Valeur et intérêt littéraire du conte

Naissance deKaguya hime

Le premier élément fixe qui apparaît dans le conte est celui de l’enfant né d’une plante, trouvé par un vieillard et adopté par ce dernier . C’est sur celui-ci que s’ouvre notre récit. On peut, parmi les contes les plus populaires au Japon, citer celui de Momotarô et d’Urikohime, le premier relate l’histoire d’un garçon né d’une pêche, le second celle d’une fillette née d’un melon, dans lesquels tout deux, à l’instar de Kaguya hime, apporteront la richesse à leurs parents adoptifs. Il est également possible (pour ne pas dire que le lien se fait naturellement) de rapprocher cette situation initiale à certains de nos contes occidentaux comme par exemple La Petite Poucette d’Andersen, née d’une fleur . On peut y voir aussi une signification animiste propre à l’Asie comme le suggère Sieffert. En effet, les japonais depuis les temps ancestraux ont pour habitude d’attribuer un esprit de forme humaine appelé« mono no sei » soit« esprit des choses », aux objets et notamment comme c ‘est le cas ici aux plantes. Ainsi, il apparaît clairement que les enfants trouvés dans ces contes ont des origines extra-humaines. D’ailleurs, le vieillard quand il trouve la fillette exprime ce respect pour cet être surnaturel et dit : « Puisqu’elle est dans ce bambou que je vois matin et soir, […] sans doute consent-elle à devenir mon enfant ». Pour la princesse Kaguya, cette précision sur son origine surnaturelle sera apportée en l’amalgamant à sa provenance extra-terrestre, lunaire.
C’est donc sur la découverte par le vieillard d’une minuscule enfant dans le nœud d’un bambou que s’ouvre le conte, ce qui explique certainement le titre de l’oeuvre dont toute l’intrigue par le suite sera centrée sur cette enfant née d’un bambou. Or, le titre (qui pour certains manuscritsest encoreplus précis « T aketori no okina monogatari » ,« conte du vieillard coupeur de bambous ») semble nous annoncer que l’histoire du vieillard est celle qui va nous être contée. L’effet ici produit est l’inverse de celui du Chat Botté par exemple, où le titre d’emblée nous indiquequel sera le héros, mais où le début de l’histoire, s’appuyant sur nos habitudes princières des contes de fée, nous amène le fils cadet du meunier enfaux-héro.
Tout comme notre sicélèbre « il était une fois… », le conte s’ouvre sur une formule faisant admettre au lecteur son entrée dans le monde du merveilleux : « Ima wa mukashi », formule de début de tout conte japonais (donc littéralement la version japonaise d’ « il était une fois ».
Comme pour faire honneur au titre, le premier personnage à entrer en scène est celui du coupeur de bambous. Contrairement à bon nombre de nos contes occidentaux, le vieillard est nommé. Mais il faut ici plus y voir une particularité japonaise dont l’écriture, et notamment les idéogrammes, permettent de se servir des noms comme d’une description globale de la personne. A savoir , même si ici encore il y a débat, le nom attribué au vieillard traduit soit sa fonction de gouverneur de province , soit « arbre luxuriant » ; tout comme le nom de Kaguya hime signifie « Claire princesse
». En effet, le vieillard voit dans le nœud d’un bambou un vif éclat, lumière qui émane de la princesse. Il emporte l’enfant chez lui et la confie à sa femme dont on ne connaît que la désignation « vielle femme ». Par la suite, il découvre de l’or dans les nœuds des bambous qu’il cueille sibien qu’il devient rapidement riche. Le bambou quant à lui n’est pas un choix anodin. Cette plante se caractérise par sa rapide croissance, et si la petite Kaguya ne mesure que trois pouces de hauteur lorsque le vieillard la trouve, elle atteint l’âge adulte en quelques mois.
L’enfant devenue ainsi jeune fille fait le bonheur du vieillard et devient d’une beauté éclatante. Jusque là, l’auteur reste fidèle au schéma habituel auquel obéissent ce type de contes, mais traditionnellement l’histoire se termine par un mariage heureux ou prospère.
Or, ici, ce mariage plutôt que de clore l’intrigue en ouvre une nouvelle dont tout ce qu précède se pose alors comme situation initiale du reste de l’oeuvre, pour parler en terme de structuralisme occidental.

Les cinq prétendants

En effet, la grande beauté devenue légendaire de la princesse attire de nombreux prétendants à sa main, scène sur laquelle s’ouvre le second épisode du conte, certainement le plus riche en terme de qualité littéraire. Si le premier épisode se présente comme un conte pour le moins traditionnel, on peut s’étonner du manque de péripéties dans celui-ci. En effet, l’épisode de la naissance de la princesse semble nous faire passer de la pauvreté à la richesse, de l’enfance à l’âge adulte, de la petitesse à la grandeur sans autre exigence que celle du temps, pour le moins court (le tout en trois mois). Le tout s’achève sur des festivités comme on en trouve habituellement en fin de conte lors de l’issue heureuse de celui-ci.
Pourtant, ce dernier , en se clôturant sur une princesse éclatante de beauté en âge de se marier , amène l’objet de la quête qui occupera de nouveaux protagonistes : les cinq prétendants retenus pour tenter d’obtenirsa main. Dans cet épisode presque épique,tous les codes habituels du conte semblent être retenus pour mieux être contredits. Ainsi, la princesse, jusqu’alors héroïne resplendissante se voit affublée d’un caractère glacial qui, en écho à ses origines, témoigne de son manque, si ce n’est absence, d’humanité. Elle devient un personnage passif mais stratégique et fait preuve, certes de manière quelque peu machiavélique, d’une grande finesse d’esprit et d’une parfaite clairvoyance. On y reconnaît le comportement d’une femme refusant de se marier ,dont certaines similitu des pourrait êt remise en évidence avec l’épouse d’Ulysse dans l’Odyssée.
Quant aux héros, ce sont les prétendants qui tour à tour revêtent ce rôle avec une double quête à accomplir :celle d’un objet merveilleux à rapporter à la princesse et celle de la main de la princesse. Ces cinq prétendants sont les seuls victorieux de ce qui représente l’épreuve préparatoire qui consiste à attendre nuit et jour devant la maison de la princesse dans l’espoir d’apercevoir ou des’entretenir avec quelqu’un de la maison.Les cinq hommes sont nommés et titrés de hautrangs de noblesse et pourtant dès le début le style d’écriture se doté d’un humour satirique. Ainsi leur grande patience (menée par de grandes prières et supplications) qui les conduit à arriver jusqu’aux épreuves impossibles mandatées par la princesse n’est finalement le fruit que d’une curiosité excessive.
Jusque là rien de vraiment dépaysant dans cet épisode des épreuves impossibles pour gagner le cœur de la belle, car il est bien connu que dans les contes « l’amour n’est jamais atteint qu’après de multiples épreuves » : qu’ils doivent affronter des monstres (des dragons par exemple), des forêts de ronces ensorcelées ( La Belle au Bois Dormant), les princes ont pour habitude de devoir prouver qu’ils sont dignes d’épouser la princesse.
Même le fait qu’il s’agisse d’épreuves impossibles ne choque pas, outre Pénélope citée précédemment, l’Antiquité regorge d’exploits épiques impossibles. Hercule par exemple, même si l’enjeu n’est alors pas un mariage, a du en affronter son lot. De plus, le peu d’intérêt sinon la défiance que porte la dulcinée envers les courtisans qui se présentent devant elle suffit à justifier le choix de ces épreuves insurmontables. Pourtant, sur ce point encore, Le conte du Coupeur de bambous sait nous surprendre. En effet, d’autant plus encore dans notre folklore occidental des contes de fées, qui annonce un mariage, même s’il est précédé d’épreuves, annonce une fin victorieuse et heureuse . Et habituellement dans le cas de plusieurs prétendants, un seul sort du lot, et sera celui qui se verraé pouser la promise(comme par exemple dans Riquet à la Houppe). Or , cen’estpas ici lecas.De plus, les prétendants se posent presque comme adversaires de la princesse. On trouve ainsi des formules telles que « Kaguyahime, entendant cela, était anxieuse à l’idée qu’elle pourrait être vaincue par cePrince. »

Le sacré bol de pierre de Bouddha

La première chose que l’on peut constater [malheureusement uniquement] dans la version japonaise est le jeu de mot entre le nom du prince « Ishitsukuri » traduit littéralement par « fabriqué en pierre » et l’exploit qui lui est demandé de rapporter le bol de pierre ayant appartenu à Bouddha.
De plus, « l’aventure » du prince Ishitsukuri nous offre le déroulement récurrent qui rythmera les diverses épreuves des prétendants. T out d’abord, le comportement du courtisan face à son défi, qui traduit souvent le principal trait de caractère qui le caractérisera. Puis, le résultat de la quête menée soumis au jugement de la princesse accompagné d’un poème à la hauteur de la médiocrité du soupirant, suivi d’échanges poétiques qui marquent l’échec du prétendant s’en retournant bredouille. Enfin, dans le texte original classique, chaque épisode se termine systématiquement par une expression ou un proverbe japonais dont l’histoire du prétendant semble être à l’origine.
Ici, si l’espace d’un très court instant l’auteur nous fait croire en la bonne volonté du Prince, il se révèle très vite sournois et menteur . Il tente de duper la princesse avec un autre bol trouvé en un lieu proche après avoir renoncé à parcourir le monde à la recherche du vrai bolde pierre de Bouddha. Un autre détail peut être noté dans cet épisode : la période de trois ans que laisse passer Ishitsukuri avant de se représenter avec son faux bol de pierre devant la princesse. Ce laps de temps se retrouve souvent dans les contes japonais , et semble faire écho outre les frontières culturelles, au nombre trois plus qu’usité en occident et souvent attribué dans notre sphère judéochrétienne à la sainte trinité.

Le rameau de joyaux du mont Hôrai

Le second aspirant, le prince Kuramochi , apparaît être le plus sournois de tous, trait dont l’auteur l’affuble dès la première phrase de son périple avec la périphrase sarcastique « homme astucieux ». La nature de l’épreuve est ici encore d’inspiration chinoise. Le mont Hôrai selon la légende correspond à Lie-T seu, montagne mythique chinoise, et culmine au sommet d’un abîme dans lequel se déversent tous les fleuves du monde. Au sommet de cette montagne immense se trouvent toutes sortes de richesses et de pureté, un paradis immaculé. Mais le prince ne tentera même pas d’y parvenir . Il met en place tout un stratagème dans le but de tromper la princesse. Il commande une réplique de ce rameau à prix d’or aux meilleurs artisans qu’il trouve. « Cette fois-ci, elle ne doit plus rien avoir à y redire » trahit le « bon esprit » du prince qu’il saura dissimuler derrière de réels talents d’acteur pour présenter sa contre façon au vieillard et à la princesse. Au schéma habituel évoqué ci-dessus qui caractérise chaque épisode des prétendants, on trouve
quelques particularités relatives à chacun. Ici, il s’agit sans conteste du récit du périple imaginaire du prince. Certes menteur, il devient conteur épique pour nous livrer , il faut l’avouer , une histoire digne des récits marins de l’Odyssée ou des Mille et une Nuits pour un personnage n’ayant au final pas quitté son pays. On reconnaîtra alors ici une mise en abyme du talent de conteur de l’auteur . Si tout n’est que tromperie, force est alors de reconnaître à ce personnage une certaine ingéniosité machiavélique. Il gagne grâce à cela les bonnes grâces du vieillard avec qui il ira jusqu’à échanger des poèmes larmoyants jusqu’à ce que, coup de théâtre emprunt d’un grand comique de situation, les artisans ayant confectionné la contrefaçon viennent réclamer leur salaire au prince Kuramochi, au palais de la princesse. La vérité éclate alors, ridiculisant le prince si près du but qui, profondément humilié, prend retraite dans les montagnes et disparaît.

Le coquillage qui facilite l’enfantement

Le dernier des cinq prétendants est le Chûnagon Isonokami. Dans la version japonaise moderne les idéogrammes qui composent le nom du Chûnagon ajoute à l’ironie cruelle sur laquelle terminera l’épisode. Le personnage d’emblée est honnête et naïf. Il se fie à tous les conseils qui lui sont donnés, sans autre jugement, et les met en œuvre pour tenter d’obtenir l’objet magique. Il finit par tenter lui-même de trouver le coquillage de fertilité et fait une mauvaisechute ce faisant qui, au terme de l’épisode, causera sa mort.Ce personnage est aimé de ses sujets et l’auteur s’il ne le ménage pas (en guise de coquillage l’homme aura attrapé une fiente d’oiseau pour tout résultat) laisse entendre au lecteur cette particularité par la légère compassion que lui témoigne Kaguya hime. Du point de vue stylistique, le récit du coquillage qui facilite l’enfantement se démarque des autres par les deux calembours qu’il contient, l’un consécutif à la défaite du Chûnagon,l’autre à sa mort. Ces péripéties divisées selon les épreuves respectives des prétendants constitue la partie du conte dans laquelle on trouve de manière plus prononcée la marque de l’auteur . C’est dans cette partie en effet que sont compilés les traits d’humour, sinon les plus noirs, aussi les plus subtils. Force est de constater que de ces éléments libres ressort la plus grande valeur littéraire de l’oeuvre. Ainsi, l’influencesice n’est l’origine chinoise ou en tout cas étrangère au Japon de ces cinq histoires est on ne peut plus évidente de par divers éléments dont quelques uns furent cités précédemment (noms de lieux majoritairement).
Or, au vu de la qualité de la réécriture, on ne peut reprocher à l’auteur du T aketori d’avoir effectué un vulgaire plagiat de contes déjà existant. Au contraire, on peut reconnaître le brio avec lequel il réalise ici cette entreprise ingénieuse de compilation de contes. En effet, nous l’avons laissé supposé ci-avant, le début du conte pourrait se suffire à lui-même en suivant les codes d’un conte-type répandu au Japon. Ce même constat pourrait être fait de chacun des récits des épreuves des prétendants. Pourtant, l’auteur parvient à lier les deux parties (si ce n’est les six) avec beaucoup de talent. Etpour ce faire, il ne se contente pas de créer un vulgaire patchwork qui n’aurait nécessité que la bonne formule liant les éléments entre eux. Au contraire, l’auteur nous offre une réelle évolution dans la narration, perçue sur divers points.
T out d’abord l’évolution des personnages principaux : le vieillard devient riche, et passe d’une gêne respectueuse à, petit à petit, un comportement paternel.
Il évolue aussi d’une grande naïveté vers un peu plus de méfiance. La princesse quant à elle, acquiert progressivement toujours plus d’humanité. Elle passe de la froide indifférence à un peu de compassion, puis à l’amour (qu’il soit platonique avec l’empereur ou filial vis à vis de son père adoptif).

Le céleste vêtement de plume

C’est sur une ellipse de trois ans (une fois de plus), résumée par les échanges épistolaires de la princesse et de l’empereur ,que s’ouvre cette ultime épisode de l’oeuvre. Si le premier pouvait être considéré comme la situation initiale du conte, ce dernier sans aucun doute se pose comme situation finale, qui comprend ici encore divers éléments compilés.
L’intrigue s’ouvre ici sur une princesse emplie de mélancolie dès qu’elle contemple la lune. Cet astre au Japon semble avoir deux aspects bien distincts : un bénéfique, source d’aware , le tsukumi par exemple est inspiration infinie pour la création artistique. Un autre aspect parle, selon les phases lunaires, d’influences maléfiques distillées par l’astre.
C’est cet aspect néfaste qui semble être retenu dans un premier temps dans le conte, avant que la princesse ne révèle son appartenance au peuple de la lune. S’ouvre alors avec cette révélation une croyance cosmogonique de l’époque dans laquelle la lune était considérée comme un monde merveilleux peuplé d’êtres surnaturels immortels. On apprend alors que c’est de ce monde légendaire que vient la princesse , et c’est en ce monde qu’elle doit retourner . Afin d’empêcherce départ, le vieillarddemande l’aide de l’empereurquimobilise une armée digne des plus grandesbatailles épiques médiévales. Pourtant, Kaguya hime, tel un oracle, prédit l’issue de la rencontre et affirme que ces précautions seront vaines face aux habitants de la lunes. Ces créatures célestes, dans la description qu’en donne la princesse amène une pointe de philosophie à l’action. En effet, s’ils sont « d’une extrême beauté et ne connaissant pas la vieillesse [et s’]ils n’ont aucun sujet de préoccupation », la princessene souhaite pas retourner en ce lieuet préféreraitveiller sur les vieuxjoursde ses parents adoptifs. Alors que les habitants de la lune sont décrits comme des êtres parfaits,cette  perfection ne leur enlève que plus de valeur . Suivant le même raisonnement que la faiblesse que confère l’humanité, son imperfection semble en garantir sa préciosité. Ainsi, que l’homme soit imparfait, son destin aléatoire et son existence limitée sont autant d’éléments qui le rende unique. Cependant cette interprétation personnelle n’en reste pas moins celle d’un regard occidental contemporain qui s’il se base sur les paroles prononcées par la jeune femme dans le texte, ne trouve écho dans aucun texte théorique d’étude du conte.
Si l’on se permet encore cette digression analytique sortie de son contexte culturel, l’arrivée des habitants de la lune descendus du ciel en charet dans un baindelumière pourrait avoir des connotations paradisiaques voir faire écho à des notions culturelles empruntées à l’antiquité gréco-romaine. Cependant, l’oeuvre ayant été écrite dans une toute autre sphère culturelle ce genre d’inférence reste pour le moins subjective mais annonce déjà la possibilité d’étude qu’il peut être faite du conte pour des apprenants occidentaux.
Ce qu’il est néanmoins possible d’affirmer sans crainte de s’égarer en contresens, c’est le retour en force sur cette fin de conte du merveilleux, avec cet autre monde peuplé d’êtres splendides, habillés somptueusement, se déplaçant sur des nuages, des chars volants, dans un bain de lumière. Dans ce décor merveilleux, un des êtres lunaires prend la parole pour lever le voile sur le mystère de la découverte de la princesse Kaguya par le coupeur de bambous. Cette explication est fondée sur la croyance bouddhiste des vies antérieures : le vieillard ayant acquis « quelque mérite » s’est vu récompensé par la trouvaille de la jeune enfant qui lui apporta richesse et prospérité. Au contraire, Kaguya hime fut descendu surterre pour avoircommisune faute.
Cette dernière, extirpée de lachambre dans laquelle elle s’était recluse par un tour de magie lunaire, se voit ensuite remettre un élixir d’immortalité pour laver les restes impurs de sa vie sur T erre, et la céleste robe de plumes dont on dit que « quiconque revêt cette robe change de nature », « quiconque revêt cette robe est délivré de tous soucis. » C’est sur ce dernier détail que l’on retrouve une fois de plus tout un pan du folklore japonais. Celui-ci en effet est ponctué de récits de femmes-oiseaux qui, dépouillées de leurs ailes, se mêlent aux hommes,et qui s’enretournent au cieldès qu’elles lesont retrouvées. Le plus connu de ces récits est la légende de Miho no Matsubara . Mais si dans ces contes le vêtement céleste permet de voler, ici ce n’est pas le cas. Ses propriétés magiques, énoncées précédemment,sont autres, et c’estdans un char que Kaguyahime quittera la T erre.
Si l’élément déclencheur du conte fut la trouvaille de l’enfant par le coupeur de bambous et le mystère entourant l’enfant, sa résolution est le lever du voile sur les origines et laréelle nature de la princesse et sonretour (bien que déchirant)pourla Lune. Toutefois, l’auteur conclut cette histoire sur un récit qu’on qualifierait presque d’épilogue. Jusqu’alors, la princesse Kaguya ne semblait avoir développé de réelle relation qu’avec ses parents adoptifs et plus précisément son père. Pourtant, au moment de clore cette histoire l’auteur semble redonner toute sa gloire à l’empereur dont il avait peint un tableau osé jusqu’à maintenant : celui d’un homme digne mais incapable d’imposer sa volonté à une femme, aussi supra-terrestre soit elle. Or il sera le destinataire des tout derniers mots de la princesse, emprunts de tendresse, dans une justification ultime de son refus d’appartenir au souverain. T ouchéau plushaut point par cette attention de la princesse, l’empereur mourant d’amour refuse d’accéder à l’immortalité grâce à l’élixir laissé en cadeau par la princesse.
Dans un ultime poème d’amour exprimant à la princesse désormais loin qu’il ne souhaitait vivre éternellement s’il ne devait plus la revoir , l’empereur fait brûler la lettre contenant ses vers et l’élixir d’immortalité (fushi) dans le mont le plus haut , qui depuis ce jour porte le nom de mont Fuji et « dont on peut encore voir la fumée s’échapper ». Ainsi l’auteur appose un soupçon de conte étiologique comme touche finale à son œuvre.

Intérêt pédagogique de l’oeuvre

Afin de démontrer la valeur littéraire du conte original (ou tout au moins une des versions classiques qui peut y prétendre) j’ai choisi de travailler pour mon analyse littéraire sur une version classique et complète du texte. Cependant ce texte d’une richesse littéraire et d’une longueur particulières n’en facilite pas l’accès (pédagogique ou non) à de jeunes enfants. D’ailleurs, on peut également affirmer que nombre des subtilités dont il regorge vont échapper à la compréhension enfantine. Mais tel est déjà le cas avec les contes de Perrault par exemple. Cela ne constitue donc pas un obstacle à l’introduction de ce conte en classe  . Mais son appartenance à une autre aire culturelle que celle, patrimoniale, des élèves en France, et cette apparente complexité sont d’autant plus de raisons qui nécessitent de dégager des enjeux clairs de son éventuelle étude en classe.
Au cours de mes lectures de l’analyse du conte par René Si effert, je suis tombée sur une hypothèse qui, si elle justifie le choix de la littérature japonaise en tant qu’ouverture culturelle, m’a interpellée plus que de raison et m’a, je le crains, conduite à suivre cette piste qui n’a fait que m’éloigner de mon sujet d’étude. Ces mots les voici : « la littérature japonaise s’est développée en vase clos jusqu’en 1868. Elle constitue par conséquent une sorte d’expérience de laboratoire, un banc d’essai unique pour la vérification des théories relatives à la création littéraire, à la formation des genres : qu’elle ait sécrété des formes poétiques originales ; qu’elle ait réinventé spontanément, dans son isolement, le roman, le récit épique, l’art dramatique et ses règles fondamentales, […].Il n’est point surprenant que les techniques, dans ces conditions, présentent certaines particularités, mais les convergences, mieux, les coïncidences constatées sur l’essentiel, n’en sont que plus significatives : si cette littérature retrouve dans une insularité quasi totale, et parfois à des siècles de distance, des principes de composition, des canons esthétiques qui soient à peu de chose près les mêmes que les nôtres, ne faudra-t-il pas en conclure que ces principes, ces règles possèdent une valeur intrinsèque, indépendante du temps et de l’espace, et doivent par conséquent traduire des constantes psychologiques, des nécessités permanentes, inhérentes à la structure même de l’esprit humain ? » Je trouvais en ce questionnement, et cette hypothèse mes propres idées, et les valeurs que je reconnais personnellement à la littérature, voire à l’art. Ce lien tangible qui nous lie au sein de la création au-de là même des cultures, de l’espace et du temps.

Exploitation pédagogique de l’oeuvre

C’est à partir de ces nombreuses découvertes et en me référant aux instructions officielles que j’ai réfléchi à des exploitations possibles de l’oeuvre à l’école primaire et maternelle. Afin de déterminer des objectifs d’apprentissages auxquels l’oeuvre pourrait servir de support adéquat, j’ai dans un premier temps répertorié les différentes versions du texte que j’avaisen ma possession afin d’en déterminer l’usage possible ou non en classe.
Le premier , traduction de René Sieffert sur laquelle j’ai basé mon analyse littéraire se révèle particulièrement long et complexe dans ces références. Cependant, le langage utilisé reste assez typique des contes, et sa longueur particulière peut s’avérer être un point de comparaison fructueux. En effet, la brièveté qui caractérise régulièrement les contes peut alors être remise en question et susciter le besoin chez les élèves de prendre appui sur d’autres points de repères pour déterminer d’un texte s’il s’agit ou non d’un conte. Ce texte, donné intégralement en annexe 1 pourra donc être proposé à des cycles 3 en lecture suivies. En prolongement de ce travail de lecture et de littérature, un travail de production d’écrit particulier à cette version peut-être proposé. Il s’agit de la seule des traductions françaises ayant gardé à la fin de chaque épisode des prétendants le proverbe ou l’expression née de l’anecdote racontée. C’est donc uniquement à partir de ce texte que pourrait être demandé aux élèves de choisir un proverbes ou une expression qu’ilspourraient illustrer en inventant une histoire relatant son origine. Cette œuvre pourrait également ouvrir la voie à l’étude d’une particularités poétique japonaise : les poèmes courts. Ce texte possède l’avantage d’avoir conservé tout ceux apparaissant dans le manuscrit de base. Même s’ils sont reconnus comme étant de piètre qualité pour des experts en littérature japonaise (dont les belles lettres rappelons le furent dans un premier temps exclusivement basées sur l’art poétique) ils offrent tout de même un exemple de poèmes brefs qu’il sera possible d’exploiter . Dans le cadre d’un projet sur le Japon, l’étude de ce conte offre une multitude d’ouvertures culturelles qu’il serait possible d’exploiter , et notamment l’art des haïkus ou waka en littérature. En arts visuels, la structure imbriquée du conte (plusieurs contes en un) pourrait amener à la création d’un jeu de carte s’inspirant du T arot des mille et un contes. L’étude d’illustrations de l’école T osa, école de peinture de l’époque Muromachi (XV ème et XVI ème siècle) découlant des arts et techniques ancestraux japonais, notamment celles de T osa Hiromichi peut consstituer une ouverture pertinente en histoire des arts. T oujours dans le cadre d’un « projet Japon » restant en lien avec l’oeuvre (car la richesse de la culture japonaise offre de trop nombreux axes à creuses), l’introduction à la calligraphie, avec l’invention de noms imagés japonisés (notamment par le biais d’idéogrammes) est possible. Il s’agirait alors pour chaque enfant de s’inventer un nom de code que l’on pourrait traduire puis écrire ensuite. (Cette activité peut être réalisée par n’importe qui à l’aide de dictionnaire franco-japonais). Seule la lecture du nom pourrait alors être erronée, cependant connaissant ce risque potentiel, l’enseignant s’en tiendrait alors à l’écriture du nom.
En ce qui concerne ce premier texte, la complexité, la longueur et l’absence d’illustration sont autant d’élèments qui en rendent l’accès impossible pour des niveaux inférieurs à ceux du  cycle 3, voire de le cantonner à une étude avec les niveaux CM. Dans ce cas, la lecturesuivie semble être le recours le plus judicieux avec des passages étudiés en collectifs selon les modalités prévues par les textes officiels :« Ces lectures cursives sont conduites avec le souci de développer chez l’élève le plaisir de lire. Les élèves rendent compte de leur lecture, expriment leurs réactions ou leurs points de vue et échangent entre eux sur ces sujets, mettent en relation des textes entre eux (auteurs, thèmes, sentiments exprimés, personnages, événements, situation spatiale ou temporelle, tonalité comique outragique…).
Les interprétations diverses sont toujours rapportées aux éléments du texte qui les autorisent ou au contraire les rendent impossibles. »
Dans un soucis de creuser cette question de l’interprétation à l’école primaire, j’ai consulté sur ce thème l’ouvrage Comprendre et interpréter le littéraire à l’école et au-delà sous la direction de Catherine T auveron. Ce livre est en fait un compte rendu de journées d’études centrées sur la problématique suivante : « Comprendre et interpréter : quelles différences ? Quelles relations ? Pour fonder une didactique de la lecture littéraire à l’école. » En parcourant ces textes, j’y ai notamment appris les erreurs commises traditionnellement par l’école plaçant la compréhension d’un texte comme préalable à son interprétation, confondant ainsi le moyen et le fin d’un système à deux opérations qui s’effectuent simultanément, sinon de façon complémentaire. Ainsi comprendre n’est pas une entreprise plus aisée qu’interpréter, car l’interprétation permet de comprendre certains aspects d’un texte et vice versa. Cette affirmation s’avère d’autant plus vraie pour des récits faisant appel d’emblée àune négation du réel et de ce qui est connu tel que le merveilleux. L’absence de logique réaliste rend alors parfois l’interprétation nécessaire à la compréhension.

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Table des matières
Le conte du coupeur de bambous
Valeur et intérêt littéraire du conte
1) Naissance de Kaguya hime
2) Les cinq prétendants
Le sacré bol de pierre de Bouddha
Le rameau de joyaux du mont Hôrai
La toison du Rat-de-feu
Le joyau du cou du Dragon
Le coquillage qui facilite l’enfantement
La chasse impériale
Le céleste vêtement de plume
Intérêt pédagogique de l’oeuvre
Exploitation pédagogique de l’oeuvre
Bibliographie / Webographie
Sommaire des annexes

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