Utiliser un album de littérature jeunesse pour initier la réflexion et concevoir la coopération par la pensée

Utiliser un album de littérature jeunesse pour initier la réflexion et concevoir la coopération par la pensée

La littérature jeunesse est toute récente dans l’histoire de la littérature puisqu’il n’y avait pas de textes spécifiquement dédiés aux enfants avant les années 1850 environ (sauf quelques exceptions dédiées à des enfants particuliers), et ce n’est que vers les années 1970 – 1980 que se sont développées les maisons d’éditions spécialisées « jeunesse », témoignant de l’explosion de l’intérêt pour ces livres.
Au sein de la littérature jeunesse, de très nombreux genres coexistent, difficiles à classer.
Mais les albums de littérature jeunesse, par la beauté et la richesse de leurs illustrations qui viennent illustrer, expliciter, voire parfois contre-dire une histoire spécifiquement conçue pour les enfants, sont particulièrement appréciés à la fois des enfants et des adultes qui partagent leurs lectures. La plupart des œuvres de littérature jeunesse a pour objectif d’accompagner l’enfant dans le développement de sa personnalité en ciblant essentiellement la morale et l’idéologie, la transmission des savoirs ou le divertissement (Chelebourg et Marcoin, 2007).
Toutes participent ainsi à la construction de l’image du monde que se fait l’enfant, lui permettent de soulever des questions ou d’aborder des éléments de réponses, par intégration de ses expériences successives, réelles ou littéraires.
L’approche utilisant la littérature jeunesse comme entrée vers la philosophie a été fortement développée en France par Michel Tozzi et Edwige Chirouter. Suite aux travaux réalisés pendant sa thèse, cette dernière a mis en avant les capacités de réflexion philosophiques des enfants, s’opposant par là à l’enseignement de la philosophie traditionnellement réservé aux élèves de Terminale (Chirouter et Lamarre, NP). Pour elle, « littérature et philosophie sont toutes deux des discoursqui donnent sens et intelligibilité à notre existence » (Chirouter, 2010), et la littérature établit ainsi « un pont entre l’expérience singulière, qui empêche la prise de recul, et le concept, qui peut à contrario nuire à l’implication personnelle de l’enfant » (Chirouter, 2016, p.17).
Lors des débats menés avec les élèves, Edwige Chirouter (2012) observe « qu’il existe bien un lien inextricable entre littérature et philosophie et ce lien s’observe particulièrement bien dans l’impossibilité de déterminer des frontières strictes entre ‘débat interprétatif’ et ‘débat réflexif’ ». Toutefois, Vaillaut et Tonolo (2017) mettent en avant la nécessité de pousser suffisamment l’analyse littéraire avant de pouvoir lancer des discussions à visées philosophiques, de manière à ce que la complexité des notions soit mise en évidence par la complexité de l’expérience sociale fictive vécue à travers l’album : « Le débat philosophique qui suivra ainsi le débat littéraire permettra d’autant plus d’accéder à une complexité morale réflexive, dialectisée par le débat, que la multiplicité des chemins ouverts par l’œuvre littéraire aura été initialement explorée. »
Utiliser un album de littérature jeunesse parait donc une approche très intéressante pour déclencher la réflexion des élèves.

Approches complémentaires pour mettre en pratique la coopération

Pour ne pas se contenter de concevoir la coopération par la pensée, mais tenter de la faire vivre aux élèves comme y incitent les programmes, différentes pratiques coopératives peuvent être mises en place en classe. La plupart de ces pratiques sont inspirées des pédagogies nouvelles. Charlotte Poussin (2018) explique par exemple la vision de Maria Montessori, pour qui la période 6-12 ans correspond à la naissance de l’être social, le rôle de l’éducation étant alors de permettre le développement de ces compétences sociales : « Quand l’enfant se met debout, c’est pour apprendre à marcher […]. Quand l’enfant construit la capacité à travailler à plusieurs, cela indique qu’il est prêt à développer ce talent, et nous devons nous assurer qu’il peut le faire dans les meilleures conditions possibles ». Les pratiques coopératives les plus pertinentes pour soutenir l’acquisition de ces compétences ont été en grande partiedéveloppées par Célestin Freinet puis Fernand Oury, entre autres. Sylvain Connac (2020) répertorie et adapte toutes les formes de coopération qu’il a pu recenser et mettre en pratique dans des classes coopératives (maternelle, élémentaire et collège), en fournissant aux enseignants des outils pratiques pour les mettre en place. Nous nous basons sur son ouvrage pour décrire 3 grands types de dispositifs : les messages clairs, le conseil de coopération et les dispositifs d’aide.

Les messages clairs

Premièrement décrits par Danielle Jasmin (1993, citée dans Connac, 2020), les messages clairs ont pour but de permettre aux élèves de régler leurs « petits conflits » (Eduscol, 2015) -ou de faire part de leur satisfaction. Ils sont une adaptation aux enfants des techniques de communication non violente (Rosenberg, 1999). Le contenu d’un message clair se divise en 5 parties : l’émetteur du message énonce au récepteur son souhait de lui adresser un message clair. Lorsqu’il a son attention, il décrit les faits, puis l’émotion que ces faits ont engendrée chez lui, puis, le cas échéant, ce qu’il attend en retour. Il s’assure alors de la bonne réception du message. Si le message clair ne suffit pas à régler une situation-problème, l’émetteur doit pouvoir se tourner vers un adulte, idéalement par l’intermédiaire d’un cahier pour que le problème soit consigné et non oublié, tout en différent sa résolution pour une meilleure prise de recul.
Le message clair est ainsi un outil de gestion des relations entre un nombre restreint d’élèves, en indépendance par rapport à l’adulte.

Le conseil de coopération

Le conseil de coopération s’inspire des pratiques démocratiques pour permettre la régulation de la vie de la classe. Les élèves ont alors une posture active pour les décisions qui concernent la classe : décrire l’avancée des projets, en proposer de nouveaux, modifier certaines règles de vie ou distribuer les rôles ou les responsabilités, régler certains problèmes collectifs ou récurrents, ou au contraire se féliciter des points positifs…
Les élèves et l’enseignant se réunissent de manière régulière, en cercle (ou de manière à pouvoir tous se voir). Un président anime le conseil en déroulant l’ordre du jour pré-établi et en distribuant la parole de manière équitable. Un secrétaire note les remarques au fur et à mesure, qui permettent en fin de séance de dresser un compte rendu. Les règles du conseil sont rappelées en début de séance ; elles ont pour but de mettre chacun en confiance et de permettre une circulation fluide et posée de la parole : « On ne se moque pas, on écoute celui qui parle, on demande la parole, la priorité sera donnée à ceux qui ont le mois parlé, les gêneurs trois fois ne pourront ni parler, ni voter ».
Le conseil de coopération est donc une instance collective, qui rassemble l’ensemble de la classe.

L’aide, l’entraide et le tutorat

L’enseignant n’est pas le seul sachant dans la classe. Ces trois formes d’aide permettent de faire circuler les savoir entre élèves.
L’aide est généralement demandée par un élève bloqué sur un point, qui a besoin ponctuellement d’être débloqué. Des outils de demande d’aide peuvent être mis en place pour que les élèves puissent se signifier visuellement s’ils ont besoin d’aide, ou au contraire s’ils peuvent se rendre disponible pour fournir de l’aide.
L’entraide correspond à une situation de travail de recherche, voire de début d’entrainement, pendant laquelle les élèves échangent leurs points de vue, argumentent, et avancent ainsi à plusieurs dans la compréhension de la tâche à réaliser. Pour que certains ne soient pas tentés de se reposer systématiquement sur des élèves ‘plus forts’, il est préférable de « finaliser l’activité réalisée par une production individuelle à effectuer » (Connac, 2020).
Enfin, le tutorat est une forme institutionnalisée de l’aide entre élèves. Le tuteur a reçu une formation pour apporter l’étayage adéquat au(x) tutoré(s). Le tutoré reçoit également une formation aux gestes de demande de l’aide. Le tutorat bénéficie cependant essentiellement au tuteur, à la fois parce qu’il est valorisé par la situation et parce qu’elle lui demande de réinvestir les notions de multiples manières.

Les capacités réflexives des enfants, le rôle de l’adulte pour les guider

Utiliser la discussion à visée philosophique déclenchée par un album de littérature jeunesse pour travailler sur la coopération avec les élèves suppose que les enfants sont capables de philosopher. Qu’en est-il de nos connaissances sur les capacités réflexives de l’enfant ?

Théories de la psychologie du développement l’enfant

Jean Piaget a été le premier à analyser le développement de l’intelligence chez le jeune humain. La théorie qu’il a alors élaborée décompose ce développement en quatre grandes périodes. Pendant la période sensori-motrice, de 0 à 18 mois, les organes des sens et l’acquisition de la motricité permettraient une première exploration du monde. Le langage et la pensée symbolique se développeraient pendant la période pré-opératoire, de 2 à 6-7 ans, qui permettrait une première décentration : toutes les personnes qui m’entourent ne savent pas forcément la même chose que moi. Entre 6-7 ans et 11-12 ans, période des opérations concrètes, les représentations mentales deviendraient possibles à condition qu’elles soient supportées par des objets ; l’enfant connait alors une deuxième décentration et arrive à envisager des évènements auxquels il n’assiste pas. Enfin, la capacité à l’abstraction se développerait pendant la période des opérations formelles, à partir de 12 ans, permettant alors seulement l’acquisition de compétences hypothéticodéductives et la réflexion morale.
Depuis, de nombreuses découvertes sur les compétences réflexives et émotionnelles des enfants, et même des bébés, ont démontré que l’acquisition de la capacité à se mettre à la place de l’autre et à lui prêter des états mentaux démarrait très tôt (Gentaz, 2019) : dès 4 ans, un enfant est capable d’anticiper qu’un adulte peut ne pas connaitre une information que lui connait, tandis que d’autres études montrent que dès 14-15 mois, les bébés comprennent lorsque quelqu’un a besoin d’aide. Gentaz (2019) précise que le développement des émotions morales (fierté, honte, culpabilité) est suscité par les interactions sociales, qu’elles évoluent tout au long de l’enfance à partir d’environ 2 ans, et qu’elles nécessitent deux pré-requis : la conscience de soi et la conscience des règles.
Après avoir travaillé avec des élèves de cycle 3, Edwige Chirouter a initié des discussions philosophiques avec des maternelles et est arrivée aux mêmes conclusions (Chirouter, 2010 ; Chirouter et Pettier, 2012) : « si le dispositif et l’étayage de l’enseignant le permettent », « les jeunes élèves arrivent à dépasser la simplicité apparente du récit pour amorcer une réflexion […] complexe, problématisée sur une notion philosophique ».
Les pratiques et les recherches récentes montrent donc que les discussions à visées philosophiques à l’école sont à la portée des élèves… Mais animer un tel débat ne s’improvise pas, et le rôle de l’animateur, même s’il doit être le plus discret possible, est primordial pour le bon déroulé de la réflexion.

Animer une discussion à visée philosophique : accompagner la réflexion

Nous l’avons vu précédemment, une discussion à visée philosophique est un débat réglé, argumenté, ayant une finalité philosophique.
Bien qu’adapté selon l’âge des élèves, le rôle de l’animateur du débat est donc toujours d’une part, d’être attentif à la forme externe du débat et à son apprentissage, c’est-à-dire veiller au respect et au maintien du cadre bienveillant, soutenir les élèves dans la réalisation de leurs responsabilités (il peut se placer entre le président et le reformulateur par exemple). Il doit en parallèle expliciter l’apprentissage de la forme interne du débat, c’est-à-dire faire remarquer et expliciter aux élèves les différents éléments qui nourrissent un débat (notion, définition, exemple, contre-exemple, argument…). Il doit enfin, si besoin, aiguiller les élèves sur le fond de la discussion : « accueillir et valoriser une idée, reformuler, synthétiser, rappeler la question, demander une définition, une distinction, une précision, un argument, mettre en exergue des divergences, provoquer une émergence et l’examiner » (Go, 2006) et éventuellement, au moment opportun et dans le prolongement de ce qui est apporté par les élèves, expliciter ou apporter des définitions précises sur les notions abordées par les élèves et touchant au sujet du débat.

Choix de la démarche et de l’œuvre

Souhaitant tout à la fois amener les élèves aux notions de tolérance et de coopération et leur permettre de progresser dans la compréhension des implicites d’une histoire, textes et images compris, j’ai choisi un album riche en images, qui traite de la tolérance et des différentes formes de coopération (excluante ou incluante) : Sophie la vache musicienne, de Geoffroy de Pennart.
Cet album raconte l’histoire de Sophie, vache musicienne, qui part à la ville pour participer au grand concours de musique. Elle cherche à se faire engager dans un orchestre, mais est exclue de tous les groupes pour des raisons communautaires qui n’ont rien à voir avec la musique. Elle finit par créer son orchestre en recrutant les musiciens sur leurs compétencesmusicales, et celui-ci gagne le concours.

Préparation philosophique de la séquence

Cet album permet d’aborder les notions de tolérance et de coopération.
La tolérance, c’est accepter l’autre même s’il est différent ou s’il pense différemment.
Aucun des orchestres n’accepte Sophie pour la seule raison qu’elle ne possède pas la caractéristique commune qui en a rassemblé les musiciens. Ces orchestres-là ont un degré de tolérance très faible. Au contraire, lorsqu’elle forme son propre orchestre, elle s’attache à n’avoir aucun préjugé, et ne juger chaque candidat que sur son talent musical. Le degré de tolérance est beaucoup plus fort. C’est la tolérance qui permet la coopération, l’agir ensemble, et c’est le degré d’acceptation des différences qui détermine le caractère excluant ou incluant de la coopération.
Grâce aux illustrations montrant Sophie de plus en plus énervée et aux termes et ton utilisés par les différents orchestres pour lui répondre, l’album permet également de faire le lien avec les émotions : émotion de surprise, puis de colère ressentie par Sophie, sentiment de supériorité ressenti par les membres des différents orchestres. Il me paraissait intéressant de pousser les élèves à faire le lien avec ces émotions.

Préparation littéraire de la séquence

S’inspirant du guide Lectorino et Lectorinette (Goigoux et Cèbe, 2018), la préparation de l’analyse littéraire de l’œuvre visait, de manière complémentaire et parallèle, à poursuivre l’automatisation du décodage(chez les élèves qui en avaient encore besoin) et la fluidité de la lecture à haute voix, à accroitre leur vocabulaire en réception et en production, à développer les compétences narratives en réception (construction d’une image mentale) et en production (apprendre à raconter), et enfin, à améliorer la compréhension de l’implicite par explicitation des inférences.
L’élément clé de cette histoire, courte mais avec un vocabulaire riche, réside dans la compréhension du lien entre les caractéristiques physiques de Sophie, les caractéristiques physiques des différents groupes de musique chez qui elle frappe, et les raisons de ses exclusions successives. L’interprétation et la compréhension des images, leur mise en parallèle avec le texte, sont nécessaires à la compréhension des différents types d’exclusions.
Pour ces raisons, les séances préparées pour l’étude littéraire ont mis en œuvre des travaux de vocabulaire, d’association d’images et de textes, d’anticipation, d’explicitation et de résumé. Le débat littéraire qui a suivi a porté sur les éléments qui relient l’histoire aux notions de tolérance et de coopération visées en EMC : les critères de sélection pour la formation des orchestres existants, les critères de sélection pour la formation de l’orchestre de Sophie, l’objectif sous-tendu par chacun des types de coopération et le lien avec la réussite au concours de musique.
De plus, ayant observé que les élèves de cette classe sont beaucoup plus canalisés lors des temps de travail écrit, j’ai systématiquement, quel que soit le type de débat, prévu de leur permettre de préparer leurs échanges par des temps de réflexions individuelles en amont des échanges collectifs. Le but était alors double : les canaliser et leur permettre d’avoir plus d’arguments lors de la discussion.

Expérimentation

Progression – programmation dans laquelle s’intègre la séquence

La séquence décrite dans ce travail s’intègre dans une progression menée tout au long de l’année et décrite dans le tableau ci-dessous. N’y sont détaillés que les éléments concernant l’EMC ; les compétences visées en français et en littérature ne sont pas détaillées. Cette progression n’avait pas été préparée dès le début de l’année, mais a été construite en fonction des besoins identifiés au fur et à mesure pour la classe. Les deux dernières séquences sont en cours ou planifiées à ce jour, et leur déroulé sera nécessairement adapté.

Dispositifs complémentaires

Avant de décrire en détails la séquence qui fait l’objet de ce travail, menée en période 4, il me parait utile de décrire brièvement les dispositifs coopératifs que j’ai tenté de mettre en place dans la classe en périodes 2 et 3, ainsi que les séquences menées en parallèle touchant de près ou de loin l’EMC ou l’ambiance de classe.

Messages clairs

Dans le but d’apprendre aux élèves à régler leurs « petits conflits » (Eduscol, 2015) sans l’assistance d’un adulte, les messages clairs ont été présentés aux élèves. En trois séances, nous avons d’abord échangé sur les différents types de conflits ou de problèmes affectant la classe – pendant les temps de classe, pendant les récréations, pendant les déplacements, et sur les temps péri-scolaires. Sont apparus des problèmes d’agressivité verbale (visant des camarades ou leur famille), d’agressivité au travers du matériel (faire tomber la trousse…), d’agressivité physique enfin, avec parfois des élèves se bousculant, voire se donnant des coups. Sont apparus également des problèmes relevant des déplacements en groupe dans l’établissement, ou encore le niveau de bruit dans la classe. Nous avons ensuite réfléchi aux différentes manières de régler ces conflits. Nous avons visionné une vidéo présentant les messages clairs (Balmino, 2015) et en avons analysé la structure et les expressions consacrées, puis nous avons mis en scène par petits groupes une situation commune. La dernière séance a servi d’entrainement avec différentes situations mises en scène par chaque groupe (Connac, 2020). Lorsque possible ensuite tout au long de l’année, les élèves ont été incités à utiliser les messages clairs pour pacifier leurs relations en cas de « petits conflits ».

Conseils de coopération

Mi-décembre et début janvier, j’ai voulu tenter de mettre en place un conseil de coopération. J’ai donc préparé une feuille présentant l’ordre du jour général tel que décrit dans Connac (2020), qui, une fois complétée, servirait de compte-rendu et serait archivé dans un classeur dédié. J’ai également préparé des fiches de description des différents rôles à assumer dans le débat, pour que les élèves puissent avoir sous les yeux un rappel de ses missions.
Enfin, j’ai préparé des ‘petits papiers’ pour que les élèves puissent inscrire leurs éventuels problèmes, propositions, félicitations ou remerciements.
Pas très bien organisée pour la préparation de tous ces documents, et peu assurée quant à ce qu’il fallait faire ou ne pas faire lors d’un premier conseil, je n’ai pas réussi à les leur présenter suffisamment en avance pour qu’ils aient le temps de remplir les ‘petits papier’ et que l’on puisse les lire au premier conseil. J’avais donc moi-même préparé un exemple de chaque sorte avant le conseil.
Pour cette première réunion, j’ai tenté de leur faire déplacer les tables pour les mettre contre les murs, et pouvoir placer toutes les chaises en cercle (plutôt en ellipse) au milieu de la classe… Cela s’est révélé très, très bruyant, et le calme a été très difficile à obtenir par la suite.
En ce qui concerne la répartition des rôles, j’ai suivi les conseils de Sylvain Connac et ai assuré moi-même le rôle de présidente pour expliciter et modéliser ce rôle, ce qui m’a amenée à beaucoup parler et à ne pas pouvoir séparer le rôle de président de mon rôle d’enseignante, garante du cadre et de la sécurité. Les élèves ont toutefois été invités à donner leur ‘météo’ – mais cela a donné lieu à des comptages interminables-, puis à s’exprimer sur l’utilisation des messages clairs et sur ce qu’ils comprenaient de la situation – la remarque de l’un d’eux, ‘C’est un peu la réunion des enfants’,les a d’ailleurs incités à remplacer le nom de ‘Conseil de coopération’ par ‘Réunion des enfants’ qui était plus parlant pour eux. En fin de conseil, les élèves ont voté pour le prochain président et la prochaine secrétaire. Ils ont alors presque tous montré une certaine solidarité avec une élève qui s’était sentie injustement non-interrogée alors qu’elle aurait souhaité donner une réponse un peu plus tôt avant le conseil, et ont majoritairement voté pour elle.
Pour le deuxième conseil, qui s’est tenu en janvier, j’avais amélioré les différents documents ; j’espérais qu’il soit possible que l’un des élèves prenne entièrement le rôle de secrétaire, un autre le rôle de président, et j’ajoutais un responsable du bâton de parole pour tenter d’obtenir moins de bavardages parasites. La configuration de la classe était par ailleurs un peu différente, avec juste deux ilots de tables en centre de classe autour desquels j’avais répartis les chaises en grand cercle.
Cependant, n’ayant pas reprécisé le fonctionnement des ‘petits papiers’ et n’ayant pas eu suffisamment de temps pour préparer un ordre du jour consistant, les élèves étant par ailleurs très excités depuis la rentrée de janvier, je n’ai pas réussi à obtenir le calme, les postures et l’écoute nécessaire à la tenue d’un conseil, auquel j’ai donc mis fin assez rapidement.
Je n’ai par la suite plus ré-expérimenté ce dispositif.
Devant mes difficultés persistantes à gérer le climat de classe, j’ai tenté de solliciter l’équipe pédagogique autour de moi. J’ai donc accueilli avec enthousiasme la proposition de l’infirmière scolaire de co-préparer et co-animer une séquence sur les émotions et les comportements psycho-sociaux (proposition faite à l’ensemble de l’équipe enseignante), puis celle de la maitresse E pour co-animer une séquence de mathématiques. L’objectif par rapport à la coopération était alors de modéliser devant les élèves plusieurs formes de coopération entre adultes.

Séquence sur les émotions en co-animation avec l’infirmière scolaire

La séquence sur les émotions avait pour objectifs d’apprendre aux élèves à reconnaitre et nommer les émotions qu’ils pensent ressentir dans différentes situations, leur faire prendre conscience qu’une même situation peut déclencher différentes émotions chez différentes personnes, que derrière ces émotions, se cache souvent un besoin et qu’il est alors utile de savoir trouver une solution pour répondre à ce besoin, de manière à conserver son émotion si on souhaite la garder, ou au contraire la transformer si elle est négative.

Analyse des écarts entre la séquence envisagée au départ et le déroulé effectif

Contraintes temporelles

Il est généralement conseillé de démarrer la séquence vers le milieu de la troisième période. Cette année, celle-ci durait uniquement 5 semaines, et la classe devait partir au ski les deux dernières semaines. J’avais donc prévu de reporter l’intégralité de la séquence au retour des vacances de février. La météo a cependant conduit au report des sorties ski d’une semaine, c’est-à-dire en première semaine de la période 4. La séquence a donc seulement débuté la 2 ème semaine de cette période.
De plus, une séquence d’EMC était organisée au sein de l’école en parallèle avec l’infirmière scolaire, au sujet des émotions et des comportements psycho-sociaux. Si j’ai pu réaliser deux séances de littérature par semaine dans la première partie, je ne pensais pas opportun d’avoir trois séances d’EMC par semaine. La séquence présentée ici a donc ensuite avancé au rythme d’une séance par semaine.
Enfin, à l’annonce du confinement de la semaine du 5 avril 2021, les séances 6 et 7 décrites ci-dessus ont été avancées pour réaliser le plus possible la séquence au cas où l’on doive poursuivre l’école à la maison après les vacances de printemps. Seule la séance d’évaluation restait ainsi à faire si possible ensuite. La séance 7bis a alors été ajoutée au retour des vacances de printemps pour permettre aux élèves de se rappeler ce qui avait été interrompu trois semaines avant, et tenter de les amener à pousser la réflexion sur la coopération plus loin que nous n’avions réussi à le faire en séance 7.

Gestion de classe et adaptation des modalités de travail

Ayant beaucoup de difficultés à établir un climat de classe serein (bavardages et bruitages incessants, voire provocations et agressivité verbale très fréquentes), et ayant observé que les élèves arrivaient mieux à garder une posture d’élève dans les activités individuelles écrites, j’ai tenté de les canaliser par des temps individuels écrits pour préparer les différents débats ; c’est également pour cette raison que j’avais choisi de leur faire manipuler les textes avec les mains en séance 3. De plus, suite au déroulement du débat d’interprétation littéraire (séance 4) et du débat d’appropriation pendant lesquels l’écoute était limitée, ainsi que la faculté à sortir des exemples précis, j’ai essayé d’anticiper leur difficulté à problématiser à partir d’une question générale, et j’ai ainsi choisi de placer en amont des débats les scenarios mentionnés dans le déroulé des séances 6 et 7.
Pour essayer d’améliorer la qualité de l’écoute et/ou de l’implication, j’ai testé différentes modalités de travail. La séance pendant laquelle tous les élèves ont été le plus impliqués est la 3ème séance, séance de littérature pendant laquelle il fallait reconstituer la chronologie du passage où la vache se fait successivement rejeter des différents orchestres (en découpant et collant les textes et les images). Par ailleurs, les règles du débat dans les séances 6 et 7 ayant été très difficilement observées, j’ai tenté pour la discussion à visée philosophique de la séance 7bis d’introduire les rôles recommandés par M. Tozzi (philotozzi.com). Un président, deux secrétaires, un reformulateur ont ainsi été désignés et avaient en charge le déroulement du débat, tandis que les autres élèves avaient le rôle de philosophes. Après avoir explicité les différents rôles en classe entière, et pendant que les philosophes réfléchissaient individuellement à l’écrit à la question posée, les élèves ayant des rôles particuliers ont pu relire la description de leur rôle et échanger avec moi pour s’assurer qu’ils avaient bien compris ce qu’ils avaient à faire. Malgré ces nouvelles modalités, et bien que le président – qui fait d’habitude partie des perturbateurs – ait pris son rôle à cœur, la qualité d’écoute est restée très faible et j’ai dû interrompre la séance.
Le peu d’écoute et le manque de travail régnant dans la classe ce jour-là (jour de reprise avec moi après les vacances de printemps) m’ont poussée à modifier la journée du lendemain, en annulant les travaux de groupes de production d’écrit envisagés pour l’évaluation et en les remplaçant par des exercices d’entrainement individuels dans une autre discipline pour canaliser les élèves et les remettre dans une posture d’élèves. À ce jour, l’évaluation n’a doncpas pu être menée.

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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Introduction
1. Approche théorique
A. L’EMC au service de l’amélioration du climat de classe
a. Histoire de l’EMC et évolution de sa finalité
b. L’EMC dans les programmes d’aujourd’hui
c. Apprendre aux élèves à débattre pour ne pas combattre : comment faire ?
d. Utiliser un album de littérature jeunesse pour initier la réflexion et concevoir la coopération par la pensée
e. Approches complémentaires pour mettre en pratique la coopération
B. Les capacités réflexives des enfants, le rôle de l’adulte pour les guider
a. Théories de la psychologie du développement l’enfant
b. Animer une discussion à visée philosophique : accompagner la réflexion
C. Comment amener les élèves à dépasser les conflits pour coopérer : méthodologie et didactique de l’expérimentation
a. Conditions d’expérimentation
b. Choix de la démarche et de l’œuvre
c. Préparation philosophique de la séquence
d. Préparation littéraire de la séquence
2. Expérimentation
A. Progression – programmation dans laquelle s’intègre la séquence
B. Dispositifs complémentaires
a. Messages clairs
b. Conseils de coopération
c. Séquence sur les émotions en co-animation avec l’infirmière scolaire
d. Séquence de mathématiques en co-animation avec la maitresse E
C. Description de la séquence
a. Rapport entre le sujet et les programmes
b. Description de la séquence
c. Analyse des écarts entre la séquence envisagée au départ et le déroulé effectif
d. Données disponibles pour l’analyse de l’expérimentation
3. Discussion
A. Réussites, difficultés, étonnements et questionnements révélés par l’analyse de l’expérimentation
a. L’analyse littéraire de l’album choisi a-t-elle permis aux élèves de mieux s’impliquer dans les débats ?
b. La forme et l’organisation des débats étaient-elles adaptées ?
c. Les scénarios ont-ils permis aux élèves de mieux appréhender les notions ?
d. Le lien avec la séquence sur les émotions a-t-il permis d’aller plus loin ?
e. La difficulté du rôle de l’enseignant, un obstacle à la pensée des élèves ?
f. Quelles connaissances ou compétences les élèves ont-ils réellement développées ?
B. Pistes d’amélioration
a. Améliorer le climat de classe dès le début de l’année par la coopération
b. Comment mieux préparer, mettre en place et animer des discussions à visée philosophique ?
Conclusion
Bibliographie
A. Bibliographie scientifique
B. Albums et textes de littérature jeunesse
Annexes
A. Annexe 1 : Livret des élèves
B. Annexe 2 : Travail d’anticipation
C. Annexe 4 : Situation 1 (séance 6)
D. Annexe 5 : Situation 2 (séance 7)

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