Une onde lumineuse traversant un milieu gazeux peut être transmise, absorbée ou diffusée. Le principe de la technique lidar est basé sur la récupération et l’analyse de la diffusion créée par un faisceau laser interagissant avec les différents composants de l’atmosphère. Dans cette première partie, on rappellera les différents types de diffusions observées dans l’atmosphère, puis on détaillera les équations régissant les lidars, et en particulier les lidars basés sur la diffusion Raman. Enfin on présentera l’instrument de travail conçu par l’IGN, ainsi que son fonctionnement et ses performances.
Diffusions dans l’atmosphère
La diffusion d’une onde lumineuse a pour origine l’interaction des photons avec les particules rencontrées lors de leur propagation dans un milieu. Un photon se propageant dans l’atmosphère peut subir deux types de diffusions : la diffusion élastique et la diffusion inélastique. La diffusion élastique résulte d’une interaction d’un photon avec une particule sans qu’il y ait échange d’énergie. On distingue alors deux types de diffusion élastique suivant la taille de la particule diffusante. La diffusion dite de Rayleigh d’une part, qui concerne les particules de taille inférieure à la longueur d’onde incidente et pour laquelle le rayonnement diffusé a une intensité proportionnelle à ?−4 0 (avec ?0 longueur d’onde incidente). D’autre part la diffusion de Mie qui affecte les particules de taille égale ou légèrement supérieure à la longueur d’onde incidente et pour laquelle l’intensité du rayonnement diffusé est inversement proportionnelle à ?0.
Dans des proportions plus faibles, le photon incident et une particule peuvent procéder à un transfert d’énergie, c’est la diffusion inélastique. Celle que l’on observe dans l’atmosphère est la diffusion de Raman (découverte par Raman and Krishnan (1928)). L’intensité issue de la diffusion Raman est beaucoup plus faible que celle qui est issue de la diffusion Rayleigh étant donné qu’elle ne représente qu’un photon diffusé sur un million contre un pour mille pour la diffusion élastique. Cependant, elle présente un intérêt puisqu’on observe un décalage de la fréquence de l’onde incidente qui dépend de l’espèce diffusante. Lorsque l’onde incidente d’énergie ℎ?0 impacte une molécule il y a transfert d’énergie vers celle-ci qui évolue alors vers un état plus excité (figure 1.1, haut). Lorsqu’elle se désexcite, la molécule émet un photon diffusé dont la fréquence est décalée par rapport celui du photon incident (E= ℎ(?0 ± ??)). Le sens du décalage observé dépend de l’état énergétique initial de la molécule rencontrée. Si celle-ci est à l’état fondamental (partie gauche de la figure 1.1), elle a, à l’issue de l’interaction, une probabilité plus grande d’avoir gagné un niveau d’énergie, et par conséquent de diffuser une onde décalée vers les plus petites fréquences ou les plus grandes longueurs d’onde . Ce décalage est nommé décalage de Stokes. Dans le cas où la molécule rencontrée serait déjà dans un état excité, le décalage en fréquence de l’onde incidente se fait vers les plus grandes fréquences (+Δ?? sur figure 1.1, haut, droite), autrement appelé décalage anti Stokes. D’après la distribution de Boltzmann, aux températures rencontrées dans l’atmosphère la quasi totalité des molécules sont à l’état fondamental, l’intensité des raies Stokes du spectre Raman va donc être plus importante et le spectre Stokes plus facilement détectable.
C’est sur ces propriétés de diffusion qu’est basée la technique du lidar (LIght Detection And Ranging) qui utilise un laser comme source lumineuse incidente et qui enregistre les signaux rétrodiffusés des molécules à étudier. Concernant le lidar Raman de l’IGN, on enregistre les signaux rétrodiffusés des molécule de vapeur d’eau et d’azote, et leurs décalages Raman sont respectivement Δ?? = 3662 cm−1 et Δ?? = 2331 cm−1 .
Sondage de l’atmosphère par lidar
Principe du lidar rétrodiffusion
Le lidar a vu le jour dans les années 1960 grâce à l’avènement de la technique laser. Un lidar est relativement facile à mettre en œuvre. Classiquement, il est composé d’un émetteur laser pulsé, d’un récepteur de signal diffusé (télescope), d’un système de détection ainsi que d’un convertisseur analogique/numérique des signaux détectés.
Pour le sondage de l’atmosphère différents types de lidars existent. Ils diffèrent par leur application et le type de diffusion qu’ils collectent et analysent. Les principales techniques lidar sont présentées ci-dessous.
– Le lidar basé sur la rétro-diffusion élastique : il mesure la rétro-diffusion Rayleigh et Mie et fournit des données sur les aérosols et les nuages.
– Le lidar DIAL (à absorption différentielle) : technique consistant en l’émission de deux faisceaux de longueur d’onde différentes, l’une devant être fortement absorbée par la molécule dont on souhaite connaître la concentration et l’autre faiblement absorbée. Le différentiel des deux, comparé à des données de laboratoire, permet d’obtenir la concentration de l’espèce recherchée.
– Le lidar Doppler : enregistre la composante de la vitesse des molécules le long du faisceau laser à partir de la valeur du décalage de fréquence de l’onde collectée par rapport à l’onde incidente.
– Le lidar Raman : grâce au décalage spécifique de la longueur d’onde incidente dépendant de la molécule impactée, le lidar Raman permet d’enregistrer des profils de n’importe quel composant chimique -et susceptible de diffuser en Ramancontenu dans l’atmosphère. Cependant, comme la diffusion Raman représente une faible part de la diffusion totale, cette technique est limitée aux molécules présentant des concentrations relativement importantes (ozone, vapeur d’eau, dioxyde de carbone…).
Dans le contexte de cette étude, qui est de mesurer la vapeur d’eau atmosphérique, on a choisit de développer un lidar Raman vapeur d’eau. Dans la partie qui suit on présentera les différentes équations les régissant.
Le lidar Raman pour la mesure de la vapeur d’eau atmosphérique
Les premiers lidars Raman vapeur d’eau ont vu le jour dans les années 1970 d’après les travaux de Melfi et al. (1969) et Cooney (1970). Si les mesures sont plus facilement réalisées de nuit (Vaughan et al., 1988; Whiteman et al., 1992), l’utilisation diurne du lidar est possible grâce aux lasers à courtes longueurs d’onde (< 300 nm, Cooney (1970); Renaut et al. (1980)). Les mesures nocturnes permettent d’atteindre des altitudes de l’ordre de 12 km (Aspey et al., 2006), alors que les mesures diurnes sont limitées à la basse troposphère (Goldsmith et al., 1998; Chazette et al., 2014). Dans cette partie seront détaillées les équations spécifiques aux lidar Raman vapeur d’eau ainsi que les étapes des calculs permettant l’obtention du rapport de mélange de vapeur d’eau (RMVE).
Revue des méthodes d’étalonnage
Dans cette partie seront présentées les différentes méthodes utilisées pour étalonner les systèmes lidar.
Étalonnage indépendant
La méthode la plus évidente qui consiste en un étalonnage indépendant du lidar en quantifiant chaque terme de la constante lidar, a été présentée ci-dessus. Des améliorations ont été apportées en particulier sur les termes de transmission et d’efficacité des composants (Sherlock et al., 1999b) ainsi que sur la prise en compte des caractéristiques spectrales des filtres interférentiels pour la sélection du spectre Raman (Sherlock et al. (1999b) et Whiteman (2003b)). D’une part, l’utilisation de mesures avec une lampe de spectre connu a permis d’intégrer le vieillissement des éléments du système de détection, et d’autre part le calcul des sections efficaces comme convolution du spectre Raman avec le filtre interférentiel a permis une réduction de plus de la moitié de l’incertitude estimée jusqu’alors. Cependant, la précision de cette méthode reste limitée (10-12%) et d’autres techniques ont été développées pour réduire les incertitudes.
Étalonnage à l’aide d’une mesure externe
La méthode la plus répandue repose sur l’utilisation d’une mesure externe (mesure au sol, profil ou contenu intégré de vapeur d’eau) pour calculer une constante indépendante de l’altitude. Elle servira à normaliser le profil lidar enregistré. Cette méthode est limitée par la précision de l’instrument choisi pour la comparaison. Par exemple, les radiosondes, qui sont les plus fréquemment utilisées, ont une précision de 5% dans le meilleur des cas (Miloshevich et al., 2009).
PTU La méthode la moins coûteuse est la comparaison d’un point du profil lidar avec la donnée d’un capteur (PTU : Pression, Température et hUmidité) situé à une altitude ? et colocalisé avec le lidar.
Profils de radiosondages L’utilisation de sondes amarrées à des ballons météorologiques (radiosondages) permet de réaliser un profil de vapeur d’eau. L’étalonnage est alors effectué en comparant une couche du profil lidar avec celle du profil enregistré à partir de la sonde. Le choix de l’estimateur, pour la valeur de RMVE????? à comparer avec le RMVE?? afin d’obtenir la meilleure stabilité du coefficient d’étalonnage, est sujet à discussion. Leblanc et al. (2011) testent trois types d’estimateurs (médiane, moyenne, centre d’une distribution de Gauss) sur quatre jeux de données de ratio de RMVE lidar/RS : (i) prise en compte de tous les points du profil lidar, (ii) seulement les points colocalisés temporellement, (iii) seulement les point colocalisés temporellement et spatialement ou (iv) seulement les points du profil lidar dans l’écart-type est inférieur à 20%. La meilleure stabilité du coefficient d’étalonnage est de 7% et elle est obtenue avec la méthode utilisant la médiane et le ratio de RMVE avec des points lidar colocalisés temporellement avec le radiosondage. Une autre méthode proposée par Navas-Guzmán et al. (2014) consiste à éliminer les points du profil lidar qui s’écartent trop de la droite de régression linéaire obtenue par comparaison avec les radiosondages. Le principal inconvénient de cette technique est le manque de colocalisation spatiale et temporelle qui affecte la qualité des résultats (Ferrare et al., 1995). Il faut en effet prendre en compte d’une part le temps de montée du ballon météorologique et d’autre part la dérive horizontale du ballon avec le vent. Cependant, Dionisi et al. (2010) présentent la possibilité d’étalonner le profil lidar à l’aide de radiosondages situés à 25 km du lidar. L’étalonnage à l’aide des radiosondages est remis en question aujourd’hui en particulier pour des applications nécessitant des données sur de longues périodes temporelles. En effet, les changements de matériels des radiosondages créent des discontinuités dans les séries de coefficients d’étalonnage.
CIVE ou ZWD Enfin, on peut aussi envisager d’ajuster le contenu intégré en vapeur d’eau (CIVE) ou ZWD d’un profil de lidar avec celui calculé par un autre instrument comme le GPS ou le radiomètre (Turner and Goldsmith, 1999; Revercomb et al., 2003). La mise en place de cette méthode suppose de compléter le profil lidar qui ne sonde pas les très basses couches et qui ne donne plus de mesures fiables au dessus d’une certaine altitude .
L’intervalle d’altitudes sondées par le lidar dépend de la configuration instrumentale et en particulier de l’overlap (qui définit l’altitude de départ). Pour les très hautes altitudes, on utilise une climatologie (valeurs moyennes sur une longue durée) pour compléter le profil. Pour les très basses couches on peut extrapoler le profil lidar jusqu’au sol ou bien utiliser une mesure externe (e.g. radiosondage) pour compléter le profil. La concentration de la vapeur d’eau étant maximale dans les très basses couches, le choix des valeurs de vapeur d’eau attribuées à cette zone limitent la précision de la méthode. Cependant, l’utilisation du contenu intégré en vapeur d’eau des GPS permettrait de remédier au problème de discontinuité de la mesure de radiosondage.
Couplage GPS Un autre exemple de l’utilisation du GPS est celui de l’étalonnage par couplage du lidar Raman avec un GPS et a été développée par Bosser (2008); Bosser et al. (2010). Le profil non-étalonné du lidar fourni le ZWD du GPS à une constante près. Cette constante est estimée par la suite lors du traitement GPS.
Alternatives
D’autres méthodes plus originales ont aussi été développées. Par exemple, la méthode exposée par Evans et al. (2000) et expérimentée par Whiteman et al. (2001), qui est basée sur la connaissance du rapport de mélange de la vapeur d’eau à la base d’un nuage. Pour obtenir cette valeur, on suppose que l’air à la base du nuage est saturé et donc que l’humidité relative est de 100% et grâce à la relation de Clausius-Clapeyron on obtient le rapport de mélange. La pression –respectivement la température– à la base du nuage utilisée pour le calcul se déduit de la pression au sol –respectivement la température au sol– et de l’équation hypsométrique respectivement le gradient adiabatique sec–. On a ainsi un point de comparaison avec le profil du lidar. La précision de cette méthode atteint 10-15 % ce qui n’est pas suffisant. Récemment, Simeonov (2014) a présenté une technique d’étalonnage absolue basée sur la détermination du coefficient à partir de la mesure d’un échantillon d’air dont la concentration de vapeur d’eau est connue. Cette méthode permet de déterminer la constante d’étalonnage avec une incertitude inférieure à 0,1%. Avec une telle précision, l’utilisation du lidar comme instrument de référence pour la mesure de la vapeur d’eau devient envisageable.
Étalonnage sur le long terme
L’étalonnage sur le long terme pose encore des problèmes. Lors d’une intercomparaison de méthodes d’étalonnage, Sakai et al. (2007) trouvent une augmentation de 11% sur deux ans de leur coefficient lorsque celui-ci est calculé à partir des radiosondages. Avec une méthode d’étalonnage similaire, Reichardt et al. (2012) observe une réduction de 7,3% du coefficient d’étalonnage sur un an. Dans les deux cas, aucun changement instrumental n’ayant été relevé, les variations sont attribuées à un vieillissement des optiques et éléments électroniques ainsi qu’à des fluctuations environnementales (température, humidité,. . . de la pièce où se trouve l’instrument).
Face à la difficulté d’estimer le coefficient d’étalonnage de manière indépendante ainsi qu’à l’imperfection de l’étalonnage effectué à l’aide d’une mesure externe, Leblanc and McDermid (2008) proposent une méthode hybride d’étalonnage du système lidar. Elle consiste d’une part, à suivre quotidiennement la stabilité du système via des mesures réalisées avec une (ou deux) lampe(s) de caractéristiques spectrales connues et d’autre part à réaliser occasionnellement durant les campagnes d’intercomparaison un étalonnage absolu à l’aide d’une mesure externe. Le but de l’étalonnage quotidien n’est pas d’avoir un étalonnage absolu mais de vérifier la stabilité du système jour après jour. Leblanc and McDermid estiment que la variation du coefficient journalier ne doit pas être supérieure à 2%. L’étalonnage plus perfectionné réalisé pendant une campagne à l’aide d’un instrument externe permet de réajuster le coefficient d’étalonnage partiel. Le NDACC préconise cette méthode pour l’étalonnage des lidar Raman vapeur d’eau de son réseau de surveillance de la vapeur d’eau (NDACC workshop, Greenbelt, Maryland, mai 2010). La stabilité de l’instrument avait déjà fait l’objet d’études, comme par exemple celle de Whiteman et al. (1992) qui proposait de réaliser des mesures avec un filtre commun afin de contrôler la stabilité de la partie détection. Un autre exemple d’étalonnage de la partie instrumentale a été développé pour le lidar de l’observatoire de Haute Provence. Il consiste à calculer une constante d’étalonnage issue de mesures réalisées avec la lumière diffuse du soleil (donc de jour), laser éteint (Sherlock et al., 1999b; Hoareau et al., 2009; Dionisi et al., 2015). Cette technique, qui a fait ses preuves, est limitée par le besoin d’une mesure simultanée et indépendante des aérosols (avec par exemple un photomètre solaire).
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Table des matières
Introduction
1 Utilisation du lidar Raman pour la mesure de la vapeur d’eau atmosphérique
1.1 Diffusions dans l’atmosphère
1.2 Sondage de l’atmosphère par lidar
1.2.1 Principe du lidar rétrodiffusion
1.2.2 Le lidar Raman pour la mesure de la vapeur d’eau atmosphérique
1.2.3 Revue des méthodes d’étalonnage
1.3 Le lidar Raman de l’IGN
1.3.1 Description de l’instrument
1.3.2 Les réglages
1.3.3 Analyse des signaux mesurés
1.3.4 Performances du lidar Raman IGN
2 Recherche des sources d’erreurs et d’instabilité du système durant la campagne Démévap
2.1 Présentation
2.1.1 Ojectifs
2.1.2 Les mesures avec le lidar Raman de l’IGN
2.1.3 Méthodes d’étalonnage testées
2.2 Impact des réglages sur les signaux mesurés
2.2.1 Signaux et réglages
2.2.2 Calibration N2
2.2.3 Variations à court terme des signaux
2.3 Liste des sources d’erreurs et d’instabilités de l’étalonnage
3 Étude et réduction des sources d’erreurs et d’instabilités de l’étalonnage du lidar Raman de l’IGN
3.1 Dépendance en température des sections efficaces Raman
3.1.1 Théorie
3.1.2 Application aux filtres du lidar IGN
3.1.3 Impact de la correction sur les résultats de Démévap
3.1.4 Influence d’un tilt et de la variation de température du filtre
3.1.5 Conclusions
3.2 Étude des sources d’instabilités optiques du système de détection
3.2.1 Deux éléments critiques : fibres et PMT
3.2.2 Inventaire des sources d’instabilités
3.2.3 Optimisation de l’optique du boitier : élimination du vignettage
3.2.4 Quantification de la variabilité de l’étalonnage du boitier de détection
3.2.5 Conclusions
3.3 Étude des instabilités des PMT
3.3.1 État de l’art du fonctionnement d’un photomultiplicateur
3.3.2 Étude des bruits parasites des PMT du lidar IGN
3.3.3 Tests et réglage du système de comptage de photons
3.3.4 Alimentation des PMT
4 Protocoles de réglages et validation finale du système
4.1 Configuration du système et protocoles de réglages
4.1.1 Modifications instrumentales
4.1.2 Ajustement de l’alignement
4.1.3 Réglage du tirage
4.2 Étude du fond de ciel
4.3 Parasites
4.4 Calibrations N2
4.5 Étalonnage des profils lidar de rapport de mélange de vapeur d’eau
4.5.1 À partir des capteurs au sol
4.5.2 À partir des ZWD des GPS
4.6 Conclusions
Conclusion
Bibliographie