Utilisation du rat en recherche biomédicale
Le rat de laboratoire
Les rats utilisés pour la recherche sont en général dérivés du Rattus norvegicus, et parfois du Rattus rattus, comme on le verra plus loin. On distingue quatre grandes variétés de souches : les souches consanguines (inbred), les souches non consanguines (outbred), les hybrides de première génération et les souches mutantes. Il existe au total plus de 1400 souches et sous-souches répertoriées et utilisées en recherche biomédicale. Les souches consanguines sont issues des croisements entre frères et soeurs ou parents et descendants, pendant plus de vingt générations. Ces souches sont homozygotes à 97% après vingt générations. Elles sont généralement produites pour obtenir un caractère particulier qui fait l’objet d’études ultérieures. Parmi ces souches, on peut citer le rat Lewis ainsi que le Fisher rat ou rat F344, chez qui on observe une fréquence importante de tumeurs testiculaires et hypophysaires, de leucémie à lymphocytes granuleux et de dégénérescence rétinienne.Le rat Buffalo par exemple, présente une augmentation de l’incidence des thyroï dites auto-immunes (maladie d’Hashimoto), ainsi qu’une résistance aux néphropathies. Une autre souche consanguine est souvent utilisée pour des expérimentations dermatologiques: il s’agit du WF/PmWp-« fz » fuzzy rat dérivé du Wistar ou encore rat hypotriche parce qu’il ne possède pas de poils. On rencontre parfois des souches hybrides F1 qui correspondent aux animaux de première génération issus du croisement entre deux souches consanguines différentes. Il faut différencier les souches consanguines classiques des souches mutantes, comme par exemple le SHR (spontaneous hypertensive rat) qui présente une hypertension naturelle ou le rat Brattleboro à diabète insipide ou encore le Gunn rat à ictère hépatique. On peut également citer le BB rat et le Belgrade rat dont on parlera par la suite pour leurs particularités hématologiques. Ces souches mutantes sont issues d’individus présentant une modification spontanée d’un ou plusieurs gènes. Les lignées mutantes sont ensuite obtenues en accouplant des animaux possédant la même mutation génétique ou des rats de la même famille jusqu’à ce que le caractère modifié soit présent chez tous les descendants.Enfin, les souches non consanguines sont produites à partir de deux grandes colonies où les accouplements se font au hasard entre mâles et femelles non apparentés (c’est-à-dire n’appartenant pas à la même lignée) de façon à minimiser la consanguinité. Ces souches sont considérées comme génétiquement hétérogènes. Parmi ces souches, on trouve le Sprague- Dawley, le Wistar et le Long Evans. Le Sprague-Dawley est un rat albinos avec une tête allongée et une queue plus longue que le corps, tandis que le Wistar a une tête plus large et une queue plus courte que le corps. Le Long Evans est plus petit que les deux races albinos précédentes et il a des poils plus foncés, du brun au noir, surtout sur la tête, ce qui lui donne l’apparence de porter un capuchon.On utilise également pour la recherche d’autres espèces comme le rat noir Rattus rattus qui est plus petit que le Rattus norvegicus et qui s’adapte plus facilement aux climats tropicaux. On rencontre, selon les pays, des souches locales comme par exemple des rats originaires d’Amérique du Nord, de la famille des Cricétidés tels que le rat des cotonniers (Cotton rat) Sigmodon sp ou le rat kangourou Dipodamys sp. En Afrique, on étudie aussi un rat sauvage, le rat de Gambie, Cricetomys gambianus.
Localisation de l’hématopoï èse durant le développement Embryonnaire
L’hématopoï èse commence chez le rat, comme chez les autres espèces, durant la gestation. Elle débute dès le huitième jour dans le sac vitellin, donc dans un tissu extra-embryonnaire. Là, l’hématopoï èse a lieu dans des îlots sanguins. En périphérie de ces îlots, on trouve des angioblastes qui se différencieront en cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, et en région centrale, se trouvent les hémoblastes, précurseurs des cellules hématopoï étiques. Le sac vitellin commence à libérer des érythroblastes dans la circulation sanguine dès le dixième jour de gestation [157].L’hématopoï èse se poursuit alors dans les tissus embryonnaires : elle apparaît dans le foie à partir du dixième jour puis dans la rate dès le quinzième jour. La moelle osseuse commence à assurer son rôle hématopoï étique à partir du dixseptième jour. La granulopoï èse est d’abord prédominante, puis à partir du dix-huitième jour l’érythropoï èse se développe lentement jusqu’après la naissance [95]. Pendant les premières semaines post-natales, l’hématopoï èse se poursuit dans la moelle tandis que, dans le même temps, elle tend à décliner dans la rate et le foie. Ainsi l’érythropoï èse qui commence à se développer dans la moelle seulement quelques jours avant la naissance s’amplifie progressivement pour atteindre son maximum à la fin de la première semaine de vie puis ralentit pour se stabiliser vers l’âge de 40 à 60 jours. Parallèlement, l’érythropoï èse splénique, déjà bien établie pendant le développement embryonnaire, continue à augmenter pour atteindre également son maximum 6 à 8 jours après la naissance, puis elle diminue progressivement jusqu’à disparaître vers le quarantième jour [32].Cependant, la pulpe rouge splénique conserve toujours des foyers d’hématopoï èse qui gardent la capacité de reprendre une activité hématopoï étique complète à tout moment si besoin est. Pour les cellules lymphoï des, responsables de l’immunité, les précurseurs sont dispersés dans le courant sanguin jusqu’aux organes lymphoï des primaires. Les lymphocytes B migrent depuis la moelle vers les centres germinaux et les cordons médullaires des noeuds lymphatiques et des follicules spléniques, où ils exerceront leur fonction d’immunité à médiation humorale. Les lymphocytes T dérivés du thymus [22; 58] voyagent jusqu’aux tissus lymphoï des périphériques où ils assureront l’immunité à médiation cellulaire.
Histologie des organes hématopoï étiques
La moelle osseuse est composée d’un stroma très vascularisé et de cellules hématopoï étiques. Le stroma est constitué essentiellement d’adipocytes mais aussi de cellules adventicielles réticulées, de macrophages et de fibres réticulées. Les adipocytes sont plus nombreux au centre de la cavité médullaire tandis que les cellules hématopoï étiques ont surtout colonisé la périphérie. Ces dernières sont disposées en cordons anastomosés entre les artères et les sinus veineux. Le passage des cellules matures vers la circulation sanguine se fait par l’intermédiaire de jonctions gap au niveau de l’endothélium vasculaire car il n’existe pas de pores ni de fenestration. Toute l’hématopoï èse est extravasculaire et compartimentée.La maturation érythrocytaire se déroule autour d’une cellule réticulée de lignée macrophagique, parfois appelée cellule nourricière, sans qu’il y ait de preuve de cette fonction éventuelle. Les cellules -1 5- érythroï des les plus immatures sont situées près de la cellule réticulée centrale et les cellules les plus différenciées se trouvent en périphérie. Ces formations sont appelées « îlots érythroblastiques ». Il existe une classification de ces îlots en classes de maturation, selon leur composition cellulaire, majoritairement immature ou différenciée, qui permet d’objectiver l’intensité de l’érythropoï èse, plutôt stimulée ou inhibée. La thrombopoï èse se fait également en des foyers distincts, le long des endothéliums des sinus veineux, alors que la granulopoï èsese déroule de manière plus diffuse.
Hématopoï èse extramédullaire
Lorsque l’on parle d’hématopoï èse extra-médullaire chez le rat, il s’agit essentiellement de l’hématopoï èse splénique. Comme on l’a déjà précisé, la rate joue un rôle hématopoï étique très important durant la période embryonnaire. Ceci est une caractéristique constante chez tous les mammifères. Cependant, après la naissance, la fonction hématopoï étique est très variable d’une espèce à l’autre. Chez l’homme ou les carnivores domestiques, la rate n’a plus d’activité hématopoï étique physiologique après la naissance, mais elle conserve un potentiel hématopoï étique qui peut s’exprimer dans des conditions pathologiques. Cette hématopoï èse extramédullaire est donc, chez ces deux espèces, un processus secondaire qui apparaît en réponse à une incapacité médullaire à satisfaire une demande accrue en cellules sanguines, lors d’anémie hémolytique ou de désordre myéloprolifératif par exemple.Chez la souris, au contraire, il existe une hématopoï èse splénique physiologique qui dure toute la vie de l’animal. Le rat, enfin, représente un cas intermédiaire. On observe tout d’abord physiologiquement des foyers d’hématopoï èse splénique chez les jeunes rats et chez les sujets âgés sans qu’il y ait d’altération médullaire, ce qui n’existe ni chez l’homme ni chez le chien. Ensuite, des études [71] menées chez de jeunes rats préalablement irradiés, afin de détruire partiellement les cellules de la moelle osseuse pour induire une hématopoï èse régénérative, ont permis de montrer l’existence de cellules souches et de colonies endogènes spléniques dont la taille diminue avec l’âge à partir de six semaines.Ces colonies sont donc présentes dans la rate durant toute la vie d’un animal mais elles ne se développent chez l’adulte qu’en cas de besoin comme chez l’homme ou le chien. L’absence ou la reprise d’activité hématopoï étique splénique dépend certainement de facteurs humoraux et du stroma; elle se manifeste de manière différente chez le jeune et l’adulte [71]. Contrairement à la souris, la capacité hématopoï étique médullaire est beaucoup plus grande chez le rat et la demande d’hématopoï èse splénique est donc très faible chez l’adulte, sauf en cas de stress ou de destruction massive des cellules hématopoï étiques.
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Table des matières
TABLE DES MATIERES
TABLE DES FIGURES ET TABLEAUX
TABLE DES ANNEXES
Introduction
1.Le rat : Rattus norvegicus
1.1. Présentation générale
1.1.1. Historique
1.1.2. Le rat de laboratoire
1.1.2.1. Lignées
1.1.2.2. Types écologiques
1.1.3. Le rat animal de compagnie
1.1.4. Comportement
1.1.5. Entretien
1.2. Donnés physiologiques
1.2.1. Généralités
1.2.2. Alimentation et physiologie digestive
1.2.3. Reproduction
1.2.4. Autres particularités
1.3.Organes hématopoï étiques et hématopoï èse
1.3.1. Localisation de l’hématopoï èse durant le développement embryonnaire
1.3.2. Histologie des organes hématopoï étiques
1.3.2.1. Moelle osseuse
1.3.2.2. Rate et foie
1.3.3. Physiologie
1.3.3.1. Cellules souches
1.3.3.2. Régulation
1.3.3.3. Hématopoï èse extramédullaire
1.4. Utilisation du rat en recherche biomédicale
1.4.1. Importance
1.4.2. Choix de l’animal: souche, âge, sexe
2.Hémogramme
2.1.Définitions et rappels
2.2. Méthodes d’étude et réalisation de l’hémogramme
2.2.1. Prélèvements sanguins
2.2.1.1. Ponction cardiaque
2.2.1.2. Décapitation
2.2.1.3. Ponction de l’aorte ou de la veine cave
2.2.1.4. Ponction du sinus rétro-orbitaire
2.2.1.5. Ponctions caudales
2.2.1.6. Ponction de la veine jugulaire
2.2.1.7. Prélèvement à la veine saphène
2.2.1.8. Prélèvement à l’artère fémorale
2.2.1.9. Ponction de la veine sublinguale
2.2.2. Quantités prélevées
2.2.3. Réalisation d’un frottis
2.2.4. Stockage des prélèvements
2.2.5. Comptage cellulaire
2.2.5.1. Méthodes manuelles
2.2.5.2. Analyseurs hématologiques
2.3. Caractéristiques des cellules sanguines
2.3.1. Globules rouges
2.3.2. Globules blancs ou leucocytes
2.3.3. Plaquettes ou thrombocytes
2.3.4. Complément: propriétés des hématies
2.4. Valeurs usuelles des constituants et paramètres de l’hémogramme
2.4.1. Hémogramme de référence
2.4.1.1. Hémogramme du Sprague-Dawley
2.4.1.2. Hémogramme du Fisher rat ou rat F3
2.4.2. Grandes particularités hématologiques du rat
2.5. Facteurs de variation physiologiques
2.5.1. Sexe
2.5.2. Age
2.5.3. Race ou lignée
2.5.4. Prélèvements
2.5.5. Facteurs environnementaux
3.Le myélogramme ou médullogramme
3.1. Méthodes d’étude et réalisation du myélogramme
3.1.1. Prélèvements
3.1.1.1. Prélèvements de moelle sur des animaux euthanasiés
3.1.1.2. Prélèvements de moelle sur des animaux anesthésiés
3.1.2. Réalisation du myélogramme
3.1.2.1. Etalement
3.1.2.2. Coloration
3.1.2.3. Lecture du myélogramme
3.1.3. Comptage cellulaire
3.1.3.1. Cellularité globale
3.1.4.2. Formule du myélogramme
3.1.4. Autres méthodes d’étude des organes hématopoï étiques
3.1.4.1. Préparations histologiques de moelle
3.1.4.2. Autres organes hématopoï étiques
3.2. Caractéristiques des cellules du myélogramme
3.2.1. Description morphologique
3.2.1.1. Cellules de la lignée rouge = lignée érythroï de
3.2.1.2. Cellules de la lignée blanche = lignée myéloï de
3.2.1.3. Cellules des autres lignées
3.2.2. Paramètres chiffrés
3.3. Valeurs usuelles
3.3.1. Cellularité
3.3.2. Myélogramme
3.3.3. Particularités du rat
3.4. Variations physiologiques et principaux facteurs de variation
3.4.1. Sexe
3.4.2. Age
3.4.2.1. Cellularité
3.4.2.2. Myélogramme
3.4.3. Lieu de prélèvement
4.Variations sanguines et hématopoï étiques pathologiques spontanées et induites
4.1. Une mutation: le rat b/b de Belgrade
4.1.1. Présentation
4.1.2. Particularités hématologiques sanguines
4.1.3. Particularités hématopoï étiques
4.2. Régimes alimentaires particuliers : surcharges ou carences
4.2.1. Excès de cholestérol
4.2.2. Carence en fer
4.2.3. Carence en cuivre
4.3. Pathologie d’altitude: le mal chronique des montagnes
4.3.1. Perturbations physiologiques et hématologiques liées à l’altitude
4.3.2. Particularités hématologiques lors de CMS chez le rat
4.3.2.1. Paramètres sanguins
4.3.2.2. Organes hématopoï étiques
4.4. Maladies spontanées
4.4.1. Hemobartonella muris
4.4.2. Leucémie à grands lymphocytes granuleux (leucémie à mononucléaires)
4.4.3. Leucémie myéloï de ou chloroleucémie ou leucémie granulocytaire
4.5. Pertes sanguines ou hémorragie
4.6. Toxicité ou perturbations hématologiques liées à l’administration de certaines substances
4.6.1. Hyperplasies
4.6.2. Hypoplasies et aplasies
4.6.3. Métaplasies et dyshématopoï èse
Conclusion
Annexes
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
RÉFÉRENCES ÉLECTRONIQUES
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