Dans sa politique de lutte contre la pauvreté et de développement durable, l’Etat malgache lance un défi qui n’est pas facile à réaliser. Une possibilité de contribuer à cette politique est la valorisation de la biodiversité car Madagascar dispose d’une diversité biologique exceptionnelle qui mérite une attention particulière. Sachons que, la valorisation de la biodiversité ne se limite pas au seul souci de conservation ou d’exploitation rationnelle des ressources naturelles mais elle englobe un ensemble d’objectifs écologiques, économiques, sociaux et culturels cohérents avec la gestion des ressources de la biodiversité et les besoins des générations actuelles et futures. D’un autre coté, Madagascar, plus particulièrement le sud ouest de la grande île, dispose d’une intéressante biodiversité malheureusement menacée à cause essentiellement de la culture sur abattis brûlis ou hatsaky. Ainsi, il est nécessaire de chercher d’autres activités et pratiques culturales pour la région afin de réduire la pression sur l’environnement. Dans le cadre d’une recherche réalisée avec l’IRD et le C3EDM, le présent mémoire a pour objectif d’évaluer le potentiel de développement de la filière apiculture pour les communautés locales dans la forêt de Mikea. C’est pourquoi il établit toutes les données concernant la valorisation de la biodiversité par le miel dans la forêt de Mikea. En effet, la promotion de la filière apiculture est une mode de valorisation de la biodiversité. Elle a plusieurs fonctions dont sa fonction génératrice de revenu, sa fonction protectrice de l’environnement… Malgré cela, il ne faut pas oublier les autres réalités de la région dont l’importance du revenu généré par le hatsaky, la méconnaissance des problèmes environnementaux par les paysans, l’insuffisance de la participation de l’Etat et des organismes non gouvernementaux, la faiblesse des coordinations sur le terrain et des moyens d’intervention et surtout le faible connaissance et instruction de la population. On va essayer par le présent mémoire de faire une analyse de l’existant, de contribuer au développement de la région par la valorisation de la biodiversité par le miel et de chercher une meilleure conciliation entre l’environnement, l’économie et le développement.
Présentation de la zone d’étude
Milieu physique
Localisation
La forêt de Mikea se situe dans le sud-ouest de Madagascar. Elle est délimitée au sud par la rivière Manombo, au nord par Morombe, à l’est par la RN 9 et à l’ouest par le Canal de Mozambique. Nos sites de recherche sont les communes de: Analamisampy, Ankililoaka, Ankilimalinika, Tsianisiha, Ankadobariaka, Marofoty, Manombo et Salary.
Le climat
La forêt de Mikea est caractérisée par une température très élevée avec une moyenne annuelle supérieure à 23°C. La cote jouit d’un climat sub-aride et un climat semi-aride affecte l’intérieur. La saison se divise essentiellement en deux:
-Une saison sèche assez longue qui peut couvrir 9 mois et
-Une saison de pluie d’environ 3 mois
La pluviométrie moyenne est inférieure à 600mm, toutefois, la région possède des sources d’eau suffisantes pour la fabrication du miel. Le climat est un facteur à la production de miel. Concernant la pluie, elle empêche les abeilles de voler et nuit à la montée du nectar des fleurs nécessaires à la fabrication de miel. Pour la température, la chaleur n’affecte pas beaucoup les abeilles alors qu’une température inférieure à 8°C les empêche de travailler.
les plantes mellifères
L’une des principales conditions de la production de miel est certainement l’existence des essences mellifères suffisantes. En effet, l’environnement mellifère est favorable à l’apiculture dans la région. La présence d’un bon nombre de plantes mellifères et ses floraisons reparties sur presque toute l’année confirment le potentiel apicole.
Milieu humain
La population
La population de la zone d’étude est composée en grande partie de Masikoro, d’origine chasseur, de Vezo dans le littoral, d’origine pêcheur et des migrants. Les migrants sont généralement représentés par les Antandroy, les Betsileo, les Antanosy, les Mahafaly et les Merina. La particularité de la région est la présence d’un groupement humain qui fait souvent l’objet de recherches. Ce groupement est appelé les Mikea. Selon la définition des populations autochtones de la Directive Opérationnelle 4.20 de la Banque Mondiale: “le groupe dit Mikea comprend des sous groupes qui ont une identité culturelle et sociale distincte caractérisée par:
-une dépendance considérable envers les produits de la forêt pour leur subsistance
-une production ou la subsistance occupe une place importante
-un mode de vie étroitement lié à l’existence de la forêt et
-une situation de forte pauvreté selon les indicateurs sociaux et économiques de pauvreté généralement utilisés”.
La densité de la population ne dépasse pas 10 hab. / km² mais on constate une densité plus forte au long de la RN9. Le taux de croissance démographique est environ 3% par an.
La déforestation et les activités économiques
Les activités économiques
a) L’agriculture
Les populations de la zone d’étude sont presque toutes des agriculteurs saufs les Vezo de la côte qui sont généralement des pêcheurs. La culture du maïs est la principale source de revenu de la majorité de la population même si tous les gens savent que sa pratique est catastrophique à l’environnement. Face aux bénéfices générés par le maïs et la simplicité de la pratique, la forêt semble être leur dernier souci. La technique de production du maïs consiste à faire du défrichement et utilise une énorme superficie de la forêt. On constate aussi que la culture du riz a une place très importante dans les régions irriguées de la zone. D’autres cultures comme le manioc, la patate douce, l’arachide, le kabaro, l’oignon, haricot, … et les cultures maraîchères s’ajoutent aux activités agricoles de la région.
La culture du coton qui autrefois constituait une source de revenu très importante à la population semble être délaissée au profit d’autres cultures.
b) L’élevage
Les habitants de la région de Mikea attachent une valeur très importante à l’élevage bovin qui prédomine dans la région. En effet, les boeufs ont un usage multiple dans la région. Ils assurent le transport et constituent une épargne pour les paysans. Dans les zones irriguées, les boeufs interviennent dans presque tous les stades de la production du riz. Les boeufs sont aussi signe de grandeur et de richesse ainsi son importance lors des cérémonies. Toutefois, la commercialisation du boeuf ne se fait souvent qu’exceptionnellement. A part le bovin, l’élevage des volailles et des chèvres se voient aussi.
c) La pêche et la culture d’algue
La pêche est principalement pratiquée par l’ethnie Vezo. La production n’est pas très importante du fait que le système d’exploitation est encore artisanal. La production est destinée à la consommation et à la vente. La pêche en eau douce existe aussi dans les rivières mais n’a pas trop d’importance. Avec l’encadrement de la société BIOMAD, certains villageois s’adonnent également à la culture de l’algue.
d) L’exploitation du bois
Diverses activités découlent de l’exploitation du bois. Elles peuvent être très génératrices de revenu. La fabrication de charbon est la plus intéressante, s’ajoute après l’exploitation du bois de chauffe, la commercialisation des bois de construction et les différentes fabrications telles la fabrication des charrettes, la fabrication de pirogue, la fabrication de cercueil. Les plantes médicinales tiennent aussi une place dans la région.
e) La chasse et la cueillette
Elles sont une source de revenu très importante pour les habitants de la forêt. L’ethnie la plus habile à ces activités est le Masikoro. La chasse et la cueillette se pratiquent surtout en période de soudure. Les produits de la chasse et de la cueillette sont généralement consommés ou vendus dans les marchés hebdomadaires. Les produits de chasse sont en grande partie les hérissons et les oiseaux tan disque la cueillette amènent les produits tels le miel et les différents tubercules. Notons que l’api cueillette tient une place très importante pendant les périodes favorables et a aussi un rendement financier intéressant par rapport aux autres produits de cueillette.
Les structures d’appui au développement
Les structures pour la conservation de la forêt
Dans le cadre de la troisième phase du Programme Environnemental de Madagascar, le projet de conservation de la biodiversité de la forêt de Mikea à travers la création d’une aire protégée est en cours. La FIMAMI, le SAGE et le WWF avec un financement de la Conservation Internationale ont déjà fait une étude de faisabilité de l’installation de l’aire protégée. Actuellement, un comité mixte formé par la FIMAMI, les communes riveraines, le SAGE, le WWF, le service des eaux et forêt et de l’environnement, la gendarmerie et les services techniques concernés est mis en place pour le processus de création de l’aire protégée.
La FIMAMI (FIkambanana Miaro ny Alan’I Mikea)
Cette association a été créée en 1998. Elle regroupe les 15 communes de la forêt de Mikea. Elle est l’institution la plus proche de la population. La FIMAMI, depuis sa création, contribue avec la population à la conservation de la forêt à travers diverses actions. “FIMAMI- La FIMAMI joue un rôle central dans la stratégie proposée. Depuis sa création en 1998, la FIMAMI a à son actif plusieurs action de développement et préservation de l’environnement dont, entre autre, le renforcement de l’application des lois concernant le défrichement et les feux de brousse le long de la lisière de la forêt du cité de la RN 9; la mise en place de contrats de transfert de gestion des ressources naturelles pour favoriser la gestion par les Mikea de leur patrimoine naturel; la mise en place des « dina » locaux et intercommunaux visant à protéger la forêt; la mise en oeuvre d’étude et la création de voies de desserte, l’aménagement de l’environnement marin et côtier… La FIMAMI possède donc la capacité organisationnelle de mener à bien des petits projets. En général, elle entretien de bonne relation avec les organismes non gouvernementaux, et les services décentralisés de la région. La FIMAMI joue un rôle important dans le Comité Régional de Programmation (CRP) de Toliara. Elle a une présence reconnue sur le terrain, et de par sa couverture au niveau des communes est la plus proche des communautés Mikea visées par le projet… Les principales sources de financement de la FIMAMI sont actuellement les cotisations annuelles payées par les communes qui peuvent le faire, les amendes sur les violations des « dina » communaux et intercommunaux, et les financements venant des organismes de conservation et de développement qui collaborent avec elles.” WWF 2003 .
Le SAGE (Service d’Appui à la Gestion de l’Environnement)
Le SAGE a été créé en 2002, il regroupe les anciens volets d’Appui à la Gestion Régionalisée et l’Approche Spatial (AGERAS), Gestion Locale Sécurisée (GELOSE), Recherches en Biodiversité et Eco systèmes Marins et Côtier (EMC) de l’Office National de l’Environnement, organe chargé de la coordination du Programme Environnemental phase 2. Les objectifs de SAGE sont l’intégration de la dimension environnementale dans les plans de développement régionaux, intercommunaux et communaux ; la gestion durable des ressources naturelles et de biodiversité marine et terrestre ; le renforcement des capacités des acteurs locaux pour la gestion durable des ressources naturelles et en communication. Concernant les actions du SAGE dans la région de Mikea : « Le SAGE a catalysé et appuyé la mise en place des structures de concertation au niveau local, communal et intercommunal dans le sud ouest de Madagascar, dont en particulier la FIMAMI en 1998, l’Association Inter Communale du Plateau Mahafaly (AICPM) en 1999 et continue actuellement de dynamiser ces structures et de les appuyer dans l’identification de partenaires et la mise en oeuvre de petits projets; il a également été le principal catalyseur et facilitateur de transfert de gestion des ressources naturelles aux communautés locales dans la région (Sakoatovo), et le principal coordinateur dans l’élaboration de plusieurs Plans de Développement Communaux (PCD) dans le sud (Morombe, Basibasy etc ). Le SAGE opère principalement comme un prestataire de service. Il possède une cellule technique régionale à Toliara, composée d’un coordinateur et de techniciens, ce qui rend sa présence sur le terrain facile et efficace. Le SAGE travaille en étroite collaboration avec plusieurs partenaires dans la région et au niveau national, Ministère de l’environnement et des eaux et forêt”. WWF 2003 .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : Présentation de la zone d’étude
11 Milieu physique
111 Localisation
112 Le climat
113 les plantes mellifères
12 Milieu humain
121 La population
122 La déforestation et les activités économiques
13 Les structures d’appui au développement
131 Les structures pour la conservation de la forêt
132 Les projets et les institutions financières
CHAPITRE II : Hypothèses, concepts et méthodologie
21 Hypothèses
22 Concept
221 Le développement local
222 Le développement durable
223 La valorisation de la biodiversité
224 Le choix de la filière
23 La méthodologie
231 Le travail bibliographique
232 Le travail sur terrain
233 Calendrier de réalisation
CHAPITRE III : La filière miel à Madagascar
31 Contexte
311 Historique
312 Contexte actuel
32 Etat des lieux
321 La production
322 La commercialisation
323 Les acteurs de la filière
324 Présentation de quelques zones d’action apicole
33 La filière miel à Tuléar
331 La production
332 La structuration du marché
34 Analyse du schéma de développement de la filière miel à Madagascar
341 La conception du schéma
342 Le contenu
343 Suggestions
CHAPITRE IV : La valorisation de la biodiversité par le miel dans la région Mikea
41 Résultats et interprétation
411 Les systèmes d’exploitation
412 La commercialisation et les utilisations des produits apicoles
413 Les acteurs de la filière
414 Vision future de la filière par les acteurs
42 Diagnostic de la filière
421 Les problèmes actuels des paysans
422 Identification des éléments forces, faiblesses, opportunités et menaces
CHAPITRE V : Propositions et résultats attendus
51 Quelques modèles d’exploitation
511 La cueillette
512 L’exploitation moderne
52 Comparaison des modèles d’exploitation
521 Comparaison et interprétation
522 Conclusion
53 Proposition d’un modèle d’exploitation
531 Le système d’exploitation
532 Contribution au développement local
533 Contribution au développement durable
54 Proposition de solutions aux problèmes actuels des paysans
541 Solutions aux problèmes de la cueillette
542 Solutions aux problèmes de l’élevage
543 Solutions aux autres problèmes
CHAPITRE VI : Perspectives et recommandations
61 Perspectives
611 Perspectives générales
612 Perspectives du miel Mikea
62 Recommandations
621 Une politique de développement durable
622 La promotion de la filière miel
623 Plan de valorisation
CONCLUSION
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