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Schéma et population d’étude
Les critères d’inclusion dans cette étude étaient :
– Être majeur.
– Être hospitalisé depuis au moins sept jours dans un des services de psychiatrie participant à l’étude.
– Avoir un niveau de maitrise suffisant du français.
L’étude était fondée sur une enquête par questionnaire réalisée auprès des patients au terme de leur séjour hospitalier, quels que soient leurs pathologies psychiatriques et leur mode d’hospitalisation. Nous avons estimé que le moment de la sortie de l’hôpital correspondrait à l’obtention d’une « stabilisation » symptomatique et permettrait d’une part un recul suffisant par rapport au séjour, et d’autre part la limitation d’un éventuel biais de mémorisation chez les patients recrutés.
Un consentement éclairé a été sollicité auprès de chacun des patients qui étaient assurés de l’anonymat des données recueillies. Les questionnaires étaient remis en main propre, remplis, mis sous enveloppe pour assurer la confidentialité des réponses et recueillies sur place.
Le QDES (cf. Annexe 1) se constituait de 16 items répartis en quatre dimensions sondant trois des quatre grands principes de l’éthique médicale [24], sous forme d’affirmations, que les patients validaient plus ou moins par le biais d’une échelle à cinq barreaux (Totalement Vrai, Plutôt Vrai, Je Ne Sais Pas, Plutôt Faux, Totalement faux). Les sujets devaient, de plus, remplir quatre échelles valides : trois Echelles Visuelles Analogiques questionnant respectivement, le ressenti concernant leur état de santé (EVA « état de santé » cf. Annexe 2), leur niveau de satisfaction de l’hospitalisation (EVA « satisfaction » cf. Annexe 3), et le degré d’alliance thérapeutique (EVA « alliance thérapeutique » cf. Annexe 4), ainsi que l’échelle d’alliance thérapeutique 4-PAS (cf. Annexe 6) [25].
Pour chaque patient, les professionnels (médecins diplômés ou internes) ont rempli deux échelles : l’EGF (cf. Annexe 7) et la CGI-Sévérité (cf. Annexe 5), ainsi qu’une fiche de renseignements comprenant notamment l’âge, le sexe, la situation professionnelle, une éventuelle mesure d’isolement, le diagnostic principal posé pendant le séjour selon la Classification Internationale des Maladies (CIM 10), l’existence ou non d’une mesure de protection, la durée et le mode d’hospitalisation ou encore l’existence d’hospitalisations antérieures dans une unité à temps plein de psychiatrie (cf. Annexe 8).
Ce protocole de recherche a bénéficié de l’avis favorable du Comité d’Ethique de l’Université d’Aix-Marseille. Conformément à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, notre étude fut soumise à une déclaration à la CNIL.
Le cadre de l’analyse éthique : les principes éthiques
Quatre principes éthiques orientent l’action médicale selon Beauchamp et Childress [26] : bienfaisance, non malfaisance, respect de l’autonomie et justice.
Principe du respect de d’autonomie
Il s’agit d’un « groupe de normes qui prescrit de respecter les capacités de prise de décision des personnes autonomes » [26]. Le principe d’autonomie figure toujours à l’horizon du soin qui vise à aller chercher la part libre du sujet, en instaurant ou réinstaurant la liberté aliénée par la pathologie mentale. Ainsi, le sujet est réinstallé dans sa position d’acteur de sa vie, capable d’initiative, par l’existence de repères spatio-temporels et humains (référents soignants), l’habitabilité des locaux, le respect du consentement et de la confidentialité et par son implication dans les soins (entretiens, réunions, activités).
Selon le philosophe et médecin anglais Gillon [27], l’éthique médicale doit intégrer trois niveaux d’interprétation du concept d’autonomie :
• L’autonomie d’action, qui renvoie aux capacités de motilité corporelle et à l’aptitude à subvenir à ses besoins.
• L’autonomie de volonté, qui définit la capacité à décider en fonction d’une résolution consciente et personnalisée.
Elle comporte deux aspects :
– L’autodétermination, qui correspond au libre arbitre. C’est la capacité à se déterminer librement en fonction de sa propre conception du bien. Le médecin doit alors respecter la liberté du patient, sa volonté.
– L’autolimitation, qui définit l’orientation du libre arbitre dans le respect des devoirs universels envers soi-même et envers les autres.
• L’autonomie de pensée, qui caractérise la liberté de mener une réflexion sur ses objectifs personnels et de décider en fonction de cette réflexion, de se servir par soi-même de son entendement.
Principe de bienfaisance
Il s’agit d’un « groupe de normes qui visent à procurer des bénéfices et qui évaluent les bénéfices par rapport aux risques et aux coûts » [26]. L’action soignante doit tendre vers la réalisation du bien pour le patient, en tenant compte de la conception du bien par le patient lui-même. Le principe de bienfaisance impose donc, de la part du soignant, un aller-retour permanent entre sa propre conception du bien pour le patient, et les désirs et aspirations de ce dernier.
Ce principe implique également une sollicitude qui témoigne d’un souci de l’autre et d’une invitation au récit, dont le rôle dans la construction de l’identité a été souligné par Ricoeur [28]. Il sous-tend l’accueil de la souffrance mais aussi le recours à une théorisation fondée et surtout à une pratique clinique cohérente centrée sur la parole de la personne soignée.
Principe de non malfaisance
La non malfaisance est « un groupe de normes qui prescrivent d’éviter de causer du mal » [26]. Il préconise de ne pas imposer au patient des souffrances qui ne feraient pas sens pour lui. Ce principe guide notre démarche par la recherche de ne pas nuire devant l’expérience individuelle de la maladie et de ne pas entraver son élaboration psychique. Il implique aussi le respect des propres valeurs du patient. Enfin, il nécessite un questionnement permanent des équipes visant à ne pas aggraver l’aliénation relative à la maladie par l’aliénation liée à l’établissement psychiatrique.
Principe de justice
Il se base sur le respect d’un « groupe de normes qui prescrivent la répartition équitable des bénéfices, des risques et des coûts » [26]. Il s’agit d’un concept « macro-éthique » correspondant à l’équité dans la distribution des biens de santé. Il renvoie à des choix de politique de santé publique et de société. De ce fait, il ne servit pas de base de réflexion lors de l’élaboration des items du questionnaire car, extérieur à la vie du service, il est indépendant de la relation intersubjective de la pratique soignante et du ressenti des patients au sein des unités d’hospitalisation.
Elaboration du QDES
Plusieurs années de recherche centrées sur les réflexions éthiques et institutionnelles lors de la prise en charge des patients hospitalisés au sein d’établissements psychiatriques marseillais ont permis la construction de ce questionnaire.
Un premier groupe de travail pluridisciplinaire s’intéressa à la question du vécu et du ressenti des patients hospitalisés en psychiatrie. En effet, la revue de la littérature a retrouvé des questionnaires principalement centrés sur la satisfaction des patients et non leur vécu, leur ressenti de l’hospitalisation. Les rares travaux explorant le champ du vécu étudient des situations particulières (isolement, hospitalisation sous contrainte) qui ne rendent pas compte de la majorité des hospitalisations dans les services de temps plein de psychiatrie adulte.
A la lumière de cette revue de la littérature et de l’expérience clinique d’experts, la conduite d’entretiens semi-directifs auprès de patients hospitalisés a permis d’élaborer une liste de 64 propositions qui exploraient 8 dimensions [24] : soins proposés, effets de l’hospitalisation, disponibilité/écoute des soignants, information, confidentialité, ambiance dans le service, contact avec l’extérieur, qualité des locaux. L’objectif était de confronter la pratique clinique institutionnelle aux principes éthiques fondamentaux : l’autonomie, la bienfaisance et la non malfaisance.
Après examen détaillé des propositions, des redondances et des possibilités de rassemblement une première série de 38 items a été constituée (pré-questionnaire V0).
Une seconde étude réalisée en 2018 sur un échantillon de 107 patients [29], ayant répondu au pré-questionnaire V0, a permis d’entreprendre un tri d’items de ce dernier, sur la base d’analyse de la distribution des réponses aux items, de l’étude des données manquantes et des corrélations des items.
Ainsi, à partir du pré-questionnaire V0, un nouveau questionnaire V1 à 16 items (cf. Annexe 1) a pu être produit, et soumis à validation. Il explorait alors quatre dimensions : ambiance dans le service, relation avec les soignants, vécu de l’hospitalisation, bienfaits de l’hospitalisation. L’étape de tri d’items et de validation de ce questionnaire V1 ayant été réalisé à partir du même échantillon de patients, il convenait de réaliser une étape de validation finale du QDES à partir d’un nouvel échantillon de patients, qui répondraient cette fois uniquement au questionnaire dans sa version à 16 items.
Validation du QDES
L’étude des propriétés psychométriques de la version finale VF du QDES a cherché à déterminer la validité de la structure interne, la fiabilité, et quelques aspects de la validité externe.
La validité de la structure interne a été explorée par une analyse en composante principale avec rotation Varimax afin de déterminer la structure finale et le nombre de dimensions indépendantes. Le nombre de facteurs à extraire a été déterminé par le critère de Kaiser (valeur propre supérieure à 1,00). Une analyse de distribution des réponses aux items, des corrélations items-dimensions et entre les dimensions a également été réalisée. On a calculé la conformité à un modèle de Rasch et on a appliqué un test d’unidimensionnalité pour chaque dimension (INFIT compris entre 0.7 et 1.3).
La fiabilité a été appréciée par le calcul du coefficient alpha de Cronbach dont les valeurs au-delà de 0.70 sont considérées comme souhaitables [30].
La validité externe reposait d’une part sur l’étude des corrélations de Pearson entre le QDES (index global, dimensions) et l’échelle d’alliance thérapeutique 4-PAS, la CGI-Sévérité, l’EGF, les EVA « alliance thérapeutique », « état de santé », « satisfaction », l’âge, la durée de l’hospitalisation et le nombre de jours passés en CIT. D’autre part, nous avons réalisé des comparaisons de moyenne à l’aide du test de Student selon les données socio démographiques suivantes : sexe, mode de vie en couple avec enfants, première hospitalisation.
Plusieurs hypothèses ont été formulées :
La dimension éthique du soin mesurée par le QDES devait être positivement corrélée à la qualité de l’alliance thérapeutique (échelle 4-PAS, EVA « alliance thérapeutique »), à l’appréciation, par le patient, de son état de santé à la sortie (EVA « état de santé »), et au niveau de satisfaction concernant son hospitalisation (EVA « satisfaction »).
Il devait exister un lien entre l’existence d’un étayage familial (mode de vie en couple avec des enfants) et le vécu de l’hospitalisation exploré par le QDES.
Il devait exister un lien entre une première hospitalisation en psychiatrie et le vécu des patients hospitalisés.
Il ne devait pas exister de lien entre le sexe des patients et leur vécu de l’hospitalisation.
Les analyses ont été effectuées à partir des logiciels SPSS et WINSTEP.
Caractéristiques de l’échantillon
Au total, 91 patients ont été recrutés (Tableau 1). Il y avait 58.2% de femmes. L’âge moyen était de 46 ans (SD = 15,8). La plupart des patients était hospitalisée en soin libre (80,2%) et avait déjà été admis dans un service de psychiatrie (70,4%). La durée d’hospitalisation dépassait le plus souvent les 2 semaines (71,4%). Les pathologies les plus représentées étaient les troubles de l’humeur (57,1%) et les troubles psychotiques (29,7%).
Validité interne
L’étude de distribution des réponses aux items et l’étude de dimensionnalité (Tableau 2) ont permis de retenir une solution comprenant 16 items répartis en trois dimensions qui restituaient 54,2% de la variance (QDES dans sa version finale VF, cf Annexe 9). Le contenu de chaque dimension a été jugé cliniquement pertinent et interprétable. Ces dimensions ont été nommées en fonction de leur contenu : ambiance dans le service et relation aux soignants (sept items), effets de l’hospitalisation (six items), sentiments liés à l’hospitalisation (trois items).
Les coefficients de Cronbach sont compris entre 0.78 et 0.83 ce qui témoigne d’une bonne cohérence interne. Les INFIT étaient compris entre 0.7 et 1.3.
Validité externe
L’étude de corrélation de Pearson (Tableau 3) montre que le QDES.VF (index global, dimensions) est corrélé de façon significative aux dimensions de l’échelle 4-PAS (r = 0,25 ; 0,65) ainsi qu’à l’EVA « alliance thérapeutique » (r = 0,3 ; 0,48). Deux dimensions du QDES VF sont plus fortement corrélées à l’échelle 4-PAS (r>0,4) ainsi qu’à l’EVA « alliance thérapeutique » : ambiance / relations avec les soignants et sentiments liés à l’hospitalisation.
L’EVA « état de santé » est corrélée de façon significative à l’index global du QDES.VF (r = 0,39) ainsi qu’à chacune de ses dimensions (r = 0.25 ; 0.43).
L’EVA « satisfaction » est également corrélée de façon significative à l’index global du QDES.VF (r = 0,63) ainsi qu’à chacune de ses dimensions (r = 0,43 ; 0,64).
L’EGF n’est pas corrélée significativement à l’index global du QDES.VF, mais nous retrouvons néanmoins une corrélation significative avec l’une de ses dimensions : sentiments liés à l’hospitalisation (r = 0,23).
En revanche, il n’existe aucune corrélation significative entre le QDES.VF (index global, dimensions) et la durée de l’hospitalisation, l’âge du patient et la CGI-Sévérité.
Le test de Student (Tableau 4) a permis de mettre en évidence une différence statistiquement significative du vécu de l’hospitalisation chez deux catégories de patients : ceux dont il s’agit de la première hospitalisation (t test = -2,286 ; p = 0,025) et ceux qui vivent en couple avec enfants (t test = -3,654 ; p = 0,003).
En revanche, il n’existe pas de différence statistiquement significative concernant le vécu de l’hospitalisation entre les hommes et les femmes (t test = 0,333 ; p = 0,740).
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Table des matières
I. INTRODUCTION
II. MATERIEL ET METHODES
A. Site de l’étude
B. Schéma et population d’étude
C. Le cadre de l’analyse éthique : les principes éthiques
1. Principe du respect de d’autonomie
2. Principe de bienfaisance
3. Principe de non malfaisance
4. Principe de justice
D. Elaboration du QDES
E. Validation du QDES
III. RÉSULTATS
A. Caractéristiques de l’échantillon
B. Validité interne
C. Validité externe
IV. DISCUSSION
V. CONCLUSION
VI. ANNEXES
VII. ABRÉVIATIONS
VIII. BIBLIOGRAPHIE
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