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Réponse radiométrique au niveau du sol
Le spectre de réflectance d’un sol est généralement caractérisé par une augmentation progressive de la réflectance du visible à l’infra rouge (Figure I-4).
Les propriétés optiques des sols sont reliées à leur contenu en eau, à leur composition minérale et organique, à la taille des particules qui les composent et à la géométrie de mesure (angle solaire et de visée).
Une augmentation de l’humidité du sol entraîne une baisse de la réflectance sur tout le spectre (Figure I-4, sol sec et mouillé). La réflectance d’un sol dépend également des dimensions des particules qui le constituent. Plus les particules sont fines, plus la réflectance est élevée pour un type de sol donné. En effet, lorsque les particules sont très fines, elles ont tendance à former une surface unie avec peu d’aspérités alors que lorsqu’elles sont plus grosses, il existe des aspérités qui jouent alors le rôle de pièges à lumière. Ainsi, la réflectance d’un sol diminue sur tout le domaine spectral lorsque sa rugosité augmente. Sur la Figure I-4, on note que le sol limoneux sec hersé est moins réfléchissant que le sol argileux pour le même état de surface car il est moins rugueux. De la même façon, le sol labouré présente une réflectance moins élevée que le même sol hersé car les effets d’ombre crées par les agrégats sont plus importants.
Le maximum de réflectance est observé dans la direction du hotspot lorsque les ombres ne sont pas visibles. Ainsi un sol nu n’est pas un diffuseur lambertien.
La contribution du sol au signal radiométrique total d’un couvert végétal est directement liée aux propriétés optiques et structurales du couvert sus-jacent.
Structure tridimensionnelle des couverts
Norman et Campbell (1989) définissent la structure des couverts végétaux comme l’organisation spatiale des différents organes de la végétation, c’est à dire la distribution des positions, orientation et forme de ces différents organes. Dans le domaine optique, les feuilles sont les principales surfaces interagissant avec le rayonnement, c’est pourquoi on portera ici un intérêt particulier à la structure du feuillage.
Cette structure du feuillage peut être caractérisée par quatre facteurs principaux : l’indice de surface foliaire (LAI), la distribution spatiale des surface foliaires, l’orientation angulaire des feuilles et la dispersion des feuilles.
Le LAI
La quantité de feuilles d’un couvert végétal est classiquement décrite par son indice de surface foliaire ou Leaf Area Index (LAI), paramètre primordial dans le transfert radiatif puisqu’il est la principale source d’interaction avec le rayonnement solaire.
Le LAI a tout d’abord été défini comme la surface totale d’une face des feuilles par unité de surface du sol (Watson 1947). Cette définition ne convient plus dès lors que les feuilles ne sont pas plates comme les aiguilles de conifères par exemple. De nombreuses études définissent alors le LAI comme la projection de surface foliaire au sol (Smith, 1991 ; Bolstad et Gower, 1990). Ces deux définitions peuvent amener à des résultats différents selon la forme des feuilles (sphères, cylindres). Chen et Black suggèrent alors en 1992 d’abandonner la définition basée sur la projection au sol, trop dépendante de la forme des objets, et propose une définition du LAI qui correspond à la moitié de la surface foliaire interceptrice développée par unité de surface du sol. Ce paramètre couramment exprimé en m² de feuilles par m² de sol est sans dimension. Il ne dépend pas des inclinaisons, orientations et éventuelles superpositions foliaires. Si l’on considère les autres éléments du couvert (tiges, troncs, fleurs etc..), on parlera plutôt de Plant Area Index (PAI).
Les valeurs de LAI sont très variables d’un couvert à l’autre, de 0 pour un sol nu, pouvant dépasser 15 pour des forêts tropicales très fermées ou des forêts de conifères (Schulze, 1982) ; elles atteignent rarement plus de 8 dans nos forêts tempérées et varient par exemple de 2 à 4 pour des cultures annuelles (Beadle, 1993).
La densité foliaire
La densité foliaire correspond à l’indice foliaire par unité de volume végétal considéré. Dans un couvert supposé homogène horizontalement, elle dépendra seulement de la hauteur du couvert, et décrit ainsi le profil vertical de la surface de feuilles. On observe généralement des profils de densité du LAI dans les couverts. Sinoquet et Bonhomme (1989), ont observé que pour un couvert de maïs, suivant le stade considéré, le maximum de densité foliaire se situe à une hauteur de 40% à 70% de la hauteur totale des pieds. Les variations de LAI dans le plan horizontal peuvent aussi être importantes (Myneni et al., 1986; Ross, 1981; Sinoquet et al., 1991) Ces variations sont principalement dues à l’agencement des feuilles autour des tiges qui entraîne une densité foliaire plus importante au niveau des rangs que des inter rangs.
L’orientation des feuilles
L’orientation des feuilles détermine en grande partie la surface réellement réceptrice du rayonnement, c’est donc un paramètre de structure primordial. Les feuilles d’un couvert peuvent avoir des inclinaisons variables selon l’espèce et les contraintes du milieu (lumière disponible, stress hydrique..). L’orientation des feuilles d’un couvert peut être décrite par une distribution statistique correspondant à la répartition des éléments foliaires suivant l’inclinaison et l’azimut de la normale à la feuille. Six distributions standard couramment nommées Leaf Angle Distribution (LAD) (de Witt, 1965) ont été définies:
– planophile : les feuilles horizontales y sont les plus fréquentes (couvert de soja par exemple),
– érectophile : les feuilles dressées sont les plus fréquentes (céréales),
– plagiophile : les feuilles inclinées à 45° sont les plus fréquentes (vigne),
– extremophile : les feuilles ont deux orientation possibles : horizontale et verticale,
– uniforme : la probabilité d’inclinaison des feuilles est la même, quel que soit l’angle d’inclinaison considéré,
-sphérique : la fréquence d’occurrence des angles foliaires est celle qu’auraient des feuilles placées à la surface d’une sphère.
DIFFERENTES METHODES D’ESTIMATION DU LAI
Une revue détaillée des différentes méthodes existantes est disponible dans Jonckheere et al. (2004).
Méthodes de mesures directes
Collecte des feuilles
Méthode non destructive : le recueil de litière
Le recueil de litière est une méthode non destructive. Elle consiste à recueillir la litière pendant la chute des feuilles avec des « pièges à litière » de surface donnée, placés sous le peuplement à mesurer. Cette méthode n’est donc applicable qu’à des forêts de feuillus. Son principal inconvénient est de ne fournir qu’une estimation de l’indice de surface foliaire maximum atteint par la végétation, elle ne permet donc qu’un suivi temporel à l’échelle interannuelle (Bréda, 1994).
Méthode destructive : collecte sur pieds
Les feuilles sont directement prélevées sur le peuplement à mesurer. Si la densité du peuplement est connue (forêt ou culture par exemple), toutes les feuilles d’un (ou plusieurs) individu(s) peuvent être recueillies afin d’obtenir une surface moyenne par individu et d’en déduire le LAI du peuplement (m² feuilles/m² de sol) ; dans le cas d’une prairie par exemple, on choisira plutôt de prélever toutes les feuilles sur une surface donnée et de ramener cette valeur à un m² de surface au sol.
Cette méthode permet un suivi temporel intra-annuel du LAI si des mesures sont répétés au cours d’une même saison de végétation. Elle est difficile à mettre en œuvre en milieu forestier car le volume végétal à considérer est important.
Détermination de la surface foliaire
Après la collecte de feuilles, la surface foliaire est le plus souvent déterminée par planimétrie ou gravimétrie. Ces deux méthodes ont été utilisées dans le cadre de cette thèse.
Planimétrie
La surface de chaque feuille est déterminée directement après passage au planimètre. Cette méthode n’est appliquée que si le volume d’échantillon à planimétrer n’est pas trop important.
Gravimétrie
La méthode de gravimétrie consiste à relier la surface foliaire d’une espèce à son poids sec par détermination de la surface spécifique des feuilles (SSF en cm²/g). Seule une partie de l’échantillon collecté est passée au planimètre, puis placée dans une étuve (environ pendant 48h à 70°C) et pesé avec une balance de précision. Une fois cette SSF estimée, la totalité de l’échantillon est séché à l’étuve, pesé et sa surface est calculée partir de la SSF du sous-échantillon. La SSF peut varier au sein de chaque espèce le long de la saison de végétation, en fonction de la structure des feuilles.
Cette méthode est très utilisée lorsque le LAI doit être estimé à partir d’un nombre important d’échantillons.
Ces méthodes directes d’estimation du LAI sont coûteuses en temps et en main d’œuvre car, pour être précises, elles nécessitent la collecte d’un grand nombre d’échantillons. Elles ne sont donc pas très appropriées si on veut effectuer un échantillonnage spatial très étendu ou un suivi des variations temporelles de LAI. Elles sont néanmoins indispensables pour la validation et la calibration des méthodes de mesure indirectes.
Méthodes basées sur la mesure de la fraction de trou in situ
La fraction de trou, souvent appelée transmittance, est une grandeur qui joue un rôle important dans le bilan radiatif des couverts végétaux. Elle est fortement liée à la structure du couvert. En effet, un rayon lumineux qui traverse un couvert végétal peu développé (caractérisé par un faible LAI) aura une forte probabilité d’atteindre le sol sans être intercepté par les feuilles ; s’il traverse un couvert plus développé, cette probabilité va diminuer.
Plusieurs expressions théoriques ont été développées pour relier la fraction de trou (notée P0) à la structure du couvert.
Modélisation de la fraction de trou
Une revue de trois principaux modèles a notamment été donnée par Nilson (1971). Les principes fondamentaux sont brièvement exposés ici.
Le modèle de Poisson
C’est le modèle le plus simple et le plus utilisé. Il repose sur l’hypothèse que les feuilles sont aléatoirement et uniformément distribuées dans le couvert. Il suppose que les feuilles sont opaques et que le milieu est divisé en N couches horizontales indépendantes. Pour N infini, la fraction de trou est décrite par la distribution de Poisson (équation I.1): P = exp − G(θ ,ϕ )LAI cos(θ ) 0 (I.1) avec G(θ,ϕ) un facteur géométrique qui correspond à la projection d’une unité de surface de feuille sur le plan perpendiculaire à la direction définie par θ et ϕ (Nilson, 1971; Ross, 1981). Comme nous l’avons vu précédemment, la distribution des feuilles est rarement uniforme. Un écart par rapport à ce modèle est alors observé. La modélisation de la fraction de trou pour des couverts ayant des distributions foliaires non uniformes est considérée ci après.
Estimation du LAI à partir de la mesure de fraction de trou
Des méthodes dites « indirectes », qui exploitent les relations entre les paramètres de structure et la fraction de trou, ont été développées ; elles se basent généralement sur l’inversion des modèles précédemment présentés. Chen et Black (1992) suggèrent d’utiliser le terme de « LAI effectif » pour décrire le LAI estimé à partir de mesures optiques de la fraction de trou. En effet, cette appellation suggère que la plupart des modèles utilisés pour estimer le LAI ne prennent pas en compte la distribution non uniforme des éléments du couvert ; le terme « LAI vrai » est donc utilisé lorsque cette distribution est prise en compte.
Il existe à l’heure actuelle différentes techniques de mesures de la fraction de trou ; une revue détaillée de l’ensemble des techniques est disponible dans (Weiss et al., 2004). Nous décrivons brièvement ici les principales méthodes existantes en insistant plus particulièrement sur la photographie hémisphérique car c’est celle que nous avons choisie dans le cadre de ce travail.
LAI-2000 Canopy Analyzer
Le LAI-2000 (Li-Cor, Nebraska, USA ; Welles, 1990) permet de calculer la fraction de trou à partir de mesures de rayonnement diffus au-dessus et au-dessous du couvert simultanément dans cinq angles de visée centrés sur 7, 23, 38, 53 et 68°. Entre une mesure au-dessus et une mesure au-dessous du couvert, la quantité de rayonnement incident doit varier le moins possible pendant les mesures. Les conditions optimales de mesure se rencontrent au lever et coucher du soleil lorsque le ciel est complètement dégagé et que le rayonnement est diffus. Une des principales difficultés de cette méthode est d’effectuer des mesures au-dessus des couverts ; dans le cas de couverts hauts, les mesures sont effectuées dans une zone dégagée qui peut parfois être éloignée, ce qui augmente le risque de variations de la quantité de rayonnement incident, surtout lorsque le ciel est nuageux.
L’estimation du LAI à partir de ces mesures de la fraction de trou avec le LAI-2000 est basée sur la loi de Poisson.
DEMON
Le DEMON (CSIRO, Canberra, Australie) est un instrument de mesure de la transmission directe du rayonnement. L’acquisition des données repose sur la mesure du rayonnement direct en dessous et au-dessus de la végétation pour différentes positions du soleil. Pour chaque position, la fraction de trou est donnée par le rapport entre le rayonnement transmis et le rayonnement incident direct. L’instrument doit être porté horizontalement par une personne marchant à un pas constant, ce qui peut être très contraignant lorsque le terrain est accidenté. Pour obtenir une valeur de LAI effectif moyenne, il est recommandé d’effectuer la mesure sur le même transect à différentes heures de la journée, c’est à dire pour différents angles solaires et sous un ciel complètement dégagé (rayons directs du soleil).
TRAC
Le TRAC (Tracing Radiation and Architecture of the Canopies, 3rd Wave Engineering, Ontario, Canada, Leblanc et al., 2002) mesure à la fois la fraction de trou de la canopée et la distribution de la taille des trous dans la canopée. Pour la même fraction de trou, la distribution des trous peut être totalement différente. Cette distribution renseigne sur l’architecture de la canopée; elle est utilisée pour quantifier l’effet de l’agrégation du feuillage sur les mesures indirectes de LAI. La déviation observée entre la distribution de la taille des trous mesurée et la distribution théorique de la taille des trous d’un couvert homogène permet d’estimer le degré d’agrégation du couvert (Chen et Cihlar, 1995a). Cet instrument est bien adapté à la mesure du LAI pour des parcelles de conifères mais l’agrégation n’est prise en compte qu’à une échelle plus grande que la pousse (les trous entre les aiguilles sont trop petits). Comme pour le DEMON, un des inconvénients est que les mesures doivent être effectuées plusieurs fois au cours d’une même journée pour avoir une valeur réaliste du LAI du couvert étudié.
Cette méthode a été validée dans de nombreuses études (Chen et Cihlar, 1995a ; Chen, 1996a ; Chen et al., 1997 ; Kucharik et al., 1997). Il est recommandé d’utiliser le TRAC pour estimer la dispersion des feuilles, alors que des instruments ayant une visée hémisphérique comme le LAI 2000 seraient plus appropriés pour étudier la distribution angulaire des feuilles (Chen et al., 1997).
La photographie hémisphérique
Une photographie hémisphérique est une photographie réalisée avec un objectif « fish-eye » dont le champ de vue est de 180° en zénith et de 360° en azimut ; l’échantillonnage directionnel est donc supérieur à celui associé aux capteurs tels que le LAI 2000 ou le TRAC mentionnés plus haut. La fraction de trou est calculée à partir d’une image binaire où chaque pixel est classé en trou ou végétation. Les photos peuvent être réalisées par-dessus ou par- dessous le couvert, ce qui permet de caractériser aussi les couverts peu développés comme les cultures (Figure I-7).
Approches basées sur le calcul d’indices spectraux
Ces approches consistent à relier par des équations simples la réflectance spectrale des couverts végétaux à certains de leurs paramètres biophysiques. Les indices de végétation sont dans la pratique les plus couramment utilisés pour estimer le LAI. Ce sont des combinaisons des valeurs de réflectance acquises dans plusieurs bandes spectrales. Ces indices s’appuient essentiellement sur les différences de propriétés optiques de la végétation entre le domaine spectral du rouge et du proche infrarouge, et sont donc fortement corrélés à leur fonctionnement et leur structure.
Le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) est le plus connu et utilisé des indices de végétation, il a été développé par Rouse et al. (1974). Cependant le NVDI sature pour des canopées denses (Baret et Guyot, 91 ;Myneni et Williams, 1994) et dépend des conditions du sol sous-jacent. D’autres indices ont donc été développés dans le but de pallier ces limites. Kaufman et Tanre (1992) ont mis au point le SARVI (Soil and Atmospherically Resistant Vegetation Index) pour minimiser à la fois les effets du sol et les effets atmosphériques en introduisant la bande bleue. Le SAVI (Soil Adjusted Vegetation Index, Huete 1988) permet de prendre en compte les changements de propriétés optiques des sols en minimisant l’influence du sol ; mais il inclut un facteur L d’ajustement qui est fonction de la densité de végétation et donc demande une connaissance à priori du couvert. Le MSAVI2, développé par (Qi et al., 1994), avec auto-ajustement semble être moins affecté par les variations des propriétés optiques des sols (Broge et Leblanc, 2000).
Ces indices étant mis au point pour des surfaces et des géométries d’éclairement et de visée données, leur portabilité reste limitée. Toutefois, ils ont l’avantage d’être rapides et faciles à mettre en œuvre et sont donc souvent utilisés.
Inversion de modèles de réflectance
L’utilisation d’un modèle en mode direct consiste à fixer les valeurs des paramètres d’entrée afin de calculer la réfléctance du couvert végétal pour une configuration d’illumination et d’observation donnée. Résoudre le problème en mode inverse consiste à trouver le jeu de paramètres optimal qui minimise l’écart entre les mesures et les simulations. Cette voie de recherche a été ouverte par Goel et Strebel (1983) et Verhoef (1984) dont l’objectif est d’obtenir des paramètres biophysiques à partir de données satellitaires. Contrairement aux approches empiriques qui se limitent souvent à un rapport de deux mesures (NDVI par exemple), l’avantage est de pouvoir intégrer la totalité des mesures disponibles dans le calcul. Suivant la complexité des modèles, l’inversion sera plus ou moins facilitée.
On distingue principalement deux groupes de modèles. Le premier groupe comprend les modèles qui expriment la réflectance du milieu à l’aide d’une simple expression analytique. Ce sont les modèles empiriques et semi-empiriques. Le deuxième groupe comprend les modèles qui simulent la réflectance directement à partir de la modélisation du transfert radiatif à l’intérieur du couvert. Quelques exemples et les principes associés sont présentés dans le paragraphe suivant.
Modèles empiriques et semi-empiriques
Ces modèles représentent la réflectance du couvert par des expressions analytiques qui dépendent des directions d’éclairement (θs) et d’observation (θv). Ces expressions proviennent d’approches essentiellement empiriques et/ou de la simplification de modèles de transfert radiatif. Beaucoup de modèles empiriques (Minnaert, 1941 ; Walthall et al., 1985) ou semi-empiriques (Deering et al., 1990 ; Roujean et al., 1992) ont été mis au point. Un résumé des principaux modèles développés est donné par Jupp (1998).
De par leur facilité d’inversion, ces modèles sont très efficaces pour la normalisation des mesures satellitaires disponibles et pour le calcul de l’albédo à partir de ces mesures. Par contre, l’obtention de paramètres biophysiques par inversion comme le LAI est limitée. Les modèles de transfert radiatif introduits dans le paragraphe suivant permettent une description plus explicite des caractéristiques de surface.
Modèles de transfert radiatif
Ces modèles calculent la réflectance à partir de la simulation du transfert radiatif au sein de couverts On peut les classer à partir de leur mode de représentation du milieu.
Modèles pour milieux turbides
Ces modèles considèrent le milieu comme un empilement de couches horizontales infinies. Les éléments foliaires sont distribués de manière uniforme à l’intérieur des couches. Il est possible de représenter une certaine variabilité spatiale du milieu selon l’axe vertical en le représentant comme la superposition de milieux homogènes. Le milieu est alors dit multi-couches. L’architecture est décrite par le LAI, l’orientation angulaire des feuilles (LAD, Leaf Angle Distribution) et leurs propriétés optiques (réflectance et transmittance). Différentes méthodes de résolution des équations du transfert radiatif peuvent être utilisées : méthode intégrale itérative (Myneni, 1991), modèles à 2 flux (Kubelka et Munk, 1931 ; Suits, 1972), méthode des ordonnées discrètes (Goudrian, 1977).
Les hypothèses simplificatrices effectuées sur la représentation de la structure des couverts végétaux ne permettent pas de reproduire de manière précise le comportement radiatif des couverts végétaux hétérogènes. Bégué et al. (1996) ont conclu que le modèle SAIL (Scattering from Arbitrary Inclined Leaves ; Verhoef, 1984) utilisé seul ne permettait pas de reproduire le transfert radiatif d’un couvert agrégé puisque qu’une surestimation de l’interception du rayonnement a été observée.
De nombreuses études concernent les estimations de paramètres architecturaux par inversion de modèles turbides à partir de données de réflectance directionnelle (Goel et Thompson, 1984a ; Verstraete, 1990 ; Pinty, 1990 ; Kuusk, 1994; Privette et al., 1994 ; Roujean et Bréon, 1995; Bicheron, 1999; Jacquemoud et al, 2000; Chen et al, 2003). Goel et Thompson (1984b) ont montré que le modèle SAIL était facile à inverser mais ils ont noté une différence systématique entre les réflectances calculées et mesurées ; il a suggéré qu’un modèle représentant la végétation de façon plus détaillée serait nécessaire. Kuusk (1994) a inversé son modèle FCR (Fast Canopy Reflectance) sur un couvert de maïs et a noté là aussi une erreur systématique entre les réflectance mesurées et simulées due principalement à une sous-estimation de la prise en compte du sol.
L’hypothèse d’arrangement aléatoire des feuilles dans de nombreux modèles de transfert radiatif peut donc engendrer des erreurs significatives dans les estimations de la réflectance, ce qui peut amener à des estimations erronées des paramètres architecturaux par inversion (Jacquemoud et al, 1995 ; Weiss, 2000).
Major et al. (1992) ont montré qu’une version 2D du modèle SAIL qui prend en compte l’effet des rangs grâce à l’estimation du taux de couverture du sol, constitue une méthode plus robuste pour estimer le LAI par inversion. Kuusk (1995) a utilisé un coefficient d’agrégation dans son modèle de réflectance afin de mieux décrire la géométrie de couverts agrégés et a montré que les résultats des estimations de LAI sur des cultures étaient améliorés.
Ainsi, il apparaît primordial de prendre en compte dans les modèles de réflectance certaines caractéristiques architecturales des couverts qui font que l’hypothèse d’arrangement aléatoire des feuilles n’est pas vérifiée. Des modèles plus complexes, permettant de décrire de manière plus précise la structure des couverts, ont été mis au point dans ce but. Cependant, ils sont difficiles à inverser car ils nécessitent un nombre important de paramètres.
Modèles pour milieux hétérogènes
Modèles géométriques
Le couvert est simulé par une surface parsemée d’objets géométriques dont les propriétés optiques sont supposées connues. Ces modèles (Otterman et Weiss, 1984 ; Li et Strahler, 1985 ; Jupp et al., 1986 ; Deering et al., 1990) représentent bien les réflectances des canopées très peu denses (savanes arbustives, rangées de cultures espacées), pour des directions d’éclairement et d’observation relativement faibles. En effet, les diffusions multiples entre éléments, de même que les effets d’ombre et de masquage entre éléments sont généralement négligés ou seulement partiellement pris en compte (Li et Stralher, 1992). Une contrainte majeure de ces modèles est qu’ils nécessitent une connaissance à priori des réflectances des objets à l’ombre et éclairés.
Les modèles hybrides sont une extension des modèles géométriques. Ils prennent au moins partiellement en compte la transmittance (Li et Strahler, 1988) des objets géométriques et les diffusions multiples (Li et al., 1995) entre ces objets. Ces modèles (Norman et al., 1985 ; Kimes et al., 1986) ont tout d’abord été développés pour des milieux simples pour simuler les effets rangs, puis pour des milieux arborés quelconques (Li et Strahler, 1988, 1995 ; Chen et Leblanc, 1997). Modèles discrets et de suivi de rayons
Ces modèles sont essentiellement numériques. Ils s’appuient sur une discrétisation de l’espace des directions de propagation du rayonnement (Kimes et Kirchner, 1982; Gastellu-Etchegorry et al., 1996). Comparés aux autres types de modèles présentés ci-dessus, ils peuvent nécessiter des temps de calcul très importants. Leur principal intérêt est de simuler avec une très grande précision les trajets du rayonnement dans des milieux quelconques : milieu continu turbide, milieu discrétisé en tant qu’ensemble de surfaces et volumes diffusants opaques ou turbides, ce qui permet de simuler de manière beaucoup plus déterministe la propagation du rayonnement au sein des couverts végétaux.
Modèles de lancer de rayon
Les modèles de lancer de rayon sont les plus précis car ils s’appuient sur une description explicite de la structure du couvert, mais ils sont aussi les plus consommateurs en ressources informatiques et en temps de calcul. Le devenir de chaque photon dans le couvert est décrit de manière stochastique à partir des lois physiques élémentaires régissant l’interaction surface/rayonnement. Le point de départ du photon, sa direction et son poids statistique sont déterminés aléatoirement. Le trajet du photon est rectiligne, et son énergie est actualisée en fonction des propriétés optiques de l’élément qu’il rencontre.
Afin d’arriver à des performances compatibles avec les capacités de calcul courantes, certaines implémentations ont été effectuées ; Chelle (1996) a par exemple développé le modèle PARCINOPY basé sur une représentation des surfaces par des triangles.
Modèles de radiosité
La méthode de radiosité consiste à calculer la diffusion entre surfaces diffusantes. Elle est bien adaptée dans le cas de surfaces lambertiennes, mais a cependant été adaptée au cas de propriétés optiques beaucoup plus réalistes (Chelle, 1997). Cette méthode requiert la connaissance de tous les facteurs de forme qui sont proportionnels à l’angle sous lequel une surface donnée voit une autre surface. Le calcul de ces facteurs de forme présente un inconvénient dans la méthode de radiosité car pour N surfaces présentes dans la scène, il faut N² calculs de facteurs de forme ; cela nécessite des temps de calcul et des ressources informatiques élevées pour des scènes complexes.
Ainsi, seuls des modèles physiques basés sur une représentation précise de la structure peuvent prétendre fournir des FDRB proches de la réalité, à condition toutefois de simuler les couverts végétaux de manière réaliste. Une des principales contraintes de ces modèles complexes est leur temps de calcul relativement long et le nombre important de paramètres d’entrée qu’ils requièrent. Leur inversion à partir d’un grand nombre de données va alors prendre un temps trop important pour permettre une estimation opérationnelle des variables biophysiques. De plus, lorsque les paramètres à inverser sont trop nombreux, le jeu de paramètres optimal peut varier. Pour répondre à ces problèmes, différentes solutions ont été envisagées comme l’utilisation des réseaux de neurones (Baret et al., 1995; Kimes et al., 1998, Weiss et al., 2000 ; Weiss et al., 2002) ou d’approches tabulées ou LUT (Knyazikhin et al., 1998, Estève, 1998, Weiss et Baret, 1999). Toutefois, la phase d’apprentissage dans les réseaux et la construction des tables de correspondance dans les approches tabulées sont des phases longues et lourdes à mettre en œuvre pour des modèles 3D si on veut considérer le plus grand nombre possible de couverts végétaux existants.
Les modèles les plus employés pour déterminer le LAI de façon opérationnelle à partir de données de télédétection sont donc aussi les plus simples (turbides et géométriques) car ils sont les plus faciles et les plus rapides à inverser (Strahler et Jupp, 1990; Jacquemoud et al., 1995).
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Table des matières
Symboles
Introduction
I. Le transfert radiatif au sein des couverts végétaux – Lien avec leur structure
I.1. Le signal radiométrique enregistré par le capteur – Notions principales
I.1.1. Réflectance et FDRB
I.1.2. Grandeur dérivée: l’albédo
I.2. Facteurs determinants la reflectance des couverts
I.2.1. Réponse radiométrique au niveau de la feuille
I.2.2. Réponse radiométrique au niveau du sol
I.2.3. Structure tridimensionnelle des couverts
I.3. Différentes méthodes d’estimation du LAI
I.3.1. Méthodes de mesures directes
I.3.2. Méthodes basées sur la mesure de la fraction de trou in situ
I.3.3. Approches basées sur le calcul d’indices spectraux
I.3.4. Inversion de modèles de réflectance
I.4. Conclusion
II. Modèles et mesures
II.1. Modèles utilisés
II.1.1. Le logiciel CAN_EYE
II.1.2. Le modèle de transfert radiatif DART
II.2. Mesures
II.2.1. Mesures de LAI destructif
II.2.2. Mesures indirectes de LAI avec la photographie hémisphérique
II.2.3. Mesures allométriques
II.2.4. Mesures de réflectance de feuilles
II.2.5. Mesures de FDRB de sol
III. Validité des estimations du LAI issues du logiciel CAN_EYE pour des cultures – Apport du coefficient d’agrégation
III.1. Objectifs
III.2. Sensibilité de l’estimation du LAI effectif aux conditions de prise de vue
III.2.1. Echantillonnage spatial
III.2.2. Vues de dessus, vues de dessous
III.3. Comparaison du LAI estimé par Can_eye avec les mesures destructives
III.3.1. LAI effectif
III.3.2. Estimation du LAI vrai à partir de la fraction de trou directionnelle
III.3.3. Validité de l’inversion lors des estimations du LAI vrai
III.3.4. Estimation du coefficient d’agrégation et du ALA
III.3.5. Estimation du LAI vrai à partir de la fraction de trou mesurée à 57.5°
III.4. Evaluation de la validité des calculs du coefficient dans CAN_EYE
III.4.1. Estimation d’un nouveau coefficient d’agrégation à partir des mesures
III.4.2. Evolution du coefficient d’agrégation λMES
III.4.3. Comparaison de λMES et λCAN_EYE
III.5. Conclusion
SOMMAIRE
IV. Apport de l’introduction d’un coefficient d’agrégation dans un modéle 1D de transfert radiatif a l’echelle d’une parcelle de maïs
IV.1. Objectifs
IV.2. Méthodologie
IV.2.1. Construction des maquettes 3D
IV.2.2. Construction des maquettes 1D
IV.2.3. Construction des maquettes 1D agrégé
IV.2.4. Simulations de FDRB et d’albédo
IV.3. Résultats
IV.3.1. Simulation de la fraction de trou directionnelle
IV.3.2. Maquettes 3D
IV.3.3. Coefficient d’agrégationλDART
IV.3.4. Simulations des FRDB 3D
IV.3.5. Simulations en 1D et 1D agrégé- Ecarts par rapport au 3D
IV.3.6. Effet de l’anisotropie du sol
IV.3.7. Variation de λ en fonction de ϕv ?
IV.4. Conclusion
V. Prise en compte des hétérogénéités à l’échelle d‘un paysage agricole
V.1. Contexte et Objectifs
V.2. Méthodologie
V.3. Paysage agricole à l’echelle d’un pixel basse résolution
V.3.1. Différents degrés d’hétérogénéité
V.3.2. Résultats
V.3.3. Impact sur les estimations de LAI
V.4. Paysage agricole à l’echelle d’un pixel moyenne resolution
V.4.1. Différents degrés d’hétérogénéité
V.4.2. Résultats
V.4.3. Impact sur les estimations de LAI
V.5. Conclusion
Conclusions – Perspectives
Références bibliographiques
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