La vaccination prévient 2 à 3 millions de décès dans le monde chaque année (1). Chez les patients atteints de maladies auto-immunes (MAI) elle a fait preuve de son efficacité en réduisant l’incidence de certaines infections (2). Les complications infectieuses occupent la première place en termes de mortalité et de morbidité au cours des cinq premières années d’évolution de la maladie auto-immune (3). Le calendrier vaccinal en vigueur en France (4) est applicable chez ces patients sauf pour les vaccins vivants atténués. Les vaccins contre la grippe saisonnière et le pneumocoque leurs sont spécifiquement recommandés (5).
Ces dernières décennies, l’émergence de nombreuses polémiques en population pédiatrique véhiculées par les médias, comme le lien entre le vaccin contre le virus de l’Hépatite B et la survenue de Sclérose en plaques (6) ou celui entre le vaccin contre la grippe pandémique A/H1N1 en 1976 (7) et en 2009 (8) et le risque de Syndrome de Guillain-Barré, ont augmentés les réticences face à la vaccination. Les principales conséquences sont une insuffisance de la couverture vaccinale (9) avec des chiffres avoisinant les 50% pour la grippe saisonnière (pour un objectif fixé à 75%) et 40% pour la Diphtérie, le Tétanos et la Poliomyélite (pour un objectif fixé à 95%) (10) et la résurgence de certaines maladies infectieuses (11). A ce jour aucun lien statistiquement significatif entre la vaccination et la survenue de MAI n’a été démontré .
Le concept de « vaccine hesitancy » ou « défiance envers la vaccination » décrit le continuum d’attitudes du refus de la vaccination ainsi que les principaux facteurs déterminants des réticences à la vaccination (14). Le comportement individuel des hésitants est influencé par des facteurs personnels (l’expérience antérieure de la maladie à prévention vaccinale, la perception de l’importance de la vaccination, la perception du risque, la confiance envers les professionnels de santé) mais aussi d’autres facteurs liés au contexte socio-économique (normes sociales, coût des vaccins), politique (programme de politique vaccinale, communication et promotion de la santé publique) et culturel (convictions morale et religieuse) (15). Le nombre et la complexité de ces facteurs multiplient les réticences à la vaccination : inutilité des vaccins, peurs des effets indésirables, de déclarer la maladie à prévention vaccinale, de l’inefficacité des vaccins, ou encore de la surcharge du système immunitaire .
Aux Antilles où les MAI ont une fréquence particulièrement élevée, avec par exemple une prévalence du Lupus Erythémateux Systémique 2 à 3 fois plus élevée à la Martinique qu’en France métropolitaine (17), la non vaccination de cette population pourrait constituer un problème de santé publique. Notre objectif était d’évaluer les réticences face à la vaccination au sein de cette population et de leurs médecins traitants généralistes.
MATERIEL ET METHODES
Type d’étude
Nous avons mis en œuvre une enquête observationnelle, prospective, transversale et monocentrique en Martinique de Février à Juin 2016.
Population
La population cible concernait les patients atteints de MAI systémiques, principalement le Lupus Erythémateux Systémique, le syndrome de Goujerot-Sjögren primaire, les Myosites inflammatoires, la Sclérodermie systémique, la maladie de Horton, la Polyarthrite Rhumatoïde, remplissant les critères internationaux de chacune de ces maladies. La population source était constituée de patients âgés de plus de 18 ans, suivis au centre de Compétences des MAI rares du Centre Hospitalo-Universitaire de la Martinique. Tous les patients atteints d’une de ces MAI vus en consultation de suivi ou au cours d’une hospitalisation dans le service de médecine interne et de rhumatologie durant la période de l’étude étaient sollicités pour participer à l’étude. Ils étaient libres de refuser. Les médecins traitants généralistes (MG) installés en Martinique, de ces mêmes patients ont été interrogés par téléphone (jusqu’à dix tentatives à des jours et heures différents).
Recueil de données
Les sujets ayant accepté de se prêter à l’étude ont été soumis à un auto-questionnaire de 8 items évaluant leurs réticences face à la vaccination et leur statut vaccinal vis-à-vis des 3 principaux vaccins recommandés (grippe saisonnière, pneumocoque et Diphtérie, Tétanos, Poliomyélite (DTP)). Le questionnaire (disponible en annexe 1) était basé sur une revue de la littérature. Il était remis aux patients par le médecin spécialiste lors d’une consultation ou d’une hospitalisation.Le patient le complétait seul. Dans un second temps le médecin devait renseigner la ou les MAI dont souffraient le patient, ses traitements immunosuppresseurs et/ou immunomodulateurs, et ses éventuelles comorbidités . L’entretien téléphonique des médecins traitants des patients interrogés portait sur leur pratique, leurs réticences et leur implication dans la vaccination de ces patients .
Aspects éthiques et juridiques
Une déclaration a été faite auprès de la Commission Nationale de l’Information et des Libertés (CNIL). La participation à l’étude était libre.
Analyse statistique
Les caractéristiques de la population étudiée ont été décrites en effectifs et en pourcentages pour les variables qualitatives, en moyenne pour les variables quantitatives.
RESULTATS
Effectifs et caractéristiques de la population étudiée
Deux cent vingt-quatre patients ont été interrogés. Quatorze questionnaires ont été exclus car ininterprétables. Les refus n’ont pas été notifiés mais selon les médecins spécialistes impliqués, aucun patient n’a refusé de répondre. Sur les 210 patients inclus, 84% (n=176 sur 210) étaient des femmes, d’âge moyen de 51,4 ans (écart-type ± 14,4 ans). La répartition des différentes MAI est à la figure 1 : il s’agit principalement de patients atteints de lupus systémique (56%). Des co-morbidités ont été déclarées pour 20 patients (soit 9,5%) : 8 patients (soit 3,8% des patients inclus) souffraient d’un diabète de type II, 5 patients (2,3%) avaient une insuffisance rénale, 5 autres (2,3%) une insuffisance respiratoire, un patient (0,4%) une insuffisance hépatique et un autre une insuffisance cardiaque. Les traitements spécifiques ont été renseignés pour 70% des patients (n=149 sur 210) : 23,5% (n=35) sous immunosuppresseurs seuls, 21,5% (n=32) sous Hydroxychloroquine seule et 12,1% (n=18) sous corticoïdes seuls. Les autres avaient des associations de traitements (n=64 soit 42,9%).
Les réticences des patients
Trente-huit patients sur 204, soit 18,6% refusaient la vaccination et 39,5% (n=83 sur 210) avouaient avoir peur de la vaccination. . Parmi ceux qui disaient avoir peur, 81,3% (n=69) déclaraient avoir peur des effets secondaires, notamment peur d’une poussée de la maladie auto-immune pour 65,1% (n=54), peur d’avoir la maladie à prévention vaccinale pour 57,8% (n=48), peur de l’inefficacité des vaccins pour 50,6% (n=42) et peur des piqûres pour 34,9% (n=29). Quatre patients exprimaient d’autres réponses à la question ouverte : « Peur d’être encore plus malade », « Peur des adjuvants », « Peur de l’aluminium », « Pas confiance ». Parmi les 20 patients qui avaient des co-morbidités, 7 soit 35% disaient avoir peur de la vaccination. Cent vingt-six patients sur 198, soit 63,6% déclaraient ne pas avoir eu de proposition de vaccination par leurs médecins traitants généralistes. L’information sur la vaccination dont disposaient les patients était jugée insuffisante par 51,3% (n=101 sur 197 réponses) d’entre eux. Cent quarante patients sur 208, soit 67,3%, disaient posséder un carnet de vaccination.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
Type d’étude
Population
Recueil de données
Aspects éthiques et juridiques
Analyse statistique
RESULTATS
Effectifs et caractéristiques de la population étudiée
Les réticences des patients
Les réticences des médecins traitants généralistes
Statut vaccinal selon les patients
DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
SERMENT D’HIPPOCRATE
IMPRIMATUR