naturel
III.4.1 Introduction
III.4.2 Conduite de la fermentation
III.4.3 Choix du milieu de préculture de la levure
III.4.4 Evaluation de l’activité fermentaire des levures en fonction des milieux de préculture
III.4.5 Optimisation des paramètres opératoires de fermentation
III.4.6 Etude de la cinétique de fermentation
III.4.7 Modélisation du taux de conversion (C/C0) des solutés majeurs au cours de la fermentation
III.4.8 Evaluation de la qualité des extraits fermentés
III.4.9 Conclusion
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIES
ANNEXE

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