Cas des bactéries
S Bernadet. Caractérisation des communautés bactériennes des biofilms de rivière. Rapport de stage de Master Microbiologie et biotechnologie pour l’environnement. Année 2007- 2008. L’un de nos objectifs était de déterminer quelle surface minimale doit être échantillonnée pour être représentative de la diversité des communautés bactériennes des biofilms. Cette question renvoie à la problématique des SLoSS (Single Large or Several Small soit une seule grande surface ou plusieurs petites?) que se pose bon nombre d’écologistes dans le domaine de la conservation et de la sauvegarde des espèces en voie d’extinction (Järvinen, 1982 ; Burkey, 1997 ; Ovaskainen, 2002 ; Zhou & Wang, 2005) : faut-il privilégier une seule grande surface ou plusieurs petites? Le but est de déterminer si une grande surface abrite plus d’espèces que plusieurs petites dont la somme des surfaces est égale à la grande. Ce sujet est largement appliqué dans la conservation des espèces végétales, et plusieurs auteurs ont recommandé une seule grande réserve pour protéger les populations menacées (Diamond, 1975 ; Anon, 1980). Depuis, cette conclusion a été très contestée, notamment par la théorie des îles (Järvinen, 1982). En effet, le fait de disperser plusieurs petites réserves dans des milieux différents augmenterait le nombre d’espèces préservées puisque chacune de ces réserves bénéficient d’une recolonisation spécifique par des espèces présentes dans leurs milieux respectifs. Chaque réserve possède donc des espèces qui lui sont spécifiques du fait de leur appartenance à un milieu qui leur est propre et qui diffère des autres. De par la recolonisation spécifique, le regroupement de l’ensemble des petites surfaces conduirait donc à une richesse plus importante que celle de la grande. Dans notre cas, soumis aux mêmes conditions environnementales, petits coupons et grands coupons ne sont pas vraiment exposés à ce problème. La différence (s’il y en a une) concerne l’hétérogénéité du biofilm, influencée par la surface du coupon et la force du courant. En effet, les petits coupons vont plus subir l’érosion par le courant que les grands coupons. L’épaisseur du biofilm étant réduite, l’hétérogénéité sur les petits coupons est plus faible. On s’attend donc à des différences de composition des communautés entre petits et grands coupons. La question est de déterminer quelle surface doit être échantillonnée pour avoir un maximum de diversité microbienne, s’il vaut mieux prendre plusieurs petits coupons plutôt qu’un grand, et si oui, combien.
Analyse DGGE
Une analyse DGGE (Denaturing Gradient Gel Electropheresis) a été effectuée en utilisant un appareil D-Code Universal Mutation Detection System (BioRad) selon le protocole décrit par Muyzer et al. (1997). Environ 700 ng d’ADN amplifié ont été déposés sur gel d’acrylamide contenant un gradient de dénaturant (urée et formamide) de 35 à 70 % (100 % correspondant à 7M d’urée et 40 % de formamide déionisé). Après migration (à 100 V pendant 18h à 60 °C), le gel a été coloré au SYBR Green I (SIGMA Aldrich) et visualisé sous UV. Une photo du gel a été prise en utilisant une caméra CCD et un logiciel Visiocapt (Vilber Lourmat). L’analyse d’image a été faite avec le logiciel Bio-1D (Vilber Lourmat). Les profils DGGE obtenus ont été comparés à l’aide d’une matrice présence/absence des différentes bandes. A partir de cette matrice, le logiciel SPSS a permis de calculer l’indice de similarité de Jaccard J = [c/(a+b-c)] entre deux échantillons, où a et b sont respectivement les nombres de bandes dans les échantillons A et B et c le nombre de bandes communes aux deux échantillons. La matrice de proximité a permis de calculer une matrice de distance (distance = 1 – (proximité)) et de tracer un graphe MDS (multidimensional scaling) d’après Araya et al. (2003). Les abondances relatives ont été obtenues en calculant les aires sous les pics des bandes du gel de DGGE. A partir des abondances relatives et de la matrice de présence/absence, les indices de Simpson (D = Σ pi2) et de Shannon-Wiener (H = – Σ pi ln pi) ont été calculés pour chacun des échantillons, pi étant l’intensité relative de chaque bande.
Extraction et quantification d’ADN
Après extraction, l’ADN extrait a été quantifié grâce à deux méthodes : par quantification avec un Nanodrop® ND-1000 Spectrophotometer et par quantification sur gel d’agarose 1% avec un marqueur de masse moléculaire (Biorad, Precision Molecular Mass Standard). Les résultats obtenus pour les deux quantifications sont présentés dans le tableau 3. On peut voir que les quantités estimées par le nanodrop sont bien supérieures à celle calculées à partir du marqueur moléculaire du gel. La première méthode consiste à déterminer la concentration en ADN à partir de la mesure de l’absorbance à 260 nm par un Nanodrop® ND-1000 Spectrophotometer de 2 μl d’échantillon d’ADN extrait. L’un des biais de cette méthode est que des composants absorbant à 260 nm autre que l’ADN sont susceptibles d’être présents dans l’échantillon une fois l’extraction finie. Il s’agit entre autre de la guanidine, composé présent dans deux des solutions du kit d’extraction (Bead Solution = solution de thiocyanate de guanidine ; Solution S3 = solution aqueuse d’hydrochloride de guanidine). La guanidine ne se fixe pas à la colonne et est sensée être éluée avec S4, mais il est possible qu’il en reste une fois l’extraction finie. Les autres molécules pouvant interférer lors de la quantification au nanodrop sont les protéines. Bien que plusieurs étapes soient sensées les précipiter et les dénaturer, il est possible qu’à la fin de l’extraction des protéines soient toujours présentes dans l’extrait car liées aux molécules d’ADN. Aux produits interférant dans la quantification s’ajoutent les pigments photosynthétiques ainsi que les ARN, susceptibles d’être toujours présents dans le mélange puisqu’aucune RNase n’a été utilisée lors des étapes d’extraction. Le problème de cette méthode est donc que de nombreux composés peuvent interférer dans la quantification puisqu’il n’y a pas de détermination spécifique à l’ADN. Face à ces biais, la méthode de quantification par des gels d’agarose parait plus fiable. En effet, on se libère de la surestimation due à l’absorbance UV de la guanidine et des protéines puisqu’ici le marquage est spécifique à l’ADN. Le BET (Bromure d’éthidium) contenu dans le gel et le tampon de migration s’intercale entre les bases de l’ADN. Sa propriété de fluorescer sous excitation UV est intensifiée par l’hydrophobie de l’environnement. De plus, la migration sur gel d’agarose permet de bien séparer l’ADN des ARN ou autres molécules. Une photo du gel est alors réalisée (figure 4) avec une caméra CCD combinée au logiciel Visiocapt (Vilber Lourmat) avant d’être analysée par le logiciel Bio-1D (Vilber Lourmat). Cette quantification consiste à mesurer la fluorescence des bandes d’ADN extrait ainsi que celle du marqueur de masse moléculaire déposé sur le gel. Les fluorescences détectées pour chaque bande du marqueur étant associées à des quantités d’ADN connues, une droite étalon peut alors être tracée. A partir de l’équation de la droite et des mesures de fluorescence obtenues pour chaque échantillon, la quantité d’ADN de chaque échantillon peut être calculée. Cette quantification semble se rapprocher plus des quantités réellement extraites. Les concentrations d’ADN extraites sont comprises entre 3,3 et 34,3 ng μL-1 selon la quantification au Nanodrop. Le rendement d’extraction pour chaque échantillon est donné dans le tableau 4 ci-contre. Les quantités d’ADN extrait en fonction de la quantité de matière sèche MS (μg ADN mg-1 MS) pour les différents répliquats sont relativement proches. Par exemple, pour des quantités de MS allant du simple au triple (10 mg pour C3E6 et 3 mg pour C3E10), les quantités d’ADN récupérées sont semblables (de 0,5 à 0,6 μg). Il n’y a pas de saturation au niveau de la colonne avec l’augmentation de la quantité de MS. La quantité de MS n’a donc pas d’influence sur la quantité d’ADN extrait. D’autre part, travaillant sur des répliquats, on s’attend à avoir les mêmes rendements d’extraction. Pour le site de Condat, les rendements varient de 0,06 à 1,24 μg ADN mg-1 MS et sont tous relativement proches. En revanche, pour le site de Saillant, les rendements sont très différents. Ils varient de 0,26 à 3,86 μg ADN mg-1 MS. Le problème vient probablement de la quantification par le Nanodrop (tableau 3). Pour les échantillons de Saillant, les différences de quantification entre le Nanodrop et les gels sont vraiment importantes.
Limites de la PCR-DGGE
Cette méthode de typage moléculaire n’est pas très qualifiée pour l’exhaustivité des résultats. L’interprétation des résultats doit se faire avec du recul à cause des nombreux biais de cette méthode. Ces biais interviennent à plusieurs niveaux : Au niveau de la richesse spécifique : les bandes que l’on détecte sur le gel ne correspondent qu’aux populations bactériennes dominantes du biofilm. Les populations minoritaires ne sont pas détectées car elles sont en dessous du seuil de détection qui est de 1% (Casamayor, 2000). De plus, l’affinité des primers avec l’ADN varie en fonction des espèces (plus ou moins de mismatch) (Schmalenberger et al., 2001). Les espèces pour lesquelles le pourcentage d’hybridation est fort seront plus amplifiées que celles dont le pourcentage d’hybridation est faible. La richesse obtenue à partir du gel est donc biaisée et n’est représentative que des populations dominantes de la communauté.
– Au niveau de l’abondance relative : l’intensité des bandes observées ne reflète pas avec exactitude l’abondance relative des espèces à cause de l’inégalité d’amplification de la PCR. La PCR amplifie préférentiellement les populations fortement représentées dans la communauté bactérienne, au détriment des populations minoritaires (Wilson, 1997). De plus, dans les populations dominantes qui sont amplifiées, la PCR va fortement amplifier ce qui est abondant et donc le surestimer. Inversement, elle va faiblement amplifier ce qui est minoritaire et le sous-estimer.
– Au niveau du choix du marqueur génétique ADNr 16S : certaines espèces porteraient plusieurs opérons codant pour le gène de l’ARNr 16S. La séquence pouvant varier d’un opéron à un autre, pour un même organisme on détectera plusieurs bandes. Inversement, une seule bande peut correspondre à plusieurs organismes dont les fragments possèdent des propriétés électrophorétiques trop proches pour être séparés. De plus, la présence d’organismes phototrophes génère des interférences puisque l’ADNr 16S des plastes est détecté (théorie d’endosymbiose de L. Margulis, 1982). Cependant, il a été montré que les intensités relatives des bandes d’un gel de DGGE respectent les ordres de grandeur. Si l’on contamine volontairement des biofilms avec des quantités connues d’E. coli (1 ou 10% de l’abondance totale des bactéries du biofilm), les analyses sur un gel de DGGE nous permettent de retrouver respectivement 5,4 et 8% de l’abondance relative de la communauté (Lyautey et al., 2004). Par ailleurs, Nübel et al. (1999) ont montré que les indices de diversité sont comparables entre des analyses microscopiques et des analyses par PCR-DGGE.
Procédure pour contrôle en mode planctonique
Les mesures faites en mode benthique durant toute cette étude, ont parfois pu être comparées à des mesures réalisées en mode planctonique. Ceci a permis d’évaluer lequel de ces deux modes est le plus apte à fournir des résultats corrects concernant l’étude des biofilms. Le mode opératoire détaillé de la sonde en mode planctonique à déjà été créé (Becker A., 2008) et sera donc présenté en annexe 4. Cependant, le mode planctonique est utilisé ici pour des biofilms et non en plans d’eau, le protocole a donc été adapté à l’utilisation qui en est faite dans cette étude. Les biofilms présents à la surface du substrat ont été grattés (après avoir été mesurés en mode benthique) et mis en suspension dans 100 ml d’eau de source (achetée dans le commerce). Ces 100 ml ont du être dilués afin d’obtenir un volume suffisant (soit 2,11 litres) pour que la sonde soit complètement immergée dans un bécher de 5 litres. Un agitateur magnétique a été placé sous le bécher afin d’avoir un mouvement de l’eau et une série de dix mesures a été réalisée pour chaque échantillon. Ceci représente donc une autre façon d’analyser les biofilms épilithiques. Les résultats en mode planctonique étant donnés en µg/L, ils ont été convertis (avec la surface du substrat colonisé par le biofilm) afin de pouvoir comparer avec le mode benthique (qui fournit directement les valeurs en µg/cm²).
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Table des matières
1. Contexte et participants
2. Représentativité de la surface de colonisation, incidence sur la taille du capteur
3. Mesure de l’épaisseur et de l’élasticité des biofilms de rivière par voltammétrie basée sur l’utilisation d’électrode disque plan tournant
4. Electroactivité des biofilms de rivière : détection à l’échelle de la communauté et à l’échelle de populations bactériennes constitutives (isolats)
5. Détermination par fluorescence in vivo de l’abondance des grands groupes de microalgues constitutifs du biofilm
6. Conclusions
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