Utiliser les technologies de réalité virtuelle pour apprendre

Définition : des EIAH aux EVAH

   La communauté scientifique s’accorde pour employer les termes d’EIAH (Environnement Informatique pour l’apprentissage Humain) et d’EVAH (Environnement Virtuel pour l’apprentissage Humain) lorsque que l’on parle d’un simulateur utilisant les techniques de la réalité virtuelle et dont le but est l’apprentissage humain (Chevaillier, 2006). Un EIAH, c’est l’association d’une intention didactique ou pédagogique avec un environnement informatique. Plus précisément, Tchounikine et al. (2004, p.1) définissent un EIAH comme « un environnement informatique conçu dans le but de favoriser l’apprentissage humain, c’est-à-dire la construction de connaissances chez un apprenant. Ce type d’environnement mobilise des agents humains (élève, enseignant, tuteur) et artificiels (agents informatiques, qui peuvent eux aussi tenir différents rôles) et leur offre des situations d’interaction, localement ou à travers les réseaux informatiques, ainsi que des conditions d’accès à des ressources formatives (humaines et/ou médiatisées)… ». Un EVAH est donc un sous-ensemble des EIAH qui utilise les technologies de la réalité virtuelle. La réalité virtuelle peut être définie comme « un  domaine scientifique et technique exploitant l’informatique et des interfaces comportementales en vue de simuler dans un monde virtuel le comportement d’entités 3D, qui sont en interaction en temps réel entre elles et avec un ou des utilisateurs en immersion pseudo-naturelle par l’intermédiaire de canaux sensori-moteurs. » (Fuchs P., Arnaldi B., Tisseau J., La réalité virtuelle et ses applications, 2003, p.8) Dans ce contexte, une application de réalité virtuelle se distingue d’une autre application informatique par la sensation d’’être dans le monde virtuel et d’y agir. Cette double sensation renvoie à la notion de présence, qui se caractérise par l’immersion et l’interaction. De plus selon Tisseau (2001), un environnement virtuel doit avoir une part d’autonomie, c’est-à-dire qu’il doit pouvoir évoluer sans forcément que ce soit en résultat d’une action de l’utilisateur. Par conséquent, Tisseau et Harrouet (2003) proposent de caractériser une application de réalité virtuelle selon un repère à trois dimensions (Figure 21) : immersion/ interaction/ autonomie, où les axes ont été normalisés entre 0 (critère totalement absent) et 1 (critère totalement présent).

Origine des EVAH

  L’origine des EVAH est à chercher du côté des simulateurs d’entraînement. C’est le domaine de l’aviation qui fut le premier à s’intéresser à ce type de simulateur. En effet, Edwin Albert Link a conçu le premier simulateur de vol (Durlach et Mavor, 1995), qui deviendra le précurseur des simulateurs de vol modernes. Ce simulateur breveté en 1929 (Figure 22), était composé d’un cockpit en bois et reproduisait les mouvements d’un avion grâce à des soufflets d’orgue qui se gonflaient et se dégonflaient, afin de permettre au simulateur de se pencher selon les trois axes de l’espace. Son objectif était de former au pilotage sans visibilité. Sa cabine, une fois fermée, était totalement obscure, d’où un isolement du pilote et un conditionnement psychologique pour le vol en aveugle. Les éléments du vol étaient restitués sur une carte par l’intermédiaire d’un traceur et pouvaient être analysés lors des phases d’instruction. Malgré son intérêt, l’armée américaine ne disposait pas des budgets nécessaires pour l’acquérir. Il fallut attendre 1934 et le décès de cinq pilotes, à cause de leur manque d’expérience, pour que l’armée américaine se décide à acquérir les simulateurs Link. Le simulateur réduisait le coût des leçons de vol en permettant aux élèves d’apprendre au sol quelques rudiments des habiletés nécessaires au pilotage. L’engin fut ensuite doté d’instruments afin d’apprendre le vol aux instruments. Notons aussi qu’aucun retour visuel n’était présent sur ce dispositif. Le succès du Link Trainer fut impressionnant durant la seconde guerre mondiale où l’armée américaine utilisa dix milles simulateurs pour former près de cinq cent mille pilotes (Mestre, 2004). De nos jours, les simulateurs de vols dérivés de ce premier prototype sont devenus partie intégrante de la formation à l’entraînement au vol : la phase d’apprentissage sur simulateur est devenue obligatoire. Ils servent à l’instruction au sol, ils possèdent un tableau de bord commandé par des logiciels, un cockpit et des systèmes de mouvement et de visualisation (Muffler, 1985). Outre la formation au vol, il existe des simulateurs qui permettent de s’entraîner aux tactiques de guerre comme « Authentic Tactical Flight Simulator » ou au vol de ligne comme « Elite Simulation solutions11 » et « Flyit Simulators».

Avantages des EVAH : dans quelles situations les utiliser ?

  Même si les EVAH semblent être particulièrement utiles d’un point de vue éducatif, il est nécessaire de définir les situations dans lesquelles leur utilisation est optimale (Lourdeaux, 2001 ; Silveira, 2004) :
– Les situations dangereuses (risques chimiques ou de radioactivité par exemple) ;
– Les situations où l’observation de la structure interne est importante pour aider à la compréhension (par exemple, le fonctionnement interne d’une machine) ;
-Les situations où l’interaction est importante pour faciliter la compréhension ;
-Les situations qui sont trop complexes pour les méthodes d’enseignement conventionnelles ;
-Les situations où les phénomènes ne sont normalement pas visibles à l’œil nu :
o Macroscopiques et microscopiques (par exemple, les événements astronomiques et les mouvements moléculaires) ;
o Très rapides et très lentes (par exemple, les explosions et la dérive des continents) ;
-Les situations où il faut expliquer des concepts abstraits et/ou complexes (par exemple, les champs magnétiques) ;
-Les situations qui ne sont pas accessibles ou impossibles à réaliser dans le monde réel ;
-Les situations où les apprenants sont en déficit de motivation, car l’apprentissage sur environnement virtuel entraîne une hausse de motivation chez les étudiants ;
-Les situations nécessitant des analyses réflexives et rétroactives sur la pratique ;
-Les situations où l’apprentissage par ses erreurs est important ;
-Les situations d’apprentissage qui coûtent trop cher à mettre en œuvre dans la réalité ;
-Les situations qui nécessitent de la répétition.

Les EVAH dans le domaine dentaire

   Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, 1a formation en implantologie est basée sur l’utilisation de mâchoire en plastique, de cadavre (animal ou humain) et de compagnonnage. L’utilisation de la réalité virtuelle est encore très peu développée dans ce domaine de formation (Luciano, Banerjee et DeFanti, 2009). Par conséquent, nous allons élargir notre revue de littérature sur l’utilisation de la réalité virtuelle au domaine dentaire(l’implantologie étant une technique dentaire). Pour une revue de littérature des simulateurs médicaux voir (Lui et al., 2003). Jusqu’au début des années 2000, le domaine dentaire a exclusivement utilisé des méthodes classiques en termes de formation (Smith, 2009). En effet, la grande majorité des travaux pratiques se déroulait sur des simulateurs anatomiques (mannequin composé de dents et d’une mâchoire en plastique) comme le système « DSEplus » de Kavo(Figure 27). Ce système simule un patient et une unité complète de soins dentaires. L’étudiant peut régler le positionnement du patient, dispose d’un module d’aspiration, d’une alimentation d’eau, de l’ensemble de la trousse implantaire et d’une commande à pied permettant d’activer le moteur  du contre-angle. Le mannequin est réalisé en caoutchouc et comprend une mâchoire et des dents en plastique sur lesquelles l’étudiant peut s’exercer.

EVAH « haptique » commerciaux

   À notre connaissance, il existe cinq EVAH « haptique » commerciaux : Haptik de la société Digisens, VRDTS (Virtual Reality Dental Training System) de la société Novint, Sensable Dental Lab System de la société Sensable, Dental Trainer de la société Moog, et Kobra de la société Forsslund System AB. Les EVAH Haptik, VRDTS (Buchanan, 2001), et Sensable Dental, proposent d’apprendre à sonder une dent (détection de carie) et à préparer des cavités. Leurs conception est similaire, car ces trois simulateurs utilisent un périphérique haptique « Phantom Desktop » relié à un joystick standard ; un écran LCD qui n’offre pas de rendu graphique stéréoscopique, et une ergonomie globale qui oblige les utilisateurs à interagir à un endroit et à regarder à un autre endroit (système non colocalisé) (Figure 212). Ce type d’EVAH ne permet pas de retrouver une position de travail proche de la position de travail en cabinet dentaire.

EVAH « haptique » orientés recherche en formation dentaire

  A notre connaissance, il existe cinq EVAH « haptique » orientés recherche en formation dentaire : Periosim, IDSS, l’EVAH « Rhienmora », Voxel-Man Dental, Haptel. Nous détaillons précisément ces EVAH car nous aurons besoin de cette description dans le chapitre 6. -Periosim© :Periosim© (Steinberg, Banerjee, Drummond et Zefran, 2003 ; Steinberg et al., 2007 ; Luciano et al., 2009) est un EVAH « haptique » conçu par le département dentaire de la faculté de l’Illinois à Chicago. Son objectif est de former aux habiletés motrices de base en parodontie, en diminuant le temps d’intervention des professeurs. Au niveau matériel, l’EVAH Periosim© est composé : 1) d’un stylet relié à un périphérique haptique (PHANToM Desktop de la société SensAble Technologies) qui permet de ressentir les différentes structures anatomiques (dent, racine, couronne, gencive). 2) d’un écran cathodique et de lunettes actives (Crystal Eyes Stereo Glasses™) pour obtenir un rendu graphique stéréoscopique des structures anatomiques (illustration 2-18). En termes d’ergonomie, l’EVAH n’est pas co-localisé. De plus, les différentes parties de l’EVAH sont posées sur une table ou un bureau standard, ce qui ne permet pas de Utiliser les technologies de réalité virtuelle pour apprendre reproduire la position de travail du dentiste. Enfin, l’EVAH ne dispose pas de système de tracking de la tête de l’utilisateur. L’objectif de formation de l’EVAH est d’apprendre à détecter du tartre sous-gingival et à ressentir les rugosités sur la surface d’une racine dentaire à l’aide d’une sonde parodontale. L’interface de l’EVAH dispose de trois onglets : l’onglet « sélection », l’onglet « contrôle graphique », et l’onglet « contrôle haptique ». L’onglet « sélection » permet de sélectionner une dizaine d’instruments parodontaux. L’onglet « contrôle graphique » permet d’adopter différents points de vue sur l’environnement et de régler la transparence de la gencive (Figure 216). L’onglet « contrôle haptique » permet de régler la rigidité, la viscosité, et de sélectionner les objets bénéficiant du retour d’effort. En termes d’« aide », l’EVAH dispose d’une fonction qui indique la force verticale appliquée par l’utilisateur sur le bras à retour d’effort. La littérature ayant fourni des données sur la force verticale à appliquer pour sonder une carie dans le réel, l’EVAH est en mesure d’indiquer à l’utilisateur s’il exerce trop ou pas assez de force. Enfin, le gros atout de cet EVAH est d’avoir mis au point une méthode pour transmettre une habileté motrice. En effet selon Steinberg, une habileté motrice peut se définir en termes de trajectoires (position et force). L’EVAH est capable d’enregistrer ces trajectoires et de les rejouer. Cette fonction, appelée « rejeu haptique », permet donc d’enregistrer les mouvements de l’instrument dentaire sélectionné (position et force). Ceci est particulièrement utile pour enregistrer une procédure réalisée par un professeur, et rejouer cette procédure lorsque l’apprenant tient le bras à retour d’effort. Trois modes sont disponibles. Le mode « observation » qui permet de voir le mouvement de l’instrument dentaire à l’écran. Le mode « apprentissage » qui permet de voir le mouvement de l’instrument à l’écran et de ressentir physiquement les mouvements de l’instrument en tenant le stylet du bras à retour d’effort. Le mode « test » qui permet d’évaluer la procédure réalisée par l’apprenant en fonction de la procédure réalisée par le professeur. Le contenu pédagogique de cet EVAH permet de développer des apprentissages pour différentes situations (dent normale, présence de pathologie, réalisation de diagnostic et traitement des cas).

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Table des matières

Table des figures
Liste des tableaux
1er chapitre : Problématique professionnelle
1) Un domaine encore peu exploité
2) Une première tentative
3) Une nouvelle approche
4) Un partenariat
5) Conclusion du chapitre et annonce du plan de thèse
2e chapitre : Utiliser les technologies de réalité virtuelle pour apprendre
1) Introduction
2) Les Environnements Virtuels pour l’Apprentissage Humain (EVAH)
2.1) Définition : des EIAH aux EVAH
2.2) Origine des EVAH
2.3) Pédagogie utilisée : approche constructiviste
2.4) Avantages des EVAH : dans quelles situations les utiliser?
2.5) Mesures et limites des EVAH
2.6) Dispositifs de réalité virtuelle
3) Les EVAH dans le domaine dentaire
3.1) EVAH interaction « clavier-souris »
3.2) EVAH interaction « modèle physique »
3.3) EVAH interaction « haptique »
3.4) Classification des EVAH dans le domaine dentaire
4) Modèle de conception des EVAH
4.1) Modèle de conception des EVAH dans le domaine dentaire
4.2) Modèles de conception des EVAH basé sur les sciences humaines
5) Conclusion du chapitre
3e chapitre : Une approche en analyse de l’activité pour le développement d’EVAH 
1) Introduction
2) La didactique professionnelle
2.1) Psychologie du travail : emprunts et positionnements
2.2) La psychologie du développement : emprunts et positionnements
2.3) Les concepts organisateurs
3) Analyser le travail en didactique professionnelle
3.1) La compétence du point de vue de la didactique professionnelle
3.2) La structure conceptuelle de la situation
4) Structure conceptuelle de la situation : une revue de littérature
4.1) Etudes sur les systèmes non-vivants
4.2) Études sur les systèmes vivants
5) Conclusion du chapitre
4e chapitre : Étude 1 : analyse de l’activité de chirurgiens-dentistes en implantologie
1) Introduction
2) Analyse a priori de la tâche prescrite
2.1) L’intervention chirurgicale
3) Analyse de l’activité
3.1) Participants
3.2) Procédure de recueil des données
3.3) Analyse des données
4) Résultats : identification de la structure conceptuelle de la situation
4.1) L’émergence comme dimension visible
4.2) L’ancrage comme dimension invisible
4.3) Opérationnalisation de la structure conceptuelle de la situation
5) Discussion
5.1) L’activité des chirurgiens-dentistes en implantologie
5.2) De l’activité des chirurgiens-dentistes en implantologie aux activités d’ acteurs engagés dans la gestion d’environnements liés aux vivants
6) Conclusion du chapitre
5e chapitre : De la structure conceptuelle de la situation à la conception de VirTeaSy 
1) Introduction
2) Définition du type d’EVAH et de ses caractéristiques « Hardware » 
2.1) Un système de visualisation pour apprendre des habiletés perceptivo-cognitives
2.2) Un périphérique haptique pour apprendre une habileté motrice
2.3) Une ergonomie globale proche de la situation de travail
3) Définition de l’environnement virtuel et des situations d’apprentissage 
3.1) L’environnement virtuel
3.2) Situations d’apprentissage : démarche de conception et  présentation de la première situation d’apprentissage
4) L’enrichissement des situations d’apprentissage grâce à la réalité virtuelle
4.1) Les aides en situation d’apprentissage : identification des éléments de la structure conceptuelle de la situation
4.2) L’évaluation : objectivation des actions réalisées
4.3) Le rejeu : lier les éléments de la structure conceptuelle de la situation
5) Gestion de la complexité
5.1) Sélection et hiérarchisation des cas cliniques
5.2) L’interface formateur
5.3) Les ateliers : des situations d’apprentissage simplifiées
6) Intégration de l’EVAH à un dispositif de formation
6.1) Le poste étudiant
6.2) L’interaction du poste étudiant avec VirTeaSy
7) Conclusion du chapitre
6e chapitre : Étude 2 : évaluation préliminaire de VirTeasy
1) Introduction
2) Approches et outils utilisés pour évaluer les EVAH « haptiques » du domaine dentaire
2.1) Évaluation par questionnaire de satisfaction
2.2) Évaluation par comparaison entre experts et novices
2.3) Évaluation par comparaison entre un test pré et post-formation en EVAH
2.4) Évaluation par comparaison entre une formation traditionnelle et  formation en réalité virtuelle
2.5) Évaluation par étude du transfert d’apprentissage du virtuel au réel
2.6) Conclusion sur la revue de littérature
3) Étude pour l’évaluation de VirTeaSy
3.1) Cadre théorique : le transfert d’apprentissage du virtuel au réel
3.2) Les études sur le transfert du virtuel au réel
3.3) Objectif de l’étude et hypothèses
3.4) Méthode
3.5) Résultats
3.6) Discussion
4) Conclusion du chapitre
7e chapitre : Conclusion générale
1) La didactique professionnelle pour analyser l’activité
2) La conception d’EVAH : du spécifique au générique
3) L’évaluation de VirTeaSy et ses perspectives
Références bibliographiques
Annexe : Guide d’entretien
Résumé
Summary

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