Dans les pays en voie de développement, les maladies infectieuses, notamment les infections respiratoires et intestinales, restent très fréquentes et sont accompagnées d’une morbidité et d’une mortalité élevée (Colodner et al., 2004). La recherche des moyens de lutte contre ces maladies était la préoccupation majeure des scientifiques du XVIIIème siècle. Dès la fin du XIXème, certaines observations, fortuites ou provoquées, incitèrent la communauté scientifique à identifier des bactéries inoffensives qui pourraient s’opposer au développement de bactéries pathogènes. Comme la découverte de la pénicilline par Alexander FLEMING en 1928 sur une boîte de Pétri où poussaient des colonies de staphylocoques, ces observations sont à l’origine de la découverte des antibiotiques qui a complètement révolutionné l’histoire des pathologies infectieuses. Malheureusement, un excès de confiance dans l’antibiothérapie a favorisé une utilisation excessive et inadéquate des antibiotiques. Ainsi, les phénomènes de résistance n’ont cessé de s’accroître depuis que les premières bactéries résistantes aux antibiotiques ont été identifiées dans les années 1940 (Singer et al., 2003).
Par définition, la « résistance à un antibiotique » est un caractère phénotypique caractérisant la capacité d’une bactérie à survivre (et à se multiplier), en présence de cet antibiotique, à une concentration qui est habituellement bactéricide ou bactériostatique (Zhang et al., 2005). L’étude de la sensibilité d’une souche à un panel d’antibiotiques détermine son phénotype de résistance aux antibiotiques. Si la souche n’exprime que des résistances naturelles, elle appartient au phénotype « sauvage ». Si des résistances acquises ont modifié sa sensibilité naturelle, elle exprime un phénotype de résistance acquis.
La résistance naturelle ou intrinsèque est un caractère d’espèce qui touche toutes les souches de cette espèce alors que la résistance acquise est un caractère qui ne concerne que quelques (ou parfois de nombreuses) souches d’une espèce donnée. La résistance naturelle, dont le support est chromosomique, est stable et transmise à la descendance sur un mode vertical. Inversement, la résistance acquise, dont le support est généralement plasmidique, est moins stable et a tendance à se propager par transmission horizontale. Pour une espèce donnée, le spectre d’activité des antibiotiques, qui est fonction de la résistance naturelle et dont le support génétique est le chromosome bactérien, est généralement connu (Avril et Fauchère, 2002). Les Bacilles à Gram Négatif (BGN) (et notamment les Entérobactéries) sont naturellement résistants, le plus souvent à bas niveau, aux antibiotiques hydrophobes et/ou de masse moléculaire élevée (pénicilline G, pénicilline M, macrolides, rifampicine, acide fusidique, novobiocine, vancomycine).
Matériels biologiques
Prélèvements
Trois types de matrices ont été prélevés dont un échantillon de selle humaine pris au niveau du Centre de Biologie Clinique (CBC) de l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM) , un échantillon d’eau pris dans de l’enceinte de l’IPM et un échantillon de sol pris à Behontsa , dans le district de Moramanga, région d’AlaotraMangoro, ex- province de Toamasina ont été utilisés dans la présente étude. Le village de Behontsa dans la périphérie de Moramanga a été choisi pour son caractère éloigné des centres de santé et du fait que l’Institut Pasteur de Madagascar y poursuit d’autres enquêtes. Ces échantillons vont servir de matrice et reflèteront la réalité du milieu communautaire.
Souches bactériennes utilisées
Les souches utilisées dans la validation technique sont des souches de la biobanque de l’Unité de Bactériologie Expérimentale de l’IPM ainsi que des souches isolées des prélèvements de sol à Behontsa. Dans cette étude, c’est la méthode de détermination de la concentration minimale inhibitrice (CMI) qui sera utilisée comme méthode de référence. Les valeurs des CMI des antibiotiques envers des souches-contrôles ont été déterminées par des E-tests (bioMérieux) par méthode de diffusion en milieu solide. La bandelette E-test comprend un gradient d’antibiotiques croissant d’une extrémité à l’autre. Elle est déposée sur une boîte de Pétri ensemencée de bactéries et mise en incubation jusqu’au lendemain. La CMI se lit au contact des bords de la bandelette E-test à l’endroit où la croissance des bactéries s’arrête. Le principe et le mode opératoire des E-tests sont décrits ultérieurement . L’attribution de tous les profils de sensibilité correspondant aux valeurs des CMI utilisés dans cette étude sont effectuées selon les recommandations de la CASFM (2011).
DISCUSSION
« Replica plating »
Il existe plusieurs méthodes de détection de la résistance bactérienne. Certaines méthodes consistent en la détection directe des bactéries résistantes sur des milieux de culture imprégnés d’antibiotiques (Cavaco, 2008, Fanti, 2009, Paniagua, 2010), d’autres consistent à la détection de ces mêmes bactéries mais en utilisant en complément une autre méthode bactériologique comme le « replica plating » (Lederberg et Lederberg, 1952, Österblad, 1995). En effet, le « replica plating » est une méthode rapide et pratique pour tester un grand nombre d’échantillons (Österblad, 1995). Le choix de cette méthode dans la présente étude se justifie par sa capacité à pouvoir répliquer successivement le même nombre de colonies de la boîte initiale sur les boîtes imprégnées d’antibiotique. Österblad en 1995 a rapporté que le « replica plating » est une méthode plus adéquate pour la détection de la résistance car ce sont les mêmes colonies qui sont répliquées sur les deux catégories de milieux (imprégné d’antibiotique et non-imprégné d’antibiotique). Nos résultats montrent une reproductibilité de la méthode de « replica plating » de 100%. Il n’existe pas de publication mentionnant la reproductibilité de cette technique dans la littérature, si bien qu’aucune comparaison n’a pu être faite avec nos résultats.
Reproductibilité de la technique sur milieu imprégné d’antibiotique
Les résultats obtenus dans cette étude montre une bonne reproductibilité de la technique sur milieu Muëller-Hinton imprégné par les cinq antibiotiques, vis-à-vis des trois matrices (selle, sol, eau), que ce soit pour les souches sensibles ou pour les souches résistantes. Par comparaison, la reproductibilité sur milieu MH imprégné d’ampicilline pour les souches résistantes est élevée et est approximativement la même pour les trois matrices (80%, 93% et 96%). En moyenne, elle est de 90%, donc élevée. Pour le milieu MH imprégné de ceftazidime, la reproductibilité des souches résistantes pour les trois matrices varie de 30% à 53%. Elle est légèrement faible pour les matrices selle et eau (30 et 34%). En moyenne, elle est de 39%, donc faible. Pour le milieu MH imprégné de cefotaxime, la reproductibilité des souches résistantes est moyenne pour les matrices eau et selle (53% et 74%). Elle est faible pour la matrice sol (18%), ceci peut s’expliquer par la concentration plus élevée du cefotaxime (256 mg/L) que celles utilisées pour les matrices eau et selle (32 mg/L et 64 mg/L). En moyenne, la reproductibilité pour les trois matrices est de 48%, donc faible. Pour le milieu MH imprégné d’acide nalidixique, la reproductibilité pour les souches résistantes est élevée pour les matrices sol (97%) alors qu’elle est moyenne pour la matrice selle (60%), faible pour la matrice eau (47%). Cette reproductibilité faible observée pour la matrice eau est due à la non-reproductibilité d’une souche pour les cinq essais successifs. En moyenne, la reproductibilité pour les trois matrices est de 68%, donc moyenne. Pour le milieu MH imprégné de ciprofloxacine, la reproductibilité pour les souches résistantes est moyenne pour les trois matrices (54%, 58% et 59%). La reproductibilité pour les trois matrices est de 57%, donc moyenne. Les résultats d’analyse statistique montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre les résultats obtenus à partir du « replica plating » pour les trois matrices et la concentration minimale inhibitrice. Les deux méthodes donnent approximativement les mêmes résultats. A l’exception de la matrice sol avec le milieu imprégné de cefotaxime à 256 mg/L, où la différence avec la CMI est significative (Fisher’s exact test p= 0,01). Aussi, parmi les souches contrôles résistantes, la reproductibilité est élevée sur les milieux imprégnés d’ampicilline ou d’acide nalidixique par rapport aux autres antibiotiques, notamment ceftazidime ou cefotaxime ou ciprofloxacine. Ceci pourrait s’expliquer par la forte concentration de l’antibiotique utilisé comparée aux CMI des souches contrôles (8 mg/L pour la souche Providencia rettgeri, 32 mg/L pour la souche Pantoea sp), qui sont inférieures à la concentration d’antibiotique présent dans le milieu . A défaut de données de la littérature concernant la reproductibilité de la technique du « replica plating », aucune comparaison des résultats de cette étude avec ceux de la littérature n’a pas pu être réalisée.
Sensibilité de la technique sur milieu imprégné d’antibiotique
Les valeurs de la sensibilité pour les cinq antibiotiques confondus sont de 96% pour la matrice selle, 85% pour la matrice sol et 80% pour la matrice eau. En général, la sensibilité de la technique sur milieu MH imprégné d’antibiotiques est élevée (87%). Par comparaison aux sensibilités que donnent les milieux de culture commerciaux, pour la matrice selle, la sensibilité de la technique sur milieu MH imprégné de ceftazidime ou de cefotaxime est approximativement égale aux sensibilités des autres milieux de culture comme le MacConkey agar ou la gélose Drigalski supplémentée d’antibiotique. En effet, pour les antibiotiques ceftazidime et cefotaxime, pour la matrice selle, deux études rapportent pour les milieux de MacConkey et de Drigalski une sensibilité de 85% (Réglier-Poupet et al, 2008) et de 87,5% (Willems et al, 2013). Dans notre étude, cette sensibilité est de 100%. En ce qui concerne les autres milieux chromogènes comme le chromID, la sensibilité mesurée dans trois études pour la matrice selle est de 81,2% (Willems et al., 2013), 88% (Réglier-Poupet et al., 2008) et 88,2% (Saito et al., 2010). Pour ce qui est de la sensibilité d’un autre milieu chromogène Brilliance ESBL pour la détection de bactéries résistantes dans la matrice selle, elle est de 87,5% (Willems et al., 2013) et 100% (Saito et al., 2010). Par ailleurs, aucune donnée sur la sensibilité sur milieu de culture n’a été rapportée pour les antibiotiques suivants : ampicilline, acide nalidixique ou ciprofloxacine, ni pour les matrices suivantes : sol et eau.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. MATERIELS ET METHODES
I.1. Matériels biologiques
I.1.1. Prélèvements
I.1.2. Souches bactériennes utilisées
I.2. Méthodes
I.2.1. Description des différentes étapes
I.2.1.1. Antibiogramme (ATB)
I.2.1.2. Concentration minimale inhibitrice (CMI)
I.2.1.3. Préparation des dilutions des matrices
A. Matrice selle (humaine et animale)
B. Matrice sol
C. Matrice eau
I.2.1.4. Inoculum : préparation des souches-contrôles
A. Préparation des Mac Farland (McF) de l’inoculum
B. Préparation des dilutions d’inoculum
C. Ensemencement et dénombrement des dilutions d’inoculum
I.2.1.5. Inoculation des dilutions des différentes matrices
A. Matrice selle
B. Matrice sol
C. Matrice eau
I.2.1.6. Ensemencement des dilutions inoculées
A. Ensemencement des dilutions de selle inoculée
B. Ensemencement des dilutions de sol inoculé
C. Ensemencement des dilutions d’eau inoculée
I.2.1.7. Concentration d’antibiotique utilisée dans la validation technique
I.2.1.8. “Replica Plating Method” (RPM)
A. Principe
B. Mode opératoire
C. Arbitrages pour la réalisation des RPM
I.2.2. Analyse des résultats
I.2.2.1. Reproductibilité ou Répétabilité
I.2.2.2. Sensibilité et spécificité
I.2.2.3. Analyse statistique
II. RESULTATS ET INTERPRETATIONS
II.1. Matrice selle
II.1.1. Reproductibilité
II.1.1.1. « Replica plating »
II.1.1.2. Milieu MH imprégné d’ampicilline (128 mg/L)
II.1.1.3. Milieu MH imprégné de ceftazidime (288 mg/L)
II.1.1.4. Milieu MH imprégné de cefotaxime (64 mg/L)
II.1.1.5. Milieu MH imprégné d’acide nalidixique (128 mg/L)
II.1.1.6. Milieu Muëller-Hinton imprégné de ciprofloxacine (16 mg/L)
II.1.2. Reproductibilité sur milieu MH imprégné d’antibiotique
II.1.3. Sensibilité et spécificité de la technique vis-à-vis des concentrations d’antibiotiques et de la matrice selle
II.2. Matrice sol
II.2.1. Reproductibilité
II.2.1.1. « Replica plating »
II.2.1.2. Milieu MH imprégné d’ampicilline (128 mg/L)
II.2.1.3. Milieu MH imprégné de ceftazidime (304 mg/L)
II.2.1.4. Milieu MH imprégné de cefotaxime (256 mg/L)
II.2.1.5. Milieu MH imprégné d’acide nalidixique (128 mg/L)
II.2.1.6. Milieu MH imprégné de ciprofloxacine (16 mg/L)
II.2.2. Reproductibilité sur milieu MH imprégné d’antibiotique
II.2.3. Sensibilité et spécificité de la technique vis-à-vis des concentrations d’antibiotiques et de la matrice sol
II.3. Matrice eau
II.3.1. Reproductibilité
II.3.1.1. « Replica plating »
II.3.1.2. Milieu MH imprégné d’ampicilline (32 mg/L)
II.3.1.3. Milieu MH imprégné de ceftazidime (128 mg/L)
II.3.1.4. Milieu MH imprégné de cefotaxime (32 mg/L)
II.3.1.5. Milieu MH imprégné d’acide nalidixique (128 mg/L)
II.3.1.6. Milieu MH imprégné de ciprofloxacine (16 mg/L)
II.3.2. Reproductibilité sur milieu MH imprégné d’antibiotique
II.3.3. Sensibilité et spécificité de la technique vis-à-vis des concentrations d’antibiotiques et de la matrice eau
II.4. Moyenne de la reproductibilité des trois matrices confondues
II.5. Moyenne de la sensibilité et de la spécificité des trois matrices confondues
II.6. Analyse statistique
III. DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES