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Approche phénoménologique
Edmund Husserl (1859-1938) est considéré comme le fondateur de la phénoménologie autrement appelée science des phénomènes. Le sujet dans l’approche phénoménologique est considéré comme étant un individu »qui vit le monde, qui en fait l’expérience dans sa quotidienneté, ce qui inclut toute la texture, l’épaisseur et la densité que cette expérience comporte. » [25]
Chaque individu semble percevoir et vivre les choses de différentes manières. Les sensations, la qualité de présence, la compréhension et les mots choisis pour s’exprimer seront différents et singuliers même si l’expérience paraît être la même pour plusieurs individus. Cette approche prend en compte et valorise la subjectivité de chacun dans un rapport objectif à une réalité partagée : le sujet est effectivement en train d’être en actes dans un environnement (réalité concrète).
Dans cette approche la conscientisation de ce qui se joue entre soi et le mode extérieur (objet, personne, environnement) est centrale. Cela permet à la personne de se connaître et de se comprendre un peu plus.
»Husserl mettra ainsi en évidence la multiplicité des modes intentionnels qui gouvernent notre relation au monde : pensée, perception, imagination, volonté, affectivité, impression, rêve, etc. sont tous des modes différents par lesquels notre subjectivité opère. »
Le principe des méthodes phénoménologiques est d »’opérer un retour systématique vers la subjectivité pour décrire son mouvement ainsi que les modes intentionnels par lesquels la personne est nouée au monde. » [25]
»La phénoménologie se comprend donc moyennant les concepts principaux de subjectivité, d’intentionnalité et de diversité des modes intentionnels, de phénomène, de constitution des significations par le sujet, de monde vécu, de recherche du fondement et de méthode descriptive. » Cette approche est non analytique, elle est centrée sur l’éprouvé et l’expérience. Il est nécessaire d’adopter une attitude compréhensive et empathique laissant de côté tous les préjugés, généralités, théories et concepts existants. »Cette attitude peut être qualifiée de « relation compréhensive » » [26] Aussi, l’éprouvé est considéré comme un accès pour communiquer aux autres ses affects. »Cela ouvre sur un espace intersubjectif commun. » [26] La présence, ou qualité »d’être au monde » est un ensemble de perceptions, représentations et sensations. Elle est également prise en compte dans cette approche, il s’agit d’essayer de comprendre par des réflexions ce que vit la personne dans un temps et une spacialité qui lui sont propres. »La phénoménologie psychiatrique apparaît avant tout comme une école de l’expérience qui laisse l’autre exister dans la relation. […] Dans nos pratiques de soin, elle invite à développer, par une approche compréhensive du patient, ce que Heidegger appelle la « sollicitude ». […] La psychothérapie intervient au cœur du vécu de conscience de l’Autre et de son monde, au « plan existential de la rencontre ». Elle accompagne l’Autre à se « rendre lucide dans son souci et à devenir libre pour celui-ci », restaurant ainsi son « pouvoir-être »
Cette approche nous permet de construire notre trame d’entretien en nous basant sur les ressentis et la subjectivité des individus interrogés pour créer les questions. Nous allons, maintenant, nous pencher sur l’une des notions de notre question de recherche: l’alliance thérapeutique.
Alliance thérapeutique
Le médecin et psychanaliste E. Zetzel a été la première a tester que l’alliance thérapeutique est essentielle à l’efficacité de n’importe quelle intervention thérapeutique. »[27] Il est donc nécessaire de mettre en place des conditions qui sont favorables la création de l’alliance thérapeutique en ergothérapie. Pour cela il semble nécessaire de comprendre ce que signifie la notion d’alliance thérapeutique et ce qu’elle englobe. »Sandler, Dare et Holder (1975) en donnent une définition clinique : « [L’alliance de traitement] repose sur le désir conscient ou inconscient de coopération de la part du patient et sur le fait qu’il est prêt à accepter que le thérapeute l’aide à surmonter ses difficultés internes. Ceci n’équivaut pas à suivre le traitement simplement pour acquérir du plaisir ou pour toute autre forme de gratification. Dans l’alliance de traitement, il y a une acceptation du besoin de s’occuper des problèmes internes et d’effectuer le travail analytique malgré des résistances du sujet ou de son entourage » [28] »
»Le terme «alliance thérapeutique» désigne la volonté d’engagement forte de l’équipe soignante en partenariat avec le patient. […] Ce n’est pas un mode d’intervention ou une technique thérapeutique en soi. »[28] Ce terme est à distinguer des mouvements tranférentiels existants dans une relation thérapeutique.
L’alliance thérapeutique est singulière et dynamique, c’est-à-dire qu’elle est propre à chaque »système thérapeutique »7 et qu’elle fluctue en intensité au cours du suivi. Des moments de crises peuvent être observés au cours d’un suivi, ils sont importants car ils renforcent ou détruisent l’alliance, ce qui impacte la poursuite de la thérapie. [29]
Un grand nombre d’études et de recherches ont été effectuées sur l’alliance thérapeutique et principalement dans le contexte de la psychothérapie. Elles ont mis en évidence que la notion d’alliance thérapeutique est »multidimensionnelle » et qu’elle inclut »les dimensions de collaboration, de mutualité et de négociation. » [27]. »L’alliance thérapeutique est constituée d’éléments techniques et relationnels (Bordin, 1979) » Ces deux domaines sont complémentaires et »interdépendants ». Une modification de l’alliance dans l’un de ces domaines affectera l’autre et vice-versa. [29].
▪ Eléments techniques de l’alliance thérapeutique.
Ils font échos aux objectifs thérapeutiques visés et aux moyens utilisés (activités, tâches). Un concensus doit être trouvé entre le patient et son thérapeute afin que chacun puisse investir et s’engager dans le projet de soin. Afin de trouver un compromis acceptable, des négociations et concessions sont nécessaires [29] à l’établissement d’une alliance thérapeutique. Cette étape est également en lien avec la notion de responsabilisation et d’autonomisation de la personne, qui est l’un des axes prioritaires en ergothérapie. [30]
L’habileté des deux parties à négocier et échanger sur leur future collaboration est articulée avec la qualité relationnelle de l’alliance. [29]
▪ Eléments relationnels: qualités affectives de l’alliance thérapeutique.
»La composante générale se réfère au sentiment, pour le patient, d’être écouté, pris en considération, compris, aimé, soutenu, encouragé, aidé par son thérapeute et, pour le thérapeute, au sentiment de pouvoir comprendre, éprouver de la sympathie, pouvoir aider son patient. » [30] La »confiance », la »sollicitude » et l’ »engagement » sont nécessaires de la part des deux parties (thérapeutes et patients) afin qu’une alliance thérapeutique puisse exister. [29] »L’une des clés pour construire une bonne alliance thérapeutique est de parvenir à gérer les émotions de son patient et parallèlement, à pouvoir identifier et à gérer ses propres émotions. » [30] La notion de congruence développée par C.Rogers est en lien avec ces compétences favorables à l’établissement d’une alliance thérapeutique et donc du soin.
▪ Les conditions de l’alliance thérapeutique et la gestion du groupe.
Prenons l’exemple d’une séance en groupe, telle que la médiation corporelle en ergothérapie. La notion de groupe engendre des mouvements inconscients de la part des participants. Un système se met alors en place: le thérapeute endosse alors le rôle de leader. Conscient de ce qui ce »joue », sa fonction lui permet de distribuer aux acteurs de ce groupe le même niveau »d’influence, de responsabilité et un accès aux ressources équivalentes. » [29] En temps que meneur du groupe, il détient »la responsabilité et l’habileté pour arbitrer les conflits, donner des ressources, des responsabilités et de l’influence, faire appliquer les règles et la discipline, favoriser la croissance, représenter les membres et leurs intérêts et coordonner la planification de l’avenir du système. »[29] Cependant, afin d’être considéré par le groupe comme meneur, le thérapeute doit être reconnu comme de compétent et apte à pouvoir lui venir en aide. Il doit également être respecté et son statut doit être reconnu par tous. La notion de sécurité assurée par le thérapeute durant les séances est primordiale.
Pour créer un milieu sécuritaire il doit parvenir à faire cesser les »intéractions destructives » et parvenir à faire interragir les personnes entre elles de façon constructive.
»Le thérapeute doit communiquer aux clients, par ses paroles et ses actions, qu’il se préoccupe d’eux, de leurs souffrances et qu’il veut les aider à changer. Il doit leur communiquer qu’il est leur allié pour qu’un changement se produise. » [29]
Le thérapeute doit faire preuve d’empathie et de compréhension envers tous les membres composant le groupe et ce de façon équitable. Il est alors »un modèle d’empathie » pour le groupe, il leur montre comment il est possible de se positionner. La figure de thérapeute peut également refléter des caratéristiques du patient à lui-même. Cela n’est pas toujours très agréable pour la personne. Le thérapeute est alors porteur de certaines caractéristiques qui ne lui sont plus propres: il devient un soi-objet. L’analyse de la relation est des mouvements transférentiels est alors utile afin de rester soignant et bienveillant.
Par ses différentes aptitudes le thérapeute met en place des conditions propices afin de mener à bien sa séance ainsi que des conditions favorables à la mise en place d’une alliance thérapeutique. »La relation entre le thérapeute et les clients n’est pas le seul but de l’intervention. Pourtant, le thérapeute doit se préoccuper continuellement, mais tacitement, de ses liens avec les clients. » [29]
Dispositif de recherche
▬ Sélection de la population et modalités d’accès au terrain.
Nous allons interroger deux ergothérapeutes et trois personnes atteintes de schizophrénie. La recherche des terrains propices à la réalisation des entretiens s’est faite par l’intermédiaire des pré-enquêtes. Nous avons pu trier et utiliser les contacts présentant toutes les caractéristiques souhaitées. D’une part, nous réaliserons un entretien téléphonique avec le premier ergothérapeute, car il n’est pas possible d’aller à sa rencontre du fait de nos disponibilités respectives. D’autre part, nous nous rendrons sur le lieu d’exercice du second ergothérapeute afin de nous entretenir avec lui et trois de »ses patients ». Pour ce faire nous avons contacté le directeur des soins du lieux où nous souhaitions intervenir. Nous lui avons expliqué notre démarche et demandé son approbation afin de pouvoir intervenir dans un cadre légal
Après avoir obtenu l’accord de la direction nous avons contacté le cadre de santé et l’ergothérapeute de la structure afin d’obtenir leurs accords et de prévoir une date de rencontre afin de planifier les interventions, définir les modalités de recueil des données et sélectionner les participants. Parallèlement à cela, nous avons informé l’administration de l’Institut de Formation de Marseille de nos démarches. Nous avons également mis en lien L’IFE et la structure d’accueil afin d’obtenir un ordre de mission légitimant notre démarche.
▬ Population.
Nous allons interroger deux types de populations distinctes, à propos de l’alliance thérapeutique et de la médiation corporelle en ergothérapie, afin de tenter d’obtenir une vision la plus générale et la plus complète possible de l’objet de recherche.
Le choix et la construction de l’outil théorisé de recueil de données. [36]
Le type d’outil choisi est une grille d’entretien. Deux trames d’entretiens sont nécessaires : une pour les entretiens avec les ergothérapeutes (Annexe 8) et une pour les entretiens avec les personnes atteintes de schizophrénie (Annexe 9). Nous choisissons d’effectuer des entretiens semi-directifs. Le nombre de thèmes semble être trop conséquent pour un entretien libre. De plus comme nous l’avons vu précédemment la schizophrénie peut affecter le langage et la pensée. Ce type d’entretien permet de pouvoir relancer plusieurs fois et de plusieurs manières le sujet si nécessaire. La construction de cet outils s’effectue en lien avec le cadre théorique précédent et l’objet de recherche. Dans un premier temps, nous réfléchissons à la question inaugurale de l’entretien. Dans un second temps, nous déterminons des thèmes en lien avec les recherches effectuées. Puis nous choisissons des questions de relance.
Déroulement de l’enquête.
Avant de débuter l’entretien, les règles de confidentialité et d’anonymat sont énoncées. Il est précisé que ces échanges servent à l’écriture d’un mémoire de fin d’études et qu’ils seront utilisés exclusivement à cette fin. Il leur est expliqué que l’entretien est enregistré afin d’éviter les prises de notes qui pourraient altérer la nature des échanges et que cet outil permettra ensuite l’analyse des entretiens. L’accord orale de la personne interrogées est recueillit (consentement libre et éclairé). Il leur est également rappelé qu’ils peuvent arrêter l’entretien quand ils le souhaitent.
Choix des outils de traitement des données
Afin d’analyser les données recueillies nous utilisons un »analyseur de texte »(Annexe 10) afin d’obtenir une vision générale des entretiens (nombre de mots utilisés par la personne). Puis nous traitons les éléments qui ressortent de ces entretiens par l’intermédiaire d’une analyse thématique [37]. Nous ferons ressortir les différents thèmes abordés par les enquêtés afin de pouvoir par la suite les interpréter.
Réponse à la question de recherche et discussion autour des résultats.
Rappel de notre objet de recherche:
En quoi l’utilisation de l’expression corporelle en HDJ peut renforcer l’alliance thérapeutique en ergothérapie, auprès de personnes atteintes de schizophrénie ?
La formulation de notre objet de recherche présuppose que l’alliance thérapeutique est déjà établie entre les deux parties: personne et ergothérapeute. Or, entre nos recherches qui abordent ce concept de façon théorique et les entretiens qui permettent d’obtenir une vision de la pratique, nous prenons conscience de la complexité de ce concept.
Le temps d’entretien nous apparaît comme étant primordial tant pour l’ergothérapeute que pour le patient. Ce temps, en dehors des activités, permet de rencontrer la personne, d’échanger et d’évaluer avec elle ses besoins. Aussi, nous nous apercevons que la présentation des objectifs à une personne schizophrène dépend de plusieurs conditions. Premièrement, cela nécessite un temps et un espace institutionnel. L’ergothérapeute et la personne se rencontrent, échangent et entrent dans un processus de négociation et de collaboration. La création d’un lien s’effectue entre les deux personnes qui amorcent la relation. Deuxièmement, il est également nécessaire que la personne schizophrène ne soit pas dans le déni de ses troubles et qu’elle ait des capacités d’élaborations suffisantes, pour pouvoir accepter de rentrer dans une réflexion commune avec l’ergothérapeute, à propos de ce qu’elle souhaite ou ne souhaite pas. Nous pensons que même si la personne a peu de capacités, il est important de lui expliquer ce que nous lui proposons. Peut-être que le sentiment d’être impliqué dans cette démarche et d’être pris en considération peut suffire à mettre en place l’alliance thérapeutique ?
Les éléments techniques de l’alliance thérapeutique sont directement en lien rapport avec la mise en place de la relation. Ils permettent d’acter l’engagement dans les soins de la part de l’ergothérapeute et du »patient » par un consensus oral ou matérialisé par un contrat écrit.
La relation nous apparaît comme étant un outil de soin complexe car elle est en lien avec les objectifs, les dispositifs de soin et la singularité des deux personnes entre qui elle se tisse. Elle est mise en jeu non seulement durant les activités mais également à chaque fois que les deux personnes sont en contact. Selon nous, l’alliance thérapeutique est à réfléchir en amont de la première prise de contact avec la personne, afin de mettre en place les choses nécessaires à sa création. Que faire pour que cette alliance thérapeutique perdure ?
Nous partons du postulat que l’alliance thérapeutique est déjà mise en place, en quoi peut-elle être renforcée par la médiation corporelle ? L’alliance thérapeutique désigne la volonté d’engagement forte de l’équipe soignante en partenariat avec le patient [28]. Nous nous questionnons sur ce qui peut être propice à l’engagement des patients sur cette activité.
Premièrement, l’activité physique en elle-même permet au corps de sécréter des hormones ayant de nombreux effets bénéfiques (agit sur le stress, favorise le bien-être, et autres). [39] Le plaisir, la sensation de bien-être et les différents ressentis peuvent favoriser l’engagement de la personne dans cette activité.
Deuxièmement, l’accompagnement dans cette expérience de soi par le thérapeute et le dispositif favorise le processus de médiation. Cette activité devient donc un soin et permet de mettre au travail des objectifs en fonction de la personne et sa pathologie. Chaque personne dans le groupe est encouragée à s’exprimer librement. La sollicitude de la part du thérapeute, le sentiment d’autonomie, de confiance et de liberté dans ses mouvements, peuvent agir sur la motivation du »patient ». De plus l’ergothérapeute par sa mise en situation d’activité avec le groupe, lui signifie qu’il »s’engage » à »faire avec ».[40] Cela peut être perçu comme une collaboration avec le groupe.
Le groupe nous apparaît aussi comme une modalité importante dans cette activité. Il a été de nombreuses fois évoqué par les personnes interrogées. Il peut apparaître comme un facteur de motivation pour les individus ou comme un élément qui peut être source d’anxiété. Nous pensons que lorsque la personne a pu expérimenter les différents temps de l’atelier, tout en se sentant en confiance, en sécurité, accompagné par l’ergothérapeute et le groupe, il lui est plus aisé de revenir et que cette modalité ne soit pas un obstacle à la réalisation de cette activité. Le groupe n’est plus un obstacle.
Bien que ce type de recherche ne permette pas de faire de généralité, il nous aide à prendre conscience que l’alliance favorise un travail thérapeutique avec les »patients ». Elle est en corrélation avec l’engagement du thérapeute et celui de la personne. Selon nous, lorsque l’objet médiateur en ergothérapie est le corps, la volition de la personne schizophrène peut être stimulée par plusieurs facteurs.
Le premier est en lien avec les sensations de bien-être. Nous pensons aux vues des résultats obtenus que cela favorise l’adhésion des personnes schizophrène à l’atelier d’expression corporelle. Ces sensations agréables sont possibles grâce au dispositif mis en place ainsi qu’aux compétences relationnelles et à la gestion du groupe par l’ergothérapeute. Aussi, lorsque la personne perçoit d’elle-même et de façon directe certains des effets bénéfiques, cela renforce son niveau d’auto-détermination et favorise son engagement sur l’activité. [39]
Le deuxième facteur est le principe d’activité signifiante. [42] Si cette activité a du sens pour la personne cela peut favoriser son engagement. Nous pensons que ce facteur est en corrélation avec le premier.
Le troisième facteur est en relation avec le groupe. Bien sûr cela sous-entend une dynamique de groupe qui met en confiance, apporte un sentiment de sécurité et permet la libre expression de chacun.
Le quatrième est lié avec la notion d’accompagnement. L’ergothérapeute s’engage sur l’activité en tant que thérapeute et en tant que participants et membre du groupe. Par ses différentes actions et ses attitudes bienveillantes, accompagne l’expérience de chacun tout en veillant à laisser la personne s’exprimer librement. Il renforce ainsi le sentiment d’auto-efficacité et d’autonomie des individus.
Le cinquième est en corrélation avec des entretiens. Nous pensons que ces temps sont importants. Comme nous l’avons déjà évoqué cela permet de mettre en place l’alliance thérapeutique. Nous pensons qu’il est intéressant de s’entretenir régulièrement avec la personne. En effet, nous pensons que voir la personne individuellement permet de »réactualiser » l’engagement mutuel. Nous entendons par là refaire du lien avec elle sur les ateliers et pouvoir faire des retours sur nos observations. Nous pensons qu’il est intéressant de s’entretenir avec une personne lorsque »tout va bien ». Lui faire des »feed-back »[39] positifs peut également consolider son engagement. Nous sommes d’avis que le temps d’entretien peut également signifier l’engagement du thérapeute auprès des »patients » et ce en dehors des temps d’activité d’expression corporelle.
L’ergothérapeute par son analyse de l’activité, ses connaissances dans le domaine médical ainsi que ses compétences relationnelles, met en place un dispositif pensé et adapté en fonction d’ objectifs qu’il définit. Cela permet d’utiliser le potentiel thérapeutique de l’activité. Nous pensons que l’expression corporelle auprès de personnes schizophrènes est intéressante car elle leur donne un sentiment de bien-être. Le patient retire une »contrepartie » immédiate de ce soin, ce qui favorise son engagement sur cette activité. Parallèlement à cela, elle permet de mettre en œuvre un grand nombre d’objectifs. Nous pensons que cette activité, notamment par la mise en situation du thérapeute et la perception de bénéfices par la personne, favorise l’engagement des deux parties dans le soin.
Critique du dispositif de recherches
Lors de la mise en place de notre dispositif de recherche, il nous semblait important d’interroger des patients tout comme des ergothérapeutes. De plus, le concept d’alliance thérapeutique ne peut exister l’un sans l’autre. Nous avons mis en place des entretiens avec les deux parties et cela a été très instructif. A posteriori et compte tenu des troubles que peut générer la dissociation dans l’expression verbale d’une personne atteinte de schizophrénie, nous pensons qu’il aurait été pertinent de renforcer le dispositif de prise de données auprès des personnes atteintes de schizophrénie. L’utilisation d’une grille d’observation en lien avec des enregistrements vidéo lors des séances de médiation corporelle nous aurait permis d’étayer par nos observations cliniques les dires de la personne, et ainsi enrichir nos données.
Nous concevons que le fait d’avoir interrogés trois patients inscrits dans le même établissement peut également avoir eu une incidence sur leur discours. Bien que cela nous permet d’obtenir des propos en lien avec une expérience au sein du même groupe. Selon nous, serait judicieux de pouvoir recueillir les propos de plusieurs personnes faisant partie de différents groupes.
Apport, intérêts et limites pour la pratique professionnelle.
L’une des limites de notre travail peut être de ne pas avoir évoqué et pris en considération les mouvements transféro-contre-transférentiel qui ont lieu dans le soin. Dans le cadre de l’une de nos futures recherches il pourrait être interressant de s’intéresser à ces mouvements et à ce que cela peut générer dans un suivi en ergothérapie.
Le domaine de la santé mentale est étroitement lié à la création historique de l’ergothérapie. Bien que ce fut l’un des premiers champs de pratique de la profession, plusieurs facteurs ont entraînés une diminution des actes d’ergothérapies en santé mentale.[41] La production d’écrits scientifiques permettent de mettre en lumière la pertinence des suivis ergothérapiques ainsi que la légitimité du métier d’ergothérapeute dans ce domaine. Ce travail peut s’inscrire dans la continuité de la démarche de l’association nationale des ergothérapeutes français (ANFE) de parler des enjeux et des perspectives de l’ergothérapie en santé mentale.[4]
Dans le domaine de la santé mentale, nous pensons qu’il pourrait être opportun de transposer notre démarche scientifique à une population différente telle que les personnes atteintes de dépression. Nous pourrions ainsi comparer et mettre en lien les résultats obtenus. D’autre part, l’utilisation de l’expression corporelle pourrait également être utilisée auprès de personnes ayant des troubles du schéma corporel et de l’image du corps. Nous nous interrogeons sur une possible utilisation et l’intérêt de cette activité auprès de personnes ayant subis des amputations.
Ce travail d’initiation à la recherche nous a permis de comprendre comment le corps pouvait être utilisé comme objet médiateur en ergothérapie auprès de personnes schizophrènes. Il nous permet également de prendre conscience de la complexité du dispositif de soin en psychiatrie. Une analyse de sa pratique ainsi que des échanges entre professionnels de santé nous semblent pertinents, afin de pouvoir enrichir nos compétences dans l’intérêt des »patients » ainsi que dans un intérêt personnel.
Nous avons également pris conscience que l’engagement d’une personne peut être favorisé et stimulé par le thérapeute. Nous nous intéressons à des outils qui peuvent aider l’ergothérapeute dans cette démarche, notamment l’entretien motivationnel et l’utilisation du Modèle de l’Occupation Humaine de Kielhofner G.[24] Ces deux outils s’inscrivent dans une démarche humaniste en lien avec les valeurs de l’ergothérapie et peuvent être utilisés en santé mentale comme dans d’autres domaines.
Analyse des résultats de la pré-enquête numéro 1.
Ce questionnaire a été créé à l’intention des ergothérapeutes exclusivement.
Je réalise ce questionnaire afin de confronter mes »idées » avec la réalité du terrain et d’orienter la suite de ce mémoire en étudiant la faisabilité de ce thème. Mes objectifs en lien avec la pré-enquête sont :
Savoir si l’utilisation du média »corps » est connue, utilisé et répandu par les ergothérapeutes.
Voir auprès de quel public et selon quelles modalités ce média est utilisé.
Prendre connaissance de différents types de médiation possible avec le corps utilisé en ergothérapie.
Me créer un réseau d’ergothérapeutes volontaires qui pourra être sollicité durant la suite de ce mémoire.
La pré-enquête comporte deux parties. La première est composée de questions générales sur les études et secteurs d’activités. La deuxième partie s’adresse exclusivement aux professionnels ayant déjà utilisé la médiation corporelle au cours de leurs pratiques professionnelles.
Prise de contact avec les établissements.
Monsieur le directeur des soins,
Actuellement en dernière année à l’Institut de Formation en Ergothérapie de Marseille, je suis en train de rédiger mon mémoire de recherche. Celui-ci porte sur la médiation corporelle en ergothérapie et l’alliance thérapeutique avec les personnes atteintes de schizophrénies.
Ce travail est le fruit d’une réflexion qui a émergé à la suite d’un stage au sein de l’HDJ X (du 24/10/16 au 16/12/16).
Dans le cadre de mon enquête, je souhaiterais avoir la possibilité d’effectuer des entretiens auprès de patients suivi en Ergothérapie dans cet HDJ (les 28/03, 04/04, 11/04 et 18/04). Le choix de ma méthode (clinique) suppose des entretiens de types »libre ». Cependant les thèmes abordés seront en lien avec la médiation corporelle, le ressenti des patients, l’alliance thérapeutique, la communication et avec deux modèles théoriques (humaniste et phénoménologique). Le consentement libre et éclairé des patients ainsi que leur anonymat sont au cœur de ma démarche. En me rendant sur place la semaine dernière, j’ai pu rencontrer Mme A (ergothérapeute) et Mme G (cadre de santé) qui m’ont donné leur accord, sous réserve de votre approbation. Seriez-vous favorable à cette démarche?
Je vous remercie du temps et de l’attention que vous m’avez accorder.
Respectueusement.
Emma DAVID.
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Table des matières
1. Introduction
1.1 Contexte et thème général
1.2 Utilité sociale et enjeux pour la pratique professionnelle
1.3 Questions de départ
1.4 Problématique pratique
1.5 Recherches documentaires
1.5.1 Clinique de la schizophrénie
1.5.2 Corps et Schizophrénie : les problématiques corporelles
1.5.3 Compétences de l’Ergothérapie en santé mentale
1.5.4 Le cadre, la relation et l’objet médiateur en ergothérapie
1.6 Objet de recherche final
1.7 Cadre théorique.
1.7.1 Modèle humaniste
1.7.2 Approche phénoménologique
1.7.3 Alliance thérapeutique
1.7.4 L’engagement
2. Matériel et Méthode.
2.1 Le choix de la méthode
2.2 Dispositif de recherche
2.3 Le choix et la construction de l’outil théorisé de recueil de données
2.4 Déroulement de l’enquête.
2.5 Choix des outils de traitement des données.
3. Résultats
3.1 Présentation des données
3.2 Analyse thématique des données
3.2.1 Analyse entretiens »patients »
3.2.2 Analyse entretiens ergothérapeutes
4. Discussion
4.1 Interprétation des résultats
4.2 Réponse à la question de recherche et discussions autour des résultats.
4.3 Critique du dispositif de recherche
4.4 Apport, intérêts et limites pour la pratique professionnelle.
Bibliographie
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