Caractéristiques biologiques
Faune et Flore La phytogéographie du Sud-ouest est due aux travaux de Perrier de la Bathie (1921) ; de Humbert (1955) et récemment ceux de Thomasson (Salomon, 1987). Les formes biologiques de la formation végétale sont caractérisées par la rareté des précipitations et la sècheresse d’origine édaphique. Entre le Fiherenana et l’Onilahy s’étend un plateau calcaire de forme trapézoïdale, de 2300Km2 de superficie, tronqué à l’ouest par la plaine de Tuléar (Salomon, 1987). Ce plateau calcaire est dominé par la végétation climacique des fourrés xérophiles. Ces plantes adaptées à l’aridité par leurs formes biologiques très caractéristiques, présentent une physionomie curieuse. La ramification est contrastée : le long des rameaux élancés se développent de nombreux rameaux très courts qui, très souvent, se transforment en aiguilles et en épines qui rendent leur pénétration extrêmement difficile, voire impossible. Les feuilles demeurées petites ou minuscules sont groupées en bouquets denses. Souvent même, les rameaux sont aphylles. Cette nanophyllie presque générale et l’aphyllie fréquente s’accompagnent d’une certaine carnosité des feuilles et des rameaux. On peut distinguer dans le fourré plusieurs nuances en fonction de la taille des végétaux. Les plus grands d’entre eux, de vrais petits arbres peuvent atteindre de 7 à 10m de hauteur. Leurs houppiers forment alors une strate arborée très discontinue constituée par de nombreux Euphorbiacea et Didieracea en dessous de laquelle se tient une végétation buissonnante confuse de 2m de hauteur environ. La végétation devient alors d’une densité extrême avec une imbrication compliquée des espèces. Euphorbiacea et Didieracea en sont les plantes les plus fréquentes. Les arbustes de ce haut fourré font 3 à 4m de hauteur. Sur les pentes calcaires et les croûtes, c’est-à-dire dans les sections les plus arides, on relève une structure identique mais la strate buissonnante est beaucoup plus rare (Alluaudia comosa et Alluaudiopsis fiherenensis), tandis que les Euphorbiacea persistent (Euphorbia oncoclada) (Salomon, 1987). Sur le littoral, les substrats généralement meubles, plus ou moins vaseux sont favorables à l’installation et au développement des mangroves. L’une des conditions essentielles à l’installation des mangroves est l’alternation de période d’immersion et d’émersion, mais de telle façon que l’intensité des mouvements de la mer soit fortement réduite. C’est une forêt de palétuviers. Elle est assez basse (rarement plus de15m). Sur les terres de baiboho, constituées de formation ombrophile, des forêts de type galerie profitent de nombreux cours d’eaux descendant du flanc méridional de l’Analavelona. Aujourd’hui, il est très rare de rencontrer ce type de forêt dans les grandes plaines alluviales. En effet, la répétition de défrichements (culture) et les invasions par des graminées après les incendies ont empêché leur permanence. Les études faunistiques sont encore peu développées. Seulement, Goodman et al. (2005) ont fait des inventaires des chauves souris. Ils ont observé dans la région de Saint Augustin quatorze espèces de chiroptères réparties en cinq familles.
Milieu humain La commune rurale de Saint Augustin compte environ 1500 habitants (PCD, 1er trimestre, 2002). Le groupe ethnique vezo constitue la majorité de la population. 75% pratiquent la pêche et les autres sont des agriculteurs.
Relation entre les comportements et les types d’habitats utilisés
Les chiroptères sont des animaux grégaires, mais les associations de plusieurs espèces sont possibles. Ils sont crépusculaires et nocturnes. Le jour, ils restent dans leurs lieux de perchage (crevasse, grottes, creux d’arbres morts, toits des bâtiments ou dans la forêt) (Rakotondramanana, 2004). Sur leur capacité à chasser dans l’obscurité, en 1793, un scientifique Italien Lazarro Spallanzani était le premier à montrer que les chauves souris peuvent se déplacer dans l’obscurité. Il a conclu qu’elles possèdent un sixième sens (Taylor, 2000). Mais, c’était en 1930 qu’un chercheur Américain appelé Donal Griffin a affirmé qu’elles émettent des ultrasons pour repérer dans leur environnement, les insectes proies et les obstacles.
Notion d’écholocation Les microchiroptères émettent des vibrations sonores soit au niveau de la bouche soit au niveau du nez selon les espèces pour détecter leur environnement, les obstacles, leurs prédateurs et leurs proies. Cette vibration sonore réfléchie à l’animal sous forme d’échos lui renseigne sur les types d’obstacles qu’il va rencontrer ou même sur les types de proies (Russ, 1999, Altringham & Fenton, 2003). Ce système est appelé « écholocation ». La plupart des espèces de chauves souris émettent une écholocation à haute fréquence (20kHz à 200kHz) qui est au- delà de la limite maximale de l’audition humaine. C’est une écholocation de nature ultrasonique. Mais, les autres espèces lancent une écholocation à fréquence inférieure à 20kHz, voire même 10kHz qui est audible par les oreilles humaines (Fenton et al. 2002). A cause de l’évolution de la technologie moderne, il existe plusieurs appareils capables de convertir les ultrasons en ondes audibles par les oreilles humaines. Ces appareils sont appelés détecteurs ultrasoniques (Bat detector en anglais) (Parsons, 2000).
Types des appels d’écholocation et habitats correspondants Les appels d’écholocation émis par une espèce sont caractérisés par un intervalle de fréquence (fréquence maximale et fréquence minimale) et un intervalle de temps d’émission. Les informations données dans l’écho dépendent des caractéristiques des appels telles que la durée, l’intensité et la fréquence balayée. Deux sortes d’impulsions sonores sont connues selon les espèces. La plupart des microchiroptères peuvent séparer la pulsation et l’écho, mais ne supportent pas le chevauchement de l’émission et du retour d’une pulsation en même temps (Fenton et al. 1995). Ce type de microchiroptères produit un signal de l’ordre de 10% du temps appelé écholocation en temps partiel « low duty cycle echolocation ». Cela veut dire que les appels sont constitués par des pulsations de courte durée (0,5ms à 30ms, Jones & Rydell, 2003) séparés par un temps de silence pour l’écoute. Ce type d’appels dit FM (Modulation de Fréquence) qui donne le plus d’information sur la taille, sur la forme et sur la distance d’une cible. Il ne porte pas très loin car il est émis à faible intensité (murmurés) (Russ, 1999). D’autres supportent le chevauchement de la pulsation et de l’écho. Ils produisent un signal de l’ordre de 40 à 80% de temps complet « high duty cycle echolocation ». Cela veut dire que les appels sont constitués par des pulsations de longue durée (plus de 50ms, Jones & Rydell, 2003) et sont uniquement séparés par un temps de reprise du souffle (tick). Ce type d’appels dit CF (Fréquence Constante) transmet les informations sur la présence et le mouvement d’une cible (Simmons et al. 1979). Les sons de type FM sont utilisés typiquement par les espèces qui sont à l’aise dans les habitats fermés, par exemple à l’intérieur d’une végétation ou des autres obstacles (cas des VESPERTILIONIDAE), les autres qui préfèrent l’espace ouvert utilisent le type CF (cas des MOLOSSIDAE) (Neuweiller, 1984 ; Fenton, 1990) (Figure 3). Mais, il y a d’autres espèces qui chassent en milieu fermé et qui utilisent également l’écholocation de type CF en haute fréquence (cas des HIPPOSIDERIDAE). Ce genre, bien qu’il ne fournisse pas beaucoup d’informations sur la nature de l’insecte, porte loin car il est émis à forte intensité (cris) (Russ, 1999).
La relation entre la fréquence et la taille de la proie Les microchiroptères sont l’un des prédateurs d’insectes nocturnes. Pour attraper une proie de taille donnée, un microchiroptère doit émettre une fréquence d’écholocation correspondante à la taille de cet insecte. Russ a calculé la fréquence minimale nécessaire pour saisir un insecte de 1cm, est de 330/ 0,01 qui est égale à 33.000Hz= 33kHz (Fréquence = vitesse du son / longueur d’onde). Cela veut dire que, si la longueur d’onde est plus grande que la taille de l’insecte, le son ne percute pas correctement la proie et le retour (écho) est très faible (Russ, 1999). En effet, un microchiroptère est obligé d’émettre des sons à haute fréquence (atteignant 90kHz pour les HIPPOSIDERIDAE, aux alentours de 50kHz pour les VESPERTILIONIDAE) afin de mieux distinguer les petits insectes.
Nombre des mâles et des femelles capturés par saison
Pendant les deux saisons d’étude, pour les T. rufus, on a capturé beaucoup plus de mâles que de femelles pour toutes les saisons. Ils représentent 55% de l’effectif total. Pour les T. furculus, au mois d’avril- mai, l’effectif des mâles n’atteint que 45%. Au mois de juinjuillet, ce pourcentage grimpe à 69,5%. L’effectif des T. rufus pendant les deux saisons reste presque constant aussi bien chez les mâles que chez les femelles. Par contre chez les T.furculus, l’accroissement en nombre des mâles pendant la deuxième saison a une grande conséquence sur la dynamique de la population. Si les mâles sont plus nombreux que les femelles par exemple, quelques mâles restent sans partenaires. Ils sont donc obligés de chercher leurs partenaires dans un autre gîte. Ceci provoque la variation journalière, mensuelle ou même saisonnière en nombre des mâles ou des femelles dans un gîte donné.
Test de manoeuvrabilité
Nous avons fait entrer dans la cage, avec plusieurs obstacles, cinquante et un individus au total dont vingt sept T. rufus et vingt quatre T. furculus. Les nombres moyens de touches provoquées par ces individus sont représentés par la figure 19. Les trois distances inter cordes et interlignes de 30cm, 23,5cm et 14cm correspondent respectivement aux 100%, 75% et 50% de la moyenne des envergures de ces deux espèces. A chaque observation, on a noté le nombre des touches effectuées par chaque individu. On constate qu’au fur et à mesure qu’on diminue les distances entre les cordes et interlignes, les nombres des touches augmentent pour chacune de ces espèces (Figure 19). Le test statistique ANOVA montre que la différence des touches aux trois distances est très significative (F2.41 = 32,5 ; P<0,0001). Chaque espèce subit des problèmes de vol lorsque l’espace inter obstacles est inférieur à 100% de leur envergure alaire. La différence des touches par espèce n’est pas significative ANOVA (F1.41 =0,147 ; P=0,703). Cela veut dire qu’à chaque distance considérée, la différence des touches effectuées par ces deux espèces n’est pas du tout significative. Ce résultat nous montre que ces deux espèces ont la même performance de vol face à ces obstacles. Elles commencent à avoir des difficultés lorsque l’encombrement des obstacles est très intense. Leur capacité de vol dans un milieu végétal est donc limitée par leur adaptation morphologique. En comparant les performances de vol à chaque individu pour éviter les obstacles, parmi les 24 individus des T furculus, 75% étaient en succès, 12,5% étaient en difficulté et 12,5% étaient aussi en échec (c’est-à-dire refuse de pénétrer dans la cage). Sur les 27 individus des Triaenops rufus, 60% étaient en succès, 37% étaient en difficulté et 3% seulement refusaient les obstacles (Figure 20). Le succès et la difficulté dépendent de la structure morphologique des ailes dont dépendent la manœuvrabilité et l’agilité; par contre le refus signifie l’efficacité de leurs écholocations. En effet, dès qu’un individu détecte qu’il ne peut pas traverser ces obstacles, il refuse de s’y engouffrer. Par conséquent, on peut conclure que les T. furculus manoeuvrent bien en vol car ils peuvent échapper aux obstacles avec un pourcentage maximal de succès et minimal de difficulté. Le maximum de pourcentage de refus montre que leurs écholocations peuvent détecter les informations détaillées aux obstacles. Par contre, les T. rufus qui s’obtiennent un moindre pourcentage de succès, un pourcentage maximal de difficulté et un faible pourcentage de refus manœuvrent et détectent moins face aux obstacles.
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Table des matières
INTRODUCTION
Première partie: CADRE GENERAL DE L’ETUDE
Chapitre I : CONTEXTE GENERAL
I.1 Choix du sujet
I.2 Démarche et objectifs généraux
Chapitre II : PRESENTATION DU MILIEU D’ETUDE
II.1 Situation géographique
II.2 Caractéristiques physiques
II.2.1 Climat
II.2.2 Hydrologie
II.3.1 Géologie et sols
II.3 Caractéristiques biologiques
II.3.1 Faune et Flore
II.3.2 Milieu humain
II.4 Description de la zone d’étude
II.4.1 Site de capture : Grotte de Tanambao
II.4.2 Reconnaissance et classification des habitats de la zone d’étude
Chapitre III : PRESENTATION GENERALE DES CHIROPTERES
III.1 Généralités
III.2 Diversité et endémicité
III.3 Morphologie et systématique des Chiroptères de Madagascar
III.4 Caractéristiques des espèces étudiées
III.4.1 Triaenops furculus (Trouessart, 1906)
III.4.2 Triaenops rufus (Milne- Edward 1881)
Chapitre IV : RAPPELS SUR L’ECOLOGIE DES CHIROPTERES EN RELATION AVEC LEUR MORPHOLOGIE ET LEUR ETHOLOGIE
IV.1 Relation entre les comportements et les types d’habitats utilisés
IV.1.1 Notion d’écholocation
IV.1.2 Types des appels d’écholocation et habitats correspondants
IV.1.3 La relation entre la fréquence et la taille de la proie
IV.2 Relation entre la morphologie et l’écologie (ecomorphologie)
Deuxième partie: MATERIELS ET METHODES
Chapitre V : MATERIELS
V.1 Matériels pour la capture des chauves souris
V.1.1 Filet japonais
V.1.2 Gants
V.1.4 Sacs ou pochons
V.2 Matériels de la mensuration
V.2.1 Pied à coulisse
V.2.2 Pesolat
V.2.3 Papier millimétré
V.3 Matériels du test de manoeuvrabilité
V.3.1 Cage ou « flight cage »
V.3.2 Machines calculatrices
V.4 Matériels de l’analyse sonore
V.4.1 Petterson Elektronik Ab, Upsal, Suède
V.4.2 Le Wm-d6c Sony
V.5 Matériels acoustiques
V.6 Matériels de la radio télémétrie
V.6.1 Emetteurs et récepteurs des signaux
V.6.2 Antennes
V.6.3 Autres outils indispensables
V.7 Matériels pour capturer les insectes
V.7.1 Piège malaise
V.7.2 Piège lumineux
V.8 Matériels aux collectes des matières fécales
V.9 Matériels laboratoires
V.9.1 Microscope photonique
V.9.2 Glycérine
V.9.3 Aiguille
V.9.4 Pince
Chapitre VI : METHODES
VI.1 Capture des chauves souris
VI.1.1 Installation du filet
VI.1.2 Extraction
VI.2 Etude morphologique
VI.2.1 Mensuration
VI.2.2 Détermination du sexe et de l’âge
VI.2.3 Traçage des ailes
VI.3 Test de manœuvrabilité
VI.4 Etude des types et des structures d’écholocation
VI.5 Acoustique ou point d’écoute
VI.6 Radio télémétrie
VI.6.1 Définition
VI.6.2 But
VI.6.3 Procédure
VI.7 Capture des insectes
VI.8 Collecte des matières fécales
VI.9 Etude au laboratoire
VI.10 Analyse et traitement des données
Troisième partie: RESULTATS INTERPRETATIONS ET DISCUSSIONS
Chapitre VII : RESULTATS ET INTERPRETATIONS
VII.1 Captures des microchiroptères
VII.1.1 Composition de la communauté
VII.1.2 Les effectifs des individus des Triaenops spp capturés par saison
VII.1.3 Nombre des mâles et des femelles capturés par saison
VII.1.4 Comparaison des activités par heure de capture dans leur gîte
VII.2 Comparaison morphologique
VII.2.1 Comparaison interspécifique de la morphologie corporelle
VII.2.2 Structure des ailes chez les Triaenops spp
VII.3 Structure des appels d’écholocation chez les deux espèces
VII.4 Test de manoeuvrabilité
VII.5 Les activités dans les habitats de la zone d’étude
VII.6 Résultats de la télémetrie
VII.6.1 Comportements individuels
VII.6.2 Types d’habitats utilisés
VII.6.3 Estimation des surfaces occupées
VII.7 Relation entre le Triaenops spp et les insectes proies
VII.7.1 Abondance des insectes par habitats et par saison
VII.7.2 Relation entre l’abondance des insectes et les activités des Triaenops spp
VII.7.3 Comparaison entre les insectes disponibles et des préférences alimentaires des deux espèces
VII.7.4 Relation entre les activités des microchiroptères dans la grotte, dans leurs habitats de chasse et l’abondance des insectes
Chapitre VIII : DISCUSSION
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
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