Généralement, la pensée de l’homme se caractérise par le rêve d’une société idéale. Tout en attendant l’exécution de ses désirs et la réalisation de son être, l’homme survit par le rêve et l’espoir. C’est l’objet final de l’espérance utopique, autrement dit c’est la recherche d’une totalité de l’homme. Seulement cette totalité peut, soit ne pas exister, soit ne pas se situer dans aucun lieu.
C’est un non-lieu compris comme une absence de lieu ou comme un « ou-topos » et un chemin qui conduit à nulle part mais, que tout de même, on ne peut ni on ne veut éviter. C’est pratiquement l’utopie. Or la production de l’utopie semble en panne depuis l’écroulement du communisme comme si les chercheurs considéraient que l’approche utopique marxiste semble être la dernière (car la plus élaborée et testée avec les conséquences que l’on sait) et par là, renonçaient à en imaginer de nouvelles.
Ceci ouvre la piste de la recherche à se demander pourquoi ne cherchet-on pas l’utopie ou les utopies? Pourquoi l’homme a besoin de rêves ? Pourquoi toute utopie parait être une nécessaire matrice de la pensée philosophique, politique, sociale et culturelle ?
Dans leur approche utopique, Marx et Engels ont élaboré leur doctrine socialiste qui devait mener selon eux à une société communiste harmonieuse et parfaite. Même s’ils se sont défendus d’être des utopistes en qualifiant leur doctrine de scientifique, leur société communiste idéale restait très proche des modèles imaginés par les utopistes prédécesseurs ou contemporains.
Marx prévoyait avec l’instauration du communisme l’extinction de l’Etat, des classes sociales et de l’argent dans une société d’abondance. Nous y considérons que la société communiste se base sur le principe « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins », autrement dit, un travail convenable pour tous et une rétribution suffisante pour satisfaire ses besoins fondamentaux. Et l’on aimerait encore aujourd’hui croire à cette société idéale imaginée par Marx et Engels.
D’où nous nous demandons encore quelle est la place que nous pourrons donner aujourd’hui à l’utopie qui fut exposée dés sa création soit comme une forme d’écriture littéraire, soit comme une forme du politique? Ou est-ce que parce que destinée pour une forme littéraire, l’utopie a toujours constitué un problème politique?
Cependant la valeur littéraire et la loi politique de cette utopie sont très ambiguës selon les termes de F. Jameson dans son livre Archéologie du futur. « Même les alternances de son contexte historique n’aident pas à résoudre cette difficulté qui n’est pas non plus un sujet de goût ou de jugement individuel. C’est en ce sens que l’utopie est instaurée pour désigner un programme qui néglige la faiblesse humaine qui dénonce une certaine volonté d’uniformisation, qui vise une pureté idéale d’un système parfait et qu’on peut toujours exiger et imposer. » .
D’où nous nous permettons de nous demander : Quels axes et quelles valeurs utopiques voulons-nous promouvoir aujourd’hui ? Ces valeurs peuvent-elles être cadrées avec la réalité philosophique, sociale, économique et politique du XXIe siècle ? S’il en est ainsi, les utopies d’hier ont-elles toujours le même sens aujourd’hui ? Quelles valeurs peuvent-elles produire? Comment pouvons-nous rendre les utopies « concrétisables » ?
Une série de questions suscite notre recherche et notre réflexion. Nous examinons par ailleurs l’importance de l’utopie et la contestation dans le post-marxisme blochien en ces moments c’est-à-dire au XXIe siècle surtout que nous sachons que la problématique de celle-ci est étudiée, d’une façon ou d’une autre, depuis les Grecs avec Platon lorsqu’il traitait le problème de la connaissance en rejetant un monde sensible dont il faut se détourner au profit d’un monde intelligible (le monde des Idées et le monde des vraies réalités) ? Qu’en est-il de nouveau pour l’utopie dont parle ce philosophe? Entre-autre notre recherche suit elle une lecture linéaire et chronologique en cherchant dans la genèse de l’utopie ou une lecture autre pour montrer l’originalité de Bloch en ce sujet ? Qu’apporte de nouveau l’utopie de Bloch? Que reste t-il de l’espérance dans la mondialisation ?
En examinant à notre époque les guerres, les révoltes et les mutations sociales brusques, nous nous apercevons que les hommes n’ont pas abouti au niveau idéal de développement qu’ils estiment et nous nous trouvons ainsi dans un champ de recherche de l’utopie. Celle-ci a toujours voulu être une réponse au problème du bonheur que Bloch lui-même appelle tentation perpétuelle de l’homme.
L’utopie marque ainsi, bel et bien, ce que valent certaines pensées à notre époque : viser un bien être global de l’humanité et rêver d’un monde nouveau où l’homme reprend sa position de maître et espérer le dominer et en être possesseur en tentant de dépasser ou détruire ce que la technique a fait dans ce siècle. En ce sens, l’utopie ne constitue pas l’espoir d’un monde meilleur seulement mais, elle présente encore une cristallisation de pensées individuelles pionnières qui évoquent l’avenir tout en étant intemporelles. Elle redéveloppe malgré son aspect imaginaire le processus de l’histoire en s’appuyant sur la vision des acteurs passés et non plus sur celle des préjugés contemporains.
La pensée philosophique au XXe siècle, siècle dont nous sommes et les protagonistes et les héritiers immédiats se caractérise par « la négation de structures stables de l’être » , être de raison, être d’histoire, être de socialité, etc. Aux notions métaphysiques d’homme, de progrès, de raison, d’ordre et de système se substituent des perspectives inclinées et des plans obliques, instables et incertains. Tel est, en gros, le visage de la postmodernité. Celleci commence logiquement et mentalement par un paradoxe : la nouveauté par rapport au moderne et le commencement d’une époque inédite d’une part et la dissolution de la catégorie de nouveau, d’expérience et de « fin de l’histoire » d’autre part. Cette fin s’étend à l’ensemble de la culture du XXe siècle où comme le déclare le philosophe contemporain italien Vattimo « revient le déclin de l’histoire » qui prend un aspect menaçant d’une catastrophe atomique. D’où nous parlons de la fin de la vie humaine sur terre.
Le problème qui se pose, alors, est celui de l’observateur de l’histoire qui appartient lui-même à cette histoire. Il cherche comment il peut faire venir cette histoire sous son regard pour expliquer et comprendre. C’est à ce niveau que se fonde toute la problématique de la pensée dite postmoderne. Celle-ci se considère comme un problème occidental. Nous sommes partis du discours cartésien qui veut que l’homme soit maître et possesseur de la nature. C’est le monde de la modernité où l’homme se considère comme le centre du tout : de l’univers, de la politique, de la connaissance, de l’éthique et de la vérité. Or ce monde qu’il construit pour maîtriser la nature se comporte comme un monde autonome dans le quel il se trouve en marge, en marge d’un monde technique qui dicte ses idéologies nouvelles.
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Table des matières
Introduction
Chapitre premier : Genèse et histoire intellectuelle de l’utopie
1. Qu’est-ce que l’utopie ?
2. L’utopie dans la Renaissance
2.1. L’optimisme anglais
2.1.1. L’utopie de More
2.1.2. La Nouvelle Atlantide de Bacon
2.2. L’optimisme italien : La Cité du soleil de Campanella
3. Tradition française
3.1. Gargantua de Rabelais
3.2. La Basiliade de Morelly
3.3. L’An 2440 de Mercier
4. la modernité ou le romantisme social
4.1. Le nouveau monde moral d’Owen
4.2. Les lettres de Genève de Saint-Simon
4.3. La théorie des quatre mouvements Fourier
Chapitre deuxième : Développements de l’idée de l’utopie
1. Le marxisme et le grand débat : socialisme utopique ou scientifique?
1.1. Le socialisme utopique
1. 2. Socialistes révoltés ?
2. Marx et l’utopie
3. Engels et l’utopie
Chapitre troisième : Approches interprétatives de l’utopie
1. Utopie et culture
1.1. Le cas de Servier
1.2. Le cas de Wunenburger
1.3. Le cas de Hottois
2. Utopie et création artistique
2.1. Théâtre et utopie
2.1.1. Craig et le théâtre utopique
2.1.2. Artaud et le théâtre utopique
2.2. Architecture et utopie
2.3. Musique et utopie
3. Utopie et idéologie : points de vue de commentateurs
3.1.1. Mannheim
3.1.2. Ricœur
Conclusion
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