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Emulsification par ultrasonication
Deux mรฉcanismes interviennent dans l’รฉmulsification par ultrasons. Premiรจrement, le champ acoustique crรฉe des ondes interfaciales qui permettent ร la phase huileuse de se disperser dans la phase continue sous forme de gouttelettes (รฉmulsions directes). Deuxiรจmement, les ultrasons provoquent une cavitation acoustique qui produit respectivement la formation et lโeffondrement des microbulles en raison des fluctuations de pression dโune seule onde sonore. De cette faรงon, des niveaux รฉnormes de turbulence trรจs localisรฉe sont gรฉnรฉrรฉs, ce qui provoque des micro-implosions qui perturbent les grosses gouttelettes de taille infรฉrieure ou รฉgale au micron (McClements and Jafari, 2018; Zhang et al., 2011). Ainsi, lโรฉmulsion prรฉ-mรฉlangรฉe est agitรฉe par vibration de la surface solide ร des frรฉquences de plus de 20 kHz. Il existe des appareils ร ultrasons de grande puissance tels que les avertisseurs sonores et les sondes pointues qui provoquent un cisaillement et une cavitation extrรชmes entraรฎnant la rupture des gouttelettes. Il a รฉtรฉ observรฉ que dans la plupart des systรจmes ร ultrasons, le champ sonore รฉmis est hรฉtรฉrogรจne. Pour cette raison, pour que toutes les gouttelettes prรฉsentent le taux de cisaillement le plus รฉlevรฉ, une recirculation de l’รฉmulsion dans la rรฉgion de forte puissance doit รชtre assurรฉe. De plus, en effectuant ce type de recirculation plusieurs fois, il est possible d’obtenir des รฉmulsions ayant une taille de gouttelette uniforme ร des concentrations diluรฉes (Mason et al., 2006). Le type d’รฉmulsifiant, la quantitรฉ d’รฉmulsifiant et la viscositรฉ des phases sont les paramรจtres les plus critiques qui affectent l’efficacitรฉ de l’homogรฉnรฉisation (Leong et al., 2009; Maa and Hsu, 1999). Ainsi, l’optimisation de ces paramรจtres est nรฉcessaire pour prรฉparer des NEs ayant de fines gouttelettes. Cependant, les mรฉthodes de sonication suscitent certaines inquiรฉtudes car elles peuvent induire une dรฉnaturation des protรฉines, une dรฉpolymรฉrisation des polysaccharides et une oxydation des lipides (Jafari et al., 2006; McClements and Rao, 2011).
Microfluidisation
Il est le plus utilisรฉ dans l’industrie pharmaceutique pour acquรฉrir des รฉmulsions fines. Dans cette mรฉthode, un dispositif appelรฉ microfluidiseur qui fournit des pressions รฉlevรฉes est utilisรฉ (Figure 2). Au cours du processus, une pression รฉlevรฉe force lโรฉmulsion ร traverser la chambre d’interaction et ainsi, des NEs avec des gouttelettes de dimension nanomรฉtrique peuvent รชtre produites. En effet, il y a une collision entre les jets d’รฉmulsion bruts provenant de deux canaux opposรฉs dans la buse du microfluidiseur, รฉgalement appelรฉe chambre d’interaction. La mobilitรฉ de l’รฉmulsion brute est assurรฉe par une pompe ร commande pneumatique capable de comprimer l’air jusqu’ร des pressions comprises entre 150 et 650 MPa. Cette pression รฉlevรฉe oblige le flux d’รฉmulsion brute ร traverser des microcanaux et aprรจs la collision de deux canaux opposรฉs, un niveau de force de cisaillement รฉnorme est obtenu. Par consรฉquent, ร l’aide de cette force, des รฉmulsions fines sont produites (รinar, 2017). La production uniforme de NEs peut รชtre obtenue en rรฉpรฉtant le processus plusieurs fois et en faisant varier la pression de fonctionnement afin d’obtenir la taille souhaitรฉe (Chime and Attama, 2014; Jaiswal et al., 2015; McClements and Jafari, 2018).
Mรฉthodes d’รฉmulsification ร faible รฉnergie
Nanoรฉmulsification spontanรฉe
Cette technique se dรฉroule en trois รฉtapes :
i. La premiรจre consiste ร prรฉparer une solution organique homogรจne pouvant contenir une huile, un agent stabilisant, un solvant miscible ร lโeau en diffรฉrentes proportions.
ii. Cette phase organique est dans un second temps injectรฉ dans une phase aqueuse sous agitation magnรฉtique afin de former une รฉmulsion.
iii. Dans un dernier temps, le solvant est รฉvaporรฉ sous pression rรฉduite pour rรฉcupรฉrer lโรฉmulsion (Solans and Solรฉ, 2012).
En effet, lorsqu’une solution organique homogรจne (phase huileuse, agent stabilisant, solvant miscible ร lโeau) est mรฉlangรฉe ร une phase aqueuse, des gouttelettes d’huile se forment spontanรฉment. Le mรฉcanisme dรฉpend du mouvement que la substance dispersible dans l’eau effectue de la phase huileuse vers la phase aqueuse. Ceci entraรฎne une turbulence interfaciale et donc la formation de gouttelettes d’huile spontanรฉes (McClements and Rao, 2011). Cette mรฉthode peut produire des NEs ร tempรฉrature ambiante et aucun dispositif spรฉcial n’est requis (Figure 3). Cependant, les conditions expรฉrimentales rapportรฉes dans la littรฉrature afin d’obtenir des gouttelettes dans la gamme nanomรฉtrique est liรฉe ร lโusage dโun haut ratio solvant / huile (Li et al., 2011). Lโรฉmulsification spontanรฉe est essentiellement soumise ร la tension interfaciale, ร la viscoรฉlasticitรฉ de l’interface, ร la rรฉgion de transition de phase, ร la structure de l’agent tensioactif et ร la concentration en surfactant (Setya et al., 2014). Dans l’industrie pharmaceutique, les systรจmes prรฉparรฉs en utilisant cette mรฉthode sont gรฉnรฉralement appelรฉs systรจmes de dรฉlivrance de mรฉdicaments auto-รฉmulsifiants (SEDDS) ou systรจmes de dรฉlivrance de mรฉdicaments auto-nano-รฉmulsifiants (SNEDDS) (รinar, 2017).
Mรฉthodes d’รฉmulsification par inversion de phase
Ces mรฉthodes utilisent l’รฉnergie chimique libรฉrรฉe ร cause des transitions de phase pendant le processus d’รฉmulsification (Anandharamakrishnan, 2014). La quantitรฉ requise de transitions de phase est obtenue en modifiant la composition ร tempรฉrature constante ou en modifiant la tempรฉrature ร composition constante (Singh et al., 2017b).
Tempรฉrature dโinversion de phase (TIP ou PIT)
Dans cette mรฉthode, la tempรฉrature est modifiรฉe ร composition constante. Les agents tensioactifs non ioniques qui ont une solubilitรฉ dรฉpendante de la tempรฉrature comme les agents tensioactifs polyรฉthoxylรฉs jouent un rรดle important. L’รฉmulsification est obtenue en modifiant les affinitรฉs des surfactants pour l’eau et l’huile en fonction de la tempรฉrature (Chime and Attama, 2014; Lovelyn and Attama, 2011) (Figure 4).
Pendant le chauffage des tensioactifs polyรฉthoxylรฉs, ils deviennent lipophiles en raison de la dรฉshydratation des groupes polyoxyรฉthylรจne. Par consรฉquent, cette circonstance รฉtablit le principe de la production de NEs par la mรฉthode PIT (Anandharamakrishnan, 2014). Nรฉanmoins, il a รฉtรฉ observรฉ que bien que l’รฉmulsification soit spontanรฉe ร la tempรฉrature HLB, le taux de coalescence est trรจs rapide et les รฉmulsions sont trรจs instables (Ee et al., 2008). Il a รฉtรฉ rapportรฉ que des gouttelettes dโรฉmulsion stables et fines peuvent รชtre produites par refroidissement rapide de lโรฉmulsion prรจs de la tempรฉrature du PIT (Patil and Waghmare, 2013; Tadros et al., 2004).
Composition d’inversion de phase (CIP ou PIC)
Lโinversion de phase est effectuรฉe par variation de la composition du systรจme, ร tempรฉratureย constante. Les composants (huile ou eau) sont ajoutรฉs progressivement au reste du systรจme (eau et tensioactif ou huile et tensioactif, respectivement). Cette technique est souvent plus utilisรฉe que la prรฉcรฉdente car lโaddition dโun composรฉ ร un grand volume dโรฉmulsion est souvent plus simple que dโopรฉrer un brusque changement de tempรฉrature du systรจme (Gutiรฉrrez et al., 2008; Izquierdo et al., 2002; Sadurnรญ et al., 2005; Solans and Solรฉ, 2012).
Caractรฉrisation des nanoรฉmulsions
Analyse granulomรฉtrique
Diffusion dynamique de la lumiรจre (DLS)
Le principe de la DLS repose sur le mouvement brownien des gouttelettes et la diffusion de la lumiรจre par celles-ci. Ainsi, les petites gouttelettes se dรฉplacent plus rapidement que les grosses gouttelettes sous lโeffet du mouvement brownien. Les appareils basรฉs sur la DLS projettent un faisceau laser sur lโรฉchantillon. Puis, des dispositifs optiques adaptรฉs mesurent la fluctuation de lโintensitรฉ de la lumiรจre diffusรฉe (Tscharnuter, 2000). Le diamรจtre mesurรฉ par DLS est le diamรจtre hydrodynamique DH et dรฉfini comme le diamรจtre dโune sphรจre รฉquivalente qui a le mรชme coefficient de diffusion translationnelle que la gouttelette. Il est donnรฉ par lโรฉquation de Stokes-Einstein (Bizmark et al., 2014):
Oรน ฮทc est la viscositรฉ de la phase continue (Pa.s), D est le coefficient de diffusion translationnelle (m2.s -1), kB est la constante de Boltzmann (J.K-1) et T est la tempรฉrature absolue (K).
Deux thรฉories peuvent รชtre utilisรฉes pour lโinterprรฉtation de la diffusion de la lumiรจre :
๏ผ La premiรจre est la thรฉorie de Rayleigh qui est appliquรฉe pour des tailles de particules plus petites que la longueur dโonde de la lumiรจre utilisรฉe (ฮป) (typiquement DH < ฮป/10, ฮป = 633 nm pour le laser hรฉlium-nรฉon actuellement utilisรฉ dans certains appareils). Les gouttelettes de cette taille diffusent la lumiรจre de faรงon isotrope, cโest-ร -dire que la lumiรจre diffuse avec la mรชme intensitรฉ dans toutes les directions. Cette intensitรฉ est proportionnelle ร DH6 et ร 1/ ฮป4.
๏ผ La deuxiรจme est la thรฉorie de Mie. Celle-ci suggรจre que pour les tailles des gouttelettes ฮป > DH > ฮป/10, la diffusion devient anisotrope (dรฉpendante de la direction), et quand DH โฅ ฮป lโintensitรฉ de la lumiรจre diffusรฉe montre un minimum et un maximum de diffusion.
La DLS permet รฉgalement de calculer le PDI de la distribution de taille. Cependant, quand la distribution de taille est bimodale ou polymodale, lโinterprรฉtation de la diffusion de la lumiรจre devient compliquรฉe et les rรฉsultats deviennent moins reprรฉsentatifs (Benita and Levy, 1993; Jamting et al., 2011).
Microscopie
La microscopie peut รชtre utilisรฉe comme technique d’imagerie directe pour les NEs. En plus de fournir des informations importantes sur la morphologie et la structure des NEs, les techniques de microscopie peuvent รฉgalement fournir des informations prรฉcieuses sur leur taille. Elles sont souvent utilisรฉes en complรฉment dโautres techniques de dimensionnement (Hosseini et al., 2015). Diffรฉrentes techniques de microscopie sont disponibles, les plus couramment utilisรฉes pour analyser les NEs รฉtant la microscopie รฉlectronique (Li et al., 2017), la microscopie confocale ร balayage laser (LSCM) (Su and Zhong, 2016) et la microscopie ร force atomique (AFM) (Ghasemi et al., 2018). Ces techniques ont gรฉnรฉralement une meilleure rรฉsolution et sont plus sensibles que la microscopie optique conventionnelle.
Charge de surface des nano-gouttelettes
Les gouttelettes dโune NE possรจdent gรฉnรฉralement une charge รฉlectrique ร cause de lโadsorption de surfactants ioniques, de nanoparticules solides, dโions minรฉraux ou de biopolymรจres ร leur surface. La charge des gouttelettes joue un rรดle important dans la stabilitรฉ des NEs et leur adhรฉsion sur les membranes biologiques lors dโune application thรฉrapeutique (McClements, 2011b). La charge de gouttelettes est reflรฉtรฉe par le potentiel au plan du cisaillement (ou potentiel Zรชta) (Figure 5).
La mรฉthode la plus rรฉpandue, pour la mesure du potentiel Zรชta, est basรฉe sur la mesure de la mobilitรฉ รฉlectrophorรฉtique (UE) des particules. Dans cette mรฉthode, lโรฉchantillon est soumis ร un champ รฉlectrique. Les gouttelettes vont alors se dรฉplacer avec une vitesse qui dรฉpend du champ รฉlectrique appliquรฉ, de la constante diรฉlectrique (ฮตr), de la viscositรฉ de la phase continue (ฮทc) et du potentiel Zรชta (ฮถ). Lโรฉquation de Henry permet de calculer le potentiel Zรชta ร partir de la mobilitรฉ รฉlectrophorรฉtique : ฮถ oรน est f(Ka) est la fonction dโHenry qui dรฉpend du rapport du rayon de la goutte et de lโรฉpaisseur de la double couche รฉlectrique (Ali, 2016).
Propriรฉtรฉs physicochimiques des nanoรฉmulsions
Les caractรฉristiques physico-chimiques des NEs, telles que leurs propriรฉtรฉs optiques et rhรฉologiques, jouent un rรดle majeur dans la dรฉtermination de leur aptitude ร des applications particuliรจres. Les propriรฉtรฉs optiques et rhรฉologiques des NEs sont principalement dรฉterminรฉes par leur composition et leur structure.
Propriรฉtรฉs optiques
Les propriรฉtรฉs optiques des NEs dรฉpendent ร la fois de la maniรจre dont la lumiรจre est diffusรฉe et des effets d’absorption (Mason et al., 2006; McClements, 2002; Michels et al., 2008). La turbiditรฉ ou l’opacitรฉ d’une nanoรฉmulsion dรฉpend du profil de diffusion de la lumiรจre, qui dรฉpend de la concentration, de la taille et du contraste de l’indice de rรฉfraction des gouttelettes. La couleur d’une nanoรฉmulsion dรฉpend de la prรฉsence de tout chromophore qui absorbe sรฉlectivement la lumiรจre ร des longueurs d’onde particuliรจres, et la prรฉsence de gouttelettes diffusant la lumiรจre diffรฉremment ร diffรฉrentes longueurs d’onde. La diffusion de la lumiรจre par des gouttelettes est gรฉnรฉralement trรจs faible lorsque leurs dimensions sont beaucoup plus petites que la longueur d’onde de la lumiรจre, ce qui conduit ร un systรจme optiquement clair (Figure 6).
Propriรฉtรฉs rhรฉologiques et viscositรฉ des nanoรฉmulsions
Propriรฉtรฉs rhรฉologiques
La rhรฉologie est la discipline scientifique qui traite de la dรฉformation et de l’รฉcoulement de la matiรจre (Mehrnia et al., 2017; Rao, 2013). La rhรฉologie d’une nanoรฉmulsion dรฉterminera sa capacitรฉ ร traverser un tuyau, l’efficacitรฉ des processus de mรฉlange et ses attributs sensoriels (tels que la douceur, l’onctuositรฉ ou la sensation en bouche). Les propriรฉtรฉs rhรฉologiques des NEs peuvent varier considรฉrablement en fonction de leur composition, de leurs interactions et de leur structure, allant des liquides ร faible viscositรฉ aux matรฉriaux semi-solides (Berli et al., 2005; Genovese et al., 2007). Les propriรฉtรฉs rhรฉologiques d’une NE sont caractรฉrisรฉes par la mesure de la relation entre la contrainte de cisaillement appliquรฉe et la vitesse rรฉsultante de la contrainte de cisaillement (liquides ou solides). Les paramรจtres les plus couramment mesurรฉs sur les NEs sont gรฉnรฉralement la viscositรฉ apparente du cisaillement (ฮท) ou le module de cisaillement dynamique (G), mais d’autres paramรจtres peuvent รชtre plus importants pour certaines applications (Mehrnia et al., 2017). Les mesures des propriรฉtรฉs rhรฉologiques des NEs peuvent fournir des informations prรฉcieuses sur l’organisation structurelle et les interactions des gouttelettes qu’elles contiennent (Quemada and Berli, 2002; Tadros, 2011). Les facteurs les plus importants qui dรฉterminent la rhรฉologie des NEs sont les interactions entre la viscositรฉ de la phase continue, la concentration en gouttelettes et la taille des gouttelettes (McClements and Jafari, 2018).
Viscositรฉ
Nanoรฉmulsion diluรฉe et nanoรฉmulsion concentrรฉe
Dans les NEs diluรฉes ( <5%), les gouttelettes peuvent รชtre considรฉrรฉes comme agissant indรฉpendamment les unes des autres, c’est-ร -dire que le profil d’รฉcoulement autour d’une gouttelette n’a pas d’impact sur le profil d’รฉcoulement autour d’une autre gouttelette. En premiรจre approximation, la viscositรฉ d’une nanoรฉmulsion diluรฉe peut รชtre dรฉcrite par l’expression de Albert Einstein (Hunter, 2001):
Ici, ฮท est la viscositรฉ de la nanoรฉmulsion, ฮท0 est la viscositรฉ de la phase continue, et est la fraction volumique de la phase dispersรฉe. Cette รฉquation prรฉdit que la viscositรฉ d’une nanoรฉmulsion diluรฉe devrait augmenter linรฉairement ร mesure que la concentration des gouttelettes augmente. Cependant, lorsque dรฉpasse environ 5%, les gouttelettes commencent ร interagir par des interactions hydrodynamiques et colloรฏdales qui peuvent avoir un impact marquรฉ sur la viscositรฉ de cisaillement (Tadros, 2011). Dans ces circonstances, la viscositรฉ de cisaillement est gรฉnรฉralement nettement supรฉrieure ร celle prรฉdite par lโรฉquation dโEinstein en fonction de la nature des interactions colloรฏdales entre les gouttelettes (Figure 7).
Phรฉnomรจnes dโinstabilitรฉ des NEs
Une nanoรฉmulsion est instable thermodynamiquement. La stabilitรฉ des nanoรฉmulsions ne peut รชtre atteinte que si le formulateur est capable de ralentir ou dโinhiber les mรฉcanismes physiques qui conduisent normalement ร la dรฉmixtion des phases non miscibles (BROCHETTE, 2013). Ces mรฉcanismes sont explicitรฉs ci-dessous.
Sรฉdimentation et crรฉmage
La sรฉdimentation et le crรฉmage sont le rรฉsultat dโun mรชme phรฉnomรจne, dont le moteur est la pesanteur. Parce que le systรจme est nรฉcessairement en รฉquilibre cinรฉtique, une gouttelette de phase dispersรฉe est animรฉe dโun mouvement brownien induit par les molรฉcules de solvant, la quantitรฉ de mouvement รฉtant conservรฉe lors des chocs solvant/particules. Ainsi la mรชme gouttelette est soumise au champ de pesanteur terrestre, qui tend ร imposer un mouvement vers le bas si la gouttelette est plus dense que la phase continue ou vers le haut dans le cas contraire (BROCHETTE, 2013). Cette compรฉtition entre agitation brownienne et pesanteur aboutit ร une inhomogรฉnรฉitรฉ de nanoรฉmulsion laissรฉe sans agitation.
Considรฉrons le cas dโune nanoรฉmulsion eau dans huile laissรฉe au repos ; la concentration en gouttelettes risque de diminuer avec la hauteur ร la maniรจre dโune exponentielle dรฉcroissante. Si le volume v des gouttelettes est important, la majoritรฉ des gouttelettes sera rassemblรฉe au bas du tube de stockage, et lโon pourra alors observer un culot de sรฉdimentation (BROCHETTE, 2013). Si lโon avait considรฉrรฉ une รฉmulsion huile dans eau, la loi de distribution serait identique, mais lโon observerait une accumulation de gouttelettes dans la partie supรฉrieure du tube de stockage : on parle alors de crรฉmage (Abend and Lagaly, 2001; Begbeg, 2008; BROCHETTE, 2013; Langevin et al., 2004; Robins, 2000; Thieme et al., 1999; Torres et al., 2008). Cependant, ces phรฉnomรจnes sont rarement observรฉs avec les nanoรฉmulsions.
La sรฉdimentation ou le crรฉmage des gouttelettes รฉmulsionnรฉes aboutit ร une perte dโhomogรฉnรฉitรฉ รฉvidente ร lโลil nu. La vitesse du processus est donnรฉe par la loi de Stokes (BRIANT, 1989; Hamoudi, 2012; Langevin et al., 2004) :
v = vitesse de sรฉdimentation (m/s)
r = rayon des gouttelettes (ฮผm)
g = accรฉlรฉration due ร la pesanteur terrestre (m/s2) (g = 9,807 m/s2)
D1 ; D2 = densitรฉs respectives de la phase dispersรฉe et de la phase continue = viscositรฉ de la phase continue en centpoise (cPo)
Floculation
Quelquefois les gouttelettes formรฉes ne restent pas indรฉpendantes les unes des autres, mais tendent ร se regrouper pour former des grappes. Ce phรฉnomรจne, appelรฉ floculation est souvent prรฉcurseur de la sรฉdimentation des grappes ainsi formรฉes (BRIANT, 1989). La floculation a pour origine une adhรฉsivitรฉ des gouttelettes, dont lโorigine est une compรฉtition entre agitation thermique et forces de Van der Waals (BROCHETTE, 2013). Les gouttelettes dโune nanoรฉmulsion sont en effet animรฉes dโun mouvement brownien, qui induit des chocs entre gouttelettes. Si une interaction attractive suffisante existe entre les gouttelettes ainsi mises en contact, elles restent associรฉes. Afin de comprendre, puis de contrรดler la floculation des nanoรฉmulsions, il est nรฉcessaire de connaitre la thรฉorie de base sur laquelle elle est fondรฉe. Les nanoรฉmulsions รฉtant des dispersions liquides, on peut considรฉrer que la thรฉorie DLVO des รฉmulsions colloรฏdales hydrophiles leur est applicable. En tenant compte de lโinfluence des couches interfaciales susceptibles de modifier cette thรฉorie, cette approche peut รชtre utilisรฉe semi-quantitativement, mais aucune thรฉorie ne peut prรฉdire la stabilitรฉ des รฉmulsions ร long terme. Les raisons en sont nombreuses, notamment (BRIANT, 1989):
๏ผ lโhรฉtรฉrogรฉnรฉitรฉ de la distribution de la taille des particules et les variations de cette distribution avec la coalescence ;
๏ผ la mobilitรฉ des รฉmulsions ร la fois par passage latรฉral au point de contact de deux particules et par diffusion ร travers la couche interfaciale vers la phase aqueuse ou vers la phase huileuse ;
๏ผ les modifications de lโรฉmulsion due au mรปrissement ;
๏ผ la nรฉcessite dโavoir une barriรจre mรฉcanique.
Coalescence
La floculation, la sรฉdimentation et le crรฉmage sont des phรฉnomรจnes rรฉversibles (une agitation faible permet la ยซ redispersion ยป). Tel nโest pas le cas de la coalescence, qui est le phรฉnomรจne de dรฉgradation ultime des nanoรฉmulsions (BROCHETTE, 2013).
Ce mรฉcanisme irrรฉversible fait suite au rapprochement de deux ou plusieurs globules, puis ร lโamincissement suivi de la rupture du film mince de phase continue situรฉe entre les gouttelettes (Begbeg, 2008; Cheng and Velankar, 2009; Langevin et al., 2004; Rondon Anton, 2006; Tcholakova et al., 2008).
Mรปrissement dโOstwald
Le mรปrissement dโOstwald dรฉpend dโune part de la granulomรฉtrie et dโautre part de la surpression de Laplace (BRIANT, 1989; BROCHETTE, 2013).
ร lโissue de lโรฉtape dโรฉmulsification, la population de gouttelettes nโest pas homogรจne en taille. On observe gรฉnรฉralement une granulomรฉtrie se rapprochant dโune distribution log-normale (Rojas and Patricia, 2007). Il existe un flux de matiรจre des petites gouttelettes vers les grosses gouttelettes, au travers de la phase continue. Les petites gouttelettes se vident au profit des grosses, et la granulomรฉtrie se modifie puisque les classes de faibles tailles disparaissent. Ce phรฉnomรจne irrรฉversible constitue le mรปrissement dโOstwald (Galenica., 1983; Langevin et al., 2004; Thieme et al., 1999; Xu et al., 2005).
Inversion de phase
Pour certains auteurs, lโinversion de phase est un phรฉnomรจne de dรฉgradation de la nanoรฉmulsion. Cette analyse est correcte si lโon considรจre quโau cours de lโinversion, la phase continue de la nanoรฉmulsion devient la phase dispersรฉe et inversement, et que les propriรฉtรฉs du milieu diphasique sโen trouvent bouleversรฉes. Dโautre part les รฉtudes rรฉcentes qui sont le fruit dโun demi-siรจcle de recherche, laissent entrevoir que les phรฉnomรจnes ร prendre en compte sont diffรฉrents de ceux dรฉcrits par les รฉtudes prรฉcรฉdentes. A travers lโinversion, on peut en effet obtenir des nanoรฉmulsions avec des caractรฉristiques particuliรจres (par exemple, une trรจs faible taille des gouttelettes) dans des conditions complรจtement diffรฉrentes de celles dรฉcrites par les recherches portant sur lโรฉmulsification directe (Rondรณn Gonzรกlez, 2007).
Lโinversion de phase peut รชtre produite soit par :
๏ผ le changement dโune variable de formulation, comme la tempรฉrature, la salinitรฉ (les surfactifs ioniques) ou encore le surfactif,
๏ผ le changement dโune variable de composition, comme la fraction de la phase aqueuse ou la concentration du surfactif ou dโalcool utilisรฉe.
Le premier type dโinversion est dรฉfini comme transitionnel, tandis que le deuxiรจme est dit catastrophique (Rondรณn-Gonzรกlez et al., 2007).
Les diffรฉrents phรฉnomรจnes dโinstabilitรฉ sont reprรฉsentรฉs sur la figure 9.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE I : GENERALITES SUR LES NANOEMULSIONS (NEs)ย
I. Mรฉthodes de formulation et de caractรฉrisation des nanoรฉmulsions
I.1. Mรฉthodes de formulation
I.1.1. Mรฉthodes dโรฉmulsification ร haute รฉnergie
I.1.1.1. Homogรฉnรฉisation ร haute pression
I.1.1.2. Emulsification par ultrasonication
I.1.1.3. Microfluidisation
I.1.2. Mรฉthodes d’รฉmulsification ร faible รฉnergie
I.1.2.1. Nanoรฉmulsification spontanรฉe
I.1.2.2. Mรฉthodes d’รฉmulsification par inversion de phase
I.1.2.1.1 Tempรฉrature dโinversion de phase (TIP ou PIT)
I.1.2.1.1 Composition d’inversion de phase (CIP ou PIC)
I.2. Caractรฉrisation des nanoรฉmulsions
I.2.1. Analyse granulomรฉtrique
I.2.1.1. Diffusion dynamique de la lumiรจre (DLS)
I.2.1.2. Microscopie
I.2.2. Charge de surface des nano-gouttelettes
II. Propriรฉtรฉs physicochimiques des nanoรฉmulsions
II.1. Propriรฉtรฉs optiques
II.2. Propriรฉtรฉs rhรฉologiques et viscositรฉ des nanoรฉmulsions
II.2.1. Propriรฉtรฉs rhรฉologiques
II.2.2. Viscositรฉ
II.2.2.1. Nanoรฉmulsion diluรฉe et nanoรฉmulsion concentrรฉe
II.2.2.2. Nanoรฉmulsion et รฉmulsion
III. Phรฉnomรจnes dโinstabilitรฉ des NEs
III.1. Sรฉdimentation et crรฉmage
III.2. Floculation
III.3. Coalescence
III.4. Mรปrissement dโOstwald
III.5. Inversion de phase
CHAPITRE II : NANOVECTEURS ET CIBLAGE THERAPEUTIQUEย
I. Nanovecteurs
I.1. Les diffรฉrentes classes de nanovecteurs
I.1.1. Les nanovecteurs de premiรจre gรฉnรฉration
I.1.2. Les nanovecteurs de deuxiรจme gรฉnรฉration
I.1.3. Les nanovecteurs de troisiรจme gรฉnรฉration
I.2. Propriรฉtรฉs des nanovecteurs
I.2.1. Le systรจme rรฉticulo-endothรฉlial
I.2.2. Le systรจme rรฉnal
I.2.3. La barriรจre hรฉmato-encรฉphalique
II. Techniques de ciblage thรฉrapeutique
II.1. Ciblage passif
II.2. Ciblage actif
CHAPITRE III : UTILISATION DES NANOEMULSIONS COMME NANOVECTEURS DANS LA THERANOSTIQUE ANTICANCEREUSE
I. Rappels sur le cancer
II. Apport des nanotechnologies dans la thรฉranostique anticancรฉreuse
II.1. Utilisation thรฉrapeutique des NEs
II.1.1. Utilisation de nanoรฉmulsions comme inhibiteurs de lโangiogenรจse
II.1.2. Utilisation de nanoรฉmulsions pour une bithรฉrapie pH-dรฉpendante
II.2. Intรฉrรชt des NEs en thรฉranostique anticancรฉreuse
CONCLUSION
REFERENCES
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