J’ai pu réaliser un stage en MAS et un en EEAP, en cours de ma deuxième année d’ergothérapie. J’ai pu observer le travail de l’ergothérapeute avec les adultes et les enfants polyhandicapés. Ces deux stages ont conforté mon envie de travailler dans des lieux de vie auprès de personnes polyhandicapées. Durant le stage en EEAP, j’ai pu observer les enfants réaliser des jeux. Les jeux se fontdurant les séances individuelles en ergothérapie mais aussi sur les groupes d’externats avec d’autres professionnels, tels que des éducateurs spécialisés. J’ai eu l’opportunité de mener, à plusieurs reprises, des séances individualisées au travers de jeux. Cependant, le jeu comme thérapie ne convient pas à tous les parents. En effet, à de nombreuses reprises, l’entourage peut être amené à nous dire « A quoi servent les séances d’ergothérapie si mon enfant ne fait que jouer ? Il ne va pas se rééduquer en faisant des jeux ! ».
Utilité sociale et intérêt pour la pratique professionnelle
Je vais commencer par définir le public ciblé : les personnes polyhandicapées. Le terme de « polyhandicap » apparaît dans les années 1969 lorsque Zucman en parle pour la première fois. En effet, elle parle du polyhandicap comme la découverte progressive de différents handicaps. (1)
En 1984, le CTNERHI a défini les 3 grands groupes de handicaps associés lors d’un groupe d’étude :
– « Polyhandicap : handicap grave à expressions multiples avec restriction extrême de l’autonomie et déficience mentale profonde ;
– Plurihandicap : association circonstancielle de deux ou plusieurs handicaps avec conservation des facultés intellectuelles ;
– Surhandicap : une surcharge de troubles du comportement sur un handicap grave préexistant. » (2)
La définition du polyhandicap a évolué depuis cette année-là. Alors, d’après le CCAH, le terme de polyhandicap est utilisé pour les personnes atteintes de « handicap grave à expressions multiples, dans lequel une déficience mentale sévère et une déficience motrice sont associées à la même cause, entraînant une restriction extrême de l’autonomie. Souvent les personnes polyhandicapées souffrent aussi d’insuffisance respiratoire chronique, de troubles nutritionnels, de troubles de l’élimination et de fragilité cutanée. […] ont besoin de l’assistance constante d’une tierce personne pour tous les actes de la vie quotidienne. » Le nombre d’enfants polyhandicapés de moins de 20 ans s’élève à 19 600 en France. Il y a 880 nouveaux cas d’enfants polyhandicapés par an. (3) Cette estimation montre bien le nombre important de personnes présentant une restriction majeure de leur autonomie. Il pourrait donc être intéressant de voir l’importance du jeu dans la vie des enfants polyhandicapés.
Méthodologie de la revue de littérature
Les bases de données et mots clés
Lors de mes recherches sur le jeu en ergothérapie et ses répercussions dans la vie quotidienne de l’enfant polyhandicapé, les champs disciplinaires qui sont ressorti sont les suivant : les sciences de l’occupation, la psychologie, la médecine et l’éducation. Les bases de données utilisées seront EM Premium pour rechercher des données du côté de la santé publique et permettre de varier les sources, PubMed pour des recherche médicales, Cairn pour le côté sciences humaines et sociales du thème et obtenir des textes intégraux, Psychinfo pour rechercher les points psychologiques du thème et Summon pour trouver des articles scientifiques approuvés ou non. Elles permettent toutes de recueillir des données scientifiques pour enrichir la revue de littérature.
Lors des recherches, j’ai utilisé les mots clés suivants :
– Ergothérapie – Occupational therapy
– Polyhandicapés – Multiple disabilities
– Enfants polyhandicapés – Children with multiple disabilities
– Jeu – Game, Play
– Parents – Parents .
Ces mots clés m’ont permis de réaliser des équations de recherches afin de trouver et sélectionner les articles correspondants au thème. Les équations de recherches sont classées dans un tableau, en annexe 1.
Critères d’inclusions et d’exclusions
Durant les recherches d’articles, je ne me suis pas limitée à des articles en français. En effet, la traduction des mots clés en anglais m’a permis d’élargir les recherches et d’obtenir des articles de pays différents. Les articles sélectionnés traitent du jeu en lien avec l’ergothérapie et/ou la population d’enfants polyhandicapées. Il sera aussi intéressant de retenir les articles concernant le handicap. Les articles datent de A-5 ans maximum avant, pour avoir des articles et des données récentes.
Articles sélectionnés
La revue de littérature se base sur cinq sources issues de la littérature scientifique et sur deux sources de la littérature professionnelle. Les articles sélectionnés se trouvent dans le tableau récapitulatif, en annexe 2.
Analyse de la revue de littérature
Lors de mes recherches, j’ai pu faire ressortir trois sous-thématiques : le jeu et l’enfant handicapé, le jeu et l’ergothérapie, ainsi que le rôle des parents dans la prise en soin.
Le jeu et l’enfant handicapé
Tout d’abord, Francine Ferland a démontré que le jeu est un moyen d’assurer un « développement harmonieux » de l’enfant sans handicap et d’améliorer le quotidien de celui-ci ainsi que de son entourage. (9) Comme il a déjà été dit, les polyhandicapés sont décrits comme des personnes ayant des atteintes motrices et mentales sévères ou profondes qui entraînent une perte d’autonomie importante. En outre, les enfants polyhandicapés suivent le même processus de développement que les enfants normaux. Mais, les acquisitions motrices, intellectuelles, langagières ou relationnelles se font lentement ainsi que de façon aléatoire. Les enfants polyhandicapés évoluent à leur rythme et en fonction de leurs capacités. (10) On peut se demander : En quoi le jeu facilitera le quotidien de l’enfant polyhandicapé ? Facilitera-t-il le quotidien de son entourage ? Le jeu est responsable du développement de l’être humain d’après Winnicott et permet aussi d’analyser les dimensions motrices, cognitives, affectives et psychiques de l’enfant. (11) De plus, le jeu est une source de plaisir mais aussi le moyen de contrer les limitations de l’enfant handicapé et d’améliorer ses habiletés. (12) Le jeu étant l’activité principale de l’enfant, d’après Francine Ferland, c’est donc une activité à prendre en compte en ergothérapie. Cela m’a posé question : Comment l’ergothérapeute peut-il mettre le jeu au service de prise en soins ? Comment les parents peuvent-ils aider l’ergothérapeute dans la prise en soin ? Toutes ces réflexions se complémentent et permettent de mettre en avant que le jeu puisse être un outil intéressant en ergothérapie pour les enfants polyhandicapés.
Le jeu et l’ergothérapie
Pour commencer, le jeu a été défini comme une activité productive pour l’enfant, par Reilly en 1974. Pour corroborer l’idée précédente, le jeu avait pour objectif d’améliorer des capacités spécifiques d’un enfant dans le but de le faire évoluer en tant que travailleur. Cette pensée définie le jeu comme une modalité thérapeutique et comme l’activité signifiante de l’enfant visant à développer ses capacités. (9) D’après Winnicott, le jeu « est un tout qui a des vertus thérapeutiques en soi ». Dans son livre « Jeu et réalité », il met en évidence que le jeu est une activité fondamentale pour l’enfant et qu’il est important pour son développement. (13) Le jeu est signe d’amusement et de participation mais en ergothérapie il ne doit pas être négligé. En effet, jouer est un objectif en ergothérapie. (14) Cependant, le jeu est également un moyen d’atteindre d’autres objectifs spécifiques à la prise en charge de l’enfant, d’après une étude menée dans trois pays ; l’Irlande, la Suisse et la Suède. (8) Ces deux idées se rejoignent dans le livre de Francine Ferland : « le jeu est non seulement un moyen thérapeutique, mais aussi un but à atteindre en ergothérapie ». (9) De plus, le modèle ludique met en avant les bénéfices du jeu en ergothérapie. (15) Le jeu utilisé par l’ergothérapeute pourrait permettre de faciliter la vie quotidienne de l’enfant, les interactions sociales notamment avec les parents et la découverte du monde extérieur. (16) La question que l’on peut se poser est : Est-ce que la thérapie par le jeu peut être utilisée au domicile, par les parents ? Donc la thérapie par le jeu aurait un impact sur l’enfant et sur son quotidien. Ce qui pourrait être démontré aux parents pour les amener à comprendre l’utilisation du jeu. A la suite de ces recherches, le questionnement qui en ressort est : Comment l’ergothérapeute peutil faire valoir le jeu auprès des parents ? Comment accompagner les parents vers l’adhésion de la thérapie par le jeu ? Comment faire adhérer les parents au jeu pour permettre le développement de l’enfant ?
Le rôle des parents dans la thérapie par le jeu
Les enfants polyhandicapés évoluent différemment des enfants normaux. La comparaison entre ces deux statuts peut être difficile à accepter pour les parents d’enfants handicapés. En effet, les parents peuvent se sentir désemparés et éprouver un sentiment de culpabilité. Ils peuvent alors faire preuve d’agressivité ou de susceptibilité envers les professionnels parce qu’ils sont touchés dans leur image de parents. Cela pourrait justifier les commentaires déplacés sur la pratique du jeu en ergothérapie.
Cependant, le modèle ludique incite les parents à interagir avec leurs enfants et explorer les capacités et incapacités qu’ils découvrent au quotidien. Ils pourraient aider les thérapeutes à mieux connaître leur enfant ce qui permettra ensuite d’adapter la prise en soin. Les thérapeutes et les parents sont en partenariat constant pour atteindre les objectifs de l’enfant. (16) De ce fait, les parents deviennent acteurs de la prise en charge en fournissant des informations essentielles sur son quotidien et en transférant les acquis de l’enfant au domicile. De plus, les objectifs de l’intervention sont la plupart du temps discutés avec les parents avant d’être validés. (15) Voici les questions que l’on peut se poser : Est-ce qu’une collaboration entre l’ergothérapeute et les parents peut favoriser l’adhésion de la thérapie par le jeu, pour les parents ? Comment intégrer cette collaboration à la prise en soin de l’enfant ? Est-ce que les parents peuvent apporter des informations à cette collaboration ? Les parents étant également acteurs de la prise en soin de leur enfant, devrait être amenés à collaborer avec les ergothérapeutes dans le but d’accompagner leur enfant.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1. CONTEXTE ET THEME
1.2. UTILITE SOCIALE ET INTERET POUR LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
1.3. QUESTION DE DEPART
1.4. METHODOLOGIE DE LA REVUE DE LITTERATURE
1.4.1. Les bases de données et mots clés
1.4.2. Critères d’inclusions et d’exclusions
1.4.3. Articles sélectionnés
1.5. ANALYSE DE LA REVUE DE LITTERATURE
1.5.1. Le jeu et l’enfant handicapé
1.5.2. Le jeu et l’ergothérapie
1.5.3. Le rôle des parents dans la thérapie par le jeu
1.5.4. Enquête exploratoire
1.6. CADRES THEORIQUES
1.6.1. Le modèle systémique
1.6.2. Le partenariat
➢ Définition et évolution du partenariat
➢ Eléments clés du partenariat avec les parents
➢ Limites du partenariat
1.6.3. Le transfert d’apprentissage
➢ Définitions
➢ Favoriser le transfert des apprentissages
2. MATERIEL ET METHODE
2.1. CHOIX DE LA METHODE
2.2. POPULATION CIBLE
2.3. CHOIX ET CONSTRUCTION DE L’OUTIL THEORISE DE RECUEIL DES DONNEES
2.3.1. Choix de l’outil
2.3.2. Construction de l’outil
2.4. DEROULEMENT DE LA RECHERCHE
2.5. CHOIX DES OUTILS DE TRAITEMENT DE DONNEES
3. RESULTATS
3.1. PRESENTATION DES SUJETS INTERROGES
3.2. LE SYSTEME
3.3. POSTURE ET RELATION EGALITAIRE
3.4. PRISES DE DECISIONS /INCLUSION
3.5. FAVORISER LE TRANSFERT D’APPRENTISSAGE
4. DISCUSSION
4.1. INTERPRETATION DES RESULTATS
4.2. ELEMENTS DE REPONSE A L’OBJET DE RECHERCHE
4.3. CRITIQUES ET LIMITES DU DISPOSITIF DE RECHERCHE
4.4. TRANSFERABILITE POUR LA PRATIQUE PROFESSIONNELLE
4.5. APPORTS, INTERETS ET LIMITES POUR LA PRATIQUES PROFESSIONNELLES ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE
5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES